Le pognon, le flouse, l’oseille, das geld, ach liebe ! C’est dramatique mais depuis que j’ai posé le pied sur le sol plat et rouge du continent australien, j’arrête pas de penser à l’argent. Voilà ce que c’est de passer deux mois dans des pays à la monnaie faible et aux salaires miséreux. On en oublie la valeur véritable des choses. Tenez, par exemple, le moindre pho (fa) à Darwin (oui, j’avoue avoir craqué) coûte quasiment le même prix qu’une nuit d’hôtel à Hampi. C’est scandaleux ! Je m’insurge ! Bon, après, quand on est accro, on paye quand même.
Intrigué, je ne manque pas la moindre occasion d’évoquer ce sujet avec de tierces personnes: l’Australie, c’est cher, même pour un détenteur d’Euros. En discutant avec un des hollandais du groupe, lors de mon tour kakaduien, nous avons estimé que la vie, à euros équivalents, est environ 25% plus cher qu’en Europe. Mais alors comment font tous ces australiens ? Sont ils misérables ? A première vue, pas vraiment. Ils font tous une tête de plus que moi et se paye des bières comme si c’était de l’eau au prix d’un verre de vin en France.
La réponse, évidente bien entendu, m’a été donné par un jeune français croisé dans mon hostel à Darwin. Lui était sous visa touriste-travail (ce fameux visa d’un an maximum qui permet pour des étrangers de moins de 35 ans de pouvoir combiner visite et travaille sur place), comme énormément de jeunes que je croise. La solution est géniale de simplicité : les salaires en Australie sont élevés. Il fallait y penser. Il y a néanmoins une petite astuce et elle est de taille, les salaires sont élevés dans tout les secteurs d’activité pour tout les types de postes. Ça c’est carrément radical-bolchévique si vous voulez mon avis. Tenez, par exemple, un chiffre, puisque je vous sens sceptique (et ne l’étais-je point, moi z’aussi?). Le p’tit jeune m’a sorti un salaire de 30 AUSD brut par heure pour un boulot de serveur. Non mais on croit rêver ! Ils veulent foutre en l’air l’économie estival du midi avec ces tarifs à la con, ou quoi ? Pour les plus fainéants d’entre vous, ça fait environ du 20 € de l’heure. A l’heure où je vous écrit, le SMIC horaire brut est à 9,43 €. Je vous prie de croire que les charges et impôts ne sont pas de 50%.
Mais comment font-ils, je vous le demande ? Il faut pas être grand économiste (un niveau 1ère ou terminal, suffit) pour se rendre compte que l’Australie se trouve finalement dans une situation assez proche des trentes glorieuses européennes. Elle possède un gros secteur primaire avec une agriculture et un secteur minier fort et exportateur. Pour le secteur secondaire, c’est pas mal non plus puisqu’ils ont encore beaucoup d’industries dans pas mal de secteurs. Cerise sur le gâteau, les australiens pratiquent beaucoup l’achat patriotique en privilégiant le « Made in Australia » et réinjectent donc leur argent dans leur économie. Avec des secteurs primaires et secondaires qui marchent bien et qui payent honorablement, ils peuvent tranquillement développer leur secteur tertiaire (banques à Sydney notamment) sans que ça ne crée de déséquilibre. Quand je pense que c’est quelque chose qu’on m’avait expliqué au lycée. Parfois on se dit que quand c’est trop simple, c’est pas si évident que ça.
Le petit nuage sombre qui se profile, c’est que le secteur minier qui était extrêmement profitable du fait d’exportations massives vers la Chine, donc extrêmement dépendant des exports, ralenti au rythme de son principal client. L’arrêt du « mining boom » des dix dernières années est d’ailleurs un des sujets de débat de l’actuelle campagne pour l’élection du nouveau premier ministre. Il sera intéressant de voir si cela affectera dans le futur l’équilibre harmonieux du niveau de vie australien.
Toutes choses égales par ailleurs, moi je me ruine à coup de steaks à 21 $.