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En route pour Nha Trang

Il est temps de quitter Hoi An. Je sais, c’est un peu triste car cette petite ville est bien agréable. Mais avec le vol de vélo, il vaut mieux qu’on prenne le large avant que l’hôtel ne se rende compte qu’il lui en manque un. Ma prochaine destination, Nha Trang, plus au sud, une ville réputée pour sa grande plage et ses hordes de touristes russes. Je ne sais pas pourquoi. Sans doute des restes de l’époque soviétique.

Tout d’abord nous allons jouer à un petit jeu, celui de la prononciation. J’ai bien tenté de faire comprendre à certaines personnes que j’allai à Nha Trang mais sans grand succès jusqu’à ce que je me rende compte que le nom de la ville ne se prononçait absolument pas comme cela se lit en français. Oubliez « na trangue », ça ne fonctionne pas. La véritable prononciation s’approche plus d’un « na tchangue ». A partir de là, la conversation avec les autochtones peut reprendre. Ils comprennent mieux. Les vietnamiens sont certes sympathiques mais leur langue est plutôt hostile.

Pour descendre jusqu’à ma prochaine destination, il me reste un dernier tronçon de train à effectuer. Le départ s’effectue de Da Nang (qui se prononce bien « da nangue », merci) ce qui impose un premier transfert en bus local de Hoi An (Hoï anne, puisqu’on y est) vers sa grande ville voisine. Je prends donc un nouveau xe om vers la gare de bus sans la moindre angoisse. Je crois même que je commence à aimer ça.

Je monte dans un bus très simplement estampillé « Da Nang » ce qui laisse peu de doute sur sa destination. Je me trouve une place avec mes deux sacs et une femme au chapeau conique arrive pour les billets. Après m’être enquéri du prix pour aller à Gâ Da Nang, 20 kDongs, je lui tends un billet de cinquante. Elle fait mine de ne pas me rendre la monnaie puis me la tends avec un sourire. Hahaha. Elle m’a fait peur. « Il n’y a pas de tickets ? », lui demande-je, constatant qu’elle se tourne vers quelqu’un d’autre. « Non, non. Pas de tickets ici ». Il faut vraiment que je me débarrasse de mes réflexes d’occidentaux.

Nous partons dans le bruit habituel de vieux diesel et rejoignons Da Nang en milieu de journée sans grand soucis après une grosse demi-heure de trajet. Après quelques minutes dans la ville, la vendeuse de ticket m’interpelle gentiment et me fait signe de descendre ici pour la gare. Le bus s’arrête juste pour moi et je descends en la remerciant. Voilà une affaire rondement menée.

Comme j’ai pris beaucoup de marge (je ne sais pas, une sorte de mélange d’expérience et d’angoisse), j’ai le temps de commander un café vietnamien (assez épais et parfois servi avec du lait concentré sucré) et même de manger un bout dans un petit restaurant à côté de la gare. Si tout ce passe bien, je devrais arriver à Nha Trang en soirée vers 23h. L’estomac devrait couiner mais je devrais survivre.

L’heure du départ approche et je trouve mon wagon sans trop de soucis, selon un scénario relativement proche de mon départ de Hanoi, le retard en moins. Je me retrouve donc de nouveau dans une cabine couchette mais cette fois-ci je n’y dormirai pas. J’ai d’ailleurs du réserver une chambre à la dernière minute à Nha Trang, pensant que j’allais passer la nuit dans le train. Encore une fois, j’arrive alors que des personnes sont déjà dans le compartiment : une dame et sa fille. Nous échangeons donc des « sin tchao » polis et souriants alors que je pose mes affaires. Vous allez finir par croire que j’aime détailler tout les voyages que je fais. Je vais donc accélérer.

Un peu plus tard, le train roule vers le sud et alors que je suis en train de lire les aventures de Richard Bolitho (il n’est toujours pas mort alors que tout le monde crève autour de lui), la dame sort une boite en plastique, l’ouvre et sort des petits fruits verts de la taille d’une grosse balle de ping pong. Elle en prend un et en donne à sa fille. Manifestement, ça a l’air croquant. Voyant que je jette un œil discret à ce qu’ils mangent, la dame me tends la boite avec un sourire et me fait un signe m’invitant à en prendre. Quel con. Je vais encore me retrouver avec un truc répugnant dans la bouche.

Ma curiosité l’emporte sur mon instinct de survie et je tends la main pour me saisir d’un fruit, avec un grand « kam eune » pour la remercier. Avec un sourire elle arrache un nouveau morceau croquant de son fruit après avoir saupoudré des petits granulés marrons dessus. Elle me fait d’ailleurs signe d’en prendre un peu, également. Je m’exécute. Effectivement, le fruit est croquant et a un très léger goût de pomme. Je dirait même qu’il a un goût qui évoque la pomme, quelque part là bas au fond. J’apprendrai plus tard, en d’autres occasions qu’il s’agit d’une pomme chinoise. On va finir par croire que les chinois ne sont pas très bons pour les imitations. Par contre, pour ce qui est des granulés marrons, je ne sens pas trop l’effet ou alors un vague goût salé. Mais la bonne nouvelle, c’est que ça ne provoque aucun réflexe vomitif chez moi. Je fini donc mon fruit en croquant joyeusement dedans tout en continuant mon Bolitho.

Plus tard dans la journée (vous pouvez donc sereinement estimer qu’il ne sait pas passé grand chose depuis), les employés du train commencent à faire des aller-retours dans les allées pour proposer de la nourriture. Ma voisine commande un plat pour sa fille. Moi stoïque et ne sachant pas trop ce que c’est, je continue ma lecture. La fille commence à attaquer son repas dans un plat en polystyrène : du riz, du porc, un gros œufs dur avec une sauce. Le supplice commence. Ça a l’air pas mauvais son truc et j’ai du mal à empêcher mon estomac de grogner.

La mère finalement décide elle aussi qu’elle mangerait bien un bout et arrête l’employé des trains alors qu’il repasse. Il prend note et revient quelques dizaines de minutes plus tard avec un nouveau plat pour la mère. Entre temps, je crois que je commence à baver et finalement, craque. Je fait donc un signe à l’employé pour avoir la même chose que la fille, là, celle qui bafre de manière provocante. Celui-ci me réponds par la négative légèrement agacé. Manifestement, je m’y prend un peu tard et il est déjà revenu spécialement pour la mère. Crotte. Il repart.

Ceci dit, ma voisine de compartiment décide de prendre les choses en main et avec des gestes et quelques mots d’anglais simplistes me demande si je veux un plat. Ben, euh, oui, je veux bien. Avec un sourire elle me donne le prix et part dans l’allée avec mon argent. Mince, je m’attendais pas à ce qu’elle parte chercher le plat. Finalement, quelques minutes plus tard elle revient avec une nouvelle boite en polystyrène fermé et je la remercie avec un nouveau « kam eune », mais alors kam eune beaucoup. Qu’est-ce qu’ils sont sympas, c’est pas dieu possible.

Au bord de l’hypoglycémie, j’ouvre l’emballage et découvre une grosse cuisse de poulet sur un lit de riz. Bon, c’est pas exactement ce qu’elles ont eu mais c’est pas mal quand même. J’y goutte. Aïe. C’est un peu trop salé. Et le riz et un peu trop cuit et sec. Ce n’est pas le moment de faire mon difficile et je fini mon plat. Au moins, ça cale. Mais c’est peut être le pire repas que j’ai eu au Vietnam. Ma bienfaitrice me demande même si j’aime. Après une petite hésitation je fait une moue genre « couci-couça ».

Finalement, nous entrons en gare approximativement à l’heure prévu pour l’arriver à Nha Trang. Je demande confirmation à mes voisines qui me répondent par l’affirmative. Je les quitte donc avec de nouveaux remerciements et des « bye, bye » pour me retrouver rapidement devant la gare, où, sans hésiter, je hèle un nouveau xe om. Cette fois-ci, ce sera mon premier trajet nocturne. Nous convenons donc d’un prix (heureusement, j’ai entre temps trouvé sur un internet un vague barème pour les courses de xe om en fonction du kilométrage) et ppppppppprrrrrrèèèèèèttttte, c’est parti. Je dois avouer que de nuit, les sensations sont plus fortes même si la conduite reste quand même assez douce.

Nous roulons un peu le long de grandes avenues un peu désertes à cette heure-ci (quasiment minuit) bordées de hauts immeubles. Mon chauffeur s’arrête, cherche, puis repart. Il s’engage dans une ruelle, regarde à droite et à gauche, s’arrête au niveau d’une terrasse, interroge le serveur, puis repart. J’ai bien l’impression qu’il ne sait pas où se trouve mon hôtel. Il recommence le cirque une nouvelle fois puis finalement, avec quasiment un soupir de soulagement, on aperçoit l’enseigne du petit hôtel au fond d’une petite allée.

Je descends de mon xe om en le payant puis le remercie et il me quitte avec une tape amicale dans mon dos et un grand sourire. Il a du sentir que j’étais complètement serein et zen, à l’arrière. Je rentre dans le petit hôtel où je dois rester qu’une nuit mais le réceptionniste me fait signe de ressortir puis me précède pour m’amener à une autre adresse une vingtaine de mètres plus loin. Mmmh, voilà qui sent la combine. Je suis un homme dans un escalier qui mène à ce qui semble être une salle de séjour d’une maison et m’ouvre la porte d’une chambre au fond. Un autre escalier mène aux étages supérieurs. Effectivement, je me retrouve plutôt dans une chambre d’hôte, j’ai l’impression. Mais au moins la chambre est malgré tout fort convenable.

Le lendemain matin (je ne vous cache pas que pendant la nuit j’avais fermé ma porte à clé), je descends pour payer et sans surprise le propriétaire me demande du liquide. Heureusement le tarif est celui prévu.

Bienvenu à Nha Trang.

Premières expériences en Xe Om

Parce qu’il faut toujours tenter de repousser ses limites et essayer (j’ai bien dit essayer) de se confronter à ses angoisses, je me suis dit qu’il était temps de tenter le transport en xe om. Petit rappel pour les moins assidus, un xe om, prononcé certainement pas comme cela s’écrit, est un moto taxi. La plupart du temps ce sont d’ailleurs des mobylettes taxis ou plus précisément des 125cm3 à embrayage automatique, pour les puristes. Et j’imagine que ceux qui aiment faire mal aux mouches par derrière sont nombreux. Si vous tapez « xe om » sur internet, ce que j’ai fait donc épargnez vous cette peine, c’était uniquement un effet de style, vous découvrirez que cela se traduit littéralement par « embrasser le conducteur » ou plutôt « faire un câlin au conducteur ». Le terme vient sans doute de la position qu’on est tenté d’adopter une fois assis à l’arrière consistant à agripper la personne de devant.

Maintenant il est temps de vous avouer que je vous ai menti sans trembler, tout ça pour une phrase d’introduction que je voulais accrocheuse. En vérité je ne me suis absolument pas de moi même confronté à ma peur du xe om. On m’a traîtreusement et sans me prévenir mit devant le fait accompli. Je vous explique.

Pour pouvoir aller visiter les fameux tombeaux hyper-classieux des empereurs Nguyen, je me suis inscrit à un tour guidé à mon hôtel. C’est d’ailleurs drôlement pratique et les indiens devraient en prendre de la graine plutôt que de dépenser des millions dans des publicités télévisées bourrées de mensonges par omission, diffusées dans les chambres d’hôtels d’Heathrow à des touristes candides. Et avec toute cette digression je ne vous ai toujours pas dit ce qui était pratique, en l’occurrence le fait que chaque hôtel vous propose un choix d’excursions que l’on peut réserver et payer directement à l’accueil. Certes c’est un peu un truc de fainéant et on ne maîtrise pas forcément la qualité du tour. Mais peu importe, dans ce cas présent ce qui m’intéressait était un moyen de transport (fluvial et routier) pour visiter les principales tombes dans la journée. Je demande donc à la fille (souriante) de l’accueil où se situe le point de départ de l’excursion, ce à quoi elle me répond quelque chose de l’ordre de : « non, ne vous inquiétez pas, le bus vient vous chercher ». Parfait, un soucis et de la marche en moins.

Le matin de l’excursion, j’attends donc l’arrivée du bus dans la petite ruelle abritant l’hôtel (je vous avoue qu’il me tardait de voir un bus se frayer un chemin dans ce passage étroit mais je savais les vietnamiens plein de ressources pour ce qui est de conduire des véhicules), tout en digérant ma délicieuse pancake à la banane qui constituait l’essentiel de mon petit déjeuner. A l’heure prévue un motard s’arrête devant l’hôtel et l’hôtesse d’accueil me sort de ma torpeur matinale pour m’indiquer que le transport prévu est arrivé. Comment, euh ? Faut que je monte là dessus ? Oui, oui. Ah bon.

Telle une vache menée à l’abattoir et sous le regard de l’hôtesse qui me fait au-revoir et bonne journée avec un grand sourire, je me dirige en déglutissant vers le motard qui fait redémarrer son véhicule. Je m’assoies derrière le conducteur et pose mes schlappes / slache / gougoune / claquettes / tongs sur deux excroissances métalliques que je prie ne faisant pas parti du circuit d’échappement. Mon pilote a un casque mais il ne songe pas une milliseconde à m’en proposer un. Comme nous ne sommes pas encore très intimes je décide que c’est un peu tôt pour lui agripper ses poignées d’amour et saisi donc plutôt la métallique située derrière moi.

« Ok ? », me demande-t-il ?

  • Euh… yes, yes. Glups.

Brrrrraaaaaawwww. Rha le salaud. Il aurait pu compter jusqu’à trois avant de démarrer. Fort heureusement, j’avais déjà eu l’expérience d’être passager sur une moto donc très rapidement j’ai déconnecté la zone du cerveau généralement associé à l’instinct de survie. Il valait vraiment mieux car mon pilote avait décidé de prendre mon sac à dos et de le mettre sur ses genoux tout en parlant dans son téléphone portable, le tout en roulant.

Nous remontons donc la ruelle sur 200m à un petit 40km/h largement suffisant pour se faire quelques émotions sur la moindre bosse et irrégularité du bitume. Arrivée à l’intersection sur la rue principale, je serre la poignée à m’en faire blanchir les jointures et me repositionne un peu mieux en profitant de l’arrêt.

« Ok, you go down, me dit alors mon chauffeur.

  • What, here ?
  • Yes, bus comes over there, me réponds-t-il en me montrant le trottoir opposé.

Ah ben d’accord. C’était donc la course en xe om la plus courte de l’histoire. C’était bien la peine. Je reprends donc mon sac à dos et remercie mon chauffeur.

Le lendemain, je récidive en décidant de faire une excursion sur des sites associés à la guerre du Vietnam (je vous en parlerai bientôt d’ailleurs). Pareil, l’hôtesse me précise que l’on viendra me chercher mais cette fois-ci, je suis préparé psychologiquement. C’est donc sans surprise que je vois arriver à l’heure dite un nouveau motard qui se dirige vers moi et m’invite à le suivre.

Je prends mon sac à dos, et légèrement plus assuré, le lui tends. Cette fois-ci il extrait un deuxième casque de sous la selle et me le donne. Il ne s’agit bien entendu pas d’un casque intégrale mais bon, c’est toujours mieux que hier. Il enfourche sa bécane et je fais de même derrière lui en tentant de bien me positionner.

« Ok ? »

  • Ye….

Braaawwwwwww. Salaud. Nous remontons une nouvelle fois la ruelle, toujours avec mon sac à dos sur ses genoux mais lui, au moins, ne téléphone pas. Par contre, arrivé à l’intersection, il s’engage à droite dans la rue principale et nous plongeons dans le trafic matinal. Sa conduite et vive mais globalement assez dosée pour éviter les gros freinages et brutales accélérations. J’arrive donc à me tenir mais je dois dire qu’il y a parfois quelques petites décharges d’adrénalines aux intersections quand nous nous faufilons entre le trafic venant de la voie opposée ou quand il zigzag pour essayer de doubler les autres deux roues. Le trajet dure bien cinq minutes et je crois que c’est largement suffisant pour une deuxième session. Il s’arrête sur un quai de la rivière des Parfums, je descends et il m’ordonne avec fermeté d’attendre là. Pendant la demi-heure qui suit, j’assiste à un va et vient matinal de xe-oms déposant des touristes tétanisés ou le sourire aux lèvres à côté de moi.

C’est sur que ça réveille.