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De rondes portes

J’ai vu un film, il n’y a pas longtemps, qui était vachement chouette. Dans cette dernière phrase, vous devriez sentir l’influence indéniable qu’ont eu les aventures du Petit Nicolas sur moi. Et ça ne tient qu’à un adverbe et un adjectif bien choisi. Tenez, j’aurai pu dire : « J’ai vu un film il n’y a pas longtemps, qui était super cool » et la face de ce billet en aurait été transformé (en tout cas, son introduction sérieusement raccourci). Tout ça pour vous dire que je suis extrêmement influencé par ce que je vois au cinéma.

Hors donc, ce film, qui s’avère être en réalité une série de film, a été tourné en grande partie en Nouvelle Zélande. C’est une histoire bouleversante ayant trait au milieu des gens handicapés par leur taille contraints à une longue marche par tout temps nu pieds à travers le pays pour se défaire de leur addiction à la joaillerie, sujet peu traité de nos jours et qui mériterait sans doute plus de considération de nos hommes politiques. En tout cas, une large part est donné aux paysages immenses et fantastiques de ces contrées méridionales, sans doute pour marquer le contraste avec la petite taille du héros (qu’elle est ma place dans cet univers trop grand?) et sa vénération futile et matérielle pour un bout torique de métal brillant alors que la véritable beauté, elle est là, autour de toi, dans la nature, petit con. C’est pas pour rien que le réalisateur c’est fait chier à filmer son pays vu du ciel, sans compensation carbone, le gros dégueulasse. Accessoirement, il y a des gens avec des épées dans le film, mais je trouve que ça l’éloigne de son véritable sujet qui est l’addiction au pouvoir et la possibilité d’une amitié entre deux hommes de petites tailles (et sans chaussures, source d’empathie physique pour les personnages) à l’homosexualité refoulée par temps de guerre.

Dans cette série de film, les héros sont originaires d’un petit village à la pauvreté extrême, incapables de rassembler des fonds pour s’acheter des parpaings, des briquettes rouges occitanes ou, à l’extrême limite, des panneaux de tôle ondulée pour se construire des habitations en dure. Ils en sont réduits à se creuser des terriers qu’ils agrémentent de portes en bois ronds pour se préserver une intimité. Par contre, ils se vautrent dans le péché de gourmandise, les salopards, pour compenser leur manque manifeste de génie civil. Hors donc, il se trouve que le décor de cinéma de ce petit village a été préservé et peut être visité par le commun des mortels, avec ses chaussures.

C’est donc après deux heures de route tranquille, par delà les montagnes volcaniques de Coromandel puis dans une plaine de prairies bordé à l’est par d’autres montagnes couvertes de verdure que je parvient à la petite ville de Matamata. Vous avez noté, je l’espère, un certain DSC_7912_DxOschéma dans le nommage des bourgades dans ce pays. Il s’agit bien entendu de noms Maori. Pour m’ôter mes derniers doutes, un grand panneau à la police de caractère officielle claironne « Bienvenue à Hobbiton ». Ce que j’aperçois de la ville n’a rien de folichon, quelques rues bordée de magasins de plein pieds. Au coin d’un parc, une petite maison à l’allure médiéval fantastique attire mon regard et je me gare à proximité. Après inspection de proximité, il s’agit de l’office de tourisme. Tiens donc.

A l’intérieur, je retrouve la même décoration médiévale inspiré des films mais également deux dames derrière un comptoir et quelques autres touristes comme moi mais au physique beaucoup plus japonisant.

« Bonjour, je souhaiterai prendre un billet pour visiter Hobbiton.

  • Bonjour. Bien sur, au départ de Matamata ?
  • Euh oui. C’est quand le prochain départ ?
  • Dans un quart d’heure.
  • Ah ben parfait. C’est combien ?
  • 50$.

Silence. Tout de même. Je vous l’ai dit, je suis extrêmement influencé par le cinéma. Le taux de change est à 60 centimes d’euro par dollar néo-zélandais, ça relativise.

  • D’accord. Un billet adulte, s’il vous plaît.

Je patiente donc un peu dehors alors que le temps est légèrement gris. L’attente est de courte durée. Un immense bus estampillé « Hobbiton » se gare devant la chaumière et quelques touristes en descendent suivi du chauffeur. Ce dernier pénètre dans l’office du tourisme puis, quelques minutes plus tard en ressort. « Il semblerait que vous soyez le seul. On y va ? ». Je monte donc et m’assois derrière lui alors qu’il reprend sa place. Nous prenons la route et en même temps, le chauffeur se retourne vers moi en me lançant un « Salut, au fait mon nom est Steve. Et vous ? ». Je me présente et sous son questionnement lui décline ma nationalité et mon parcours. Pendant le quart d’heure du trajet, on se met à discuter de Hobbiton, du tournage du film mais également de choses plus générale ayant trait à la Nouvelle-Zélande. Je lui dit même que je compte bien descendre à Wellington visiter les studios WETA, la boite d’effet spéciaux de Peter Jackson, voir y laisser un CV. De manière assez sympathique il m’encourage à le faire. A dire vrai, de manière générale, Steve est très sympathique, ouvert et d’aspect franc. Grâce à lui, j’apprends que la Nouvelle-Zélande est un pays très rural. L’exploitation du site d’Hobitton est une source de revenue bienvenue pour Matamata et sa région. On évoque rapidement la grève des techniciens du cinéma néo-zélandais qui a eu lieu avant le tournage du Hobbit, afin de demander un réajustement de leurs salaires sur ceux des intervenants étrangers. C’est assez amusant d’avoir l’avis d’un autochtone après avoir lu des comptes rendus de la presse étrangère.

Lorsque j’évoque la ressemblance sur de nombreux point avec l’Australie et l’impression que j’ai de proximité très forte aussi bien culturel que politique entre les deux, il acquiesce et avec un sourire, à propos des australiens, ajoute cette phrase lourde de sens « On aimerait bien avoir leur argent, aussi ». C’est grâce à lui que j’entraperçois pour la première fois la réalité économique en Nouvelle-Zélande, beaucoup moins reluisante que son voisin. Une économie et une agriculture peu diversifiée (essentiellement basée sur l’élevage ovin et bovin) font de ce pays rural le parent pauvre. On mesure alors d’autant plus le poids et le potentiel du tourisme comme source importante de revenue. Je suis du coup encore plus admiratif de Peter Jackson, à l’époque réalisateur néo-zélandais de films de série B qui s’est battu auprès des grandes majors hollywoodiennes pour que sa trilogie des Anneaux soient entièrement filmés, tournés et post-produits dans son pays alors qu’il n’y avait qu’une petite industrie cinématographique nationale. Grâce à lui, son pays a une visibilité mondiale et les compétences de ses techniciens sont dorénavant de renommée idoine.

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Finalement, il me dépose à une sorte d’auberge le long d’une route de crête, dans un paysage de rondes collines ondoyantes couvertes d’un gazon vert tendre ou paissent de blancs moutons. Que c’est beau. Ce qui l’est moins, c’est ce ciel de plus en plus gris. Sur un parking, quelques voitures sont garées. Steve repart après m’avoir assuré qu’il sera là pour me redescendre à Matamata. Chic type. On m’assure que le tour va bientôt débuter. On attend juste le bus pour nous amener au site. Décidément, il y a beaucoup de transport.

Dix minutes plus tard, un car blanc à l’aspect usé mais toujours estampillé « Hobbiton » débouche d’une colline de l’autre côté de la route et arrive vers nous sur un chemin de terre. Il déverse son lot de visiteurs, sourires aux lèvres, ainsi que la chauffeur, une dame costaud à l’allure masculine. Un jeune homme blanc sort de l’auberge et nous rassemble. « C’est pour le tour de 16h ? ». Oui, m’sieur. Nous montons donc dans le bus et il commence par nous rassurer en nous affirmant que le radar annonce que la pluie ne sera pas de la visite. Le fait qu’ils aient un radar météo m’indiquent que la pluie n’est pas rare dans ces parages. Il se présente, Sam, alors que notre chauffeuse repart sur le chemin gravillonneux.

Comme d’habitude nous commençons par décliner notre nationalité et comme par hasard, me retrouve avec un couple de français. Indéniablement, nous sommes un peuple de voyageurs en tout cas, beaucoup plus que les irlandais ou les autrichiens. Pendant ce court trajet en car, qui se prénomme Gandalf, tout les cars ayant un nom pioché dans l’oeuvre, Sam nous expose un peu la genèse de ce site. Peter Jackson, à la recherche d’un décor évoquant la campagne anglaise (d’après lui, ce qui prouve qu’il n’a pas foutu les pieds dans la campagne anglaise depuis un certain nombre d’années) avec un petit lac et des collines a repéré une ferme par hélicoptère. Après négociation, la famille accepta de louer une partie de ses terres pour la construction du décor. On construisit l’ensemble, on tourna les scènes du Seigneur des Anneaux et tout le monde était content. Selon les clauses du contrat, la compagnie de production s’apprêta a revenir sur les lieux du décor pour le démonter et ainsi rendre la terre aux propriétaires. La météo, capricieuse (d’où le radar) décidé de contrecarrer ces plans, déversa des trombes d’eau sur le site. Impraticable, les machines de chantier et les semi-remorques ne purent l’atteindre pendant un long moment. La production demanda donc un délai de quelques mois à la famille.

Pendant ce temps, un certain nombre de touristes vinrent de manière officieuse sur les lieux du décor. La famille leur firent la visite de la même manière mais il devint clairement évident qu’il y avait un potentiel touristique. Elle négocia donc avec la société de production, propriétaire des décors, pour les maintenir sur place (voir de les rénover un peu, le site ayant souffert du déluge) et proposer des visites organisées. Ainsi fut-ce fait et ce fut-ce un succès.

Quelques années plus tard, on décida de tourner le Hobbit, autre trilogie cinématographique (cette fois-ci plus accès sur le douloureux thème de l’appât du gain et l’addiction à l’or) ayant pour nombreuses scènes le décor d’Hobbiton. La production revint donc sur les lieux mais décida de le restaurer entièrement avec de véritables matériaux de constructions pérennes, bois, pierre et mortier. Le décor initial n’était qu’un pâle pastiche de polystyrène. En tant que spectateurs, nous nous somme fais eu. Le choix de le construire en dur est d’ailleurs motivé par deux choses. Premièrement on avait compris l’intérêt de conserver le décor au delà des besoins du film mais également car ce nouvel tri-opus devant être tourné avec des caméras de résolution largement supérieur au premier projet, les décors initiaux se seraient trahis à l’écran. Le polystyrène, ça va bien lorsqu’on est myope.

Bien évidemment, le sujet financier fut abordé, curieux que sont les gens des revenus des autres. Je crois bien qu’un loyer d’un million de dollars par an pour les décors a été évoqué, en échange de l’exploitation touristique par la famille. A priori, ils n’ont pas l’air de se plaindre.

Il n’y a pas à dire, ces terres sont charmantes. En passant, Sam nous indique gentiment le vaste espace plat où furent garés les multiples semi-remorques de logistique lors du tournage. Ooooooh. J’apprendrai quelque jours plus tard que ces magnifiques collines de prairies vertes agrémentées de quelques arbres solitaires et de petites mares nichées au creux des ondulations furent à l’origine entièrement boisées. La déforestation massive, c’est triste à dire, mais c’est parfois réussi. DSC_7929_DxOAprès une descente nous apercevons enfin les décors à flanc de colline et c’est un concert synchronisé et spontané de « Aaaah » et de levage de fesses qui accompagne l’arrivée. Moi je reste assis et je ne pipe rien. Oh ! C’est qu’un décor de cinéma, ça vaaaaa ! Depuis que j’ai participé au tournage foiré d’un pilote d’émission de télévision, je suis comme ça. N’empêche que c’est très mignon.

On nous dépose au pied des décors, astucieusement cachés à notre vue de ce point de départ par de hautes haies taillées. Sam solennellement nous explique que nous resterons une heure sur place, boisson gratuite à l’auberge du Dragon Rouge compris. Ah ? Une boisson ? Gratuite ? Cool. Pour commencer, il lance un rapide sondage à main levée pour connaître le nombre de personnes n’ayant jamais vu les films ou lu les livres. Cette fois-ci c’est 0% mais il nous assure qu’il lui arrive régulièrement de voir des gens qui ne viennent ici que pour rendre jaloux des amis alors qu’ils ne connaissent absolument pas l’histoire. Moi, je veux pas rendre jaloux, je veux m’asseoir au coin du feu de Bag End.

DSC_7914_DxONous pénétrons dans le site et malgré le temps couvert, le paysage à flanc de colline est vraiment mignon. Par contre, magie du cinéma et du cadrage serré réuni, l’ensemble du décor est quand même relativement réduit en surface, à tout cassé je dirais 100 mètres sur 100 sans compter le petit lac et l’auberge de l’autre côté. Bag End, Mecque touristique que tout le monde attend avec impatience se trouve en haut. Sam nous déverse alors un flot d’anecdotes sur le tournage, que je connais pour la plupart pour avoir déjà lu plusieurs articles sur le sujet. Il nous pointe du doigt l’endroit où Frodo rencontre Gandalf, l’endroit où le magicien lance ses feux d’artifice aux enfants ainsi que le bosquet ou Ian McKellen a déversé son urine afin de se soulager urgemment d’une envie pressante que ses lourdes robes lui empêchait de satisfaire dans le temps imparti à la conservation de sa dignité d’acteur Shakespearien d’âge mur. Mais ça, c’est moi qui me fait un film.

DSC_7915_DxOCe qui est assez amusant, c’est effectivement le soucis du détail et du réalisme des éléments du décor. Tout a été patiné et âgé à la main et même des vêtements ont été pendus à des lignes pour donner de la vie à l’ensemble. Sam nous apprend qu’une équipe de jardinier opère à plein temps sur les lieux, fleuri même en cette période. Autour du site, des lignes électrifiées protège cette alléchante végétation de l’appétit des moutons de la ferme.

Tout n’est d’ailleurs pas réaliste dans ce décor. A dire vrai, suivant le sens dans lequel on le prend, la moitié des multiples trous de hobbit qui parsème le simili-village sont soit trois grands, soit trop petits. Certains sont à l’échelle humaines pour les plans impliquant des acteurs de taille « hobbit » alors que d’autres sont de taille plus réduite pour des acteurs jouant des personnages humains. J’espère que tout ceci est clair.

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DSC_7925_DxOPar contre, et là je suis déçu, ce décor n’est que de façade. Oui, oui, magie du cinéma, me voilà, je connais merci mais mince, je me disais tout de même qu’ils auraient pu construire au moins UN véritable intérieur. Que nenni. Lorsqu’on ouvre une de ces rondes portes, on ne trouve derrière qu’un mur aveugle. Damn. La photo souvenir dans Bag End, la porte ouverte et la tête émergeant de l’entrée nécessite alors un cadrage travaillé pour ne pas révéler la supercherie.

Justement, j’ai beau avoir l’habitude, je n’arrive toujours pas à comprendre l’intérêt qu’il y a se photographier bêtement devant un site touristique en mimant une pose comme le millionième précédent touriste, juste pour avoir une photo prouvant « qu’on y était ». C’est navrant et même, je trouve ça triste. Ça veut dire que la majorité des gens n’ont que des connaissances n’ayant aucune foi en leurs dires. « Hey, les gars, super cette visite du Taj Mahal. ». Ouaih, ouaih. Prouve le. Et paf, obligé de se DSC_7933_DxOprendre en photo certifié conforme pour ne pas se faire pourrir à son retour. Avec le diktat de Facebook, c’est dorénavant urgent d’alimenter sa page de contenu. Ces médias sociaux sont voraces en contenu. Je peux vous dire que ça ne fait rien pour améliorer la qualité du flot photographique du touriste moyen. Du coup, alors que tout le monde faisait la queue pour se faire prendre en photo un grand sourire aux lèvres et le pouce en l’air devant la célèbre porte ronde et verte, Sam c’est tourné vers moi. « Vous voulez que je vous prenne en ph…. ? ». NON. Si vous ne me croyez pas quand je vous dit que j’y étais, j’en ai rien à faire. Je ne compromettrai pas ma dignité dans l’affaire.

DSC_7947_DxONous finissons la visite par le champs où fut tourné la grande fête d’anniversaire de Bilbo alors que le soleil commence à baisser. De l’autre côté du lac bordant le champs se trouve l’auberge du Dragon Rouge, ajout récent n’ayant jamais apparu dans les films, uniquement construit dans un but mercantile. Néanmoins, elle a été construit dans un style homogène à proximité du petit moulin et le pont de pierre qui eux, sont « authentiques » au sens du tournage. Je ne vais pas faire la fine bouche car c’est dans ce lieux que nous seront servis notre boisson gratuite.

DSC_7952_DxOLe groupe se dirige donc là bas après une charmante traversée du pont de pierre. La vue sur le village de l’autre côté est charmante et l’air frisquet de fin de journée rend l’auberge encore plus accueillante. Des lampions sont allumés à l’extérieur et de chaleureux halos orangés aux fenêtres invitent à entrer. Si j’avais un pub comme cela à proximité de chez moi, j’y passerais mes soirées. Tout est en bois sombre avec des poutres apparentes et une grande cheminée dans la salle principale. Des petites fenêtres rondes percent les murs et pour ne rien DSC_7953_DxOgâcher, tout est à l’échelle humaine. Ça évite le torticolis ou le blocage du bas de dos. On nous propose une bière brassée localement, un cidre également du cru ou bien un thé chaud. J’opte pour la bière locale et choisi un cookie sur mes deniers personnels pour encore plus de confort. Mmmmmmh. Une petite musique celtique en fond fini de me transporter dans l’atmosphère médiéval fantastique de l’oeuvre de Tolkien. Le charme se brise lorsque je vais aux toilettes et que je retrouve le carrelage blanc, le savon et le sèche mains Dyson. Ils nous font chier avec leurs normes d’hygiène. Une fosse à purin, voilà ce qu’il fallait !

DSC_7948_DxOUn quart d’heure plus tard, Sam nous rassemble et nous remontons dans le car Gandalf, toujours conduit par la matrone de l’allée. Il demande à l’assemblée si tout le monde est satisfait de sa visite. Oh oui. Je crois que je suis vraiment difficile mais je suis un peu frustré et un peu agacé par le prix vraiment élevé pour la durée et ce qui n’est finalement qu’un décor. Ils auraient pu dire plein d’autres choses sur les films, l’œuvre, le tournage, les effets spéciaux, bref agrémenter un peu plus la visite et donner un peu plus de corps à une expérience qui revient malgré tout à près de 30€ par personne. Faut-il vraiment que je sois passionné ? Sans doute oui, et sans doute est-ce aussi parce que je viens de faire la moitié d’un tour du monde pour en avoir la possibilité. Je me demande combien de personnes du cru ont payé pour cette visite ?

Tout ça pour dire que je réponds hypocritement « oui », comme tout le monde. Ce n’est qu’un quart d’heure plus tard, après avoir attendu dans le froid que Steve se repointe avec son car, alors qu’il me pose la même question, que je lui réponds « non ». Déçu de pas pouvoir rentrer dans une maison de hobbit, voilà pourquoi je ne suis pas satisfait. Ils sont dans les studios de Wellington, chez WETA, les décors intérieurs, me révèle Steve, ce que je savais déjà. C’est juste que j’imaginais qu’ils avaient fait l’effort de faire pareil ici. Enfin, c’était sympa quand même.

De retour à ma voiture, je reprend la route encore plus au sud. Ma prochaine étape est Rotorua, dans une heure de route, et j’ai tout le temps de replonger dans l’atmosphère du Seigneur des Anneaux en conduisant.

The Coromandels

Le lendemain matin, je me réveille sous un temps magnifique. Ciel bleu, grand soleil, temps légèrement frais, voilà qui donne envie de partir à la découverte des environs. Pour tout vous dire, je n’ai aucune idée de ce que je vais voir. Je suis arrivé en Nouvelle Zélande les mains dans les poches, en ayant rien planifié. J’ai du réserver l’hôtel dans ces environs il y a deux jours en ayant vu vaguement quelque chose sous Trip Advisor. D’ailleurs, pour être totalement exhaustif, je n’avais pas non plus prévu initialement de m’arrêter en Nouvelle Zélande. Il y a trois semaines, un peu frustré par les paysages australiens, j’ai rogné une semaine sur mon séjour aussie pour insérer une semaine kiwi, malgré une fin d’hiver austral plus intense ici. Ce ne sera qu’un aperçu de la Nouvelle Zélande.

DSC_7844_DxOAutour de Tairua, les paysages sont montagneux. Je comprend mieux la raison de la route sinueuse que j’ai emprunté hier soir. Le village (ou alors petite ville si on est tolérant) est située au bord d’une très jolie baie quasiment fermée. Cette partie de la côte néo-zélandaise forme un grand arc, délimitant une gigantesque baie appelée « Bay of Plenty », que je traduirais par « Baie d’Abondance ». Le nom est pompeux mais, si je ne dis pas de bêtises fut le lieu d’atterrissage du capitaine Cook lors de sa « découverte » de l’île du Nord. La péninsule de Coromandel se situe à la pointe nord-ouest de cette baie.

En ce qui concerne ces montagnes, elles dessinent des reliefs abruptes couverts d’une dense végétation qui rappel des îles volcaniques telles Hawaï ou Tahiti. La végétation n’étant pas DSC_7842_DxOtropicale, je suis un peu dépaysé. Sur les hauteurs des bords de baie, des villas percent de la forêt. En ce matin très tôt, je croise quelques joggers ou promeneurs de canidés. Un bras de terre ferme la baie au nord, bras terminé à son extrémité par une colline conique également mitée par des villas. Je part donc dans cette direction, espérant prendre de la hauteur et avoir une vue glorieuse sur l’ensemble. Je suis comme ça. J’aime que mes matins soient glorieux.

DSC_7845_DxOFinalement, conquis par la vue de la baie, je m’arrête prendre des photos au pied de la colline et emprunte plutôt un chemin sablonneux de l’autre côté de la route menant à la plage face au Pacifique. A peine plus au large se trouvent quelques îles. Le sable est clair, le temps parfait et je me dit qu’il y a vraiment des salopards de chanceux ou débrouillards qui ont eu la bonne idée d’habiter dans une maison face à l’océan dans un endroit plutôt agréable. A vrai dire, ils sont plusieurs à avoir eu la même idée ce qui n’augure pas bien du prix de l’immobilier par ici. J’imagine très bien quelques riches habitants d’Auckland venir ici pour leurs week-ends faire du surf ou de la voile. En cette période, c’est plutôt calme.

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Quelque temps plus tard, je roule sur la route côtière en direction du nord. Encore une fois, je n’ai pas vraiment de plan hormis de profiter du paysage sous ce temps exceptionnel et de rejoindre DSC_7854_DxOpour l’après midi la bourgade de Matamata, plus au sud en allant vers le centre de l’île. Assez rapidement, des panneaux touristiques indiquent des sources géothermiques. Une fois garé dans un petit parking désert, je reste une grosse demi-heure sur une magnifique plage adossée au relief végétalisé, longeant l’eau vers le point d’intérêt, des sources géothermiques sous marines, immergées à marée haute. Ça tombe mal, c’est justement le cas. A cinquante mètre du ressac, des zodiacs emportant des touristes oranges tournent autour DSC_7859_DxOd’un point où affleure au rythme des vagues quelques rochers aiguisés. Ce doit être ça mais là d’où je suis, ce n’est pas très spectaculaire. En tout cas, la plage est sympathique, l’eau cristalline et la végétation toujours un brin dépaysante. Des rouleaux translucides et éclatants de lumière, éclairés par derrière par un soleil bas de fin d’hiver, viennent s’abattre en rythme sur la plage. Quelques gros blocs à l’allure basaltique sont posés dans le sable et témoignent du caractère volcanique de la région. On pourrait y passer sa journée ici.

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Un peu plus tard sur la route, je croise un nouveau panneau indiquant « Cathedral Cove », un des DSC_7874_DxOsites touristiques majeur de la région. Je traverse une petit ville, la route s’élève et rapidement, mène à un parking nettement plus occupé. Je sort vite de la voiture avec mon sac à dos et mon appareil photo. Au sud, on aperçoit la bourgade de Hahei et sa plage. Au nord-est, face au soleil (je sais, c’est toujours aussi étrange lorsqu’on n’a pas l’habitude), la vue est aussi jolie, avec deux îles au milieu d’un grand arc de côtes accidentées, l’une en longueur DSC_7878_DxOcouverte d’une tignasse de végétation et l’autre toute petite, dans le prolongement, avec sa propre touffe de verdure. Non, il n’y a rien à ajouter hormis que je commence à croire les deux néo-zélandais Jack et Jane croisés à Kakadu lorsqu’ils m’affirmèrent que leur pays était magnifique et varié.

DSC_7889_DxOUn chemin de marche mène à plusieurs petites anses dont Cathedral Cove. En chemin, on peut faire un petit détour pour apercevoir un bosquet d’arbres endémiques, maintenant rares dans cette nature profondément modifiée depuis l’arrivée de colons maoris et européens. La marche est franchement agréable avec un panorama permanent sur le Pacifique et ces petites îles. La roche est calcaire et les falaises blanches tranchent admirablement avec le glacis vert et bouclé de la végétation. Pour ne rien gâcher, l’eau est d’un calme plat et de cette couleur turquoise de carte postale lorsqu’elle borde la terre.

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Après une petite demi-heure de marche tranquille, des escaliers aboutissent à une plage au creux de petites falaises blanches au-dessus duquel s’accrochent des arbres. Un tout petit îlot rongé par la mer se situe à quelque mètres dans l’eau. Une dizaine de personnes profitent sereinement de l’endroit, assis dans le sable ou marchant tranquillement vers le clou du spectacle, un haut passage triangulaire dans la falaise menant vers une autre plage. A cette heure-ci le passage est légèrement bloqué par le ressac de l’océan. Il fait beau, il fait doux mais je doute que l’eau le soit. Voici Cathedral Cove, l’un des endroits emblématiques de l’île du Nord. Je ne vais pas faire mon difficile, c’est charmant.

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Après quelques moments sur place à profiter du calme, je remonte le chemin sous le soleil. Tranquillement, je rejoins ma voiture de location et, avec des derniers regards réguliers vers les paysages maritimes, prend la direction du sud.

First night in kiwi land

Je commence ce tout premier billet Néo-Zélandais par un coup de gueule. Rhhaaaaaa !!!! Merde !!!! Con !!! Chié !!! Voilà. Il est destiné aux hôtesses et hôtes de l’air d’Air New Zealand qui ne font que me déranger dans mon vol. Encore un problème de riche me diriez vous. Certes. Je paye pour un vol d’avion qui, en l’occurrence, dure trois heures. Oui, il faut trois heures pour rallier Auckland de Sydney en jet. Là n’est pas le problème. Dans ce laps de temps, j’ai environ 2h30 pour profiter un maximum de l’ « on-board entertainment », que je traduirais en français par « divertissement à bord » qui depuis quelques années est individuel sur les longs courriers. On a un petit écran en face de nous dans le dossier de notre voisin de devant avec un petit joypad tout pourri qui nous permet de naviguer péniblement dans une arborescence de films, émissions de télévision et musiques. Donc pendant ces 2h30, j’ai de quoi caser un film et une poignée de « Big Bang Theory ».

Et bien on est constamment dérangé dans son film par des annonces ridicules du personnel naviguant. Turbulences, vente d’alcool, consignes de sécurité, annonce de l’approche d’Auckland, température et météo à destination, tout y passe. Ce sont de véritables pipelettes. C’est pire que les publicités car parfois ça survient en plein milieu d’un dialogue clé. Tout à coup l’image se fige, un « dong » en La 4 retentit et une voix inconnue du scénario nous fait alors remarquer que des rafraichissements seront bientôt servis avec un choix de poulet ou de bœuf pour les classes économiques. Quelques secondes plus tard, la vidéo reprend ainsi que le son mais non sans avoir oublié les deux derniers mots : « Luke, je suis ton… Nous voudrions vous rappelez qu’il est interdit de fumer dans les toilettes. Merci… Noon, nnooon, ce n’est pas vrai. C’est impossible. Noooooonn !!!! ». Ben pourquoi il gueule, l’autre blondinet ?

Voilà, c’est dit. C’est dommage parce qu’à part cela, ils sont extrêmement sympathiques chez Air New Zealand. Tenez, pour les consignes de sécurité ils nous diffusent une vidéo extrêmement drolatique avec dans le premier rôle, le héros de « Man vs. Wild ». Ils ne sont pas à leur coup d’essai dans leur domaine car ils avaient précédemment utilisé une autre vidéo ayant pour thème le Hobbit ou encore celle-ci, beaucoup plus disco . Bref, tout ça donne un bon à priori des habitants de la Nouvelle Zélande.

La bonne nouvelle, c’est que cela s’est confirmé une fois arrivé à Auckland. Pour une fois, à l’immigration, l’officier m’a souris en me souhaitant la bienvenue. Il va se calmer cet hystérique, dis donc. Ensuite, j’ai loué une voiture pour ma semaine de séjour. C’est court donc je veux être mobile même si je trouve ça finalement assez dommage d’être tout seul dans son véhicule. On ne peut pas tout avoir. A l’aéroport, donc, après quelque instants de surprise, ne voyant pas de guichet au nom de mon agence de location, je suis aimablement dirigé vers un téléphone interne où une personne me rassure en m’annonçant que quelqu’un vient me chercher en mini-bus pour m’amener au dépôt. Quelques minutes plus tard, un monsieur d’une soixantaine d’année se gare devant moi et me fait monter à l’arrière. Immédiatement il entame la conversation en me demandant se que je viens faire ici et où je compte aller. Dans les cinq minutes du trajet il m’explique gentiment comment rejoindre la route vers la péninsule de Coromandel, où je compte passer ma première nuit. Comme c’est agréable.

C’est finalement peu avant 17h que je quitte la zone aéroportuaire aux commandes d’une petite coréenne blanche à boite manuelle. Je me surprend moi même à m’adapter extrêmement rapidement aux nouvelles conditions de trafic. Ceci dit, j’ai beau avoir changé de pays, les indications et le code de la route est similaire voir identique à l’Australie. Ce ne sera pas la première chose que trouverai identique des deux côtés de la mer de Tasmanie.

La monnaie, par exemple, hormis le nom, dollar, même les pièces sont quasiment identiques en taille et colorie. La seule différence, et je me permet d’affirmer que c’est particulièrement agaçant, est que la pièce de 2$ néo-z est plus grosse que la pièce de 1$ alors qu’en Australie, c’est l’inverse, ce qui est totalement illogique.

Je m’engage donc sur la highway 1 qui, bien qu’autoroute aux abords d’Auckland se transforme très rapidement en route. Une demi-heure plus tard, je prend l’embranchement pour la 2, direction Coromandels. Le soleil est déjà très bas sur l’horizon mais je constate des changements rapides de paysage dont j’avais perdu l’habitude en Australie. Globalement, tout est vert et ondoyant. Je poursuit toujours dans la direction Coromandel (c’est vraiment très bien indiqué, bien que j’ai acheté une carte de l’île du nord). Une heure plus tard, je suis déjà à l’entrée de la péninsule et ses paysages de petites montagnes escarpées. C’est fou comme tout va plus vite ! J’ai l’impression que le monde s’est reconstruit à l’échelle 1/10ème.

Le soleil se couche et je m’engage de nuit dans une petite route de montagne. Pendant une petite heure ce n’est que méandres, virages et montées dans le noir. Dommage pour le paysage. Je bascule finalement à un sommet et redescend de la même façon à la lumière des phares. Un embranchement à gauche direction Tairua puis quelques derniers kilomètres de routes et j’arrive à destination, le Blue Motel de Tairua, petite bourgade au bord de l’eau. Il est environ 20h et suis rejoint à l’accueil désert par la patronne, souriante, qui me souhaite la bienvenue. Je range mes affaires dans ma chambre puis part à pied à la recherche du pub restaurant recommandé par mon hôte.

Déjà, il fait un peu frisquet ici et je traverse d’un pas vif un pont afin de rejoindre le coin des commerces, ne croisant personne en chemin. Je devine juste en vague silhouette le paysage d’une baie à demi entourée de reliefs. Sans difficulté je trouve le lieu dit et rentre dans un pub, croisement entre un saloon et un bar PMU. On est très loin de la chaleur d’un bar irlandais. Des gars à l’aspect rude jouent au billard, trois autres personnes sont au bar et deux femmes s’affairent devant le jukebox placé sous un écran plat de télévision diffusant un match de rugby. Aaaah, la voilà la vrai Nouvelle Zélande ! Grâces aux préposées au jukebox, un enchainement de classiques du rock donne une touche finale à l’ambiance. Fait notable, l’une des deux femmes à des traits d’allures maori. Par rapport à la discrétion aborigène constatée en Australie, cela mérite d’être relevé. Attendons la fin de notre séjour pour conclure.

Je m’approche tranquillement du bar et note un panneau marqué « Tonight’s special – Beef Strogonoff ». Voilà qui est tentant. Le barman se penche vers moi avec un air de concentration et, d’une voix que je veux pleine d’assurance, je commande le plat du jour avec une bière. Sans un sourire il prend note et je me pose à une table haute face au jukebox et au match. Pendant quelques secondes je ne reconnais pas les règles avant de comprendre qu’il s’agit de rugby à 13. Déjà, il n’y a aucune mêlée ni ruck. C’est d’un triste.

Une femme vient m’amener ma bière et quelques minutes plus tard, mon bœuf strogonoff qui n’a de strogonoff que le nom. Des émincés de bœuf, du riz et une vague sauce à la crème, voilà en quoi il consiste. Vu le décor, je ne suis pas non plus particulièrement surpris. Je me contente donc de manger tranquillement, siroter avec calme la bière en tentant de me passionner pour un match entre deux équipes inconnues ou de saisir les conversations bruyantes de certains habitués.

Pendant ce temps, la musique rock persiste. Et dire que hier j’étais à Sydney. C’est vraiment marrant ces changements brutaux d’ambiances.

Premier contact avec Melbourne

Actuellement, je suis en train de mâchonner un sandwich fromage et tomate dans un quartier résidentiel d’une des banlieues sud-est de Melbourne. Je dois rendre la voiture avant 15h à l’agence Wicked, mon loueur de voiture. Wicked, c’est l’agence de location de camping la plus voyante d’Australie. Un employé fou de leur service marketing a eu l’idée original de peindre tout leurs véhicules avec des graffitis ou au minimum des slogans provocants, histoire qu’on les remarque. La mienne de voiture est plutôt gentillette car elle ne porte sur elle que deux citations, l’une de Johnny Cash et l’autre de John Lennon. Parfois, c’est plus trash. Je m’estime donc chanceux.

En tout cas, je suis bien embêté car je n’ai pas de carte très détaillée de Melbourne. Inutile de dire que je n’ai pas pris l’option GPS. Ca coute horriblement cher, et puis c’est totalement tricher. Je fais donc un truc complètement incroyable et surprenant que la plupart d’entre nous avons oublié : je demande mon chemin à un être humain, autochtone de préférence.

Ca tombe bien, juste en face de la rue, un vieux monsieur est en train de tondre la pelouse sur son trottoir. Je m’approche de lui avec un grand sourire pour ne point l’effrayer et l’apostrophe d’un « excuse-me ». Je lui explique donc ma situation et mon but, en l’aidant un peu car j’avais au préalable noté grossièrement où se trouvait l’endroit grâce à une consultation internet. Pendant dix minutes il tente donc de m’expliquer le chemin à prendre, hésitant entre deux solutions, revenant sur la première puis l’abandonnant pour tenter de me détailler de nouveau la seconde.

Son dilemme provient de son hésitation à me faire emprunter la voie rapide à péage, n’ayant pas d’abonnement. Les cinq premières minutes, d’après ces dires, je suis convaincu que cette autoroute est inaccessible sans cet abonnement. Ensuite, je crois comprendre que c’est faisable, mais à un prix plus élevé. Bref, tout ça n’est pas très clair. Finalement, je valide la voie rapide, et commence à noter ses indications. Left, right, tout droit pendant plusieurs kilomètres jusqu’à Dandenong, puis prendre la M3 puis enfin la Monash Highway, à gauche direction centre ville. « Vous ne pouvez pas vous tromper, » qu’il me dit. Misère, la phrase maudite.

Je le remercie chaleureusement et reprend la route. Vingt minutes plus tard, je suis bien sur la M3 mais pour ce qui est de la Monash Highway, je ne vois pas d’indications. Je tente des choses à l’intuition, me repérant à la hauteur du soleil, mais rien à faire. Je suis paumé. Ils sont gentils les locaux mais c’est pas encore ça pour les indications. Fort heureusement, je suis non loin d’une station de train local. Pour l’anecdote, je suis en plein quartier Indien. Je m’arrête donc temporairement et m’approche de deux chauffeurs de taxis qui papotent.

Après les présentations d’usage, je leur demande le chemin de cette foutue « Monash Highway ». Comme par hasard, j’ai un peu de mal à les comprendre avec leur accent. Malgré tout, je parvient à noter leurs indications et reprend la route. Je suis à la lettre les instructions pendant dix minutes puis aperçoit une autoroute ayant une direction est-ouest qui me semble correspondre à ce que devrait emprunter cette fameuse highway. Par contre, aucune indication particulière m’indique si c’est la bonne hormis un numéro, M1. Je vois néanmoins des directions « Melbourne Center » et « Toll » ce qui veut dire « péage ». Je décide donc de tenter le coup et emprunte la bretelle d’accès. Cinq minutes plus tard, je double un petit panneau à gauche indiquant « M1 – Monash Highway ». P**tain, mais ils sont pas possibles ces gens. Pourquoi est-ce que tout le monde me parle de « Monash machin » alors que tout les panneaux indiquent M1 ? Ils sont tordus ou quoi ?

Je ne tarde pas à emprunter un pont, signe, d’après le vieux, que je dois bientôt sortir. Par contre, je n’ai toujours pas croisé de péage. Etrange. J’emprunte la sortie indiqué. Toujours pas de péage. Mais alors pourquoi tout ce cirque ? Ce n’est quand même pas basé juste sur la bonne fois des gens ? Les plus circonspects d’entre vous auront compris qu’il s’agit d’un système de péage vidéo, système qui enregistre la plaque d’immatriculation et en averti le propriétaire. Je vais donc sans doute me faire débiter une somme égale au PIB d’un pays du sud sahel via l’agence de location. Ce sera la surprise.

Fort heureusement, je parviens après un va et vient, à repérer l’agence en question et gare la voiture. Avec très peu de formalités, je rends les clés et un peu gêné, hésite à faire la bise à cette voiture avec qui j’ai quand même traversé la moitié de l’Australie dans sa hauteur. La prochaine étape consiste à rejoindre le CBD de Melbourne et y trouver le hostel où je vais passer les quatre prochaines nuits. Le gars de l’agence Wicked me rencarde sur le bus à prendre afin de rejoindre la station de train local. Ca tombe bien, l’arrêt est juste devant l’agence.

Je me retrouve donc de nouveau seul avec mes deux sacs à dos, de retour à l’état de routard. Assez rapidement, un bus arrive et je monte à l’avant pour demander un ticket jusqu’à la station de train.

« On ne vend pas de ticket dans le bus, monsieur, me fait le chauffeur.

  • Ah. C’est un problème parce que je n’en ai pas.
  • Il faut que vous achetiez une carte mailleki et que vous la topiez.
  • Pardon ? Une quoi ?
  • Une carte myki, me dit-il en me montrant une affiche.
  • Ah ben euh d’accord. J’en prend une.
  • Vous voulez topper pour combien ?

Un peu désorienté par tout ces nouveaux termes et surtout par le peu d’empressement du chauffeur à me sourire et à m’expliquer exactement le système, je comprend malgré tout, grâce aux nombreuses publicité accrochées dans le bus, que « toper » veut dire recharger la carte.

« Euh ben je sais pas, ce qu’il faut pour aller jusqu’au CBD, quoi.

  • C’est 4$ minimum et jusqu’à 20$.
  • Mais j’en sais rien moi !, répond-je commençant un peu à m’énerver. Mettez moi 10$, tiens.

Sans un mot il me tend la carte et encaisse mon argent. Sale con. Voilà ce que j’en pense. Et surtout, je me dit que c’était plus simple de prendre le bus en Inde ou Vietnam, pour le coup.

Un peu plus tard, nous arrivons à la station de train, qui se trouve être le terminus. Alors que je descend avec mes sacs à dos, sans remercier le chauffeur, je suis abordé par un homme à la cinquantaine à l’aspect défraichi, mais souriant. « Je peux vous aider ?, me demande-t-il.

Avec plaisir monsieur. Je lui explique donc que je souhaite aller au CBD et lui en retour, le fonctionnement de la fameuse carte MyKi, que j’avais déjà bien commencé à comprendre. Ca n’a rien de révolutionnaire puisqu’on peut emprunter tout le réseau de transport avec cela. Par contre, il faut déjà avoir une idée du prix d’un trajet (variable) pour avoir une idée de l’argent à mettre dedans. Lorsqu’on arrive pour la première fois, ce n’est pas évident. Du coup, pendant tout mon séjour à Melbourne, je n’aurais utilisé que 4$ sur les 10 de ma carte. Je le retient ce chauffeur. Heureusement qu’il y a de sympathiques australiens pour contrebalancer la sale impression qu’il laisse. D’ailleurs, loquace, il va même jusqu’à m’indiquer le numéro du quai pour le train allant à la gare de Flinders Street Station et se plaindre des travaux effectués partout autour de Melbourne dans les stations de train. Je compatis.

Pendant donc une demi-heure, j’observe la ville qui défile tranquillement à travers les fenêtres du train (équivalent à un RER) ne notant rien d’exceptionnel sous un ciel bien morne. Finalement nous arrivons au terminus. Une fois dehors, je me retourne pour me repérer et observe la façade. Cette gare de Flinders Street Station est vraiment très jolie, dans les tons saumons, ocres, vraisemblablement construite au 19ème siècle dans un style vaguement néo-classique. Un dôme de cuivre oxydé domine le coin donnant sur Flinders Street, une des rues principales du CBD. En face, on retrouve un quadrillage de rues à l’américaine avec de grands immeubles en verre encadrant un vieux bâtiment abritant un pub et la cathédrale légèrement gothique de l’autre côté de la rue.

Je me met donc en marche sur Flinders Street, à la recherche du numéro de mon hostel. Je longe la gare et les voix de chemin de fer. Bizarrement, je ne vois pas d’hostel au numéro. Je sort mon carnet et… ah oui. Autant pour moi, c’est sur Flinders Lane et pas Street. Je me demande bien qui est ce Flinders pour qu’on le voit partout, tout de même.

Finalement, je repère Flinders Lane, qui se trouve être une rue parallèle. Après cinq minutes de marche en sens inverse, je m’arrête au numéro indiqué et aperçoit des panneaux « Greenhouse Backpackers ». C’est bien ici. De manière assez amusante le petit hall donne sur un petit commissariat de police. Un ascenseur permet de monter jusqu’à l’auberge de jeunesse proprement dite sur les quatre derniers étages de l’immeuble.

Un peu plus tard, je me retrouve à poser mon sac à dos à côté d’un lit d’un petit dortoir de six, déjà occupé par deux anglais, un suédois et une suédoise. Fini le camping solitaire, me voici de retour en auberge espagnole.

En revenant vers Melbourne

Ce chemin du retour vers Melbourne, je le fait en tentant de coller au plus près de l’océan. Plus ça va, plus je crois que j’aime la mer. De plus, histoire de me narguer, maintenant que je m’éloigne de Wilsons Promontory, le temps est de nouveau clément et le ciel dégagé, bien que de lourds nuages de pluie flottent au dessus de l’eau.

Qu’est ce que je pourrais bien vous raconter de cette dernière portion d’aventure routière, pour mes dernières 24h au volant de ma fière petite Toyota Corolla ? Je pourrais vous dire que les images parlent d’elles même mais finalement, force est de constater que je me trouve à apprécier cette partie de l’Australie. Sans doute est-ce parce qu’elle est relativement verte et européenne par son échelle. Le moindre petit village côtier, à défaut d’une architecture exceptionnelle, possède également un charme, un art de vivre que je trouve agréable, même si j’ai du mal à vous expliquer pourquoi. En l’absence de photo, ma cause est d’ailleurs totalement perdu.

Un début d’explication pourrait être que la proximité de Melbourne implique qu’un certain nombre de ces bourgs abritent des résidences secondaires de citadins plus ou moins fortunés, havres pour des weekends hors de la ville. En tout cas, à part quelques exceptions, j’ai l’impression de communautés encore vivantes et dynamiques, contrairement à certains villages côtiers en France que je découvre tout les hivers, morts et apathiques (ce qui va souvent de paire, je le concède).

Ce soir là, je campe d’ailleurs au village d’Inverloch, au nom bien écossais. Il n’y a pas de mystère, les immigrants de ce pays ont été nombreux au dix neuvième siècle. Et bien, pour le coup, c’est un trou paumé totalement mort et apathique, hormis le pub local. Je suis en pleine contradiction d’avec moi même.

Tenez, pour finir, et puisque les images en disent plus long que mille mots (surtout si ce sont majoritairement des adverbes et des digressions), voici quelques photos prises sur cette côte entre Wilsons Promontory et la banlieue sud-est de Melbourne. Puisque je vous sait avides d’anecdotes afin d’enrichir vos conversations au bureau, sachez qu’il existe un petit village côtier à l’entrée de l’île nommé Phillip Island qui porte le nom de San Remo. Je crois qu’on peut en conclure sans trop d’hésitation que s’il y a bien quelque chose en commun entre tout ces immigrants, c’est bien leur très faible imagination lorsqu’il s’agit de nommer des lieux, à égalité avec une infinie nostalgie.

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