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La maison à Opéra

Non, sans déconner, c’est vrai. Ben si, ça l’est, et même drôlement. Et puis, ne faites pas semblant d’être d’une inculture crasse, enfin. Ça va finir par être crédible. Il est indéniable que l’Opéra de Sydney est un des monuments modernes les plus reconnaissables au monde. Elle est complètement dans le top 10 avec la Tour Eiffel, la Statue de la Liberté et Big Ben. Lorsqu’on la voit, admettez que l’on est de suite convaincu de ne pas être à Strasbourg, Dunkerque ou Montastruc-la-Conseillère. Si en plus, dans la perspective, vous apercevez un grand pont métallique à l’allure de demi-cercle, les indices sont forts et convergents pour que vous soyez à Sydney.

DSC_7607_DxOPour mes retrouvailles avec la dame en forme de coquilles blanches, j’ai de la chance, il fait un grand soleil, plutôt bas sur l’horizon, et de plus, on est samedi. Il y a donc un peu de monde, mais rien de déraisonnable, sur la promenade. Bien évidemment, je me souviens très bien du lieu, même trois décennies plus tard.

Allez, hop ! Un peu d’anecdotes que, vous pensez bien, je n’ai pas sorti de ma mémoire. Ce bâtiment que je trouve, personnellement, fort joli, c’est construit dans la douleur. Dans les années 50, après un appel d’offre, on choisit le projet d’un architecte suédois, porteur du projet actuel. Pour le moment, ce n’est pas une cause de douleur, rassurez-vous. On avait choisi le lieu, situé au bout d’une petite péninsule comme il y en a de nombreuses dans la baie, entre Sydney Cove où se situe les terminaux de ferry et Farm Cove qui borde Botany Park. Il est important que vous vous représentiez les lieux. Bon, en fait, non. On s’en tape. La douleur fut la facture. A l’origine prévu à 7 millions de dollars australiens, la douloureuse s’éleva à plus de 100. Ça refroidit.

Je n’ai pas les détails du pourquoi et du comment de cette crevaison de budget, mais sachez que l’architecte d’origine (suédois, rappelez vous) quitta le projet avant la fin, suite à un différent avec le gouverneur de la Nouvelle Galle du Sud. Ça n’a pas du aider. Un groupe d’architectes locaux finit donc la construction qui dura plus de 10 ans. A sa complétion, le résultat fut décrié, mais franchement, malgré tout ces déboires, je pense que personne ne regrette. Rien de tel qu’un monument à la forme unique pour mettre une ville sur la carte. Ah, j’oubliai. Accessoirement, il y a des concerts et des opéras dedans. Ce n’est pas qu’une coquille vide pour faire joli.

Ce qui a de plaisant lorsqu’on se ballade autour de l’opéra, c’est cette vue exceptionnelle sur la baie, le pont et le CBD. Rien de tel qu’un grand espace dégagé rempli d’eau pour donner du cachet. Un peu de verticalité à un bout avec une masse de gratte ciel, un treillis métallique se découpant en ombre chinoise face au soleil sous la forme d’un pont et le cri des mouettes. Vous y êtes. Parce que, ce qui est vraiment classe avec cette opéra, c’est son intégration dans le décor. Je ne suis pas sur qu’elle aurait eu le même impact si elle avait été construite en pleine ville. La même chose peut être dite du pont, le Harbour Bridge, d’ailleurs, maintenant que j’y réfléchi. Bref, ce qui est magnifique c’est l’alliance de ces éléments : la mer, l’Opéra, le pont, les gratte ciels du CBD. Pris séparément, ils sont certes jolis mais pas exceptionnels. D’ailleurs, on passe plus de temps à tourner le dos au bâtiment en profitant du panorama.

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Moi, c’est bien simple, j’ai envie d’acheter un appartement au 8ème étage d’un immeuble donnant sur Sydney Cove, au pied de l’Opéra avec vue sur le pont, le CBD et le terminal de ferries. En DSC_7619_DxOplus, étant plutôt attentif à ce genre de détail, lorsqu’on contourne l’Opéra (je persiste à mettre une majuscule) on note plusieurs bars branchouilles au pied de l’eau, avec DJ ou groupe musical le samedi ainsi qu’un cinéma plutôt art et essais à l’excitante programmation mais également un glacier. En somme, la base de la vie. Mais comme je ne suis pas foutu d’avoir des goûts différents des autres, il y a environ un million d’autres péquins qui ont la même envie que moi et qui font sottement grimper les prix jusqu’à rendre mon légitime souhait totalement inabordable.

Notez tout de même qu’il y a des villes, comme ça, je n’en citerai pas pour ne point vexer, qui ne DSC_7631_DxOprovoquent en moi aucun fantasme comme décrit juste au-dessus. Bon allez, si, je cite. Prenons Vierzon, par exemple et pour changer de Chalon-sur-Saône. J’y suis pourtant passé de nombreuses fois, notamment autour de la gare, chaque weekend pendant mon service militaire. Pendant tout ce temps, jamais je ne me suis dit « Té ! J’aimerai bien vivre là, dans cette magnifique maison de ville donnant sur l’église ». Pendant que j’y suis, Adélaïde non plus ne m’a pas inspiré de telles pensées, même si je confirme qu’elle est agréable et sympathique. Il faut autre chose du domaine du déraisonnable pour qu’une ville me fasse rêver, comme exploser un budget sur un opéra aux tuiles auto-nettoyantes posée comme une proue dans une baie.

Je peut donc vous le dire, si jamais vous avez de l’argent à perdre : passer quelques mois de l’année sur Sydney Cove, je ne dis pas non.

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Retour à Sydney

Le temps file, finalement. J’arrive dans un pays et j’ai un mois devant moi. Je peine à trouver des idées pour occuper ces jours, hésitant entre maximiser les choses à découvrir et prendre son temps, et puis tout à coup, un matin on se retrouve avec plus qu’une petite semaine de jours dans le pays. C’est assez écoeurant de dire ça lorsque la plupart des gens n’ont, justement, qu’une seule petite semaine de vacances en un endroit mais je suis dans un autre rythme.

Pour ma dernière étape australienne, j’ai gardé quelque chose de spécial pour la fin. Je retourne à Sydney, plus de trente ans après. Oui, car pour ceux qui ne connaissent pas mon background, j’ai eu la chance d’habiter deux ans et demi, petit enfant, dans la capitale de la Nouvelle Galle du Sud au tout début des années 80. Autant dire que je vais redécouvrir la ville, re-parcourir des lieux déjà vu mais dont je ne me souviendrai pas ou bien retrouver (ou pas) des sensations oubliées.

Autre particularité de mon séjour à Sydney, je vais également revoir l’ami Romain, un ancien étudiant que j’ai eu à Chalon-sur-Saône, immigré ici depuis quelques années. Ce sera parfait pour faire un point comparatif avec lui de ce que j’ai ressenti dans le pays.

Je quitte donc Melbourne un samedi matin très tôt et, par voie aérienne parce que, parfois, il y en a marre d’être terrien, atterri de nouveau à Sydney. Pour le moment, aucun déjà vu. Un aéroport est un aéroport. Après avoir récupéré mon gros sac à dos, je prend le train pour le centre ville. A travers la vitre, rien de spécial ne déclenche un souvenir. Heureusement, il fait beau et doux.

DSC_7777_DxOJe descend à la gare centrale et me met en route le long d’Elizabeth street à la recherche de mon auberge de jeunesse. Je suis devenu complètement accroc à ce mode d’hébergement. Enfin, disons que moi et mon portefeuille on s’est mis d’accord pour trouver ça chouette. Au loin, à quelques centaines de mètres, de grands immeubles en verre signalent le CBD. Toujours rien de familier. Je récupère les clés de la chambre, pénètre dans un dortoir sombre de trois lits superposés où un type est encore en train de dormir en fin de matinée.

Je prend cinq minutes pour appeler Romain au téléphone et on se met d’accord pour se rappeler plus tard afin de se synchroniser pour se retrouver ce soir en ville boire un coup et manger. Depuis le téléphone portable, on note un pic de procrastination en ce qui concerne la prise de rendez vous. Je repart aussitôt à la recherche d’un coiffeur recommandé par la fille de l’accueil. Quelques rues plus loin je repère la petite échoppe de barbier tenu par deux types d’origine moyen oriental. Je suis le seul client et l’un d’eux pose son magasine pour s’occuper de moi. En dix minutes, il règle mon affaire et pour 15$, je repart avec la nuque fraiche. Ca tombe bien, le temps est printanier. Ceci dit, je n’ai toujours pas reconnu quelque chose de familier.

Je part ensuite faire quelques courses de base (brosse à dent et dentifrice, preuve que je me soucis encore de mon hygiène) et après avoir passé sous les voies de chemin de fer, me retrouve aux portes de Chinatown. L’endroit est vivant et riche en magasins mais je n’ai toujours aucun souvenir de l’endroit. Pourtant, Chinatown, ça devrait DSC_7566_DxOmarquer. Le truc c’est que j’ai des images précises de choses mais tant que je ne tomberai pas dessus, il n’y a aucune chance que je sache où elles sont.

Je revient à l’auberge déposer mes achats puis repart faire une première véritable ballade touristique en direction du CBD. En remontant Elizabeth street, assez rapidement les immeubles deviennent plus imposant et je me retrouve soudain au pied de grands bâtiments en verre.

Je longe un parc avec un monument en son centre. Je m’approche pour voir si ça ne déclencherai pas un flash. Rien. Par contre, j’aperçois plus loin,DSC_7570_DxO longeant le parc, un grand bâtiment à l’allure néo-classique. Première émotion. Ce pourrait-il que ce soit ce musée où, enfant, j’avais effectué une sortie scolaire pour y voir une exposition géologique et surtout un gigantesque squelette de baleine suspendu en l’air ? C’est bien lui, l’Australian Museum, sauf qu’il a sérieusement rapetissé par rapport à mes souvenirs. Me voilà rassuré. Je ne me suis pas trompé de ville.

Je poursuit mon chemin jusqu’à la cathédrale qui ne m’inspire rien. C’est une cathédrale vaguement gothique comme il en existe de nombreuses. Deux ou trois couples en habits de mariés et à la face bienheureuse se font mitrailler par des photographes accompagnés de leur assistants luttant contre l’ennui en tenant d’un air détaché un DSC_7578_DxOréflecteur dans la main. Les gens n’ont donc aucune imagination. C’est d’un triste de faire un demi tour de la planète pour constater les mêmes clichés.

Sur le parvis, j’aperçois de l’autre côté du parc deux immeubles qui me disent vaguement quelque chose. L’un d’eux ressemble à une tour radio gigantesque et l’autre possède une forme octogonale. J’ai un souvenir de diner pris dans un restaurant panoramique rotatif, au sommet d’une tour comme celle-ci. Rassurez-vous, ce n’est pas moi qui payait.

Je continu en passant derrière la cathédrale et rejoint le coin d’un nouveau parc. Un bâtiment à l’aspect curieux titille quelque chose en moi. C’est le conservatoire de musique. Allez savoir, peut être y suis-je déjà DSC_7594_DxOaller. Par contre, si je ne suis pas complètement abruti, je ne devrai pas être loin de Botany Park, le parc jouxtant le CBD et l’Opéra (avec un « o » majuscule car il s’agit de l’Opéra de Sydney, pas n’importe quelle vulgaire salle d’opérette) et abritant un jardin botanique. Ça, je m’en souviens car il faisait parti du circuit touristique classique lors de la venue de membres de la famille venu d’Europe. Aucune chance que je me souvienne du nom des arbres et des essences qui s’y trouvent, par contre.

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J’emprunte les sentiers du parc et observe les nombreuses personnes posées sur les pelouses, profitant de ce chaud et agréable soleil de fin d’hiver. La température doit avoisiner les 22°C. Irrésistiblement, je suis attiré vers l’eau. S’il y a bien quelque chose qui m’a marqué à Sydney, c’est l’omniprésence de la baie. Elle était partout, à chaque coin de rue, pleine de recoins et d’activité, de ferrys et de voiliers, obstacle coupant la ville en deux mais également voie de transport. Je m’approche du muret et profite quelques instants de ces retrouvailles. Moi, l’eau, je crois que ça m’apaise.

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Je suis le chemin qui longe la rive, sachant pertinemment que chaque pas me rapproche de la reine des lieux, le co-emblème de la ville et un des monuments mondiaux les plus reconnaissables entre tous. De l’Opéra et du Pont, je garde un souvenir très vif. Et puis d’abord, c’est simple, tout le monde s’y dirige.

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