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L’arrivée à Hoi An

Entre Hué et Hoi An, deux villes sur la côte, se trouve un très joli relief montagneux et notamment un col, le « col des Nuages », qui marque une frontière aussi bien culturelle que météorologique entre le nord et le sud du Vietnam. Au sud on dit Viet congs et il fait beau alors qu’au nord on dit Viet cons et il pleut. Il fallait bien la faire un jour ou l’autre, celle là, et il me semble que c’était le parfait moment.

M. Tranh de Saint Cloud, Hauts-de-Seine, mon référent pour tout ce qui a trait au Vietnam (car il était particulièrement peu loquace sur l’Inde), m’avait décrit la route comme « valant le détour » avec cet enthousiasme qui caractérise tout les habitants du petit bassin Parisien. Non, là je suis mauvaise langue. On sortait d’un déjeuner de pho (fa) à Toulouse. Il était donc de très bonne humeur et il avait les yeux qui brillaient à l’évocation de cette route malgré une absence, à ma connaissance, d’alcool dans son système sanguin.

J’avais donc décidé de faire le chemin entre Hué et Hoi An par la route, initialement par le bus, pour profiter de ce magnifique spectacle naturel. A l’accueil de l’hôtel Valentine, le réceptionniste m’avait presque convaincu de louer une moto pour le faire mais c’était un malheureux quiproquo. En vérité la proposition consistait à faire le trajet en moto, mais avec moi comme passager. Absolument ridicule. Faire 100 km à deux roues avec un pilote tenant mon gros sac à dos de 45 litres entre ses genoux et moi accroché à l’arrière avec dix kilos de matériel photo au dos, c’était parfaitement impensable.

Vint donc le moment de prendre le bus à Hué pour quitter la ville impériale, un matin vers neuf heures. Je vous évite la narration de l’indispensable transfert en xe om jusqu’au point de récupération du bus mais avec mon gros sac à dos, c’était une nouvelle première. Surtout que je l’avais gardé sur le dos et donné le petit au pilote. C’est une terrible erreur car j’avais du coup les abdominaux terriblement contractés pour éviter de ne pas basculer vers l’arrière. Je me retrouve donc déposé devant une agence de voyage en compagnie d’une grosse poignée d’autres routards.

DSC_5885_DxOAssez rapidement le bus arrive et en montant je constate qu’il s’agit d’un bus couchettes malgré le trajet entièrement diurne. On nous ordonne d’enlever nos chaussures et je progresse dans une des étroites allées nu pied jusqu’à une couchette supérieure qui me semble idéalement placée. Je m’installe comme je peux car, encore une fois, les dimensions ne sont pas idéales pour un européen, aussi moyen soit-il, surtout avec un petit sac à dos à caser quelque part. A part ça c’est assez confortable.

Nous récupérons un peu plus loin un nouveau paquet de gens vietnamiens ou touristes dont une bande de jeunes français du sud-ouest assez vocaux qui ont manifestement la gueule de bois et les intestins en purée. Ça promet. Des fois, on regrette de comprendre la conversation de nos voisins.

Le bus entame le trajet qui devrait durer quelques heures et je commence à observer le paysage, à l’affût dés que la route s’élève. Pour le moment on se contente de traverser les faubourgs de Hué donc ça ne s’élève pas des masses. Je transfert donc mon attention au bout d’une petite heure sur la suite des aventures de Dick Bolitho, maintenant capitaine d’un deux ponts (c’est qu’il n’arrête pas d’être promu le garçon). Encore une fois, la climatisation est mon ennemie. La température de la cabine chute et nombreux sont mes voisins qui comme moi tentent de se protéger du froid. Ça devient vraiment n’importe quoi surtout que je commence à avoir sérieusement mal aux fesses à cause de ma position un peu raccourcie. Bref, pour le confort, on repassera. Pour que l’ambiance soit encore plus parfaite, une de mes voisines écoute de la pop sirupeuse avec son téléphone portable.

Environ deux heures plus tard, où je tente de soulager mes fessiers, j’aperçois des reliefs côté terre et commence à recentrer mon attention sur le paysage. Je sens que ça va être de toute beauté d’autant plus que nous ne sommes pas très loin de la mer que nous apercevons par moment de l’autre côté. Je note avec un peu d’appréhension de gros nuages au dessus des montagnes et malheureusement assez rapidement le temps devient gris. La route s’élève mais le plafond est un peu bas. Néanmoins après un virage à droite, on aperçoit la ville de Da Nang en contrebas, sous les nuages et un petit crachin. C’est déjà pas mal surtout qu’elle est adossée aux montagnes, coupées en deux par les nuages bas, mais je sens que ce n’est pas les conditions idéales.

Nous redescendons donc dans la ville, un des ports principaux du Vietnam, et effectuons un arrêt pour déposer des gens. La pluie s’installe pour de bon. On repart et alors que nous sommes encore dans les faubourgs de la ville, les précipitations s’intensifient pour atteindre un régime tropical. Avec la climatisation à la température arctique, j’ai l’impression d’être un couillon en short et claquettes/ tongues / schlappe / slache / gougoune en plein automne écossais.

La dernière heure de trajet se fait dans les mêmes conditions météorologiques et je commence à me dire que ça ne va pas être simple d’effectuer les deux kilomètres de marche prévu entre l’arrêt de bus et mon hôtel. Ceci dit, ce sera l’occasion idéale de tester la fiabilité de mes sacs étanches. J’hésite.

Finalement, le bus pénètre dans Hoi An et nous lâche sur un terrain vague. Les conducteurs se précipitent dehors sous le déluge pour sortir les bagages de la soute pendant que chacun sort en remettant ses chaussures. Je récupère mon gros sac à dos maintenant plein de boue vu qu’il a été négligemment jeté à même le terrain vague et me le jette sur le dos. Ma décision est prise et je sens que je prend un risque vital.

Je me dirige hâtivement vers un groupe de xe oms sous le relatif abris d’un arbre. L’un des deux s’avance vers moi : « Motobaïque ? ».
– Yes, yes. How much for this hotel ?, lui demande-je en montrant l’adresse.
– 40.
– What ?!
– Yes, rain, dangerous.
– Ok, ok. Go.

Oui, je me sens pas trop de négocier car chaque minute d’attente ajoute environ un kilo d’eau à mon barda. Je lui donne donc mon gros sac à dos de 45 litres pour qu’il puisse se le mettre où il veut et m’éviter une deuxième session de crunchs abdominaux. Je m’installe rapidement à l’arrière, met le casque fourni et lui lance le « Go ! » pour lui signifier qu’il peut envoyer les gaz quand il veut.

Franchement, je crois qu’il y a rien de tel qu’un danger mortel pour se sentir incroyablement vivant. Zigzaguer dans le trafic, certes réduit, mais présent de Hoi An sous un déluge de pluie qui vous gifle le visage, en s’agrippant à une petite poignée métallique, ça a quelque chose de vraiment intense. A vrai dire je n’ai pas remarqué de différence notable entre la conduite de xe om sur la pluie ou sur le sec. En plus je crois bien que j’ai rigolé à un moment donné quand une autre mobylette était à notre hauteur, le pilote également crispé et penché en avant pour s’éviter un maximum de pluie. On s’est regardé tout les deux et on s’est bien marré. Qui plus est, j’ai atteint mon hôtel vivant, mais trempé jusqu’à l’os.

Pour le col des Nuages s’est un peu raté mais je ne regrette absolument pas de ne pas l’avoir fait en moto. Et je vous laisse avec cette superbe double négation.

Soirée à Hué

Richard Bohringer l’a si bien dit de nombreuses fois : « c’est beau une ville la nuit ». Souvent les ambiances sont carrément différentes du jour. A Hué, c’est pareil. A la nuit tombée, les bords sud de la rivière des Parfums, côté ville « nouvelle », s’animent et se peuplent de marchands et de passants. L’ambiance est festive et tout le monde déambule ou reprend vie après la chaleur de la journée.

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En me balladant, je tombe sur un attroupement. Un groupe de jeunes gens chantent accompagnés par trois guitareux autour de quelques bougies posées à même le sol. Trois épaisseurs de DSC_5841_DxOspectateurs les regardent, les écoutent et les accompagnent. J’ai beau ne pas connaître les chansons, je suis quand même impressionné par l’ambiance sereine, paisible et presque innocente de la scène. Belle jeunesse, tiens. C’était donc comme ça les années hippies ? La seule différence c’est que tout le monde a une coiffure propre sur lui et possède un téléphone portable. Sans doute aussi qu’ils rêvent d’avoir un smartphone et un plus gros scooter. Il faut croire qu’on ne peut pas tout avoir de nos jours, l’innocence et les idéaux. Mais en tout cas, en cet instant, je trouve ça chouette et j’ai encore cette sensation que les vietnamiens ont l’espoir d’un lendemain qui chante.

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Ambiances Hué

Parce que je suis incroyablement distrait, voici quelques autres ambiances de Hué dont j’ai oublié de vous faire profiter. Enfin, si quelqu’un me lit… Ça se trouve ça fait deux mois que j’écrit dans le vide. Allo? C’est toi, Postérité?

Pour commencer, imaginez vous au milieu de la Cité Impériale de Hué, au sein de l’enceinte interdite de la résidence de l’empereur. Vous êtes quasiment seul dans un petit coin sous une petite pagode.

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Ensuite, transportez vous dans un des tombeaux d’un quelconque empereur Nguyen (je ne suis pas difficile, vous pouvez choisir le 1 ou le 2) et dirigez vous vers le temple dédié à son souvenir.

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Bonne nuit.

Une ballade en vélo

Le lendemain matin, je me réveille de bonne heure après une nuit moins poisseuse (j’ai trouvé comment allumer le ventilateur au dessus de moi) dans le dortoir sur le matelas supérieur d’un lit jumeau. Aujourd’hui je vais participer à une visite guidée en vélo autour du Farm Stay. Départ à 9h. Surprise, je découvre que mon guide est encore une fois Hannah. Cool, au moins les présentations sont faites. Encore plus sympathique, le groupe est beaucoup plus réduit puisque nous sommes que six, hors Hannah, mais que des gars. Ça va frimer sec dans les côtes. Le soleil brille dans un ciel sans nuages. Ça promet d’être une journée chaude.

Nous récupérons chacun un VTC et j’engage déjà la conversation avec un grand brun d’une petite vingtaine d’années tout en longueur à la chevelure très new wave. Il a l’air de voyager avec son copain, un jeune blond à la peau clair. Très intrigué par ses deux poignets tenus par des armatures rigides, je lui demande comment il s’est fait ça. Avec un grand sourire, il me réponds qu’il s’est brisé les poignets en faisant le funambule sur une corde raide. Et à son accent, c’est un anglais. Ma curiosité encore plus attisé par cette histoire de funambulisme, nous partons derrière Hannah en continuant notre conversation. C’est ça qui est bien avec les ballades à vélo, on peut papoter en petits groupes isolés. Les trois autres participants forment un trio, habillés décontractés en débardeur, short et tongues / schlappe / slache / gougoune / claquettes. Moi je rigole pas, j’ai mis mes chaussures fermées.

Notre parcours commence sur le chemin de terre déjà emprunté lors de ma ballade à pied où l’on repasse sur les lieux de mon vol de bouteille d’eau. Rapidement, alors que nous traversons le village, les enfants nous lancent des « hellos » enthousiastes et chacun y va de sa réponse également enthousiaste. Les gars du trio décontracté vont même jusqu’à claquer les mains tendues des enfants en passant. On a l’impression d’effectuer notre tournée d’adieu.

Hannah nous précise que la région est encore relativement pauvre et qu’il faut éviter de donner quoi que ce soit aux enfants, et surtout pas de l’argent, pour ne pas encourager la mendicité. Ah, tiens donc ? Et puis d’abord moi c’était pas donner pour donner. Ils m’ont voler. Nous pédalons à un rythme de ballade en essayant d’éviter les poules et leurs nids, biens secoués par l’état du chemin. Nous atteignons la rivière et posons pied à terre en attendant une barge qui nous fera traverser. Hannah nous précise qu’il y a possibilité de traverser à la nage. Tout le monde décline sauf le jeune blond qui tente l’aventure. Nous nous serrons donc avec les vélos dans l’embarcation pendant qu’il commence à nager à côté. En deux minutes nous arrivons sur l’autre rive et il ressort un peu plus tard dégoulinant mais ravi. C’est vrai qu’il fait déjà bien chaud.

Après une petite côte bien raide où le grand brun peine un peu avec ces deux poignets dans le plâtre, nous redescendons tranquillement en roue libre et, plus loin, Hannah sonne le premier arrêt boissons fraîches. Dans un petit village, nous garons nos vélos sur un tas de sable à côté d’une petite échoppe improvisée dans une maison en construction. Le Farm Stay s’arrange pour faire des arrêts dans les petits commerces alentours pour faire profiter les gens de la région, surtout des paysans, des retombées touristiques. En échange, les prix sont fixés à l’avance pour éviter qu’ils nous tondent. Pendant cette pause, je fais remarquer à Hannah que je trouve les quelques campagnes Vietnamiennes que j’ai vu, et notamment celle-ci, assez dynamiques et semble-t’il en développement car on y voit beaucoup de maisons en construction. Le contraste avec les régions rurales de l’Inde est frappant. Elle acquiesce (et nous apprenons qu’elle a passé quelques mois au Rajasthan dans une ONG aidant les femmes) en nous expliquant qu’au Vietnam, les enfants partis travailler dans les grandes villes renvoient de l’argent au village. C’est donc avec cet argent que les familles construisent de nouvelles maisons modernes, en remplacement des maisons traditionnelles en bois.

Moi quand j’ai une guide sous la main, je la harcèle de questions. J’enchaîne donc en lui demandant ce que ce sont ces grosses excroissances jaunes / vertes, grosses comme un ballon de foot que l’on voit parfois sur certains arbres le long de la route. Relativement difformes elles ont une surface granuleuse presque hérissée de piquants. Elle réfléchi un peu, ma description étant un peu sommaire, et finalement elle s’exclame : « Aah, ce sont des jack fruits ». Manifestement ce sont des lointains cousins du durian, le fruit qui pue et qui s’arrache à prix d’or dans toute l’Asie. Leur odeur est nettement moins forte et leur goût agréable. On en trouve partout au Vietnam. Me voilà moins bête (je pensais que c’était une sorte de parasite tellement le fruit est laid) même si je n’en ai pas encore goutté.

DSC_5732_DxONous repartons à vélo et recroissons de nouveau des enfants qui nous font la fête. Arrivé à hauteur d’une vieille maison traditionnelle en bois, Hannah nous propose de la prendre en photo. Je m’exécute mais un des trois larrons, tellement euphoriques après tous ces « hellos » et ces claquements de mains (on est tous en mode bisounours, je vous dis) rentre à vélo dans le jardin prêt à faire un câlin à toute personne se présentant. Notre guide le rappel en catastrophe pour éviter l’incident diplomatique et il revient tout confus vers nous. Je le comprends aussi, ils n’ont qu’à pas être aussi sympas.

En longeant des champs je remarque déjà les petits enclos entraperçus lors de ma ballade à pied. Hannah nous explique qu’il s’agit de petits cimetières qui peuvent être DSC_5733_DxOaussi bien catholiques que bouddhistes. Pour gagner de la place, car priorité est donné aux surfaces agricoles, on déterre les morts au bout d’un certain temps et on incinère leurs restes. Les cendres sont ensuite placées dans des urnes et remis au cimetière. Je dis ça de mémoire. Ça se trouve on en fait du savon de leurs cendres et j’étais distrait par autre chose à se moment là de son explication. A ce propos, les deux communautés, catholiques et bouddhistes, co-existent, chacun d’un côté de la rivière, d’où la présence d’églises de ce côté-ci. Les catholiques sont d’ailleurs souvent plus pauvres car issu de l’exode massif de Vietnamiens du nord, majoritairement catholique du fait de l’influence française, après la victoire (ou défaite suivant votre camps) à Dien Bien Phu, fuyant le communisme.

Notre chemin rejoint une route, l’autoroute Ho Chi Minh qui parcourt le Vietnam de Hanoi à Saigon (à ne pas confondre avec la piste Ho Chi Minh qui n’a strictement rien à voir) et nous prenons à gauche pour emprunter le pont principal enjambant DSC_5729_DxOla rivière. Sur l’autre rive commence la petite ville de Son Trach qui est en quelques
sorte le chef lieu de la région. Hannah nous raconte d’ailleurs une petite anecdote au sujet de cette ville et de l’autoroute Ho Chi Minh, A l’origine Son Trach était un tout petit bourg beaucoup plus en amont de son emplacement actuel. Au moment du projet de construction de l’autoroute Ho Chi Minh, les habitants se sont renseignés sur le tracé et ont déplacés leur maison pour se mettre pile poil sur son chemin, espérant sans doute voir la route passer au milieu. Les responsables de la construction, ayant l’impression d’être pris pour des nigauds ont tout simplement modifiés le tracé au dernier moment pour éviter le nouveau village. A malin, malin et demi.

Nous nous arrêtons à un petit musée consacré à la guerre Américaine, non loin du fameux pic solitaire abritant la batterie anti-aérienne dont je vous ai précédemment raconté l’histoire. Y sont exposés des photos d’époque (avec beaucoup de gens souriants, étrangement) ainsi que des vestiges tels des AK-47, des fragments de bombes et des grenades. C’est l’occasion pour Hannah de nous rappeler les dégâts qu’on fait les bombes à sous munitions et les mines dans les campagnes DSC_5736_DxOvietnamiennes. C’est en grande parti la raison de l’extrême pauvreté des campagnes jusqu’à encore quelques années. Les champs étaient tellement truffés de munitions non explosées que les paysans ne pouvait pas les cultiver. Il a fallu l’intervention d’ONG et de démineurs pour assainir toutes ces zones avant qu’une quelconque activité agricole puisse redémarrer. Encore aujourd’hui, certaines zones en dehors des chemins sont déconseillés à la randonnée car encore potentiellement parsemées de ces munitions non explosées. Les victimes de ces munitions sont d’ailleurs très souvent des enfants. Les plus terribles sont des munitions giratoires qui explosent après un certain nombre de rotations. Elles ressemblent à des boules de pétanque et certaines n’ayant pas effectué le nombre requis au moment de leur impact au sol sont encore actives. Il suffit alors qu’un enfant ramasse cette jolie petite boule métallique, la lance à son copain et ainsi de suite pour que le jeu de la patate chaude se termine dans un tragique « boum ».

C’est sur ces histoires peu réjouissantes que nous reprenons notre pédalage sous un soleil de plomb pour rejoindre un petit restaurant à Son Trach pour le déjeuner. Avec seulement sept personnes la conversation s’engage naturellement et comme tout le monde est plutôt curieux et ouvert, le repas est très agréable. Je découvre donc les trois derniers comparses qui s’avèrent être des canadiens anglophones de Montréal. On parle donc du Québec, du français et de toutes ces sortes de choses.

Chacun fini ses bières (oui, c’est folie pour le pédalage) et cette fois-ci nous laissons les vélos à Son Trach. Notre prochaine destination est la grotte de Phong Nha et pour cela, nous allons emprunter un bateau. On se retrouve donc tous dans un étroit bateau couvert en bois où je me fracasse le crâne contre une poutre DSC_5737_DxObasse avant que mon pied fasse basculer une des planches du plancher. C’est complètement traître ces embarcations. Nous remontons tranquillement la rivière en direction du parc national. Après une bonne demi-heure paisible pendant laquelle Hannah nous refait un résumé plus complet de la guerre Américaine (Jim Morrisson est cité d’ailleurs et je vous laisse trouver pourquoi), nous apercevons l’ouverture de la fameuse grotte.

DSC_5743_DxODoucement nous pénétrons à l’intérieur et l’acoustique deviens étrange. Le moteur est coupé et nous progressons dorénavant à la rame. La sensation est différente de Paradise Cave car ici ce n’est pas un question de gigantisme mais de longueur. Nous accostons finalement sur une plage et Hannah, en plus des formations classiques, nous montre des graffiti sur un mur. Sans indications il m’aurait été difficile d’en déceler la nature car il s’agit d’inscriptions datant de la civilisation Champa. Des traces de cette civilisation d’influence moghol venu d’Inde persistent à travers le Vietnam, notamment des temples aux allures de temples Hindous. Je n’en dirait pas plus de crainte de dire une très grosse bêtise. C’est déjà sans doute le cas.

DSC_5741_DxONous remontons la grotte vers la sortie à pied puis une fois dehors effectuons une nouvelle pause. Hannah nous propose de goûter au fameux « Jack Fruit » en achetant un sachet de fruit à une vendeuse ambulante. Le fruit est en fait composé à l’intérieur d’une multitudes de « grains » jaunes semblables à de très gros grains de maïs avec un gros noyau à l’intérieur. On mange donc la chair de ces grains, un peu dure, qui a un goût subtile de banane et de grenadine. Pas désagréable à vrai dire. C’est donc on s’enfilant des grains que nous remontons dans le bateau pour repartir récupérer nos vélos à Son Trach. Au passage je refait basculer la même planche du plancher. Quand je pense qu’il suffirait d’un clou bien enfoncé pour régler le problème. Pendant la redescente de la rivière, Hannah reprend son histoire de la guerre Américaine.

Notre dernière étape nous conduit à un petit café. La particularité du lieu est qu’il est tenu par un vieux monsieur célèbre dans la région car c’est lui qui a découvert l’entrée de Paradise Cave, complètement par hasard, en se mettant à l’abri d’une crue sur les hauteurs. Il est d’ailleurs réputé pour arpenter les terrains difficiles du parc national et pour découvrir de nombreuses grottes à l’aide d’amis géologues et spéléologues anglais, présents ici depuis vingt ans. C’est d’ailleurs en compagnie d’un ami anglais résidant maintenant également à Son Trach qu’il a fait sa plus grande découverte. En 2009 les deux ont trouvé une nouvelle grotte d’une taille incroyable. En poursuivant le long de cette grotte ils trouvèrent ce qu’ils pensaient être une sortie de l’autre côté en pénétrant de nouveau dans la jungle. Après quelques minutes de marche ils se rendirent compte qu’ils étaient en fait toujours dans la grotte et que le plafond effondré à cet endroit, laissant passer la lumière du jour, permettait à la jungle de pousser mais selon un micro climat et un environnement propre. La grotte est toujours inaccessible au public mais de menus travaux d’aménagement lui permettra d’être « ouverte » mais selon un mode très sélectif car une visite sera proposé au tarif exorbitant de plus de 1000$ US mais pour un trek de plusieurs jours dans un lieu exceptionnel. La grande salle principale de la grotte est d’une taille unique, sans doute la plus grande du monde car capable paraît-il d’accueillir la statue de la Liberté ou de laisser deux hélicoptères voler dedans sans encombre. Vous pouvez donc commencer à économiser.

Pour ce qui est de ce vieux monsieur, nous n’avons malheureusement pas pu le rencontrer. D’après Hannah, il est allé se cacher quelque part lorsqu’il nous a vu arriver. C’est ça les héros, des êtres humbles et solitaires.

Il ne nous reste alors plus qu’à revenir tranquillement au Farm Stay pour une bonne demi-heure de pédalage sous le soleil de fin d’après midi, uniquement troublé par un léger ennui mécanique. Un des canadiens vient de perdre une de ses pédales. Au sens littéral, bien entendu. En tout cas une bien belle journée en agréable compagnie s’achève.

Gingee

Non loin de Pondichéry, à quelques 70km au nord-ouest se trouve la ville de Gingee (que l’on prononce « jinji », je crois). Ça me fait une belle jambe me diriez vous, mais il se trouve que c’est également le lieu d’un ancien complexe de forts construit initialement au 9ème siècle et qui passa ensuite de mains en mains en fonction du pouvoir du moment. Initialement construit par l’empire Chola, il fut ensuite repris par l’empire Vijayanagar (oui, tout à fait, le même qu’à Hampi), puis Moghol (le Taj Mahal, c’est eux) et enfin britannique (Big Ben, c’est eux). Chacun apporta sa petit pièce à l’édifice, sauf les britanniques, car il faisait trop chaud. Mais surtout, l’histoire retiendra que ce fut l’occasion pour moi d’une petite sortie journée avec un mémorable aller-retour en bus.

Départ le matin relativement tôt car mine de rien, 70km en bus en Inde, ce n’est pas la porte à côté. Il faut compter facilement deux heures de trajet. On irait presque plus vite à vélo. Je m’apprête donc à entamer la première étape du voyage en demandant au propriétaire de la guest house (dont je vous parlerai sans doute dans un autre billet car il incarne à lui tout seul par son physique toute la noblesse indienne) son estimation d’une course de rickshaw vers la gare routière de Pondy. Pour avoir fait ce trajet deux fois à pieds, je le savais être de distance moyenne, proche de quarante minutes de marche. L’estimation tombe : autour de 60 roupies.

70 roupies plus tard, me voici arrivé à la gare routière où commence la sempiternelle période d’observation des lieux à la recherche d’un éventuel panneau « départs ». Non, je plaisante. Je ne cherche même pas, d’une part car je commence à avoir l’habitude et surtout car j’avais déjà repéré les lieux. Je me dirige donc directement vers un comptoir quelconque (oui car il y a plusieurs compagnies de bus), et interrompt le préposé dans ses travaux (dont je n’identifie pas la nature) en demandant, après un vanakaam d’usage, « Where is the bus to Gingee ? ». Je suis quand même poli. Au passage, « vanakaam » veut dire bonjour en tamoul. Je me rends compte assez rapidement que contrairement à ce que je vous ai dit plus haut, Gingee ne se prononce pas « jinji » car une incompréhension évidente se lit sur les traits de mon interlocuteur. Heureusement, j’avais été prévoyant, et sort mon petit carnet où j’avais inscrit les six lettres « GINGEE », carnet que je fourre dans le champs de vision du préposé. Il me fait un vague signe derrière moi à gauche en disant « tirouvanamalaï ». N’étant plus né de la dernière pluie, et ayant au préalable potassé le sujet, j’acquiesce et me dirige vers la plate-forme indiqué : Tirruvanamalai est la grande ville dans la direction de Gingee. Néanmoins, je constate que mon cerveau a toujours du mal à retenir ces noms de villes indiennes que je massacre encore de mémoire en tiruvanalaman ou tiruvaïlamanam. Si toutes les villes pouvaient s’appeler Gingee ou Goa, ce serait plus simple.

DSC_5347_DxOJe repère un bus garé, de marque Ferrari, avec un panneau derrière le pare brise indiquant en alphabet tamoul et latin ma destination. Les bus locaux ne sont pas de première jeunesse mais ça m’a l’air rustique et costaud. De plus, il me tarde d’entendre rugir le V12 atmosphérique de Maranello qui doit se cacher sous ce capot anodin. Je patiente donc en observant les gens, mon occupation favorite. Rapidement je constate des mouvements dans le bus. Des personnes commencent déjà à s’asseoir. Je DSC_5351_DxOprends donc les devants et m’approche d’un préposé non loin du bus en lui demandant « Gingee ? », un doigt pointé vers le bus. Affirmatif. Parfait. C’est presque trop facile que ça n’en devient plus drôle. Je monte donc et me pose à l’arrière afin de pouvoir mater mes congénères.

Quelques minutes plus tard, le bus au trois quart rempli, nous démarrons. Bon et bien c’est raté pour le V12. On est plus proche du gros mono cylindre quatre temps. Une douce musique pop indienne lutte contre le bruit du moteur pendant que nous quittons la gare routière. Je n’ai pas honte d’avouer que je ne déteste pas, surtout le deuxième morceau avec une montée de cordes que même John Barry ne fait plus depuis les années 60 et qui s’enchaîne avec une rythmique tabla / tambourin du tonnerre, le tout soutenant une mélodie chantée par une soprane doublement émasculée. Oui, je tapote du pied là dessus. Nous quittons péniblement Pondichéry en s’arrêtant tous les cent mètres pour laisser quelqu’un monter ou descendre. A ce rythme là, on n’est pas rendu.

Effectivement, quelques deux heures plus tard, nous n’étions pas rendu et c’est finalement plutôt après trois heures de trajet cahotant que nous parvenons finalement à la gare routière de Gingee. Je me béni de multiples fois d’avoir potassé mon Lonely Planet, car mon seul indice pour identifier l’arrêt est une ruine de ce qui ressemble à un fort, au sommet d’une colline au bord de la ville. Et puis d’abord même si ce n’est pas Gingee, vous n’en sauriez rien. A part ça, aucune annonce, rien du tout ou alors en alphabet tamoul.

Je descends du bus avec plusieurs autres personnes dans une ambiance poussiéreuse et suis assez rapidement mordu au mollet par la meute habituelle de conducteurs de rickshaws. Je décline, comme d’habitude et m’engage le long de la grande rue, à la cacophonie habituelle, en gardant à l’œil le fort sur sa colline, au loin à gauche. Ma tactique consiste à prendre la première grande rue à gauche pour se rapprocher du fort. Dix minutes plus tard, en nage, je décide d’abandonner n’ayant croisé aucune route digne de ce nom (justes quelques misérables allées sentant le cloaque). Je rebrousse chemin et me prépare mentalement à prendre un rickshaw.

DSC_5380_DxOAllégé de 100 roupies et après un minuscule trajet de cinq minutes (l’ordure!), le rickshaw me dépose sur une route, devant une grande allée de terre menant à la colline aperçu. C’est déjà assez impressionnant vu d’ici et l’ascension va être poisseuse, je le sens. En réalité le site regroupe trois collines d’une nature très proche de Hampi car également granitiques. De la même manière, de gros blocs habités par quelques singes parsèment le paysage.

DSC_5357_DxOLe premier fort visité, le moins haut, permet déjà d’avoir une superbe vue sur l’ensemble du complexe et sur la ville de Gingee (qui n’a pas énormément d’intérêt). L’endroit est vraiment sympathique et un petit air frais souffle au sommet. J’en profite du coupDSC_5365_DxO pour refroidir après une montée qui me laisse humide et collant. Je fini ma première bouteille d’un litre et attaque mon déjeuner consistant en un anodin sandwich fait maison pain en tranches, tomate et fromage sous plastique pour respecter le cesser le feu négocié avec mon estomac.

La deuxième partie du complexe se situe de l’autre côté de la route. Au pied de la colline on trouve les vestiges d’un ancien palais dans un très agréable espace paysagé. Au passage, les préposés à la billetterie se foutent de ma gueule en voyant mon ticket acheté au premier fort, désormais dans un état DSC_5385_DxOlamentable après les litres de sueurs absorbés pendant la première ascension. La deuxième est pas mal non plus d’autant plus que l’heure avance et le site ferme à 16h. Cette deuxième colline est encore plus haute et le fort plus important. Une petite heure plus tard, la vue est splendide eDSC_5391_DxOt la lumière devient intéressante. Malheureusement, on est rapidement invités à se hâter pour redescendre avant la fermeture du site. Je repart donc assez rapidement après avoir éclusé ma deuxième bouteille d’eau et me retrouve à sec.

Juste avant la fermeture je suis de nouveau en bas et me dirige directement vers un vendeur ambulant pour lui acheter une bouteille de Coca frais et un nouveau litre d’eau. Oui car au final, toute cette journée se résume à des histoires d’approvisionnement en boisson. Il me reste encore à retourner prendre le bus à Gingee pour être de retour à Pondy en soirée. Cette fois-ci, il est hors de question qu’un rickshaw me rackette et je part donc à pied vers la ville. Fort DSC_5390_DxOheureusement, le soleil étant un peu plus bas désormais, la ballade n’est pas désagréable, hormis quand j’arrive en ville ou je note quelques attroupements de gens à un croisement ce qui m’oblige à me frayer un chemin sur la route. J’ai envie de demander, et alors ?

Je me retrouve donc de nouveau à la gare routière de Gingee et sans perdre trop de temps dans des simagrées d’occidentaux pourris par le confort, je demande au premier type habillé en marron caca d’oie : « bus pondichéry ? ». Il me réponds par la négative puis me fait un signe par où je suis venu en me lançant un « crossroad, crossroad ». Ah. Je sens que ça va redevenir intéressant tout à coup. Je rebrousse donc chemin en espérant que l’arrêt de bus pour Pondy ne se trouve pas quelque part au niveau des attroupements que je venais de croiser. Premièrement, je note qu’il y a trois attroupements différents, espacés d’environ vingt mètres chacun, sans aucune indication particulière. Ce sera donc la loterie complète pour savoir où attendre. Deuxièmement, je note rapidement que chaque bus qui descend en dessous de cinq kilomètres heures à proximité d’un attroupement se fait littéralement assaillir. Et troisièmement, après trente minutes d’attente, force est de constater qu’aucun bus n’aborde une indication en alphabet latin, contrairement à ce matin à Pondy. Et pas de trace d’un bus Ferrari. Ca va être coton.

Je me résout donc à utiliser un joker et demande au premier quidam avec un vague air d’éducation (en espérant qu’il parle anglais) comment faire pour reconnaître le bus pour Pondichéry. Est-ce un coup de bol ou est-ce Vishnu qui me protège, le gentilhomme me répond avec un sourire « I go to Pondichéry. Follow me ». Le saint homme. Nous attendons donc quelques minutes pendant lesquels deux ou trois bus passent en lâchant et attrapant des grappes humaines. Un autre bus amorce sa décélération cinquante mètres en amont et mon bon samaritain se penche pour tenter de déchiffrer son panneau. Tout à coup il se retourne vers moi et me fait un signe. Nous nous mettons à jogger avec d’autres vers le bus qui s’arrête à vingt mètres devant un autre attroupement. On tente de s’insérer dans le bus bourré et je parviens plus ou moins à caser mon sac à dos entre mes pieds. Malheureusement, le trajet se fera debout et mon sauveur me fait un sourire suivi d’un haussement d’épaule. Je réponds par un sourire parce que, merde, on n’est pas des bourgeois quoi ! Si les indiens peuvent le faire, je peux le faire : trois heures de rodéo debout !

Au final, après une heure de trajet où chacun s’accroche comme il peut dans les cahots, freinages et accélérations du bus, quelques personnes descendent. Pour une raison que j’ignore (de la gentillesse sans doute et l’envie de satisfaire un étranger), deux ou trois indiens (en même temps, je suis le seul étranger) m’enjoignent de prendre une place assise libre, en insistant. Bon, bon et bien ssank you. Je m’assoit et profite des deux dernières heures à observer le paysage dans le brouhaha habituel des grincements mécaniques, de la musique et des conversations. Finalement on arrive à Pondy en début de soirée, alors que le soleil décline, et je me paye un dernier tronçon en rickshaw vers la guest house, au tarif de 80 roupies. Ça avait encore augmenté, les salauds !