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Kakadu & Litchfield

C’est donc un matin très tôt, alors qu’il fait encore nuit, aux alentours de 6h, à la fraîche, les paupières encore un peu collantes, alors que j’attends devant mon hostel, qu’un gros camion blanc quatre roues motrices tirant une remorque s’arrête. Un grand gars sec d’une grosse quarantaine d’année en chemise bleu et pantalon de toile, cheveux ras, en bondit et s’approche de nous. Je n’étais pas seul avec mes bagages posés sur le trottoir. Un deuxième gars faisait de même. Le grand sec, c’est Adam, notre guide. Mon voisin, un trentenaire au type asiatique, c’est Phil, un américain de Melbourne. Mais ça, je l’apprendrai plus tard. Tout ça pour dire qu’aujourd’hui, je vous narre le tour guidé 3 jours / 2 nuits de Kakadu – Litchfield.

Comme souvent, l’aventure commence par un ramassage des différents acteurs, disséminés dans les différents hostels et hôtels de Darwin. A cette heure les gens sont encore un peu dans le pâté et la conversation s’en ressent. Rapidement nous nous retrouvons donc à 16 dans le camion et Adam, le guide, triture son micro-casque. C’est l’heure des présentations. Chacun notre tour nous divulguons notre nom et nationalité. Voici donc le casting. En sachant qu’il y aura peut être un meurtre, je vous suggère d’être attentifs.

  • Votre serviteur,
  • Adam, le guide australien de Bondi, Sydney
  • Phil, un américain, ayant habité la dernière année à Melbourne
  • Max, le deuxième américain, jeune trentenaire également, de Washington D.C.
  • Nick & Jane, un couple de néo-zélandais habitant également Bondi, Sydney
  • Martins & Aija, un jeune couple lettonien de Riga
  • Pierre & Sophie, encore un couple, français et lorrains de Nancy
  • Emilie et son copain, un autre couple français en fin de visa touriste-travail.
  • Un vieux couple de hollandais en voyage prolongé
  • Et finalement, un jeune bachelier hollandais et son père en vacances

Vous l’aurez compris, la France est en force et le groupe d’une taille respectable. Je suis néanmoins rassuré en voyant la moyenne d’âge, quand même plus proche de 35 ans que de 20. Quand à Adam, notre guide à l’accent typiquement australien, c’est un peu notre Crocodile Dundee à nous. Il faut dire qu’il a deux obsessions : l’eau et les crocodiles. Toutes les heures, il nous rappel de boire ce que je trouve particulièrement paternaliste. Bientôt ils vont nous avertir quand il faut inspirer puis expirer. L’explication : ils ont eu un cas d’une dame ayant souffert du manque d’eau dans un précédent tour. Si on ne peut même plus faire jouer la sélection naturelle, maintenant, pfff. Par contre, pour ce qui est des crocodiles, je vous en parlerai une autre fois.

La plupart du temps, on roule. Au début, tout va bien. L’asphalte est nickel et la route passablement rectiligne. La conversation s’engage un peu timidement parmi certains groupes, DSC_6461_DxOnotamment les hollandais qui papotent. Après un ou deux arrêts pipi, on commence à briser un peu la glace avec certaines personnes. Mais finalement, il faut attendre le repas du midi pour que la convivialité du déjeuner aidant, les présentations se fassent réellement. D’ailleurs, si vous voulez vraiment que les gens se parlent, prévoyez des sandwichs à faire soi même, les ingrédients posés sur un buffet, en quantité insuffisante. Par contre, on boit beaucoup sous le regard lourd et insistant de notre guide. Fort heureusement, l’Australie étant un pays civilisé, des toilettes sont habilement disséminés à chaque arrêt.

Les choses sérieuses commencent quand on s’engage sur les routes non asphaltés. Dans un décor de rallye automobile, le camion se met un peu plus à bringuebaler, la musique se fait plus forte (car musique il y a, les gens étant naturellement terrorisés par le silence) et Adam se met à adopter une conduite coulée tout en glissades contrôlées, le tout à plus de 80km/h. Voici d’ailleurs un extrait de l’ambiance à l’intérieur.

DSC_6367_DxODans ce fameux parc national de Litchfield, il y a des cascades. C’est très simple, pendant la saison humide, ce sont des trombes d’eau qui tombent sur cette vaste bande côtière quasiment totalement plate. DSC_6375_DxOAutant vous dire, que ça stagne pas mal. Néanmoins, il y a quelques plateaux et ce sont à leurs extrémités que l’on peut admirer quelques jolies chutes au débit variable suivant la saison du nom de Wangi Falls et Florence Falls. Ce sont d’ailleurs des occasions de petites baignades collectives que j’évite, le tibia gauche toujours en convalescence depuis le Vietnam. N’oubliez pas de boire.

Nous reprenons la route pour rejoindre une rivière et laissons le camion pour parcourir le cour d’eau pendant deux heures à bord d’un bateau à fond plat. Le soleil décline et nous profitons de l’ambiance paisible malgré la présence de quelques spécimens de crocodiles.

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De retour au camion, nous buvons et reprenons une nouvelle fois la route pour rejoindre notre premier camping pour la nuit. Effectivement, le bilan de la journée se limite à deux cascades et une ballade à bateau.

Pour ce qui est de l’hébergement, soyons honnête, il ne s’agit presque plus de camping dans la mesure où les tentes sont permanentes, équipées de moustiquaires, hautes de plafond et dotés de lits de camps forts confortables. De plus, au centre du campement se trouve une grande tente fermée de 20m de long et 5 de large abritant une grande table, des chaises, un frigidaire, un lavabo mais surtout un barbecue et des feux au gaz. Autant dire que côté confort, ça n’a rien à voir avec le camping de base. Le seul trait commun concerne la salle de bain et les toilettes, communs. Adam nous apprend d’ailleurs que la grande mode australienne est le camping « de luxe », appelé également « glamping », contraction de glamour et de camping. Les riches australiens aiment les grands espaces et la nature, mais faut quand même pas déconner avec le confort. Quand à Adam, il lui arrive pendant ses journées de repos de prendre son 4×4, son sac de couchage et sa glacière de bières (autrement appelé « esky » ici) pour partir seul s’isoler dans le bush ou dans un coin reculé et connu de lui seul de Kakadu. La vrai vie, en somme, toi sirotant bruyamment une bière seul sous l’insondable profondeur du cosmos. En ce qui nous concerne, après un repas collectif concocté par notre guide à base de saucisses au poulet, nous nous contentons de sonder le plafond de la tente collective tout en sirotant des bières achetées en groupe dans la journée.

Le lendemain matin, nous nous réveillons avant l’aurore à 5h30. C’est dur, très dur. La journée promet d’être longue car il nous faut déjà rejoindre le parc de Kakadu à 200km. Ça tombe bien, je me met à la place du copilote, place de choix pour papoter avec notre guide et pour admirer toute sa maestria de pilote de camion sur les pistes gravillonneuses. La lumière se lève tout doucement sur un paysage légèrement brumeux.

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DSC_6466_DxO Quelques heures plus tard, nous descendons pour rejoindre une nouvelle cascade, du nom de Twin Falls. Cette fois-ci, après une petite marche dans une forêt, nous empruntons un bateau à fond plat pour remonter une gorge. Au bout, une plage d’un sableDSC_6475_DxO blanc et deux cascades chutant d’un plateau dans une eau translucide, mais fraîche. Ce sont les Twin Falls. Moi je ne me baigne toujours pas. Après trois quart d’heure (Adam étant le garant du timing), nous rebroussons chemin par le bateau puis remontons dans le camion. Bien entendu, nous buvons.

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De nouveau de la piste, de la route et de la musique avec très probablement des passages de sieste. Un arrêt déjeuner plus tard, toujours à base de sandwichs, nous repartons. Finalement nous atteignons notre deuxième centre d’intérêt de la journée : une nouvelle cascade. Pour la DSC_6501_DxOrejoindre nous devons parcourir une poignée de kilomètres à pied le long d’un chemin longeant une rivière. Après un passage facile, nous crapahutons sur de gros cailloux. Encore une fois, notre guide nous enjoint d’être prudent. C’est vraiment très paternaliste. C’est certes plus technique que de marcher sur un sentier balisé mais c’est drôlement plus amusant. Finalement, nous débouchons de nouveau sur une plage de sable d’uDSC_6482_DxOn blanc éclatant et le groupe s’octroie une nouvelle baignade sous Jim Jim Falls. J’avoue, que là, ça commence à m’embêter d’attendre bêtement que tout le monde se lasse de se baigner. A l’heure dite, Adam fini par rassembler ses ouailles et nous repartons le long des rochers.

Au camion, nous buvons. On remonte dans l’engin et repartons une nouvelle fois pour quelques dizaines de kilomètres de piste afin de rallier notre coin camping pour la nuit. Oui, vous avez bien lu. Malgré une grosse journée, nous n’aurons finalement visité que deux cascades. Quand je vous dit que ce pays n’est pas très dense. De nouveau nous nous retrouvons à coucher dans des tentes confortables autour d’un grand espace clos pour la cuisine et le repas. D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls et de nombreux autres tours opérateurs avec leurs gros camions tout terrains occupent les espaces avoisinants.

DSC_6503_DxOLe lendemain matin, de nouveau très tôt, autour de 6h30, nous sommes déjà tous dans le camion pour une dernière journée dans le parc national de Kakadu. Aujourd’hui nous attaquons les pistes les plus difficiles pour rejoindre une nouvelle cascade à Barramundi Gorge. Après une bonne heure bringuebalante nous nous arrêtons et entamons une marche en file indienne à travers une végétation de bush humide. Des grands arbres à l’écorce décollée appelés melaleuca pulullent dans ces zones riches en eau. Ils sont d’ailleurs assez agréables au touché car leur écorce a la texture de papier buvard. Adam nous affirme que les aborigènes les utilise comme pansement. Le chemin monte et devient plus rocailleux.

Finalement nous redescendons dans les rochers pour rejoindre une série de piscines naturelles formée dans la roche par un cour d’eau qui fini par se jeter en DSC_6519_DxOcascade plus bas. De nouveau nous faisons une pause baignade mais cette fois-ci, vu la fraîcheur de l’eau et l’heure matinale, je ne suis plus le seul à m’abstenir. Une nouvelle fois, une petite heure plus tard, nous repartons en sens inverse pour rejoindre le camion. Nous buvons puis reprenons la route.

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Nous effectuons quelques temps plus tard une nouvelle pause déjeuner où nous finissons les restes de sandwich. Nous buvons. Cette après midi nous allons voir le dernier lieu du tour, un site nommé Ubirr et a ma grande joie, il ne s’agit pas d’une cascade. Situé à l’extrême est du parc, le lieu est important pour les aborigènes. C’est d’ailleurs un des seuls endroits de la région ouvert et connu du public où se trouvent des peintures sur roches. Accessoirement, ce fut aussi le lieu de tournage de quelques fameuses scènes de Crocodile Dundee.

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Nous arrivons là bas en milieu d’après midi et suivons le chemin du parcours. Le long nous apercevons quelques zones de dessins sous des surplombs rocheux, agrémentés de panneaux DSC_6526_DxOexpliquant les histoires qui y sont racontés. Enfin, j’ai l’impression de rentrer dans la culture aborigène australienne et il me tardait un peu. Les panneaux parlent « d’art aborigène » mais Adam, un peu agacé, nous livre son opinion sur le sujet. D’après lui il ne s’agit pas d’art dans l’intention d’origine puisque ces fresques sont avant tout des livres d’histoire pour les jeunes aborigènes. Ce sont sous ces surplombs rocheux, là où les fresques étaient sur d’être préservées des intempéries, que les anciens racontaient les histoires ancestrales, dessins à l’appui. Il est donc aussi ridicule d’appeler ces fresques « art » que d’appeler les illustrations d’un livre scolaire « art ». J’avoue partager son opinion sur le sujet et nous comparons cela aux vitraux et sculptures des cathédrales du moyen-âge, avant tout destinées à l’apprentissage de la bible et non pas issu d’une volonté artistique.

DSC_6528_DxOLe chemin grimpe un peu et nous atteignons finalement une vaste plate-forme rocheuse surplombant un paysage qui semble courir à l’infini. Depuis maintenant trois jours nous avions toujours le nez au niveau du sol. Comme l’a si bien exprimé Phil, pour une fois, le paysage s’ouvre devant nous. Devant nous le paysage est plat et marécageux. Derrière nous il est à l’inverse, totalement rugueux, rocailleux et ponctué de crevasses. Nous sommes à la limite d’un vaste territoire contrôlé par les aborigènes, nommé Terre d’Arnhelm, aussi grand que la DSC_6535_DxOBelgique. Pour y pénétrer, un permis délivré par les Anciens est nécessaire. Du coup, je ressent un grand mystère en regardant dans cette direction, en sachant que ces espaces encore préservés d’exploitation minière, malgré la présence constaté d’un grand gisement d’uranium, vit à l’écart du monde occidental, selon un mode de vie vieux de 30 000 ans.

Finalement, nous redescendons de ce magnifique point de vue et reprenons une ultime fois la route. Cette fois-ci, le tour est fini et il ne nous reste plus que quelques heures de route pour rejoindre Darwin. Chacun son tour nous sommes déposés devant notre hôtel, moi avec Phil, et nous nous disons au revoir.

Une pensée admirative me vient pour Adam, notre guide, qui vient de se taper trois jours de conduite intensive. Fort heureusement, il enchaîne par une journée de repos. Trois jours, cinq cascades, des fresques et un panorama pour un petit millier de kilomètres de route sur un fond de bush. C’est quand même dingue comme c’est peu dense et varié, finalement.

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Dernière nuit au Vietnam

Elle est arrivée. Elle est arrivée cette dernière nuit tonkinoise. Il fallait bien que cela arrive, la flèche du temps ne laissant que peu d’espoirs. J’aurai pu prolonger mon séjour, certes, mais les sirènes de l’aventure sonnaient déjà par delà la mer du Timor, là bas, de l’autre côté, en Australie. Que faire pour célébrer cela ? Une soirée en boîte de nuit hyper-sélecte en compagnie de quelques célébrités des médias ? Je n’en connais pas et en plus, je n’ai pas le dress code adéquate. La tournée des bars avec verticales d’alcools de riz pour tout le monde ? C’est risqué. Il y a moyen de rater l’avion le lendemain. Faisons simple : explosons nous la panse dans un des meilleurs restaurants de la ville.

Je sort donc mon Lonely Planet (électronique) et extrait deux restaurants potentiels. L’un semble plus gastronomique que l’autre. Je choisit donc celui-ci. Je mémorise le trajet à pied qui m’amènera de l’autre côté d’un canal dans le district 4. Ça ne paraît pas très compliqué sur le plan restreint fourni par l’hôtel bien que la dernière portion du trajet se situe en dehors des limites. Ce sera également la soirée photographie de nuit et j’amène mon appareil photo ainsi que mon trépied.

DSC_6315_DxOL’itinéraire commence tranquillement par la fameuse traversée du canal où je quitte le district 1. De l’autre côté l’ambiance est un poil plus populaire. Après avoir suivi une grande rue, je continue tout droit dans une voie un peu plus petite. L’animation y devient également un peu plus importante ce que je trouve toujours aussi vivant. Malheureusement, ce n’est pas exactement ce à quoi je m’attendais ayant choisi un itinéraire DSC_6319_DxOempruntant les grandes rues pour minimiser les risques de se tromper. Je continue malgré tout et après un moment emprunte une rue à gauche suivant mes prévisions. Un peu rassuré, je débouche un peu plus tard dans une large avenue qui continue vers le sud. Il n’y a, maintenant, plus qu’à la suivre pour tomber sur ce restaurant incroyable qui finira mon séjour en feu d’artifice.

Une demi-heure plus tard, je décide de faire demi-tour. Soit ce n’est pas la bonne avenue, soit je n’ai pas noté le bon numéro. Je rentre dans un petit hôtel pour demander mon chemin. Un peu gêné j’aperçois l’équipe attablée au grand complet pour le repas du soir. Une fille se lève précipitamment et se place derrière le comptoir avec un grand sourire.

« Sin tchao, je cherche cette rue ?, lui dis-je en anglais tout en pointant du doigt l’adresse hâtivement notée sur le dos de mon plan.

  • Ah non, ce n’est pas ici. Ici hôtel <mettez ce que vous voulez comme nom, ça n’a pas d’importance>.
  • Euh oui, hahaha, je me doute bien que ce n’est pas ici, elle est mignonne, pense-je très fort. Je voudrais aller à cette adresse.
  • Euh, non, pardon. Désolé.

DSC_6321_DxOSelon toute probabilité, son anglais est atroce. Je la quitte donc en la remerciant et ressort dans la rue. J’ai faim. Je poursuit un peu plus haut mes recherches en remontant l’avenue vers le canal mais il faut bien que je me rende à l’évidence, je me suis trompé quelque part. Il me reste encore l’autre restaurant comme solution de repli mais celui-ci est dans le district 1, de l’autre côté de l’hôtel. Je soupire un bon coup et me remet donc en marche.

Après quelques zig zags, je retombe sur les berges du canal et le longe pour rejoindre le pont. La nuit est tombé depuis bien longtemps et les lumières de la ville se reflètent dessus. Des couples s’enlacent et se bécotent à intervalles régulières, profitant d’un éclairage discret. Bien entendu, chacun d’entre eux sont assis sur leurs mobylettes, accessoire indispensable pour la drague. A proximité d’un canal, on pourrait même dire que c’est un jeu de mot. Toujours est-il qu’un des couples m’interpelle avec un signe de la main : « Hello ! ». Je fait de même avec le sourire mais continue mon chemin jusqu’au pont où je m’arrête pour prendre des photos.

DSC_6325_DxOLe trépied sortie, je commence à mitrailler les buildings éclairées et les reflets sur l’eau. Quelques minutes plus tard, alors que je commence à replier le trépied, une mobylette s’arrête à côté. « Hello ! », me font à nouveau le même couple m’ayant interpellé. De plus près, sous un éclairage plus conséquent, je vois qu’ils sont relativement jeunes. Comme de bien entendu, le gars pilote et la fille est assise derrière dans une robe légère.

  • Hello, leur réponds-je, souriant
  • Vous faites quoi ?, me demande le garçon
  • Je photographie les lumières dans l’eau.
  • Aaaaaah. Vous aimez ?
  • Oui, c’est très joli la nuit.
  • Aaaaah, font-ils tout les deux ensemble.

A cet instant il me faut basculer en version originale pour être le plus impartial possible. Le garçon se tourne vers sa copine et me dit : « She says you are very handsome ! ». Ma modéstie m’oblige à vous le traduire en français approximatif en : « Elle dit que vous êtes très élégant ».

  • Yes, confirme-t-elle avec le sourire.

Moi franchement, je n’avais rien fait de particulier pourtant qu’enfiler un t-shirt noir et un pantalon de randonnée. Il faut croire que j’ai un charme incroyable de nuit. Pas sur que ce soit très rassurant. Mais cette fois-ci, la fille me paraît être un peu plus âgée que la lycéenne de Gingee et surtout, accompagnée. Un peu confus je leur lance alors : « Et vous, vous êtes un très joli couple ». Là dessus, ils partent dans un pétaradement en me faisant un dernier au revoir de la main. Ils sont vraiment pas croyables ces vietnamiens. Je vous ai dit qu’ils étaient très francs, au fait ?

Complètement regonflé à bloc et ayant limite les larmes aux yeux par tant de franchise et de sens de l’esthétisme, je traverse le pont de toute mon élégance naturelle. Dans un soucis de prévoyance, j’avais fort heureusement choisi de noter l’adresse du deuxième restaurant.

Un peu plus tard, je me retrouve donc de l’autre côté de l’hôtel dans le parc encadré par les rue Le Lai et Pham Ngu Lao, en plein cœur du district 1. Le restaurant n’est pas très loin mais je décide de ne pas me hâter en observant les jeunes pratiquer le roller ou ce curieux mélange de football et de badminton. Une dame, accompagnée d’un jeune garçon et d’une fillette, m’interpelle en anglais : « Bonjour, est-ce que vous auriez du temps pour parler anglais avec le garçon ?

  • Euh… oui, pourquoi pas mais pas trop longtemps
  • Ah c’est très gentil à vous. Il apprend l’anglais à l’école mais il n’est pas très bon.

Le pauvre garçon se tient timidement à côté d’elle, à peine onze ans, rondouillard avec de grosses lunettes sur le nez. Inversement, la fillette de sept-huit ans est le modèle type de l’extravertie. Le contraste ne peut être plus complet. Nous nous asseyons donc sur un banc, moi à côté du jeune garçon avec mon plus chaleureux sourire pour le détendre.

  • Allez ! Vas-y ! Parle anglais au monsieur, fait la dame en le secouant légèrement par l’épaule.
  • Euh… Comment vous appelle ?, essaie-t-il
  • Non !!! Appellez-vous ! Comment vous appellez vous !, le corrige la dame.

On ne peut pas dire qu’elle le mette vraiment en confiance le pauvre bonhomme. Je décide donc de répondre comme si j’avais compris.

  • Je m’appelle Olivier.
  • On hiva ?
  • Euh, non. O-li-vi-é

Je n’insiste pas. En rentrant je changerai mon prénom pour « Tom », ce sera plus simple pour tout le monde. Pendant un quart d’heure j’essaie de lui faire la conversation malgré sa timidité et la pression incroyable que lui met sa tante. Car malgré la barrière linguistique, j’apprends que la dame est sa tante et la petite fille sa cousine. Au rayon des sujets de discussion nous avons mon origine française, les chats et mon plat vietnamien préféré. Nous conversons un petit peu sur ses goûts et il parvient à me faire comprendre qu’il voudrait devenir ingénieur en génie civil. C’est y pas meugnon ! Il voudrait construire des ponts et des routes pour aider au développement de son pays ! Bon, ça c’est moi qui le rajoute. Ça se trouve il veut faire ce métier pour toucher des pots-de-vins plus important, le salopiot. Entre les interventions hésitantes du neveu, sa tante m’explique qu’il parle très mal anglais car ils ne font pas du tout d’oral à l’école. Voilà qui est donc confirmé après ma discussion avec le jeune homme à Quan Lanh mais la petite cousine s’en sort malgré tout presque mieux que lui. En tout cas il est très touchant ce petit gars et même si sa tante est fort sympathique et dynamique, je le plaint un peu de subir tout ce harcèlement alors qu’il est manifestement d’un tempérament plus doux. Finalement, je les quitte après un gros quart d’heure sous les remerciements et les au revoir réciproques pour reprendre mon chemin vers mon restaurant.

Je me retrouve donc dans une petite ruelle non loin du marché Ben Thanh, en plein cœur du district 1. Ce restaurant, nommé « Cyclo Resto » (ce qui, il faut bien l’avouer, est complètement nul comme nom), est d’après le guide un peu particulier. Il se situe dans une pièce au décor inexistant au premier étage d’un immeuble quelconque. En clair, tout l’intérêt se porte sur le contenu des assiettes. Pour y entrer, je repère un petit panneau et monte un escalier. Il doit maintenant être près de neuf heures et je prie pour qu’il y ait de la place. Une grande pièce tout en longueur aux murs blancs abrite une immense tablée d’une quinzaine de convives, visiblement un groupe de touristes occidentaux. Sur le petit balcon s’ouvrant sur la pièce et surplombant la ruelle, deux petites tables aux chaises vides me laissent un espoir. Un jeune homme se dirige vers moi avec un sourire alors que d’autres sont affairés dans la cuisine ou au service du groupe.

« Vous êtes seul ?

  • Oui.
  • Vous nous avez trouvé par Trip Advisor ?
  • Non, par Lonely Planet.
  • Aah. Ici il n’y a qu’un seul menu de cinq plats. Ça vous va ?
  • Mais complètement !

Au moins, je n’aurai pas à m’embêter à choisir des plats dont je n’ai aucune idée de leur contenu. Je commande une bière, et attend le début des festivités. Mais pour ne pas vous faire attendre plus longtemps voici le menu en question, dans cet ordre :

  1. Spring rolls (rouleaux de printemps)
  2. French bean stir fry with lean pork (haricots sautés et porc maigre)
  3. Green melon soup with shrimps (soupe de melon vert et crevettes)
  4. Fried chicken with lemon grass (poulet frit à la citronnelle)
  5. Stewed snakehead fish in clay pot (un poisson cuit dans un pot en terre cuite)

Pourquoi est-ce que je vous donne les plats en anglais et comment se fait-il que je m’en souvienne si bien, d’abord, me demanderiez-vous ? Et bien tout simplement car il se trouve que le serveur, à l’issu du repas, m’a donné les recettes en anglais, sur une feuille A4 que je transporte précieusement depuis. Il n’y a rien d’étonnant à cela car une partie de l’activité du restaurant consiste en des cours de cuisine (Je peux transmettre les recettes à la demande). Pour tout vous dire, j’ai beaucoup apprécié ce repas. Chaque plat était complètement différent du précédent et souvent surprenant. Je pense notamment à la soupe de melon vert qui était d’une extrême subtilité. Je ne serai pas surpris que certaines personnes estiment qu’elle n’a aucun goût. Mais si vous avez les papilles un peu fines, c’est d’une finesse et d’une fraîcheur assez étonnante.

Je quitte donc ce petit restaurant par le lieu mais grand par la qualité (et pour un prix totalement abordable, en plus) et commence une lente déambulation dans la chaleur et la clameur de la ville. J’ai encore envie de prolonger ces derniers instants vietnamiens surtout après qu’on m’ait complimenté sur ma tenu et nourri de si belle façon. Assez rapidement, je me retrouve une nouvelle fois dans le parc encadré par les rues Le Lai et Pham Ngu Lai.

Des chants attirent mon oreille et j’infléchi ma trajectoire pour m’en approcher. Trois jeunes gars assis sur un banc, l’un à la guitare et les deux autres au chant, interprètent une chanson en anglais. Aucun spectateur ne traîne autour d’eux. Ils sont manifestement là uniquement pour se faire plaisir. Je m’approche et les écoute un petit peu, encore une fois surpris comme à Hué par le caractère spontané de la chose. Entre chaque morceau ils se parlent entre eux comme pour décider de la prochaine chanson. Je me permet alors de les interrompre et leur demande en anglais : « Vous permettez que je vous enregistre ?

  • Mais avec plaisir ! Ce sera même un grand honneur !, me répondent-ils avec de grands sourires et des manières un peu efféminées.
  • Je vous le dit tout de suite, je ne suis pas producteur donc il n’y aura aucun espoir de disque.
  • Ce n’est pas grave. On chante pour le plaisir, avec notre cœur.

Mais qu’est ce qu’ils sont gentiiiiiiiills. C’est pas croyable, j’vous jure. Ils vont se faire bouffer tout cru. J’enclenche donc mon enregistreur numérique pendant qu’ils entament une nouvelle chanson de Roland Kittin, Kitting euh Keatin. Enfin bref.

Pas mal ! En tout cas ils y mettent effectivement du cœur et du vibrato. On discute un petit peu d’où je viens et spontanément avec de grands sourires me souhaitent la bienvenue au Vietnam. Forcément ils enchaînent avec des références musicales françaises à milles lieux de mes goûts : Lara Fabian, Céline Dion et d’autres trucs de variété que je connais sans connaître. Moi curieux, je les interroge sur leur style musical malheureusement plutôt orienté Maria Carey, Céline Dion et toutes ces hurleuses à gros poumons et vibratos chevrotants. Mince. On ne peut pas tout avoir. A mon tour je leur avoue que j’écoute plutôt de la musique électronique ou de la soul. « J’adore la musique soul et noire américaine », me fait un des chanteurs, l’un des plus bavards. Une image amusante d’un jeune vietnamien efféminé à l’accent imparfait chantant du Barry White ou du Marvin Gaye me vient à l’esprit.

Toujours curieux des goûts musicaux au Vietnam je les interroge sur ce qui a du succès chez eux. Sans surprise ils me parlent de pop vietnamienne et de K-pop coréenne. Donc sans plus tarder, sous mon insistance, voici un petit morceau de pop locale chantée par notre duo de Saigon. Les gars, c’est à vous :

J’espère que vous avez applaudi bande d’insatisfaits ? V’la un trio de jeunes gars spontanés et innocents alors respectez cela ! Vous n’en feriez pas le quart, en plus.

En tout cas, on peut dire que les vietnamiens m’ont encore une fois démontré toute leur gentillesse et leur spontanéité ce soir. Haaa lala, ça va pas être facile des les quitter. Ces p’tits bichons.

Bilan gastronomique

Je crois qu’il est grand temps de reparler nourriture. En plus ça tombe bien, à l’heure où je vous écris, j’ai l’estomac plombé par une pizza vraiment pas exceptionnelle. Si je me permet un petit saut temporel complètement révélateur de la vitesse à laquelle je rempli ce blog, ce n’est pas la peine d’aller se déplacer jusqu’à Rotorua en Nouvelle Zélande pour manger une pizza au poulet. Mais oubliez vite ce que je viens de dire. Ne vous laissez pas distraire.

Hors donc, la cuisine de rue étant toujours mon alimentation de base (et ma digestion s’en porte très bien, c’est vous dire) j’ai néanmoins décidé en quelques occasions de tenter un véritable restaurant avec des tables à l’intérieur et de serviles employés chargés de prévenir mes moindres désirs, du moment qu’ils sont à la carte.

Pour commencer, à Hué (et hop, flashback), j’ai réussi à extraire de mon Lonely Planet version électronique, après un gros effort de manipulation, l’adresse d’un restaurant de cuisine vietnamienne de grande classe nommé Anh Binh. Les rédacteurs du guide sont dithyrambiques : explosion de papilles, syncope gustative, tout le vocabulaire permettant de décrire des chocs émotionnels y passe. En plus, c’est vraiment un signe d’une quelconque déité Hindou, il se trouve dans une ruelle parallèle à mon hôtel. Je m’habille donc sur mon 31 en fouillant dans ma garde robe. Que vais-je bien mettre. Rhaaa, j’hésite. Après deux secondes d’hésitation je met mon polo blanc « made in Pondichéry » et mon pantalon de randonnée le moins sale. Avec les claquettes pour faire couleur locale, j’espère bien ne pas me faire jeter.

Je me retrouve devant un bâtiment standard tout en hauteur avec le restaurant sur trois étages. Une charmante serveuse en habit traditionnel vert (ce magnifique habit qui dévoile deux triangles de peau, un sur chaque hanche) me guide au premier étage. L’ambiance est un peu plus guindée que dans mes gargotes de rue mais ça reste acceptable. Je commande une soupe en entrée et un plat principal. Ma mémoire me fait défaut quand à la nature exacte de ces plats. Ce dont je me souviens c’est d’avoir été un peu déçu. Attention, ne nous trompons pas, c’était bon mais je dois dire que la qualité ne m’a pas estomaqué par rapport à ce que l’on peut commander dans des petites échoppes. Le prix lui, est assez différent puisque un repas coûte environ le double, mais rien d’étonnant vu le service.

Je retente donc l’expérience à Hoi An car c’est manifestement le lieu. De nombreux chefs étrangers se sont installés dans la ville, profitant de l’affluence, et proposent des cuisines d’influence vietnamienne. Je note donc un restaurant, son adresse, et part à l’aventure dans la vieille ville. Après une grosse demi-heure de déambulation, j’arrive devant un restaurant dans une grande maison ancienne, comme de nombreux autres d’ailleurs, mais fait rapidement demi-tour lorsqu’on m’annonce qu’il n’y a plus de places avant deux heures. En plus, un rapide coup d’œil à la carte m’apprend qu’ils ont sérieusement gonflés les prix depuis la publication de mon guide.

Je repart donc et tente ma chance au hasard dans un restaurant / bar à vin. La carte à l’air sympathique et originale. Le prix est raisonnable pour un repas de qualité. On me propose donc une table à l’étage dans cet étroit restaurant à la décoration classe situé lui aussi dans une maison ancienne. Les fenêtres grandes ouvertes permettent de profiter de l’ambiance nocturne de la rue et une petite musique branchouillette nous transporte presque dans un quelconque lieu un peu trendy d’une grande ville internationale. Je repère un superbe menu dégustation à cinq plats pour un prix raisonnable (genre 300 Kdongs, soit environ 15€). Manque de bol ou complot à tendance socio-politique, on ne le sert qu’à partir de deux personnes. Je me rabats donc vers trois plats, car le choix est vraiment trop tentant : une salade et un plat principal. Pour arroser le tout, une bonne vielle bia fraîche.

Je vais être clair, ça a commencé très très fort. Une petite salade servie dans trois petits ramequins où sont posés trois morceaux de porcs grillés et relevés. On a donc quasiment cinq bouchées d’un délicieux cocktail de saveurs entre la salade faite d’un mélange croquant de légumes râpés (je crois reconnaître d’ailleurs un cœur d’ananas râpé complètement génial en salade) plutôt doux et la viande superbement relevée et presque croustillante. J’ai pris mon temps tellement c’était bon. Ou alors j’étais sérieusement bourré avec la bière.

Arrive ensuite le plat principal, de nouveau du porc servi avec un légume exotique que je n’ai jamais mangé. Pour vous dire à quel point ma mémoire est défaillante, je ne me souviens plus du nom de ce légume. J’en ai comme un morceau sur le bout de la langue, pourtant. Comme souvent, du riz cuit à la vapeur accompagne le plat. Je me prends donc un premier morceaux de ce fameux légume. Malgré la cuisson, cela reste relativement croquant et frais. Je goutte donc à la viande. Et merdeuuuuh. C’est piquant. Quel est le sagouin qui s’est senti obligé de mettre du piment là dedans? Il se croit en Inde, peut être ? Résultat, même si ce plat n’était absolument pas mauvais, il m’a été gâché par le piquant qui tranchait avec la subtilité du premier plats. Il faut dire aussi que j’avais été un peu ambitieux côté appétit et la fin du repas s’est terminé au ralenti. La facture bien que somptueuse à l’échelle vietnamienne reste complètement raisonnable en euros, de l’ordre de 14-15.

A Da Lat, sous la pluie, j’avais besoin de réconfort. Je me suis donc dirigé vers un autre restaurant, dont je ne me souviens plus du nom, mais si vous voulez, je peux vous indiquer où c’était. Je me rends compte à quel point c’est pathétique cette façon de raconter mes aventures en oubliant les trois quarts de noms. En tout cas, j’y choisi un plat au hasard : du bœuf La Lot. On me l’apporte : du bœuf cuit dans des feuilles d’une plante dont je ne me souviens pas du nom, pour changer. De la même manière que précédemment, six exemplaires sont disposés en cercle. Les feuilles enrobent la viande à la manière de petits nems aplatis et sont cuites ensembles. Je me saisis du premier avec mes baguettes et y goutte. C’est encore une fois positivement agréable. La viande à l’intérieure est tendre et surtout juteuse avec un nouvel assaisonnement subtile mais délicieux. Il faut toute ma concentration pour ralentir ma dégustation et ne pas me jeter sur les cinq autres morceaux. Pour vous dire, j’en ressent encore le goût dans ma bouche.

Un midi à Ho Chi Minh Ville, complètement à l’intuition et au hasard (ce qui est parfois la même chose), je rentre dans un petit restaurant inconnu, un endroit tout en longueur propret mais sans chichi tenu par une bande de jeunes souriants. D’autres clients déjà présents mangent des choses posées sur de grandes feuilles de bananiers dans un plat métallique circulaire. Je commande la même chose et on m’apporte mon plat rempli de feuilles aromatiques ainsi que des mets : des petites tranches de porcs cuites, des boulettes de noddles, des morceaux d’omelette et des petits cubes de ce qui est avéré être du soja fumé. Bien entendu, le tout est accompagné d’une portion de riz cuit à la vapeur et disposé sur les susmentionnées feuilles de bananiers. C’était extraordinairement surprenant et délicieux. Chaque plante, légèrement anisée, mentholée ou citronnée mélangée avec un met produisait des sensations différentes. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, je suis tombé fou dingue de ces petits cubes de soja fumé à la consistance d’un flanc crémeux et au goût puissant.

Pour finir, et pendant que vous salivez salement en pensant à un gros cube de soja fumé bien mou (mais si, ça vous fait saliver, laissez vous aller), voici une petite ambiance sonore que vous pourrez vous passer en boucle la prochaine fois que vous mangerez un plat de nouilles instantanées. Dites vous que c’est du pho (fa) et imaginez vous assis sur une minuscule chaise de plastique bleue. Mieux, achetez en une (se trouve communément au rayon jouets pour enfants). Munissez vous de quelques accessoires indispensables tel qu’une bouteille de bière et des baguettes. Fermez les yeux. Vous êtes au Vietnam.

HCMV District 1

Il était temps de quitter Da Lat, je vous l’assure. Je cherchais de la fraîcheur mais j’ai comme l’impression que c’est difficile d’avoir un juste milieu. Ceci dit, je n’étais pas plus enthousiaste que ça de découvrir la capitale du sud Vietnam. J’avais toujours en tête cette sinistre description que m’avais lancé le vieux touriste français à Hampi : « Ho Chi Minh Ville, c’est beaucoup trop américanisé ! ». Ça donne pas envie. Mais bon, il faut bien finir par quelque chose et de toute façon, mon avion pour l’Australie y décolle ce qui est une excellent raison pour y aller.

Après donc un nouveau trajet de bus couchettes avec son cortège de petits soucis rétrospectivement insignifiants (mal de fesse, froid et terrible envie d’uriner, par ordre croissant d’importance), j’arrive enfin dans l’ancienne Saigon en début de soirée. Comme je suis maintenant totalement immunisé contre la peur du deux roues, j’harangue un xe om qui glandait par là avec d’autres collègues et après un bref marchandage, tombe d’accord sur un prix. Nous partons donc joyeusement une fois l’adresse montré à mon chauffeur. Je dois avoir le don de trouver des hôtels impossibles mais il s’y met bien à trois fois avant de trouver le bon endroit. Pourtant, la rue est plutôt importante et le lieu quasi central. En tout cas on se quitte bons amis et il me demande de penser à lui pour d’autres courses demain. Peut-être, peut-être, on verra. Kam eun.

Maintenant que nous sommes à Ho Chi Minh Ville, laissez moi vous en faire une rapide présentation. La ville est en réalité un agglomérat d’anciennes villes, villages et faubourgs (un peu DSC_6136_DxOcomme Paris finalement) divisé en « districts ». Par exemple, le quartier central (qui doit correspondre à l’ancienne Saigon, j’imagine) est le district 1. Ça ressemble drôlement aux arrondissements français, maintenant que j’y pense. Je ne sais pas combien il y en a en tout, mais ce qui est sûr c’est qu’il y en a au moins sept. Je peux vous l’affirmer avec beaucoup de prestance car une cousine de monsieur Tran (mon référent Vietnam, rappelez-vous) a un petit café dans ce district. Je peux aussi vous affirmer que c’est beaucoup trop éloigné de mon hôtel, situé dans le district 1, pour mes petites jambes.

DSC_6139_DxOPuisque je vous parle de ce premier district, j’imagine que la remarque de ce cher vieux français concernant l’américanisation portait essentiellement sur celui-ci car c’est dans ce secteur que se concentrent la plupart des grattes ciels. Alors, autant vous le dire tout de suite, je ne suis pas vraiment d’accord avec lui. Si ça c’est de l’américanisation, il faut absolument qu’il aille aux États-Unis pour se resynchroniser. Certes, il y a quelques enseignes internationales comme Starbucks et KFC mais ce n’est pas non plus l’invasion, en tout cas, pas plus qu’en France. Plutôt que de parler d’américanisation, je dirai plutôt que HCMV (pour faire court), et surtout le district 1, pourrait éventuellement ressembler à une trépidante ville asiatique moderne comme Hong Kong ou certains quartiers à Tokyo. DSC_6135_DxOOn y voit de hauts immeubles modernes, de grandes affiches et des néons. A part ça, il n’y a pas de doute, on est au Vietnam. On trouve comme partout des petits restaurants et seul la plus grande présence de cafés branchouilles, bars sélectes et boites de nuits ainsi que de plus larges avenues diffère de Hanoi. Franchement, moi je ne déteste pas.

L’ambiance n’est pas la même que dans sa sœur du nord. Le centre cela semble plus moderne, plus trépidant, plus nocturne peut être aussi. On y sent peut être une énergie supérieure. Mais ça n’engage que moi. Je dis ça sans doute car j’ai réussi à acheter une alimentation de remplacement pour mon ordinateur portable (qui en plus d’avoir un faux contact extrêmement désagréable depuis maintenant plus d’un an commençait à émettre depuis deux DSC_6179_DxOsemaines des grésillements et de curieuses petites émanations de fumées nauséabondes) en moins de cinq minutes dans un grand magasin d’informatique le soir à vingt heures alors que j’avais l’impression que toute la ville était dans la rue avec tous les magasins ouverts. Attention, je ne sous entend pas qu’avoir les magasins ouverts est forcément moderne mais en tout cas, c’est très vivant, surtout qu’ici, même en centre ville, on trouve autre chose que des banques ou des grandes enseignes de mode. De plus, entre le brouhaha habituel du trafic et les appels à consommer claironné par des vendeurs, j’ai pu entendre vaguement quelques soirs des concerts en plein air (mais payants) d’une quelconque pop star ou d’un autre ersatz de la « Nouvelle Star ».

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Petit point néanmoins légèrement décevant, si, maintenant que j’y réfléchi. Un cours d’eau coule dans la ville et borde le district 1 par le sud. Il se trouve que ce n’est pas le Mékong mais un petit filet boueux du nom de Saïgon. Incroyable. C’est tout de même sidérant cette façon de ne pas exploiter pleinement le potentiel romantique de leur pays quand même. Saigon sur le Mékong, avouez que ça aurait eu autrement plus de gueule que Saïgon sur Saïgon ?

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Voici pour mes impressions générales. En ce qui concerne mes impressions détaillées, reportez-vous aux billets suivant. Kam eune.

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Vélo à Hoi An

Moi, quand je voyage, j’ai absolument besoin de voir la campagne. Pour moi, c’est le gras d’un pays. C’est bien de voir des villes mais on ne peut réellement sentir la nature d’une culture si on ne s’est pas promené en dehors. Je décide donc de louer un vélo à Hoi An. Pourquoi pas une mobylette, me demanderiez-vous ? Parce que j’ai envie de pédaler et que Hoi An, et bien c’est plutôt plat.

Je me dirige donc un matin à l’accueil de mon hôtel pour louer un bicycle. Le prix est complètement dérisoire puisque de 30 kDongs par jour (soit même pas deux euros, c’est dingue). Côté paperasserie, c’est réduit au minimum, c’est à dire à rien du tout et côté sécurité idem. Même pas une caution ou un otage, que dalle. Je demande quand même s’il y a un antivol et on m’amène un cadenas souple rose et une clé. Vraiment, on ne s’emmerde pas trop avec la sécurité et l’administratif ici, et je dois dire que c’est drôlement plaisant, bizarrement. On me tend donc un vélo en état moyen avec un joli panier devant. Comme tout les vélos se ressemblent je note le numéro marqué sur une petite plaque sous la potence, le 27. Ça peut toujours servir.

DSC_5919_DxOJe part donc gaillardement le sourire aux lèvres sous un chaud soleil de début de journée. La journée promet d’être chaude, très chaude. Je m’économise donc pour limiter ma transpiration. Avec mon sens de l’orientation qui fait ma fierté, je me dirige au jugé vers la plage qui devrait se situer vaguement à l’est, en traversant la vieille ville puis en empruntant une très jolie route qui longe une petite rivière. Je traverse finalement un pont qui enjambe un cours d’eau plus important puis, après avoir parcouru une rue bordée de petits restaurants, tombe sur la plage. Je vous laisse juge de la qualité du sable.

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C’est à ce moment là que je me suis souvenu que je n’avais pas pris mon maillot de bain. En même temps, je n’étais pas plus motivé que ça de prendre l’eau. Avec mon vélo, on avait plutôt envie de partir à la découverte de la campagne. La plage attendra. Je décide donc, après un peu d’hésitation, à suivre la plage vers le sud pour trouver éventuellement un endroit un peu moins « courru ». En plein soleil, je pédale mollement en longeant des résidences hôtelières de luxe sur le front de mer puis quelques maisons un peu humbles côté terre.

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Je quitte ensuite les résidences de luxes en plein activité pour longer une petite digue. Plus loin j’aperçois des bâtiments en construction. Arrivé à leur hauteur je constate qu’il s’agit d’autres hôtels mais très probablement inachevés. Il n’y a plus aucune machine sur DSC_5900_DxOle chantier et les herbes commencent à envahir certains endroits. J’avais entendu parler de ces « resorts » ou complexes touristiques bâtis un peu partout par le gouvernement, parfois vides de touristes voir abandonnés comme celui-ci. Ce doit être le résultat d’une économie planifiée un peu trop ambitieuse, j’imagine.

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DSC_5897_DxOFinalement, je tombe sur un phare et un cul de sac au bout de ce qui est donc une péninsule et découvre un petit embarcadère proposant des visites sur les îles Cham, au large. Il n’y pas énormément d’activité hormis en revenant vers le phare, un groupe d’hommes jouant aux cartes et une femme vendant des canettes de boissons. ToutDSC_5892_DxO le monde est à l’abri sous les arbres. J’achète donc un Coca à la dame et m’assoit sur les petits tabourets en plastique, comme il se doit. Au total, je reste bien une heure à savourer ma boisson et à lire un peu, profitant du farniente et de la chaleur. Il est presque midi et j’ai un peu faim.

DSC_5928_DxOJe repart donc en sens inverse vers Hoi An et m’arrête dans un restaurant de rue pour manger. Comme d’habitude quoi. Pour l’après midi je décide d’aller visiter les rizières autour de la ville et emprunte la route de Da Nang pour m’éloigner. Il commence à faire maintenant sérieusement chaud et le moindre arrêt au soleil fait monter très rapidement la température. Des petits chemins de terre partent de temps en temps vers les rizières et je bifurque sur l’un d’eux, complètement au hasard. Après des méandres je tombe sur un groupe de maisons et emprunte un chemin à l’ombre des arbres. En contrebas, des buffles d’eau se vautrent dans une mare pour se refroidir.

DSC_5917_DxOJe passe comme cela une bonne partie de l’après midi à zigzaguer sur des petits chemins, traversant des groupes de maisons colorées, DSC_5915_DxOballade que j’interromps uniquement par une petite sieste au bord de l’eau à l’ombre de quelques palmiers. Il ne faut pas plaisanter avec cette chaleur. Sur le chemin du retour, je ne résiste pas au plaisir d’une bia hoi pris à l’ombre dans un petit café qu’on croirait improvisé au coin de la route. Au retour à l’hôtel, je pose le vélo et me jette dans la piscine. Je sais c’est complètement indécent de raconter ça.

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La soirée commençant, je reprends un vélo pour aller faire quelques photos au crépuscule dans Hoi An puis pour ensuite me restaurer. Je passe donc quelques heures à mitrailler pendant que le soleil se couche et, alors que la foule commence à remplir tout doucement les rues, je repart avec mon vélo vers le vieux pont japonais pour l’immortaliser en image. Mince, je constate que la rue y menant est interdite aux vélos. Dans Hoi An, la vieille ville est interdite aux voitures et, à certains endroits, aux deux roues. Je pose donc le vélo à l’entrée de la ruelle et met le cadenas, alors que discutent à côté ce qui ressemble à des policiers. Arrivé au pont je prends quelques photos pourries en jonglant avec les autres touristes qui passent puis repart vers mon vélo.

Vous devriez sentir que je parle beaucoup de mon vélo depuis un paragraphe. Il doit y avoir anguille sous roche. Arrivé à l’entrée de la ruelle, je constate l’absence de mon bicycle. Dans ces moments là (surtout moi qui suis incroyablement distrait pour ce qui est des objets) je passe les dix premières minutes à me dire que j’ai encore oublié où je l’avais laissé. Faut vraiment être nouille pour paumer un vélo en cinq minutes. Bon je vous rassure, je me doute bien qu’on me l’a piqué (mon précédent record est d’un vélo volé en dix minutes à Toulouse le temps de rentrer et de sortir de la Fnac) mais vu le nombre de touristes ayant des vélos semblables je me dis qu’il y a peut être eu méprise. Je demande à tout hasard aux deux policiers s’ils auraient pas vu un vélo, là, garé à même pas deux mètres d’eux, mais ils me font mine que non, sans vraiment s’intéresser à mon soucis. Bon, bon.

Je fais un rapide tour des environs, des fois que, et aperçoit vingt mètres plus loin, deux vélos gris semblables au mien attachés ensembles par un cadenas très similaire à celui que l’on m’a donné. Avec ma clé de cadenas, je m’approche et jette un œil au numéro de la plaque : 27. Ah ben te voilà, salopiaud ! Qui s’est qui t’as pris ? Je met donc la clé dans le cadenas et constate que cela ne marche pas. Mince. En m’approchant encore plus, je constate que le deuxième vélo porte également le numéro 27. Du coup, ça ne va pas être simple de le reconnaître, finalement.

Me rendant à l’évidence, je repart à pied à l’hôtel pour annoncer la terrible nouvelle à la dame de l’accueil. En attendant, je m’insulte copieusement pour ne pas avoir attaché le vélo à un arbre. Faut vraiment être naïf. C’est la faute aux vietnamiens à force de sourire bêtement à tout bout de champs, aussi. On se ramollit. J’arrive donc à mon hôtel et m’approche du comptoir avec un sourire navré et en montrant la clé du cadenas : « Je crois bien qu’on m’a volé mon vélo », dis-je

  • Ok, me répond-elle avec un sourire en prenant ma clé.
  • Non mais c’est tout ce qu’il reste du vélo. On me l’a volé.
  • Comment ça ?, me demande-elle soudainement inquiète
  • On m’a volé mon vélo dans Hoi An et pourtant je l’avais attaché avec le cadenas (la mauvaise foi, c’est pas très joli joli)
  • Ah ok. Merci.<silence>
  • Bon, bon. Bonne soirée.

Je m’esquive lâchement. Soit elle n’est pas très émotive, soit ça leur arrive tout le temps, soit, plus probablement, elle n’a pas comprit ce que je voulais lui dire. Toujours est-il que quelques jours plus tard, alors que je réglais ma note, je constatai une totale absence de montant ayant trait à la perte du vélo.

Ils sont vraiment trop gentils.