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Bonjour Montréal

Histoire de se débarrasser au plus vite du sujet de l’accent, je vous invite à lancer la petite bande son ci-dessous. Vous serez instantanément transportés dans un petit fast food portugais du plateau Mont-Royal. Considérez que le billet qui suit vous est narré avec un verre de café américain, une bande de jeunes québécois de descendance lusitanienne dans votre dos. Pour une meilleure immersion, un minimum de culture footbalistique est nécessaire.

Qu’il est bon de rentrer chez soi. Finalement, sans m’en rendre compte, je viens de passer quasiment quatre months immergé dans un monde plutôt anglophone, except par intermittence avec de fellow french travellers. Tenez, j’en perd mon vocabulaire. C’est donc avec un grand plaisir que je me retrouve dans l’aéroport Trudeau de Montréal (la tête encore un peu lourde de la dernière soirée californienne) à lire avidement les panneaux en français.

Je souhaiterai que ce blog soit plein d’originalité et totalement dépourvu de clichés mais, c’est indéniable, arriver au Québec provoque un sentiment de retrouvailles avec de lointains et sympathiques cousins que l’on aurait perdu de vue. Passé la première joie consistant à entamer une véritable discussion en français avec une préposée à l’accueil touristique afin de déterminer le meilleur mode de transport pour rejoindre le plateau Mont-Royal (où habite le copain Maxime et sa copine qui m’hébergent pour deux nuits), je dois bien vous avouer qu’on se fait très très rapidement à l’accent local. A vrai dire, je n’ai quasiment pas eu de temps d’adaptation, là faute sans doute aux nombreux artistes québécois immigrés en France et à internet. Tout ceci est finalement très familier et pas plus extrême que d’entendre quelqu’un parler avec l’accent alsacien, picard ou corse. J’ai même plus de difficultés à comprendre les vieux paysans du Tarn.

Le dépaysement n’est pas extrême et surtout pas dans la langue finalement mais peut être plus dans l’attitude. Les gens que je croise sont relativement souriants (même si on n’atteint pas des niveaux américains) et le tutoiement quasi immédiat, notamment dans les café / restaurants où les serveurs / serveuses tutoient sans hésitation. La combinaison des deux donne une impression de convivialité et de détente que j’apprécie énormément.

Mais introduisons un petit peu Montréal, en tout cas, ce que j’en ai retenu. La ville est construite sur les bords du fleuve Saint-Laurent et pas à n’importe quel endroit. Non, les fondateurs ont choisi l’endroit où le fleuve devient innavigable du fait de la présence de rapides. En aval, on rejoint l’Atlantique et en amont, et bien, il faut marcher les amis. C’est un peu ballot, d’autant plus que sans ces foutus rapides, un bateau pourrait rejoindre sans encombre les grands lacs et le cœur du continent américain. On s’est donc retroussé les manches et un petit canal de contournement fut creusé à une époque lointaine mais pas tant que ça puisqu’il faut achevé en 1825 après quatre années de labeur. Rassurez-vous, aucun français ne fut blessé, d’une part parce que le Québec n’était plus français depuis une bonne cinquantaine d’années, mais surtout parce qu’on employa majoritairement des irlandais. Merci le mildiou. Avec tout ça, la ville, à l’origine capitale de la Nouvelle-France, devint le port principal de l’Amérique du Nord (avant d’être supplanter quelques années plus tard par New York).

A cet emplacement, les abords du Saint-Laurent sont totalement plats. S’en est même totalement triste, hormis une petite colline au plat sommet, 200m au dessus du fleuve, à un petit kilomètre des rives que l’on s’empressa de baptiser « Mont Royal » (par l’explorateur Jacques Cartier, peut imaginatif) ce qui, vous l’aurez compris si vous êtes un tantinet attentif, donna son nom à la ville, Montréal. D’ailleurs, ma mémoire me joue des tours mais Wikipédia est là pour y remédier, la ville d’origine fut nommée « Ville-Marie » avant que tout le monde emploi le vocable « Montréal », beaucoup plus classieux. Du haut de cette colline, on y voit loin mais bizarrement, la ville se développa malgré tout sur les rives et surtout, aucune fortification digne de ce nom n’y fut construit malgré le belliqueux voisin anglois au sud.

Pour l’anecdote, et elle n’est pas anodine, à l’emplacement de la ville actuelle au pied du Mont Royal existait un village indien du nom d’Hochelaga. C’était d’ailleurs plus qu’un village car l’explorateur de l’époque (Jacques Cartier, toujours lui, même si j’aurai un billet plus perfide à son sujet plus tard) rapporte environ mille habitants. Il est intéressant de noter que ces indiens étaient sédentaires et alliés des français, dans un ordre totalement aléatoire d’importance. Oui, car dans toutes les guerres opposant les français aux anglais pour le contrôle du territoire canadien (anciennement Nouvelle-France), les tribus indiennes étaient majoritairement alliées aux français, les pauvres.

Mais, nous nous éloignons du sujet qui est, présentement, Montréal. Je reprend. Nous avons un fleuve au sud, une colline au nord et une ville entre les deux. De nos jours, la ville a grandie tout en restant majoritairement circonscrite à l’île de Montréal. Mince, je l’avais complètement oublié cette île, dites moi. Effectivement, le fleuve avec ses multiples bras délimite quelques îles à cet endroit, notamment l’île Montréal (au milieu duquel trône le Mont), la plus grande, et l’île Notre-Dame au sud qui, elle, est totalement artificielle, puisque construite avec la terre excavée lors de la construction du métro. Pourquoi pas. Accessoirement, cette île abrite un parc et un circuit de Formule 1 qui est, avec Monaco, le seul circuit de course intra-muros. Je me demande s’il faut en être fier ?

Tout ça pour dire que c’est en fin d’après midi que je marche le long des rues perpendiculaires et tranquille du Plateau, après un court trajet en bus puis en métro. Arrivé au niveau de l’adresse fourni par Maxime, je les découvre, son amie et lui, en train de fumer tranquillement sur la toute petite terrasse devant leur appartement, profitant des derniers instants de relative douceur du court automne québécois. Mais pour ce qui est de la météo locale, ce sera pour une autre fois.

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Trinidad

Il faut arrêter de fantasmer à propos de la météo californienne. Le soleil il se cantonne surtout dans le sud, Los Angeles jusqu’à San Diego. Au nord de San Francisco, le long de la côte, c’est beaucoup moins glamour, la faute, sans doute à ce fameux courant froid qui longe toute la côte de Vancouver jusqu’à la Basse-Californie, provoquant de nombreuses brumes maritimes. Accessoirement, ça implique également que l’eau est en moyenne entre 8-10° en cette saison, ce qui même en présence d’un franc soleil, refroidi considérablement mes ardeurs de faire du surf, combinaison ou pas.

Maintenant que je suis totalement démotivé pour m’initier à la joie d’attendre une vague parfaite des heures dans de la flotte glaciale, il me reste encore à réaliser mon autre projet nord-californien, partir à la recherche des Goonies. Un matin, je demande donc au jeune homme à l’accueil de ma guest house (je vous en parlerai dans le prochain billet) ce qu’il y a de chouette à voir aux alentours, notamment en matière de petite ville côtière adossée à de sombres collines de pins californiens. Il commence à me vanter les marais au sud d’Arcata, sachant que j’apprendrai plus tard qu’il est étudiant en biologie ce qui introduit un sérieux biais dans son jugement de choses « intéressantes » à voir, puis me parle de Trinidad, petite bourgade un peu plus au nord, très jolie d’après lui. Je part donc l’après midi aller voir ce lieu-dit (oui, car le matin, j’avais bossé, histoire de vous prouver que je ne suis pas tout le temps en train de me balader).

DSC_8444_DxOTrinidad, c’est vraiment tout petit. Quelques petits tapotements sur mon clavier plus tard, j’apprend que la population tourne autour de 350 personnes ce qui me permet sans trop d’erreur d’employer le terme « village » pour cette commune. Est-ce que c’est un charmant village colonial aux bâtiments de bois peints, façon les sorcières d’Ipswich ? Non, pas du tout. A vrai dire, lorsqu’on tourne le dos au Pacifique et qu’on jette un œil à l’agglomération, ce n’est franchement pas reluisant, juste quelques maison accrochées en pente douce à une colline adossée à une forêt. En tout cas, ça correspond assez à l’ambiance recherchée.

Par contre, tout l’attrait du site porte sur la petite anse et la plage, séparée entre les deux par une petit colline sauvage que l’on peut parcourir le long d’un chemin qui s’élève au dessus de l’océan. Un petit phare surplombe cette anse où sont amarrés quelques bateaux de pêcheurs. Commencez donc par vous plonger dans l’ambiance sonore.

DSC_8414_DxO DSC_8420_DxO DSC_8428_DxO DSC_8434_DxO DSC_8438_DxOD’ailleurs, la ballade autour de cette colline sauvage permet d’admirer au loin quelques îlots isolés d’où parviennent, malgré le vent, les aboiements des lions de mers. Quand à la plage, malgré le temps maussade mais tempéré, j’y croise un surfeur solitaire, une adepte du yoga effectuant ses exercices fasse aux vagues océaniques (ce doit être particulièrement bon pour le karma) ainsi que quelques promeneurs comme moi.

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Avec le ciel bas, la brume s’accrochant aux forêts et les rochers en forme de dents acérées qui bordent la côte, on est tout de suite plongé dans une ambiance inquiétante. Alors que je prend des photos, trois femmes habillées de longues robes noires remontent la rue. L’une d’elle porte un grand chapeau pointu de sorcière, sans doute en route vers un sabbat satanique new age où on grignoterai des biscuits au quinoa tout en sirotant comme des folles des jus de légumes. Avec le soleil qui décline, je suis à deux doigts de verser dans une paranoia Lovecraftienne.

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PS : En regardant sur Wikipédia, je viens de découvrir que le film « Les Goonies » se situe à Astoria, encore plus au nord… en Oregon. Mince.

Arcata

Hey, bro !

Hey, dude !

Hare krishna, my friend.

Aujourd’hui, ce billet ne sera que paix et amour.

Ça fait bien longtemps que les hippies aux cheveux longs ont quitté San Francisco. Quelle tristesse, cette belle époque pleine de rêves et de promesses d’un monde de fraternité, totalement libéré de toutes ces contraintes bourgeoises (et hygiéniques diront quelques mauvaises langues). Non, tout ce joli monde s’est dispersé et je crois bien que je viens d’en retrouver un nid.

Arcata, c’est une petite commune au nord de l’état qui, à mon grand désarroi, n’est pas côtière. Pour le surf, c’est rappé. Elle se situe non loin de l’océan, certes, quelques minutes de voiture à tout casser, mais ce n’est pas pour autant qu’il faudrait la snober. Ce n’est pas un endroit au charme architectural fou (quoique) ni situé dans un environnement naturel exceptionnel (quoique, également).

Arcata, c’est un peu la petite bourgade étudiante et progressiste juste au nord d’Eureka, la ville moyenne du coin. Au sud, l’agglomération est bordée par des terres marécageuses et une petite baie connectée au Pacifique par un étroit passage. A l’est commencent les vastes forêts de redwood pines qui couvrent quasiment toutes les collines de cette partie des Etats-Unis.

DSC_8491_DxOVu de l’extérieur, la seule chose notable à Arcata est l’université d’Humboldt, université d’état qui avec ses huit milles étudiants sur les 17000 habitants que compte la ville peut être considéré comme le cœur de celle-ci. Géographiquement, le campus est légèrement en dehors du centre ville, de l’autre côté de la highway 101, même s’il est facilement accessible à pied. D’ailleurs attendez vous à croiser assez souvent le nom d’Humboldt dans les parages, le comté portant ce nom, ainsi que la baie au sud d’Arcata et le courant marin à l’ouest.

Non, au premier abord Arcata est extrêmement décevante. Mais il suffit de discuter un peu avec les gens et aller marcher dans le centre ville autour de la place centrale pour découvrir l’ambiance particulière du lieu. Mais avant cela, remarquez comme cette petite ville n’est pas totalement dénuée de charme avec ces rues perpendiculaires où sont plantés de jolies maisons DSC_8477_DxOen bois, sortes de « painted ladies » de plein pied, en divers états de conservation. Quelques unes abritent d’ailleurs, sans surprise des étudiants. Ces rues perpendiculaires sont d’ailleurs assez amusantes car ici, le schéma de numérotation à la New Yorkaise a été porté à l’extrême. Les rues courant d’est en ouest sont numérotées de 1 à 18 alors que celles du nord au sud portent des lettres dans l’ordre alphabétique de A à Q. Rien de plus simple pour s’y retrouver même si, lorsqu’on s’éloigne de la place centrale, ce schéma est abandonné au profit de noms de rues plus classiques.

Mais revenons plus particulièrement sur ce qui fait vraiment le charme de l’endroit, les gens et l’atmosphère. En plus d’une nonchalante ambiance étudiante (totalement à l’opposé de l’ambiance oppressante et traditionnelle de Cluny, pour ceux qui connaissent), la ville annonce avec fierté ses valeurs libérales progressistes, ici selon le sens donné par les américains que l’on pourrait traduire très grossièrement en français de manière caricaturale et approximative par « de gauche ». C’est d’ailleurs étonnant de voir comme ce terme « libéral » peut avoir un sens totalement contraire dans l’héxagone et aux Etats-Unis. C’est encore une fois une histoire de poule et d’oeuf que j’ai la fainéantise d’aller creuser sur Wikipédia. Est-ce à cause de nombreux migrants progressistes ou est-ce parce que la ville l’a toujours été qu’elle a attiré des gens de pensée similaire ? Je suppose que la présence de l’université n’est pas totalement étrangère à cet état de fait.

Il est temps que je vous donne des preuves de ce soit-disant état d’esprit libertaire qui règne ici. Déjà, il faut être un peu aveugle pour ne pas remarquer un nombre important de soixantenaires chevelus aux robes multicolores ou aux jeans usagers. Ceux là sont certainement des anciens d’Haight-Ashbury et consort. Parmi les plus jeunes (mais pas que), ont note également une proportion appréciable de porteurs de dreadlocks. Il y a même des joueurs de djembé au milieu de la place centrale, signe irréfutable d’une jeunesse qui fume autre chose que du tabac (oui, car la Californie autorise l’usage de cannabis pour des fins médicinales).

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DSC_8487_DxOJeudi, jour de marché sur la place centrale, vous noterez sans difficulté que la quasi-totalité des marchands arborent une voir plusieurs mentions « organic » (ce qui se traduit par bio, je vous le rappel) ou « locally grown » (ce qui se traduit par produits localement) sur les panneaux vantant leur marchandise. Je sais bien que l’habit ne fait pas le moine, mais ici, point d’habits bourgeois (ou si peu) mais plutôt de pratiques vêtements techniques ou de jeans passe-partout. En plus, pour signifier à quel point cette charmante bourgade est également rock’n’roll, un groupe live est chargé de mettre l’ambiance malgré un ciel bas. Aujourd’hui, le bon vieux blues râpeux de « Lizzy and the Moonbeams ». On est loin du bal musette de « Raymond et son accordéon ».

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En allant faire mes courses le lendemain, je décide d’aller faire un tour au supermarché local. Je sais, c’est mal sans parler que c’est bizarre de faire du tourisme dans un supermarché, mais c’est drôlement instructif. Le « North Coast CoOp » en dit long sur l’atmosphère de la ville. Imaginez un DSC_8492_DxOsupermarché grand comme il faut, sympathique, où on vous fournit des cartons d’emballages usagés pour emporter vos courses, où la quasi-totalité des produits sont estampillés « organic », où un immense rayon propose farines, céréales, huiles et fruits secs au kilo, sans packaging, un autre des produits d’aromathérapie (le soin par les odeurs?), et où surtout les papiers toilettes proposés sont exclusivement en papier recyclé et même vendus au rouleau dans des packaging en papier 100% sans plastique. En sortant de là, j’avais envie de prendre les clients dans mes bras ou d’embrasser les vendeuses, chose qui ne m’arrive jamais en France, peut-être aussi à cause de l’absence de musique débile. Bon, parce que personne n’est parfait, il y a bien quelques pickups et vans sur le parking, mais conduit par de jeunes hommes en bonnet péruvien ou un vieux monsieur en salopette.

DSC_8473_DxOMais ce n’est pas fini. A Arcata (superbe allitération), il y a également un cinéma art et essai ainsi qu’un petit théâtre. Pour finir, je ne sais pas s’ils ont fait ça spécialement pour moi, mais le dernier soir où j’y suis resté, autour de la place centrale, c’était la grande soirée magasins ouverts jusqu’à 21h. Attendez, ne partez pas, si ce n’était que ça, mais non. Déjà je ne vous parle pas de magasins internationaux style Gap ou Zara mais de petites échoppes locales. De plus, non seulement tout le monde était dans la rue en papotant mais chaque magasin avait pour l’occasion embauché un groupe de musique live pour animer. ÇA c’est génial. C’est quand même autre chose que « Nature et Découverte » laissant son magasin ouvert en plein hiver en diffusant un CD de musique hypnotique ! Non ?

Il y avait même une camionette distribuant du thé chaud gratuit. Du coup, on déambule dans la rue, zappant de musique en musique, le tatoueur abritant un DJ et un chanteur de rap, le voisin hébergeant un quatuor à corde ou l’autre un groupe de jazz New Orleans. Du coup, fatalement, il y a également quelques autres groupes dans la rue, invités par la municipalité dont un qui s’est amusé à reprendre quelques bons standards du rock bien énergiques. C’est d’ailleurs en commençant par eux que je me suis dit que c’était drôlement sympa ici. Mais c’était avant de plonger dans l’ambiance festive, malgré une soirée fraiche.

Arcata, je n’y suis pas resté si longtemps que ça (deux jours, à peine), la faute à la météo, à l’envie de bouger et d’autres paramètres plus difficiles à cerner. Mais, Arcata, en partant, je me suis dit, c’est les Etats-Unis qu’on aime aimer.

Castro & Haight-Ashbury

Tiens ? Une porte ouverte. Je vais donc l’enfoncer.

A quoi pensez vous quand on évoque San Francisco, j’veux dire plutôt en rapport avec les années 60-70 ? Oui, oui, c’est ça. On pense à la drogue, on pense aux fleurs, on pense à l’amour et à toutes ces sortes de choses évoluant dans d’ondulantes mélopées organiques aux couleurs de l’arc en ciel. On pense carrément psychédélire et jeunes gens émaciés aux cheveux longs mal entretenus que tempère un sourire épanoui quoique légèrement abruti. Moi, quand je dis ça, n’y voyez aucune ironie. J’ai une grosse sympathie pour cette époque et ces gens qui eux, au moins, tentaient des choses pour que la vie soit meilleure. Respect. En plus, côté musique, je crois qu’on avait atteint une apogée. Je digresse, mais tout ça pour dire que de cette époque ne reste à San Francisco que quelques traces visibles dans ses rues, même si l’état d’esprit a muter pour donner ce formidable esprit optimiste qui règne ici.

Bon sinon, si vous repensez encore un peu à San Francisco, ça vous évoque pas autre chose ? Mais si, un mouvement également très porté sur les couleurs arc-en-ciel ? Et oui, San Francisco la grande libertaire nord américaine fut également (et l’est encore) un grand bastion homosexuel. C’est ici que dans les années 80 de grands mouvements pour l’avancement de la cause LGBT eurent lieu. Pour vous dire, on y a même élu le premier conseiller municipal gay déclaré, Harvey Milk, qui y fut également assassiné en même temps que le maire de l’époque, Georges Moscone (qui, pour ceux qui suivent régulièrement les news high tech, donna son nom au fameux Moscone Center, le grand centre de conférence au cœur de San Fran où les grandes annonces de Google, Apple et consort ont lieu).

Le cœur de ces deux communautés se trouvent dans deux quartiers proches l’un de l’autre, Castro pour le quartier homosexuel et Haight-Ashbury pour celui des hippies. Je fais simple, bien entendu. Si vous cherchez la maison bleue, elle est très certainement accrochée sur les flancs nord de Twin Peaks alors qu’Harvey Milk fut élu représentant du 5ème district au cœur duquel se trouve Castro street sur les pentes est de la même colline.

DSC_8598_DxOUne petite ballade sympathique consiste donc à se poser sur l’herbe grasse du Mission Dolores Park, non loin de Castro. Sur les hauteurs on a une vue sur le parc, l’école en bas en style néo-gothico-hispanique mais surtout quelques unes des « painted ladies » les plus célèbres avec le downtown en arrière plan. Le quartier, d’ailleurs, en regorge. Si vous écoutez et observez bien, vous noterez déjà quelques indices libertaires chez ces gens tranquillement allongés.

DSC_8604_DxOOn poursuit ensuite notre chemin vers le nord ouest où on rencontre Castro street, le cœur de ce quartier militant. Des drapeaux arc-en-ciel partout et le musée dédié au mouvement LGBT ne laissent aucun doute. A part cela, la rue est fort sympathique, avec moult petits commerces ainsi qu’un cinéma art et essai.

DSC_8591_DxOEn remontant tranquillement Castro tout en s’éloignant du cœur du quartier, vous croisez un peu plus tard Haight street. Un virage à gauche et à l’approche d’Ashbury street, le quartier devient de plus en plus coloré, arborant de gigantesques fresques plus ou moins psychédéliques. Signe des temps, tout ça sent un peu les marchands du temple et les cars de touristes remontant la rue ne laisse aucun doute sur la transformation du quartier. Heureusement, les quelques rues parallèles abritent encore quelques irréductibles. Quelques magasins bio ou mystico-spirituels témoignent d’une population encore légèrement baba-cool.

Un peu plus à l’est se trouve le quartier limitrophe et cousin de Lower-Haight, beaucoup moins bariolé mais tout aussi charmant. Ne me dites pas que vous n’avez pas envie d’y habiter, je ne vous croirait pas.

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Notez que ce petit circuit, je l’ai fait à vélo arborant un boa rose et des franfreluches aux poignets. Prété par madame Claire Aymeric, il venait tout juste de passer une semaine dans le désert au festival Burning Man. J’allais pas faire le difficile. Bizarrement, j’avais même l’impression de faire couleur locale.

Par contre, je ne sais pas si je vous en ai parlé, mais ces rues de San Francisco, elles ne sont pas plates parfois.

Aera Ra

Je veux pas partir.

Enfin, si.

Aarrh, j’sais plus.

Je suis à la fois en pleine empathie pour des gens comme Paul Gauguin et Jacques Brel qui ont choisi de finir leur vie sur des îles polynésiennes tout en étant impatient de passer à autre chose. Je crois bien que j’ai fait le tour du lagon même si j’ai adoré cette vie nonchalante. Si j’avais eu la chance de rester au Paradise Inn et de rencontrer finalement plus de monde, le départ aurait-il était encore plus difficile ?

C’est donc avec un mélange confus de nostalgie et d’anticipation que je me retrouve le soir vers 11h30 au petit aéroport international, attendant mon dernier vol Air New Zealand pour Los Angeles. Signe qui ne trompe pas, lorsque la gérante du Muri Beach Resort m’a demandé l’heure de mon départ dont je ne me souvenait pas, il m’a suffit que je lui dise que je partais vers Los Angeles pour qu’elle me réponde d’un air experte : « Ah oui, le vol de minuit d’Air New Zealand ». Comme dans les petites villes secondaires, les vols sont assez rares pour être notables.

En tout cas, un dernier repas au restaurant / bar d’en face, de l’autre côté de cette petite artère circulaire et je n’ai plus qu’à attendre avant de retrouver la civilisation. Comme tout est plus modeste ici, le hall de départ est grand ouvert sur la nuit et les insectes stridulants. Tout doucement, il se remplit de passagers. Alors que je passe la douane, point de non retour, dans le petit espace tampon avant la traversée du tarmac, un homme sur une estrade, couvert de colliers de fleur, joue pour nous des airs à la guitare. Il me donnerait presque le bourdon, celui-là.

Au revoir. Aera ra.