Archives par mot-clé : scooter

La vie en deux roues

Vous l’avez bien compris, en Asie, les deux roues sont rois. Comme le disait notre guide lors de cette randonnée épique dans la boue autour de Da Lat : « On commence par marcher. Quand on a un peu d’argent on s’achète un vélo. Ensuite, un scooter. Ensuite, un scooter de luxe. Et finalement, une voiture ». En disant cela, il voulait nous expliquer pourquoi la plupart des vietnamiens ne comprennent pas le concept de « randonner pour le plaisir ». Mais on peut aussi y voir la terrible prémonition d’un pays qui verra son nombre d’automobiles exploser d’ici que le niveau de richesse augmentera. Rien de nouveau.

En tout cas, la vie à deux roues ne s’arrête jamais, quelque soit la météo, la chaleur ou le vent. Au pire, elle se met en pause, le temps d’enfiler un poncho ridicule. Petit jeu: dans la série de photos qui suit se trouve deux intrus. Saurez-vous les retrouver?

DSC_6146_DxO DSC_6149_DxO DSC_6155_DxO DSC_6156_DxO DSC_6158_DxO DSC_6160_DxO DSC_6185_DxO DSC_6217_DxO DSC_6246_DxO DSC_6250_DxO DSC_6252_DxO DSC_6256_DxO DSC_6257_DxO DSC_6261_DxO DSC_6263_DxO

En tout cas, pour le moment, ils en sont au stade trois où la plupart des gens ont un scooter. Certains ont mêmes des superbes scooters électriques au design ramassé et nerveux que j’attends impatiemment en France. Malheureusement, je ne parviens pas à en trouver une image donc vous ne pouvez que me croire sur parole : ils sont ramassés et nerveux.

Pour finir, voici une photo de deux usagers de deux roues qui m’ont demandé de les immortaliser. Devinez qui est le pilote et le passager.

DSC_6259_DxO

Cruiser en scooter 2 – Part 2

Dans le précédent épisode, alors que je cruisais mollement en scooter au sud de Nha Trang, j’ai eu un, hum, hum, petit soucis à ma jambe gauche. Disons que je répandais mon fluide vitale sur la terre vietnamienne, qui en a vue d’autre, par de multiples ouvertures de mon épiderme et derme. Fort heureusement, cette fuite est endiguée par un gros morceau de coton habillement tenu à ma jambe par quatre petits sparadraps. A l’heure où nous reprenons le court de l’histoire, je retourne sur Nha Trang sur mon scooter.

Comme il est à peine la mi-journée, j’hésite drôlement à rentrer si tôt. En plus, je ne peux pas vraiment dire que je suis parvenu à apercevoir une jolie montagne de près. La douleur à la jambe s’étant maintenant mue en un lancement sourd mais régulier et le pansement de fortune tenant plus ou moins malgré le vent relatif, je décide de continuer mon périple en deux roues. Avec la chaleur, tout cela va bien sécher. Cette fois-ci, j’ai bien envie de tenter ma chance au nord de Nha Trang.

Après une nouvelle traversée de la ville le long de la plage, je retrouve le pont enjambant la rivière, les ruines Champa et le quartier des pécheurs. En continuant sur la route Ho Chi Minh (encore elle) je quitte finalement la zone urbaine. Je suis la mer et prend progressivement un peu de hauteur ce qui me permet d’avoir un début d’aperçu du panorama côtier. Enfin, ça commence à être sympathique.

Peu de temps après, je sens la faim poindre et profitant d’une aire touristique le long de la mer, décide de m’arrêter pour manger. Légèrement stressé, je m’engage tout en douceur sur le parking en terre. J’enlève mon casque, ajuste mon t-shirt et recolle mon pansement pour être présentable. Le restaurant est quasiment vide et on se retrouve à trois à manger face à la mer, couverte ici de petits bateaux de pêche.

DSC_6069_DxO

Une fois calé, je reprends la route en recollant le pansement de fortune tout les quarts d’heures. Mon 60 km/h de moyenne commence à mettre l’adhésif des sparadraps à rude épreuve. Après une DSC_6071_DxOnouvelle petite montée, la route redescend vers une large vallée inondée et nous quittons la mer. Pendant plusieurs kilomètres je traverse des rizières et des champs. Grâce à un plan fourni par l’hôtel je parviens malgré tout à me repérer et après la ville de Ninh Hoa tente ma chance sur une route partant vers la droite, soit d’après mes calculs, vers la mer. Un panneau indique « Terminal Hyundai » dans cette direction. Ça va être super chouette.

C’est effectivement assez agréable car je quitte instantanément le trafic modéré de la route Ho Chi Minh pour me retrouver quasiment seul sur une longue ligne droite ondulant en bas d’une colline. Des rizières couvertes de fleurs de lotus ajoutent une touche pittoresque avant que le paysage ne se transforme et devienne un peu plus sec. J’ai presque l’impression d’être dans un paysage provençal si ce n’est la végétation plus luxuriante.

Après de longues minutes, j’aperçois un début de lotissement en construction à gauche, vide, comme abandonné. Décidément, ils ont du mal à finir leurs projets ou quoi ? Finalement, la route oblique vers la droite et retrouve la mer en face, la montagne à droite. Parfait, c’est exactement ce que je veux. Je continue et aperçoit le fameux terminal Hyundai. On dirait un terminal dédié aux matières premières comme du sable ou des graviers mais l’effet est étrange de voir ce gros complexe industriel au milieu de nul part. Je serai curieux de connaître les détails de la planification économique, ici.

En continuant je commence à voir apparaître une zone un peu plus habitée et croise une dame marchant sur le bas côté qui me fait signe. Tout doucement, pour ne pas bloquer cette foutue roue avant, je m’arrête et me retourne. Elle arrive vers moi en trottant et, une fois à ma hauteur, me fait signe qu’elle veut aller plus loin, sans aucun doute sur mon scooter. Chic, je vais jouer au xe om. Je lui fait signe de monter avec un sourire puis bascule mon sac à dos en position ventrale pour la laisser monter à l’arrière.

C’est parti. Bizarrement, je ne la sens quasiment pas et je suis obligé de jeter de rapides coups d’œil dans mon rétroviseur valide pour m’assurer qu’elle est encore là. On sent qu’elle a l’habitude. Nous poursuivons comme cela quelques petites minutes pendant lesquels j’adopte une conduite coulée à vitesse un peu plus réduite. La route n’est pas non plus lisse comme un billard et je serai navré de l’envoyer valdinguer dans le décor. Tout à coup je sens qu’elle me tapote l’épaule et me retourne brièvement pour la voir pointer du doigt vers l’arrière. Arrêt demandé manifestement. Je m’arrête donc tout doucement et lâche ma passagère qui me remercie avec un grand sourire. Finalement, c’était pas si dur que ça. Je repart donc, fier d’avoir rendu service à une autochtone.

DSC_6081_DxOQuelques minutes plus tard, dans un village, je décide de faire une petite pause. Je m’engage donc vers la mer et pose mon véhicule à l’ombre d’une sorte de halle couverte. Devant moi, un petit port, à droite une sorte de café où sont massés une poignées d’hommes discutant bruyamment et à gauche une petite épicerie. J’enlève mon casque et rentre dans le magasin pour acheter une bouteille d’eau. S’hydrater, c’est la clé de la survie, ça et un freinage équilibré. Il faut dire que ça continue de cogner sec. Après quelques photos, je repart.

DSC_6086_DxOLa route ensuite devient vraiment magnifique. Serpentant à flanc de montagne, elle s’élève progressivement en montagnes russes tout en surplombant la mer. La vue et superbe malgré la brume de chaleur et je croise quasiment personne. Après quelques minutes de longues montées et de petites descentes, la route oblique à droite et j’entame une longue chute vers une superbe péninsule. Une bande de terre la reliant au massif où je me ballade et parsemé de champs. Une plage borde la mer alors qu’un petit village de l’autre côté est niché dans une baie faisant quasiment face au sud et Nha Trang, au-delà.

DSC_6089_DxO

Rapidement, je passe sous l’arche signalant l’entrée du village. J’emprunte ce qui ressemble à la rue principale en passant à côté d’un petit café improvisé à l’ombre, encore une fois rempli d’une grosse poignée de consommateurs. Des regards me suivent. Au bout de la rue, je m’arrête ayant atteint la baie et le port. Pendant un bon quart d’heure je reste là, à l’ombre, profitant d’un quasi DSC_6090_DxOsilence hormis le léger vent et ressac. Des femmes (visibles à leur chapeau conique mais surtout à leur manière de se couvrir de pied en cape contre le soleil) travaillent à récolter des algues et quelques enfants passent à vélo.

Je m’extrait finalement de ma torpeur pour prendre le chemin du retour. Avec tout ce trajet il n’est pas loin de 15h et il me semble plus raisonnable de rentrer avant la tombée de la nuit, ayant deux petites heures de route pour revenir à l’hôtel. Je remonte donc la rue, repasse devant le café et ses habitués puis m’approche de l’arche à l’entrée du village, avant d’entamer la longue montée.

Tout à coup, je sens mon scooter perdre en puissance pour finalement s’arrêter dans un toussotement. J’ai une vague intuition et regarde la jauge d’essence, toujours au milieu. Mon intuition me hurle d’ouvrir le réservoir et je constate avec fatalisme qu’il est à sec. Mais c’est quoi ces véhicules avec une autonomie de papy incontinent ?! Et surtout c’est quoi ces scooters pourris avec une jauge d’essence défectueuse ?!

Je descends donc de mon véhicule et fait demi-tour en le poussant, clopinant légèrement. Arrivé devant le café, ma dignité complètement évaporée, j’interpelle les clients d’un souriant « sin tchao » en montrant mon réservoir. Inutile de dire que ça rigole gentiment mais sans méchanceté, on m’indique la rue de gauche. Je guide donc mon scooter dans cette direction.

Le village n’étant pas très grand, je n’aperçoit aucune station service. Un peu dubitatif, je m’arrête devant une maison avec cour et après les bonjours d’usage aux personnes à l’intérieur, remontre mon réservoir. Une vieille dame me fait signe que c’est au fond. Voilà qui est surprenant. Je fais confiance et pousse le deux roues au fond de la cour. Tout le monde se met autour de moi et un homme en marcel s’approche en me montrant une bouteille en plastique d’un litre vide. Après quelques gestes je comprend qu’il me demande la quantité que je souhaite. Je fais un rapide calcul en estimant la consommation de mon véhicule pourri. En même temps, je ne voudrais pas leur piquer tout leur essence. Euh, trois ?

Il s’en va donc remplir la bouteille et la verse dans mon réservoir. Encore ? Allez, encore. Même manège. Je sens quand même que j’abuse et il me suffit d’assez d’essence pour rejoindre la ville de Ninh Hoa où je sais y avoir une station. Je lui fait donc signe que ça suffira. C’est à cet instant que quelqu’un aperçoit ma jambe gauche ensanglanté avec le coton imbibé de rouge, depuis le temps. Je ne vous cache pas que ça a légèrement rigolé dans les chaumières. Il vaut mieux rester philosophe et rire aussi même si ce n’est pas non plus la blague du siècle. Je règle la facture en étant quasiment certain que ce sont les litres d’essences les plus chers du Vietnam, mais à qui la faute, hein ?

Je remercie encore une fois mes sauveurs (vous ai-je dit que les vietnamiens étaient sympathiques) et redémarre mon scooter. Plus exactement, je tente de redémarrer mon scooter car il décide encore une fois de récalcitrer. Il commence à me fair ch***, lui. Le garagiste s’approche et sortant le kick, le démarre manuellement. Oui, bon ça va. Depuis le temps que je dit qu’on ne peut pas faire confiance en la technologie quand ça va mal. Je repart donc en remerciant encore une fois l’assemblée et reprend la montée du retour.

Pendant une heure, en rebroussant chemin, je me cale le plus bas possible en rentrant les bras histoire de minimiser mon coefficient de pénétration. Je tente d’adopter un rythme constant à vitesse réduite étant hanté par l’idée de retomber en panne, cette fois-ci en dehors d’un village. Il y a bien quarante kilomètres jusqu’à la prochaine station service. Autant dire que je me tape l’heure de conduite la plus longue et angoissante de ma vie. Surtout que dans la dernière ligne droite le temps se couvre, le vent se lève puis finalement une petite pluie épaisse et fraîche vient gentiment me marteler ma chair exposée. Mais c’est quoi cette journée !?

Avec un énorme soulagement, j’aperçois une station service alors que la pluie redouble d’intensité. Je m’arrête et fait la queue. Mon tour arrivée, je demande le plein. C’est fou comme on se sent mieux avec le plein d’essence. Aaaaaaaaaaaaah. Après deux ou trois démarrages ratés sous les regards encore une fois narquois des clients, je repart donc pour le dernier tronçon le long de la route Ho Chi Minh. Cette fois-ci, la pluie est quasiment diluvienne et glaciale. Les voitures et camions qui me doublent ajoutent encore un peu de sel à ce final épique.

DSC_6094_DxOAprès une demi-heure à ce régime, je quitte enfin l’orage et retrouve des ciels plus cléments. Je me détend… légèrement. Le trajet se fini par une petite séquence en heure de pointe dans Nha Trang pour finalement retrouver l’hôtel vers les 17h. Pas mécontent de rentrer. Ouf.

Je gare donc le scooter en lui jetant un dernier regard haineux puis pénètre dans le lobby. Ma réceptionniste me voit arriver et son regard s’agrandit au fur et à mesure qu’elle discerne ma jambe ensanglantée, le coton pendant mollement en ne faisant plus aucun effort pour couvrir ma blessure.

« Euh, j’ai eu un petit accident avec le scooter. Le rétroviseur gauche est brisé, le carter éraflé. Ah, et puis la jauge d’essence ne marche pas. Mais sinon, ça va »

Je n’ai pas honte de dire que je me suis couché tôt ce soir là.

Cruiser en scooter 2 – Part 1

J’avions vu la plage. J’avions vu les temples Champas. J’avions vu un peu des quartiers non touristiques. Je commençais à me demander ce que j’allais bien pouvoir faire à Nha Trang pour mon deuxième jour. Il y avait possibilité de faire du parachute ascensionnel sur la plage, de faire de la plongée sous marine ou encore d’aller visiter Vineland. Moi, je suis asocial. J’ai donc préféré faire le dingue et louer un scooter (ou motobaïque, en vietnamien) pour la journée, histoire d’aller visiter les alentours de la ville et notamment ces magnifiques montagnes en bordure. Qui plus est, la location d’un scooter pour la journée est particulièrement bon marché et encore une fois, dénuée de toute tracasserie administrative.

Ce matin là, je descend donc à l’accueil et en parle à la dame de la réception. J’expose mes souhaits : « J’veux aller voir les montagnes ! ». Elle me propose d’aller au sud en suivant la nationale Ho Chi Minh, là où la montagne rencontre la mer. Elle m’avait bien cerné et, avec un air complice, m’affirme que c’est très joli. En disant ça, ne croyez pas que c’est la seule indication qu’elle m’ait donné d’un air mystérieusement asiatique en plissant les yeux, le regard lointain : « Va au sud, là où la montagne rencontre la mer, homme au t-shirt Tiger Beer! ». Ça aurait été un peu court et je me serai arrêté au pied du téléphérique pour Vineland : « Ben j’comprend pas, la montagne rencontre la mer, mais c’est moche ! ». Non, en vérité, elle m’a donné tout un tas d’indications à base de « à droite », puis « à gauche après le bâtiment militaire » et ponctué d’un sinistre « vous pouvez pas vous tromper » qui augure souvent d’une navigation catastrophique.

Je part donc muni de mon sac à dos rempli de quelques bouteilles d’eau, prêt à affronter cette chaude journée en véhicule motorisé. Pour la nourriture, je compte bien m’arrêter comme d’habitude au bord de la route chez un restaurant ou échoppe quelconque. On m’explique comment faire pour démarrer et je découvre au passage que le niveau d’essence est au minimum. C’est toujours très agréable. Je décolle donc, avec une vague indication pour la station service la plus proche.

Assez rapidement, je retrouve mes sensations de Pondichéry dans un trafic tout de même beaucoup moins stressant. De plus, je suis muni d’un petit casque. Côté sécurité, je suis donc au top de ce qui se fait en Asie du Sud-Est. Par contre, je ne tarde pas à abandonner l’idée de trouver la station service du quartier. Ma mémoire doit être défectueuse ou mon attention peu soutenue. Toujours est-il que je roule un petit quart d’heure, les fesses serrées, avant de craquer et de demander à une collègue à deux roues le chemin vers la plus proche station essence. Le plein fait, je constate que le niveau ne bouge pas. Tiens, tiens ? La jauge serait-elle défectueuse ? Finalement, après quelques nouvelles minutes de route, l’aiguille remonte tout doucement pour se stabiliser au milieu. Ça n’a pas l’air super fonctionnel tout ça mais au moins je ne suis pas au minimum.

Je part donc tout ragaillardi d’avoir un plein d’essence (le monde est à moooââââh, hahahahaha) et assez rapidement commence sérieusement à douter du sinistre « vous ne pouvez pas vous tromper ». En réalité, je crois bien que je le peux, et assez facilement. Le long de la mer, je longe un bâtiment et aperçoit un panneau marqué « marine nationale » et me demande s’il s’agit de ce fameux bâtiment militaire où je dois tourner. Plus loin, je vois d’autres grands bâtiments similaires. Je soupire, puis prend l’initiative de tourner maintenant.

Quasiment une demi-heure plus tard, je me retrouve sur une colline où je vois un panneau indiquant le téléphérique de Vineland. C’est désormais officiel, je me suis trompé. Ce n’est pas bien grave. C’est les vacances et j’ai pu savourer l’expérience de traverser un marché dans une rue principale sur mon deux roues, comme un véritable vietnamien. Je sais qu’il faut que je traverse un pont enjambant une rivière. Je fais donc quelques tentatives dans des culs de sacs avant de trouver la bonne route.

Finalement, me voilà donc roulant à un solide petit 60 km/h, cheveux quasiment aux vents mais le nez clairement dedans, le long de la deux fois deux voies de la route Ho Chi Minh. La route contourne une colline avant de repiquer au sud. Je croise un casino qui n’a pas l’air très fréquenté (encore une idée du gouvernement local, j’imagine) ainsi que quelques petite routes partant à droite ou à gauche. D’après ma réceptionniste, je dois continuer, la montagne ne rencontrant toujours pas la mer. Toutes les collines ou montagnes autours sont densément boisées, sans aucune habitation, et je cherche à discerner une route y menant. Je passe devant l’entrée d’une nouvelle résidence touristique sous un grand panneau publicitaire qui ne dois donner envie qu’aux Vietnamiens. Finalement, trouvant un peu le temps long, je décide d’obliquer sur un chemin partant vers la mer, toute proche.

Le chemin très court descend vers une petite plage et je manque déraper en freinant, la roue avant s’étant bloquée. Le freinage m’a l’air drôlement sensible. En tout cas la vue est un peu décevante car ponctuée de résidences hôtelières. Mais surtout, toujours pas de route longeant les montagnes en vue. Finalement, je décide de faire demi-tour pour prendre les chemins menant vers la colline. Le premier, après quelques méandres et fausses routes sur des routes en terre me mène le long d’une petite route pentue où je croise un vieux monsieur marchant dans l’autre sens. Sin tchao. Pas de chance (ou sens de l’orientation défectueux), c’est un cul de sac menant vers une maison. Encore raté.

Je retourne donc vers la nationale Ho Chi Minh et revient encore un peu plus pour bifurquer dans un petit groupe d’habitations croisé plus tôt. Cette petite route se transforme rapidement en une longue route en terre toute droite traversant la campagne avec quelques maisons sur le côté. Je me retrouve à rouler à vitesse réduite pour essayer d’éviter les nids de poules. On apprend difficilement de ses erreurs et dans un excès de zèle, je freine pour éviter un gros trous. Ma roue avant se bloque. Le scooter chasse de l’avant. En une fraction de seconde je me retrouve par terre, le véhicule sur le flanc en surrégime, une vive douleur à la jambe gauche. Comme je hais ces petits cailloux coupants profondément enfoncés dans la terre battue.

Dans ces moments là, la première chose à laquelle je pense, c’est de m’administrer une grosse gifle. Puis, je jure en me traitant de tout les noms tout en me relevant. Ensuite, j’essaie de comprendre ce que j’ai fait pour m’être retrouvé dans cette situation. Puis enfin, je sens comme une douleur qui pique et je jette un œil à ma jambe.

Si vous êtes ma mère ou une personne sensible, veuillez-lire le paragraphe ci-dessous. Dans le cas contraire, lisez le deuxième paragraphe qui suit.

Je constate de la poussière sur mon genou et quelques éraflures sur le haut de mon pied, que je n’avais pas protégé car je porte des claquettes pour faire couleur locale, rappelez-vous. Finalement, la douleur provient essentiellement de mon amour propre qui, lui, est profondément blessé en de multiples endroits de méchantes coupures. Veuillez sauter le paragraphe suivant et poursuivre votre lecture comme si de rien n’était.

Je constate de multiples méchantes et profondes coupures sur le haut du tibia et des éraflures superficielles sur le haut du pied que je n’avais pas protégé car je porte des claquettes pour faire couleur locale, rappelez-vous. Du sang coule abondamment et je sens ma jambe qui irradie à chaque battement de cœur. P***ain, quel con ! Je me cite si vous le permettez. Je plie ma jambe et ma cheville. Check. A priori, il n’y a rien de brisé, hormis mon amour propre.

En dehors de cela, je constate quelques autres éraflures mineures à la paume de la main. L’adrénaline fait le reste pour me maintenir en vie. Je relève donc le scooter, met la béquille et éteint le moteur. Au passage, je remarque que le rétroviseur gauche et brisé en morceaux par terre et quelques égratignures décorent maintenant le carter de la transmission. Je sors donc une bouteille d’eau minérale pour nettoyer ma jambe (la poussière sur le genou surtout, bien entendu). Ça piquotte. La journée commence bien.

A cet instant, une mobylette s’arrête derrière moi et un vietnamien d’âge mur descend rapidement de son véhicule pour venir me voir. Il jette un œil à ma jambe gauche (toute empoussiérée, bien sur) et secoue la tête en fronçant les sourcils et en faisant « tss, tss, tss ». Je lui fait un sourire pour le rassurer. Un garçon et une fille accourt également, sortant de la maison juste à côté. Oui, quand je me vautre, j’ai la bonne idée de faire ça devant du public. Je commence à me dire que j’ai du faire un petit raffut en tombant pour attirer tout le monde. Ils jettent un œil mi-dégouté, mi-désolé à ma jambe (qui est le centre d’attraction maintenant, sans doute à cause de la poussière) et repartent en courant vers leur maison.

L’homme à la mobylette prend mon scooter et le pousse en dehors de la route en terre en m’invitant à m’asseoir sur le petit muret de la maison. J’obéis en clopinant. L’adrénaline retombant tout doucement, le familier raidissement commence à opérer. Car je commence à avoir l’habitude de me vautrer en deux roues sur des chemins de terre. J’ai fait pire.

A ce moment là, les deux enfants reviennent avec leur mère qui elle aussi secoue la tête d’un air navré en voyant ma jambe ensan… euh… empoussiérée. Elle dit quelque chose à l’un de ses enfants qui repart dans la maison. Quelques minutes plus tard, il revient avec une grosse tasse d’eau qu’il tend à sa mère. Ah ben c’est gentil ça mais elle est propre votre eau ? Malgré tout, j’avance ma jambe pendant que la mère verse l’eau sur mon tib… GNNNNNANNNNNNNNNNHHHAaaaaa !! Salop**** de p**** de sa $@!#, pense-je très fort. Mais c’est de l’eau quasiment bouillante! Sans me prévenir. Même pas un petit verre d’alcool de riz. En même temps, j’avoue que je ne parle pas très bien le vietnamien et eux, pas du tout anglais. En tout cas, ça répond à ma question sur l’hygiène de l’eau mais ça piquotte très très fort. Elle répète l’opération deux trois fois en tamponnant un peu avec un coton pendant que je me contracte pour ne pas crier ou la gifler. Malheureusement, je crois qu’un léger « aaaAAAah » m’a échappé à un moment. La honte. Et dire que je représente la France dans ces moments là.

Ma jambe plus ou moins nettoyée, un des enfants dépose quelques gouttes d’un liquide jaune pâle et un peu huileux d’une petite flasque sur chacune des pla… euh, pardon… traces de poussières. J’espère très fort que c’est un désinfectant. Finalement, la mère couvre tout ça dans un gros morceau de coton (d’une surface couvrant environ dix centimètres sur dix, pour vous dire l’étendue de la saleté) tenu par quatre petits sparadraps. Du travail bien fait en tout cas et je les remercie chaleureusement avec tous les sin tchao que je peux sortir ainsi que quelques petites courbettes pour faire bonne mesure.

Je clopine donc vers le scooter pour repartir pendant que l’homme à la mobylette est toujours là avec un air soucieux. J’ai beau sourire pour le rassurer, j’ai l’impression qu’il n’a pas confiance. Je m’assois et tente de démarrer. Rien. Je retente. Re-rien. Mon collègue motocycliste s’approche donc et tente également la manœuvre. Même résultat. Rhaaaa, fait chier. Il se rassoit sur sa mobylette et me fait signe d’avancer sur la route dans la direction où j’allais. Je suppose qu’il veut m’indiquer un endroit où réparer le scooter. Je descends donc et commence à pousser mon engin en clopinant. Mon collègue s’agite et me fait signe de m’asseoir. Qu’est-ce que ? Non ? Si ? Alors que je suis assis je le sens mettre son pied contre un élément de mon scooter et alors que le pétaradement de son engin augmente je sens qu’on accélère. Ils sont vraiment très adroits en deux roues pour pouvoir pousser un deuxième véhicule avec une jambe tout en conduisant.

Nous avançons donc à vitesse très réduite sur la route défoncée, moi légèrement crispé de peur de me casser une nouvelle fois la figure et surtout, de retomber du côté déjà abîmé. Bizarrement, me vautrer et me faire mal sur l’autre jambe ne me pose aucun problème. On est vraiment bizarre, parfois. Finalement après à peine deux cent mètres nous nous arrêtons devons un petit garage de campagne où sont assis environ cinq autres vietnamiens qui se régalent du spectacle. Pour ce qui est d’être discret, c’est décidément complètement exclu.

Mon bienfaiteur discute avec le garagiste qui s’approche pour ausculter le scooter. Il tente de démarrer et n’obtient aucune réponse. Puis rapidement, il dévisse un petit élément de carrosserie en plastique et sort la batterie. Je suis pas très doué, sans doute, mais là il était clairement évident qu’un des câbles n’était plus connecté. Comme on se sent couillon dans ces cas là, je vous jure. Le garagiste s’empresse donc de reconnecter le câble et retente de démarrer. Roouuuarh. Ca marche, super. Tout content, voir euphorique, je demande le prix de la réparation qui se trouve être de 20 kDongs. Je me la joue américain en voyage et lui file le double sous ses remerciements. J’espère qu’il partagera avec mon bienfaiteur car j’ai complètement oublié de le remercier autrement que par une pluie de sin tchao.

Je repart donc timidement sur mon scooter sous les regards que j’imagine un peu narquois des six vietnamiens. Cinq mètres plus loin, je cale. Le ralenti semble très très bas. Je retente de démarrer pour éviter la double honte. Peine perdue, le scooter refuse. Jusqu’à la lie je la bois ma honte. Je range donc mon amour propre (enfin, ce qu’il en reste) dans ma poche et me tourne avec un sourire vers le garagiste qui se dirige déjà vers moi. Il doit avoir un pouvoir ou je ne sais quoi car après la deuxième tentative le moteur redémarre et sans demander mon reste je repart en tentant de maintenir un minimum de régime moteur. En sachant en plus que je repart sur cette fameuse route en terre qui m’a traîtreusement amené au sol, je ne vous cache pas que je pilote de manière contracté et surtout, sans toucher aux freins.

Finalement, je me relâche lorsque j’atteins enfin le bon vieux bitume de la route Ho Chi Minh et tourne en direction de Nha Trang.

Et dire qu’avec tout ça il n’est même pas midi.

(la suite au prochain épisode)

Cruiser en scooter

J’ai enfin osé le faire. Comme j’avais le temps à Pondichéry (environ dix jours sur place) avec la possibilité de récupérer à l’hôpital en cas d’accident, j’ai loué un scooter pour une journée (pour pas cher en plus, 300 roupies pour une journée). Je ne vous cache pas que j’appréhendais légèrement les premiers instants dans le trafic pas spécialement rassuré par les dernières paroles du loueur « and be careful, ok ? ». Oui, ben oui que je vais être cairefoule. Tu penses bien. Je pense qu’à ça. Il m’avait au préalable rapidement expliqué le fonctionnement de l’engin : les freins, l’accélérateur, le démarrage, le blocage du guidon à l’arrêt. Mais j’étais surtout particulièrement surpris qu’il ne m’indique pas l’emplacement du klaxon.

Je part donc dans une douce accélération en ayant au préalable débranché la zone de la peur dans mon cerveau. Ma première étape : trouver une station service pour le plein. Après quelques virages approximatifs et bénissant la nervosité de l’engin, je trouve la station et m’y engage en éteignant le moteur. Mon tour arrive et le pompiste fait son boulot. Je paye, le remercie et tente de démarrer. Mince. Ca ne marche pas. Une minute plus tard j’y étais encore. Mais mince, comment il a fait le loueur ? Je crois que j’avais été trop obsédé par le klaxon et avait du moyennement écouter ses explications. Heureusement un pompiste me montre qu’il faut freiner en même temps qu’actionner le démarreur. Ah ok. Mais sinon, il est où le klaxon ? Je ne sais pas, j’ai l’impression que c’est une pièce essentielle, quand même ?

Je repart donc et attaque pour de bon ma plongée dans le trafic, le rythme cardiaque légèrement supérieur à la normale et mes sens hyper affutés. Après quelques minutes je commence à prendre le plie et suis complètement surpris par la fluidité de la conduite. Vu de l’extérieur, avec un regard français, on a l’impression de chaos et d’agressivité mais à l’intérieur du flot de mobylettes, rickshaws et bus on se rend compte que tout se passe en douceur, chacun faisant attention à la trajectoire de l’autre (enfin peut être moins les rickshaws puisque j’ai assisté à un petit accrochage entre un rickshaw qui avait magnifiquement exécuté une queue de poisson à une jeune fille en scooter). Le secret fondamental étant de ne SURTOUT pas hésiter ou d’opérer un brutal changement de vitesse ou de trajectoire. Finalement ce n’est pas plus dur qu’aborder le tunnel de Fourvière en heure de pointe et en plus, au moins, on avance. De plus, contrairement à la France, les coups de klaxons sont ici donnés à titre d’information « attention, j’arrive » et ne sont absolument pas une marque d’agressivité façon « pousses toi, connard ».

Après quelques minutes, je tente mon premier coup de klaxon joyeux « Biiiiiip ». Je me sens complètement indien. Enfin. Il me reste encore quelques réflexes européens puisque je persiste à mettre mon clignotant. A ce propos, je suis un peu surpris d’entendre régulièrement des « bip bip bip bip », tels des signalisations sonores de recul, mais en plein dans le trafic. Bizarre.

Gagnant de plus en plus confiance je me mets totalement dans le bain en doublant indifféremment à droite ou à gauche avec un « Biiip » joyeux et amical. Au moins le vent du à la vitesse (pas plus de 60km/h à vu de nez mais vu la densité et la dangerosité du trafic, c’est amplement suffisant) évite une trop grosse chaleur. J’ai malgré tout une forte tendance à préférer tourner à gauche plutôt qu’à droite, surtout au début.

Un peu plus tard dans la journée, je suis saisit par un éclair brutal de compréhension au sujet de l’incroyable cacophonie du trafic indien. Alors que je suivait une petite camionnette de livraison, je vois inscrit sur ses portes arrières « Sound Horn Please ». Rapidement, je constate que beaucoup de camions et de camionnettes ont cette inscription. DSC_5449_DxOC’était donc ça. Les gens ne klaxonnent pas que pour se signaler, c’est également par politesse et pour répondre aux injonctions des chauffeurs livreurs. Mais qu’est-ce qu’ils sont obéissants ! Ah mon avis, ils y ont quand même pris un poil goût.

Autre découverte majeure : je constate que les « bip bip bip bip » que j’entendais viennent de mon scooter : les clignotants sont également sonores. Ah non de djieu. Mais ils sont complètement fous ?! En plus des klaxons et des clignotants je remarque que l’enclenchement de la marche arrière sur les voitures est également sonore. Tout prend alors une nouvelle perspective. Qui de la poule ou de l’oeuf ? Est-ce le législateur indien qui à force de zèle auditif a provoqué cette effroyable pollution sonore ou est-ce parce que les conducteurs indiens abusaient du klaxons et de la conduite sportive qu’il a fallu trouver d’autres moyens pour attirer l’attention. Nul ne le sait. Nul, c’est moi, en l’occurrence. Si vous le savez, je suis preneur.

Au cours de ce petit périple à deux roues motorisés, j’ai pu expérimenter différents types de trafics : urbain, routier et campagnard. A vrai dire je n’ai pas senti de différence fondamentale entre les deux premiers hormis la vitesse légèrement plus élevée pour le deuxième ainsi qu’une plus forte proportion de voitures. A part cela, ça reste un incroyable flot de trajectoires entre-tissées et bien entendu, mais était-ce besoin de le préciser, sans casques pour la majorité des deux roues. Moi, bien entendu, pour faire couleur locale, j’ai roulé tête nue. Il faut dire que je n’avais pas bien eu le choix car à aucun moment le loueur n’a fait mine de m’en proposer un. Chose assez amusante en parlant de casque, j’ai constaté plusieurs fois un conducteur porter un casque (intégrale ou pas, à ce niveau là faut pas être difficile) alors que sa on son passager arborait fièrement ses cheveux aux vents, même si le passager était un enfant. En ce qui concerne la conduite en campagne c’est le plaisir mais il n’y a rien de typiquement indien hormis quelques rares dos d’âne sensées tempérer l’ardeur des fous de vitesse. Ils ne sont par contre pas du tout de l’ampleur des « topes » mexicains donc, passons notre chemin.

A propos de passagers de deux roues, j’ai pu à loisir contempler les différentes configurations que ce soit en tant que piéton ou en tant que conducteur lors de cette mémorable journée (oui car je vous annonce que je ne l’ai pas retenté). L’Asie et indubitablement le continent des deux roues et l’Inde particulièrement. C’est pour la plupart des foyers LE véhicule principal et permet de transporter toute la famille. Le record que j’ai pu constater est de cinq passagers (en comptant le conducteur), deux adultes et trois enfants et je ne vous parle pas des objets qu’on transporte avec. Mon préféré (ça me fait beaucoup rire, allez savoir pourquoi) est le passager tenant une grande planche ou un grand tableau, par exemple d’un mètre sur un mètre cinquante, entre lui et le conducteur, bien en prise au vent. Résultat il ne voit absolument pas la route, a les jambes écartées au maximum et doit lutter pour ne pas se faire emporter. Très très fort.

DSC_5262_DxONotez que pour les passagères, comme pour la monte à cheval, il y a deux écoles : celles qui montent en amazone et celles qui montent à califourchon (normal quoi). Moi je serai pas très confiant en amazone mais en même temps je ne serai pas très confiant quelque soit la monte vu que la plupart du temps il n’y a quasiment pas de prise pour le passager au delà du deuxième (à moins de ce tenir au précédent mais vu la chaleur ça va vite devenir poisseux tout ça).

En tout cas, après une journée complète en scooter, dans la campagne et en ville, je suis rentré me coucher tôt, excité, heureux mais un peu exténué nerveusement.