Il y a plusieurs façon de voyager. Tenez, par exemple, on peut potasser son Lonely Planet ou Guide du Routard (selon ses préférences) trois mois à l’avance, lire au moins quatre livres d’histoire du pays, deux romans, un film et organiser un voyage au plus serré pour ne rien rater. Jusqu’ici, ce n’est pas ce que j’ai fait. Du coup, je n’arrête pas d’être surpris pas la Nouvelle-Zélande car, hormis certains paysages, je n’ai aucune idée de ce qui m’attend. L’inconvénient de cette technique c’est qu’il est fort possible que je passe à côté de certains lieux totalement incontournables que j’aurai inconsciemment contourné.
Je ment un peu d’ailleurs en affirmant n’avoir rien préparé pour ce pays. J’ai tout de même eu une discussion avec Jane, la nouvelle-zélandaise croisée à Darwin avec son mari Nick, qui m’a donné deux trois idées de choses à faire jugées vraiment chouettes dans l’île du nord. Ce que j’ai retenu c’est que la partie centrale de l’île est particulièrement volcanique.
Rotorua n’est pas au centre de l’île mais n’empêche que c’est particulièrement volcanique dans les environs. D’ailleurs, un soupçon d’odeur de souffre plane dans les rues de la ville émanant des nombreuses sources géothermiques. Ça ne fait rien pour augmenter l’attrait de cette petite bourgade qui suit un classique plan en grille que bordent des bâtiments et magasins de plein pied. C’est une sorte de Matamata en plus grand, si vous voyez ce que je veux dire. Si vous ne le voyez pas, vous êtes quand même bien capable de l’imaginer : ce n’est pas spécialement dynamique, surtout les nuits de fin d’hiver. Il doit bien y avoir un ou deux bars sympathiques mais à l’heure où je feint de vous écrire par l’emploi du présent narratif, je suis au Youth Hostel Association de Rotorua, légèrement en retrait du CBD.
Après mon après midi dans le Comté, je suis arrivé en début de soirée en ville et une fois récupéré mon lit dans une chambrée de quatre surchauffée par une centrale géothermique, part à la recherche de quoi me restaurer. Je n’y passe pas non plus des heures car je dois vous avouer quelque chose : ça fait bien cinq jours que j’ai des petits soucis de santé. Jusqu’ici tout était parfait mais je soupçonne les fraiches soirées de Melbourne et notamment ce fameux match assez venteux au sommet du MCG d’avoir entamé ma santé. Les choses se sont doucement dégradées depuis mes premières nuits à Sydney et je passe maintenant mon temps à déglutir des lames de rasoir ou du verre pilé, selon l’éloignement de ma dernière succion de pastilles Strepsils extra-fortes aux anesthésiants. La nuit, je bascule en mode survie en tentant de respirer à travers une trachée obstruée par des substances dont je suis quasiment certain produire moi même mais sans en avoir donné l’ordre. Ce doit être mon système immunitaire qui tente des choses mais sans en mesurer les conséquences sur mon alimentation en oxygène. Tout ça pour dire que ça commence à bien faire les températures en dessous de 20°C.
Dans un élan d’auto-médicamentation, je décide donc de m’arrêter à un restaurant « cuisines sud-américaines » et commande une tequilla brute en apéritif suivi d’enchiladas extra-fortes. La serveuse m’apporte la boisson en m’avouant que ce n’est pas commun. Ce n’est non plus pas très efficace et hormis une douce chaleur qui m’envahit et un goût vraiment moyen dans la bouche, je ne le recommande pas. J’avale donc mes enchiladas, moyennement épicées et repart pour une nouvelle nuit en apnée.
Avec tout ça, le lendemain, je décide de prendre des mesures drastiques. Je veux bien attendre trois autres jours que ça se soigne tout seul mais ça va sérieusement me gâcher le voyage. C’est donc dans un cabinet de médecin que je me retrouve en mâtinée à attendre mon tour. C’est d’ailleurs finalement une bonne idée car ça me permet d’avoir un aperçu d’un système de santé étranger. On devrait tous tomber malade pendant nos voyages.
Déjà, le cabinet que j’ai choisi, un peu par hasard, regroupe plusieurs médecins de différentes spécialités. Une pharmacie est attenante à la salle d’attente et les prix affichés au dessus des bureaux des secrétaires. On me demande mon assurance santé internationale, ce qui est une bonne chose car la consultation est facturée 150$ en tant que non résident, soit environ 90€. Pour les résidents, ma mémoire faibli mais je crois bien que c’était autour de 20$. Si jamais le médecin m’annonce que c’est un bête rhume, ça fera cher le rhume.
Heureusement, une fois la consultation effectuée par un médecin sympathique avec qui je parle voyage, forcément, il me prescrit des antibiotiques. Ce n’est sans doute pas systématique mais dans un soucis d’efficacité, je n’en attendais pas moins. De toute façon, avec moi, c’est toujours efficace vu que j’en prend rarement. Si je me permet un petit saut dans le temps, au bout de 24h, ça allait déjà beaucoup mieux et le jour suivant, c’était réglé.
Au moment de réglé au secrétariat, encore une fois, ma carte bleue refuse la transaction et je repart dans le froid retirer de l’argent liquide. Depuis un semaine, en tâche de fond, je tente de joindre mon banquier par e-mail pour lui demander des explications. Cet abruti ainsi que son remplaçant car il est en vacances, ne savent manifestement pas utiliser ce moyen de communication car je n’ai aucune nouvelle. C’est donc toujours avec angoisse que règle mes factures.
Mais Rotorua, ce n’est pas qu’une ville où on peut se faire soigner efficacement des petits maux. En vérité c’est même une ville où on peut se faire soigner des grands. Enfin, ça l’était. Et encore. On n’est pas particulièrement sur du taux de réussite, finalement, même si, à l’époque, les gens y accourait. Mais de quoi parle-je ? Tout simplement de l’industrie thermale de la ville qui est d’ailleurs la source (si je puis m’exprimer z’ainsi par un jeu de mot facile) de son développement avec le tourisme. De cette époque ne restent que quelques bâtiments à l’architecture originale, l’office du tourisme et le musée. Ce dernier est abrité dans les anciennes thermes de la ville et je suis allé y effectuer une petite visite sous la conduite d’un guide bénévole d’une soixantaine d’année fort sympathique, en compagnie d’un couple de néo-zélandais. Un peu comme Steve, je le trouve fort agréable, chaleureux et gentil. Pour le moment, les nouveaux-zélandais (pour changer) sont sympathiques. D’ailleurs il nous apprend que sa femme est maori. Pourquoi je vous dis ça ? Et bien parce qu’une section du musée est dédié à la culture Maori des environs. Mais je vous en parlerai une autre fois.
C’est un endroit qui craint un peu côté volcanisme vu que c’est pas mal actif. Hier ou à peine, en 1886, il y a eu une explosion du Mont Tarawera (vous n’êtes pas obligé de retenir le nom, ce ne sera pas à l’examen) qui a tué 150 personnes et entièrement détruit deux magnifiques cascades de terrasses de silicates blanches et roses, célèbres jusqu’en Angleterre qui s’avéraient être le clou touristique de la région. Dans les années 50, c’est une coulée de lave qui a enseveli une ligne de chemin de fer et provoqué un accident. Si je m’échappe d’ici avec juste mon mal de gorge, je signe.
Bien que la ville ne soit pas exceptionnelle ou même mignonne (si, ne nous voilons pas la face), elle borde néanmoins un grand lac (le deuxième par la taille de l’île du Nord) avec un volcan en face se reflétant dans ses eaux tranquilles. Autour, sur la rive, des volutes de vapeur et de sulfures hydrogénés s’échappent de crevasses menant directement aux boyaux terrestres. C’est sublime et un tantinet diabolique, surtout cette subtile essence d’oeuf pourri. Enfin. C’est ce qu’on m’a dit. Moi j’ai rien vu car, hormis une micro-parenthèse ensoleillée, il faisait un temps de chien pourri et galeux ou, au mieux, le jour de mon départ le surlendemain, brumeux. Ceci dit, je préfère la brume car au moins, elle est photogénique surtout lorsqu’il y a plein de mouettes à la moue dubitative ou des cignes au port de cou d’aristocrates en fin de race. La pluie, c’est nul.