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American conclusion

C’est bientôt la fin. Je ne vous cacherai pas que je suis très en retard sur la rédaction de ce blog. Ça fait maintenant un an que je suis parti et plus de six mois que je suis revenu. J’ai épuisé mon stock de photos à vous montrer et il ne me reste que très peu d’anecdotes dignes d’intérêts qui n’ont pas été dilués par le temps. Il est temps de conclure sur les Etats-Unis et New-York. Commencez donc par vous plonger dans l’ambiance du métro, ça ne fait pas de mal.

Commençons par mes remarques spécifiquement nouvelle-yorkaises. La ville est toujours aussi fascinante. Par contre, ses habitants le sont moins. Oui, j’ai un petit reproche à faire aux new-yorkais : je les trouve souvent un peu désagréables. C’est bien simple, on dirait des serveurs parisiens. Oui, je pense à toi la dame de l’accueil aux YMCA (j’ai effectivement passé mes dernières nuits dans une chambre monastique et déprimante du YMCA de Vanderbilt, à deux pas des Nations Unies, pour environ 80€ la nuit. Une expérience que je ne conseille à personne) lorsque je suis descendu t’annoncer que j’avais refermé la porte de ma chambre en laissant ma clé magnétique à l’intérieur. Je pense à toi la serveuse qui tirait la tronche au petit déjeuner. Je pense surtout à vous, le portier et la préposée au lecteurs multimédias du musée Guggenheim, désagréables que vous êtes. Certes la vie ne doit pas être simple et réjouissante lorsqu’on vit d’un petit boulot dans cette mégalopole hors de prix, je le concède. Ceci dit, le vieux serveur du fast-food de Philadelphie où j’ai commandé mon seul (et unique) Phillie’s cheese steak n’était pas non plus hilare.

C’est d’autant plus marquant que dans mes périples californiens, les vendeurs étaient plutôt très souriants voir obséquieux, ce que je ne trouve pas non plus forcément plus appréciable. A San Francisco, en général, les gens sont plutôt cools.

Mais concluons. Pour tout vous dire (et je pense que c’est maintenant ou jamais), San Francisco ou New York, ce n’est plus ce que c’était. Plus spécifiquement, parce que je sens bien que je m’emballe en sortant une telle généralité, une bonne partie des US ont perdu de leur spécificité et ne sont plus aussi dépaysants qu’il y a encore trente ans. On croise les mêmes voitures dans les rues, on regarde parfois les mêmes émissions, on mange la même chose et de la même manière et finalement, nos modes de vies sont très semblables. Le comble, il y a maintenant des systèmes de location de vélo rapides, à la manière des Vélov’ et Vélib, à NYC et San Francisco. Ils nous piquent tout ! On est en train de les envahir culturellement !

Comme souvent, la vision des US que l’on a quand on y séjourne est beaucoup moins agressive que celle retransmise par les médias en France. Comme disait Phil, l’ORL américain croisé en Australie, réagissant à ma remarque sur la propension de pays comme la France à adopter certains choses négatives venant des Etats-Unis, notamment au niveau des comportements : « J’entends souvent dire ça, mais pourquoi faut-il toujours que vous ne preniez que nos choses négatives ? ». Mmmmh, c’est pas faux.

Scout chez les silicon frenchies

Vous devez commencer à avoir l’habitude mais je vais, de nouveau et en introduction, me prêter à une généralisation outrancière à partir d’un échantillon réduit de cas. J’affirme avec aplomb qu’un nombre important d’américains, de toutes catégories sociales, ont un parcourt professionnel extrêmement varié, beaucoup plus varié que la moyenne française.

Lorsqu’on interroge un(e) français(e) moyen(ne) sur sa profession, la personne (ça me simplifiera le maniement du genre) vous répondra « cadre commercial » (beurk), « agent EDF », « prof » ou encore « ingénieur informaticien » (sur-beurk). Je sais qu’il ne faut pas juger les gens uniquement sur leur profession (car il faut également tenir compte, comme chacun le sait, de leur aspect physique), mais force est d’avouer que l’image qui en ressort est extrêmement peu excitante, à moins que la réponse à la question soit « photographe de guerre » ou « tueur à gages » (ou que la personne soit une sublime blonde avec un ratio tour de poitrine / tour de hanche égal au nombre d’or).

Avec les américains que j’ai rencontré, hormis Phil à Darwin qui était tristement uniquement ORL (bon, certes expatrié en Australie pour un an fraichement sorti de son université), je suis à chaque fois surpris par le curriculum que l’on me donne. Ils ont souvent à leur passif deux ou trois métiers différents. Sans réfléchir au pourquoi du comment, je trouve ça incroyablement rafraichissant et surtout, enrichissant. Ça doit faire beaucoup pour éviter le corporatisme bien que cela induise sans doute d’autres inconvénients qui ne me viennent pas à l’esprit, là, spontanément.

Mais rappelez-vous, tout ceci n’est qu’une introduction et nullement le cœur thématique de ce billet. En vérité je souhaiterai vous parler d’un gars prénommé Merrick. Forcément, je vous doit en préambule quelques explications quand à son intérêt.

Il est venu mon dernier soir à San Francisco. Je sais, c’est triste. Toutes les bonnes choses ont une fin et il est temps que j’aille affronter le froid polaire du Québec automnale (enfin, que je me dis). C’est donc ce samedi soir que nous allons passer une soirée à Redwood City, bourgade résidentielle sans intérêt de la Silicon Valley, hormis d’être mitoyenne de Palo Alto (où réside, je vous le rappel bande d’ignares, l’université de Stanford et le siège mondial de Hewlet-Packard) et d’abriter le siège mondial, lui aussi, d’Oracle (qui pour ceux qui ne le savent pas est une méga compagnie d’informatique dont le grand patron, Larry Ellison, est un des hommes les plus riche du monde).

Je dis nous car je suis (du verbe « suivre », pour éviter toute ambiguité) Sam, Claire et le petit Isaac, à une soirée d’anniversaire organisée par un de leurs amis français habitant la sus-mentionnée Redwood City. Dans une maison de plein pied au milieu d’un quartier fade est propret, surveillé par le neighborhood watch et les patrouilles de police, où réside tout les cent mètres un millionnaire internet séparés par des voisins employés de sociétés high techs aux salaires supérieurs ou égal à 100k$ par an, je retrouve une joyeuse bande composée d’une ossature de frenchies immigrés et d’américains. Pour éviter toute mauvaise interprétation, la référence aux revenus des gens n’est là que pour poser le décor de façon légèrement hors sujet de la réalité immobilière de la Silicon Valley. Paradoxalement, les maisons ne sont pas particulièrement luxueuses, tout au plus confortables et spacieuses. Mais je m’égare.

Je me retrouve donc rapidement un verre de bière locale à la main, à faire et subir les présentations d’innombrables gens dans un état de joie croissant. Poignées de mains ou bises (quand ce sont des françaises), j’en arrive à serrer la paluche à un américain prénommé Merrick. Là commence le sujet de ce billet.

Merrick, c’est un jeune gars (une petite trentaine) de Santa Cruz (station balnéaire à une heure au sud, Mecque des surfeurs) travaillant en tant que développeur dans une petite société du Web. En France, on s’en serrait certainement arrêté là (rapport à ma longue introduction et ma fallacieuse statistique) et j’aurai papillonné vers un autre groupe de personnes en claironnant que moi, j’ai Fait l’Inde. Avant que j’ai pu trouver un habile stratagème pour clôturer cette conversation naissante et me trouver un nouvel interlocuteur, il enchaine en expliquant qu’il souhaite prendre de l’expérience pour espérer pouvoir créer sa boite (mais ça, ici, dans cette partie du monde, c’est aussi commun que d’annoncer ailleurs qu’on va s’ouvrir un PEL) car malgré son âge il est débutant dans le métier.

Je fais une rapide soustraction mentale et suis surpris par son manque d’expérience professionnel à son âge. Si vous êtes un brin perspicace, vous aurez compris qu’il n’en était pas du tout à sa première expérience professionnelle, mais juste débutant dans sa nouvelle carrière d’informaticien, débuté il y a peu. Pour vous, pour que vous ne mourriez pas de curiosité, je l’interroge donc sur ses précédentes activités. Sa réponse : l’armée. Alors voici la situation : j’ai rien contre l’armée en tant que telle. J’ai juste un problème avec les militaires. Je suis donc tout à coup légèrement circonspect. Mais voici l’histoire de Merrick à l’armée, sans doute similaire à de nombreux jeunes américains de sa génération.

A la sortie du lycée, sans idée de ce qu’il veut faire hormis une envie d’aventure, il cède aux sirènes des recruteurs. Ça tombe bien, l’armée US a grand besoins de bras ces temps-ci, engagée qu’elle est depuis 2001 dans deux guerres majeures. Comme Merrick est vraiment, vraiment à la recherche d’aventure (et un peu fou, il me l’avouera rétrospectivement), il choisi le corps des scouts qui comme sa traduction littérale ne l’indique pas, n’a rien à voir avec la bande de boys du même nom. Non, les scouts, en anglais, ce sont les éclaireurs. Après quelques mois d’entrainement intensif, il part donc, je vous le donne en mille et un, à Bagdad, Irak, Moyen-Orient.

A partir de ce moment là, je reste scotché, fasciné, en discussion pendant deux heures avec Merrick, lui posant progressivement des questions plus sensibles sur le sujet. A l’aune de ses réponses, je découvre un type ouvert, curieux, sensible et lucide pour qui cette expérience fut à la fois forte et enrichissante. Il me parle d’esprit de corps, de camaraderie et de mixité sociale, comment ses meilleurs amis d’Irak sont toujours en contact, notamment Bo, un véritable redneck d’Alabama fier de lui envoyer une vidéo de son 4×4 embourbé dans un étang, tous ces gens qu’il n’aurait jamais croisé en restant aux US. On en vient à parler plus brutalement de son contact avec la mort et toujours, aussi franc, il m’avouera n’avoir eu qu’un contact assez vague, son unité n’ayant déploré aucune perte. La mort, elle était, supposée, lorsqu’il devait tirer vers une zone désignée abritant un ennemi.

Ses deux ans à Bagdad, il me les raconte comme une vie d’excitation et de confort, hébergé dans la zone verte ultra-protégée, sortant en patrouilles de Hummvee pour escorter les forces spéciales jusqu’à leurs zones d’intervention, en charge d’éliminer les fameuses têtes du « Deck of Cards ». Tout ceci est à la fois lointain et proche pour moi, nourri des multiples films sur le sujet mais d’être en contact direct avec quelqu’un l’aillant vécu est vraiment passionnant. Avec les irakiens, il a eu quelques contacts mais leur isolement ne facilitait pas la tâche.

Encore une fois, je suis séduit par sa façon très lucide, je trouve, et neutre de raconter cela. Globalement et avec le recul, il est d’accord pour estimer que leur rôle était tout au plus flou. Bizarrement, ça lui a ouvert l’esprit. De retour à Santa Cruz, il s’intéresse à de nombreuses choses, s’informe, lit. Grâce au contrat signé au moment de son recrutement, il part faire quelques années d’étude. Un gars véritablement passionnant et attachant surtout car il nous offre une grosse bouteille de bière d’une micro-brasserie de Santa Cruz. Toutes ces histoires irakiennes, c’est un prétexte pour être resservi, bien entendu.

Finalement, un verre d’excellent et rare bourbon dans les mains servi de la réserve personnelle d’un sympathique américain d’origine sicilienne (qui me raconte ses vacances chez sa grand mère en Sicile), je me retrouve toujours debout à 3h du mat’ avec une poignée d’irréductibles frenchies, dont l’inusable Samuel, attendant mon taxi pour l’aéroport de San José. Dans deux heures j’y décolle pour Montréal. Dans l’avion, j’aurai largement le temps de dormir et de repenser à toutes les surréalistes anecdotes racontés par Merrick.

Et comme j’ai une mémoire de m… et que j’étais « légèrement » éméché, je ne m’en souviens que très peu.

San Fran by Night

C’est toujours un plaisir de parcourir une ville à partir du crépuscule. A San Francisco, la remontée de Columbus Avenue permet de traverser des quartiers progressivement festifs au pied de Telegraph Hill. La nuit, clubs, café, restaurants et boites de jazz ou de strip, s’y animent. Au coin d’une rue, un vieille immeuble en fer à repasser se découpe sur l’arrière plan moderne du downtown. Au rez-de-chaussé, le Café Zoetrope. Pour les cinéphiles, Francis Ford Copolla n’est pas loin.

De l’autre côté de la baie, c’est l’occasion de profiter de magnifiques couchés de soleil face au Golden Gate, à l’autre bout du Bay Bridge ou du reflet lunaire sur les marinas endormies d’Emeryville, non loin des studios Pixar.

Mais chuuuut, place aux images.

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Côte Pacifique

Je suis invariablement attiré par la côte. Je ne dois pas être le seul, notez. Alors, quand je me suis rendu compte (assez tôt, il faut bien le dire) que le logement à San Francisco allez sérieusement greffer mon budget, j’ai décidé de partir voir ailleurs pendant une petite semaine si l’herbe est moins chère. Parce que j’ai n’ai aucune logique ni cohérence en vacance, je réserve donc une voiture de location (encore, c’est bien dommage) pour le prix de trois jours d’auberge de jeunesse sans compter l’essence, histoire d’avoir un maximum de liberté. Au niveau budget, je ne suis pas sur que la décision était plus sage.

Derrière tout cela, il y a également une autre motivation, autre que financière. C’est surtout que je meurt d’envie de découvrir le nord de la Californie. Lors de ma précédente visite à San Francisco il y a quelques années, au moment de l’approche, j’ai pu apercevoir dans un magnifique soleil déclinant un volcan solitaire au nord, cône magnifique tel la Montagne du Destin du Mordor. Vu mon échec à en apercevoir un en Nouvelle-Zélande, j’étais bien motivé pour aller voir cela de plus près. Mais, figurez-vous, que ce n’est toujours pas ma motivation principale. Non, en réalité, je veux aller voir de mes propres yeux la côté déchiquetée du nord de la Californie, là où se situe l’action du film « Les Goonies », chef d’oeuvre du 7ème art par Steven Spielberg. Je rêve de me poser dans une petite ville côtière adossée à de sombres collines boisées et prendre des leçons de surf pendant quelques jours, en partant pendant mes heures de repos à la recherche de trésors perdus avec les gamins oisifs du coin.

Après quelques recherches sur Google, je note la petite ville d’Arcata. Il semblerait que ce soit une des villes les plus agréables à vivre de la Californie, située sur la côte, plus ou moins aux deux DSC_8375_DxOtiers de la distance qui sépare San Francisco de l’Oregon. A part cela, je n’ai aucune idée des paysages à traverser. Je récupère donc ma voiture de location et traverse San Francisco puis le Golden Gate Bridge. De l’autre côté, on rentre dans le comté de Marin, tout de suite beaucoup plus sauvage et c’est d’ailleurs ça qui est génial avec la ville, sa proximité avec une nature protégée.

Après une petite demi-heure où je tourne en rond dans le Golden Gate National Recreation Area, la zone préservée au nord du pont, à la recherche d’une route côtière qui n’existe pas, je rejoint la highway 1, la route qui parcourt toute la Californie du nord au sud en suivant l’océan. Ce doit d’ailleurs être une des routes les plus spectaculaires à faire des Etats-Unis, notamment pour sa portion au sud de Monterey où, pendant une centaine de kilomètres on emprunte la zone montagneuse et sauvage de Big Sur.

DSC_8378_DxORapidement, je me trouve sur une route tranquille, croisant un nombre relativement réduit d’autres véhicules. La portion de route au nord de San Francisco s’avère être relativement montagneuse et très similaire à Big Sur. C’est sauvage avec de nombreuses petites criques et plages où parfois quelques surfeurs tentent de pratiquer leur art entre les rochers et récifs. Le soleil perce parfois à travers la brume habituelle qui remonte du Pacifique.

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DSC_8390_DxOProgressivement le paysage se transforme légèrement, abandonnant les montagnes plongeant directement dans l’eau pour des collines plus douces couvertes de pins sombres, les fameux redwood californiens. Je croise épisodiquement des petites bourgades tranquilles aux maisons et bâtiments en bois. On est vraiment très loin de la surpopulation. Je m’arrête à une de ces petites villes pour faire des courses dans une épicerie. L’ambiance est assez écolo avec de nombreux produits « organiques » ou locaux, très loin de l’image de bouseux américain tel qu’on pourrait l’imaginer dans l’arrière pays. Cette ambiance écolo-progressiste est renforcée lorsque j’allume la radio. Un rapide balayage du spectre ne révèle qu’une seule station, NPR, National Public Radio, une sorte de France Culture au statut de droit privé, mais à but non DSC_8388_DxOlucratif. L’émission en court a pour thème l’écologie et le développement durable avec des présentateurs à la voie douce et au débit mesuré. Ça tranche avec les radios hurlantes et frénétiques de San Francisco ! Je me laisse porté par le débat en suivant la double marque jaune de la route sinueuse, l’océan à ma gauche et les pins à ma droite.

Ces rares petites lieux que je croise répondent au nom de Bodega Bay, Mendocino, Fort Bragg ou Fort Ross. Je découvre avec étonnement dans ce dernier lieu que ce fut une colonie Russe, abandonnée aux américains au milieu du 19ème siècle. D’ailleurs, je viens de découvrir sur internet qu’il y subsiste une église orthodoxe en bois de cette époque. Qui a dit qu’il n’y avait pas de bâtiments anciens dans cet état?

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Finalement, je dois quitter la côte et rentrer dans les terres. La dernière portion jusqu’à Arcata est entièrement sauvage sur une centaine de kilomètres. En échange, je me plonge dans de sombres collines recouvertes de gigantesques pins. Avant de parler des Goonies, me voici presque dans un épisode d’X-Files. Il faut dire que le soleil commence à décliner, le trajet total faisant près de 400km. Je me résous donc à accélérer le pas et bascule sur l’autoroute 101 (celle là même qui traverse toute la Silicon Valley).

C’est finalement de nuit que je parvient à trouver mon hébergement à Arcata. Mais ça, ce sera pour un autre billet.

J’aime ma banque

Avertissement : ce billet sera plein de fiel, de rage et de crachats. Si vous êtes sensibles du gros mot, passez votre chemin.

Connasse de banque. Imbécile de banquier. Saleté d’écureuil rhône-alpin.

A l’ère d’internet, j’imaginais que ma vie de nomade voyageur serait simplifié en de nombreux points par la présence quasi-généralisée du WiFi et du fait que je me trimballe environ 3 kg d’ordinateur portable depuis la fin mai. Cela s’est avéré vrai pour la réservation des hôtels, des tours, pour la location de voitures et pour savoir ce qu’il y avait à voir autour de moi. Par contre, ce fut également l’occasion d’un crash test avec ma banque qui n’a pas trop survécu à l’exercice. Heureusement, personne n’est mort et ce que je vais vous narrer peut aisément se classer dans la catégorie « problème de riche ». De toute façon, tout a été dit sur les banques modernes. Je ne fais que pisser dans l’océan d’urine déjà déversé, à juste titre, sur elles.

J’ai régulièrement depuis mon départ de Toulouse quelques soucis avec ma carte bleue. Déjà, en France, il arrive que certaines transactions soient refusées pour d’obscures raisons. Je ne vais pas donc en faire un fromage à l’étranger. Je passe même sous silence les grasses commissions que l’on nous facture en cas de retrait ou d’opération. Tout travail mérite salaire et les commissions des agents de change ne sont pas forcément plus avantageux.

De plus, j’ai fait renouveler ma carte bleue il y a environ deux ans et ma gentille banque (en l’occurrence l’écureuil Rhône-Alpin, qui comme une horrible poupée de film d’horreur s’est mué depuis sa création de sympathique animal en peluche en rongeur écumant au regard dément) m’a proposée, en la personne de mon conseiller personnel (le personnel devant être compris dans le sens « ce joueur de foot est vraiment trop personnel »), une nouvelle carte top moumoute munie de son propre crédit renouvelable au taux exceptionnellement usurié de deux chiffres. Devant ma moue dubitative (celle que j’adopte à la plupart de mes rendez vous avec mon banquier, que je trouve aussi passionnants qu’une vidéo d’entreprise) il m’a finalement convaincu en m’expliquant qu’elle était également munie d’un second pouvoir me permettant de bénéficier d’une extension de garantie sur tout les achats de matériel effectué avec. Bon, soit. Je comptais acheter du matériel. Admettons. Voilà encore une preuve que je suis un peu trop lâche avec mon banquier ou bien qu’il est particulièrement versé dans l’acte commercial. Déjà, à l’époque, je subodorait fortement que mon banquier était en réalité un vendeur de tapis et mauvais acteur avec ça, surtout lorsque je lui ai demandé combien il touchait en commission pour chaque carte à crédit renouvelable vendue. En me regardant droit dans les yeux, il a protesté.

Tout ça pour dire qu’arrivé en Australie, subitement, j’ai été confronté à un dilemme terrible au moment d’utiliser ma carte bleue dans les bornes de retrait mais également dans les commerces. Sachez que là bas (mais également en Nouvelle-Zélande et, présentement , aux Etats-Unis) on vous demande sur quel compte vous souhaitez effectuer l’opération, questions aux trois invariables réponses possibles : « courant, chèque ou crédit ». Je sais d’expérience que dans ces pays le terme carte de crédit est utilisé pour une carte au crédit renouvelable alors que notre carte bleue de chez nous correspond à une carte de débit. Cette confusion, je sais m’en prémunir dorénavant. Par contre, pour moi, le compte courant et le compte chèque, c’est du pareil au même. Ne parlons même pas de l’option « crédit » que je fuit comme la peste de peur que l’opération soit effectuée sur mon nouveau crédit revolving à 25000%.

C’est donc un peu au hasard et en fonction de mon humeur que je choisi « courant » ou « chèque » pour un résultat également aléatoire. De plus, à mon arrivée en Australie, j’ai quasiment fondu ma carte en procédant à de monstrueuses opérations en vue de réserver mes différents tours Kakadu-Litchfield et Ulura-Kata Tjuta-King’s Canyon, sans oublier la location de la camping-voiture pour dix jours. Résultat prévisible, j’ai littéralement démoli mon plafond d’opération et un peu plus tard l’autre plafond, celui de retrait. Là, je plaide coupable. J’aurai du prévenir ma banque au préalable. J’ai donc essuyé quelques jours un peu chaotiques côté paiement.

Jé décide donc de prévenir ma banque par un moyen drôlement efficace que j’ai découvert il y a quelques années et qui s’appelle l’e-mail. C’est génial ce truc. Vous envoyez un message à votre correspondant sous forme de texte, correspondant qui n’est même pas obligé d’être là au moment où vous l’écrivez puisque celui-ci s’entasse gentiment dans un équivalent électronique de boite aux lettres. Il peut donc tranquillement dépiler ses messages le lendemain matin, sa tasse de café à la main. Mon conseiller personnel, avec un regard complice, m’avait fort gentiment glissé sa carte de visite munie de tout les canaux de communication permettant de le joindre. Ces informations sont également répétées sur la page web qui me permet de consulter mes comptes en ligne. Certes, je suis informaticien et donc légèrement en avance technologiquement sur vous, les autres, mais manifestement mon banquier ne sait pas se servir d’une boite mail, malgré son âge tournant autour de la petite trentaine.

J’ai attendu cinq jours qu’il daigne me répondre et prendre des actions pour relever temporairement mon plafond d’opérations. Finalement, j’ai craqué et ai décidé d’appeler directement sur sa ligne directe (car nous sommes très intimement liés par les liens de l’argent) ce qui, j’en suis sur, me coûtera un organe mineur. Une fois appris par cœur son message m’indiquant qu’il n’était pas disponible (sans doute parti choisir sa nouvelle BMW), je me résous à appeler le numéro de mon agence, vaste fumisterie puisqu’en réalité ce numéro me permet d’atteindre un plateau téléphonique une fois traversé le labyrinthe de menus patiemment dictés par un robot lymphatique (lorsqu’on appelle d’Australie, c’est particulièrement énervant). Finalement, j’arrive à expliquer le problème, à faire remonter le plafond et à demander à la conseillère d’engueuler mon conseiller qui n’en branle pas une.

Les jours passent et le problème persiste. Jé décide donc d’envoyer un mail dont voici le contenu :

Bonjour,

Je suis actuellement en déplacement à l’étranger pour plusieurs mois. J’ai depuis quelques semaines des soucis avec ma carte bleue. Vous étiez absent en vacances. J’ai donc tenté de joindre M. XXX, comme spécifié dans votre mail d’absence, mais sans résultat. Je lui ai laissé un message téléphonique, sans réponse de sa part. Je lui ai envoyé un mail, également sans réponse. J’ai appelé le numéro d’appel en 0800 pour exposer mon soucis. La personne m’a dit qu’elle allait contacter quelqu’un à l’agence qui allait me recontacter. Je n’ai pas eu de nouvelles. C’était il y a un peu plus d’une semaine. J’ai rappelé ce même numéro hier soir qui m’a dit qu’elle allait prendre contact avec vous. Je n’ai toujours pas de nouvelles.

Voici mes soucis. Premièrement en Australie et Nouvelle Zélande l’utilisation de ma Carte Bleue Visa dans un magasin implique un choix entre trois options « check », « savings » et « credit » qui peut se traduire par « chèque », « compte courant », « crédit ». Lorsque j’utilise les deux premières options, l’achat est refusé une fois sur deux ou sur trois. Initialement, je pensais qu’il s’agissait d’un plafond de dépense atteint et c’est donc pour cela que j’ai appelé la première fois. Je ne sais toujours pas si c’est le cas mais le problème persiste.

Deuxièmement, récemment, une personne m’a dit d’utiliser l’option « crédit ». Effectivement, les deux achats effectués avec cette option sont passés. Malheureusement, je ne souhaite absolument pas utiliser la réserve d’argent associée avec ma CB Visa avec un taux de crédit très élevé. J’aimerai donc savoir si les deux achats effectués le 29/08/2013 effectués via cette option tape dans cette réserve ou dans mon compte courant. C’était le sujet de mon appel de hier soir. La personne m’a dit qu’elle n’avait aucun moyen d’avoir l’historique d’utilisation dans la réserve d’argent. Je trouve cela inconcevable. J’ai consulté la synthèse de mes comptes ce matin (soit le 29 au soir pour vous) et je ne trouve toujours pas trace de ces deux opérations. Qu’en est-il alors?

Troisièmement, dans la synthèse de mon débit différé, je vois apparaitre deux cartes de crédit dont une que je ne reconnais pas dont le numéro fini par 237511. Dans ce débit différé je vois une opération pour le 05/08/2013 intitulé « Avangate » d’un montant de 49.95€ avec comme détail « Paris ». Qu’est ce donc sachant que je n’ai pas mis les pieds à Paris depuis quelques années et que cela fait trois mois que je suis à l’étranger?

Je vous serai donc très reconnaissant de prendre le temps de répondre à toutes mes interrogations, de préférence par mail, si vous recevez celui-ci, afin de démontrer que vous prenez en compte les petits soucis de vos clients, quand ils sont urgents. J’ose espérer que vous n’êtes pas là que pour des actions commerciales.

Le lendemain, oh surprise, je reçois une réponse de mon conseiller drôlement personnel, pas particulièrement pertinente, avec notamment cette fabuleuse phrase à l’intérieur, également fort peu utile :

Le plafond de paiement est de 2400 euros / 30 jours consécutifs. Ce plafond a été augmenté à 7500 euros (du 14/08 au 14/11 par Mr XXX ?).

Il n’est pas possible d’utiliser le paiement ou retrait à crédit à l’étranger (cette fonction est uniquement disponible en France). Les traductions check (interrogation de compte), savings (épargne) et credit (credit card est la traduction de CB à l’étranger).

Pour commencer, on sent qu’il a bien lu mon mail, certes fort long et ennuyeux, mais tout de même. PUISQUE JE TE DIS QUE TON COLLEGUE XXX NE M’A PAS REPONDU, TU PENSES BIEN QU’IL N’A RIEN FOUTU!!! Ensuite, grâce à mon conseiller bancaire, j’apprend des mots anglais que je connais déjà et que surtout, je lui ai parfaitement traduit dans mon mail. C’est vraiment parfait. Ça c’est du conseil. De plus, si je comprend bien, ce magnifique crédit renouvelable ne m’est d’aucune utilité dans mes voyages, là où pourtant, j’en aurait vu une possible utilité de secours. Soit. C’est ma faute. J’aurais du lire plus attentivement les petites lignes en bas.

Je vous épargne quelques autres mails de relance, car comme d’habitude, il a la fâcheuse tendance de lire ses messages environ une fois toutes les deux semaines. Je crois qu’il a bien saisi le caractère presque d’urgence de la situation. Entre temps, j’ai réussi à me démerder en utilisant tout le temps l’option « crédit ». Tant pis si je crève sous d’affreuses dettes. Aux dernières nouvelles, tout va bien.

C’est finalement, quelques semaines plus tard, alors que je suis confortablement installé dans un grand lit gonflable au rez-de-chaussé du sympathique loft des mes frenchies san franciscains, que mon téléphone portable sonne. Dehors il fait nuit, je me réveille. Il est minuit trente. Quel est le con qui… ?

«Mallooooooo?

  • Bonjour, monsieur Prat ?
  • Mmmoouuaaaih ?
  • Bonjour c’est monsieur B., votre conseiller à la Caisse d’Epargne. Je vous dérange ?
  • Mmmh, il est minuit trente.
  • Ah. Euh… vous êtes toujours à l’étranger ?
  • Mmoooui.
  • Ah. Vous voulez que je vous rappelle ?
  • Noooon, par mail.
  • Ok. Désolé.

Clac.