Petite introduction crypto-pédante. Je pense que ce qui est important dans la vie, ce sont les évènements. J’entends par « évènement » le concept introduit en physique relativiste par monsieur Einstein lui-même, c’est à dire la conjonction d’un instant dans le temps et d’un lieu dans l’espace, un point dans l’espace-temps. Combien de fois ai-je croisé des gens voulant à tout prix visiter un endroit réputé en plein après-midi, pour d’évidentes priorités pratiques (mais loin de toutes autres considérations esthétiques), alors que tout l’intérêt est décuplé en allant au même endroit à la fin du jour. Ils s’attachent au lieu, à l’espace, en oubliant le moment, le temps.
Ça faisait quelques années que je voulais re-vivre l’évènement « automne en Nouvelle-Angleterre », revoir des forêts de couleurs vives où le rouge et l’orange prédominent sous des températures clémentes. Pendant quelques temps j’ai donc hésité à rejoindre New-York (où je dois décoller pour l’ultime retour vers Toulouse dans un peu plus de deux semaines) en flânant à travers le Vermont et le Maine en bus ou voiture de location. Montréal m’avait laissé un peu sur ma faim alors que Québec m’avait charmé. Finalement, je décide donc de vivre le même évènement mais en m’enfonçant plus loin dans le Québec profond. La Gaspésie, mon premier choix, au sud de l’embouchure du Saint-Laurent, s’avère être particulièrement loin. Je décide donc plus pragmatiquement d’aller voir un peu plus haut sur les rives nord du fleuve. Après un trajet de deux heures à partir de Québec, je me retrouve seul devant un dépanneur (toujours aucun lien avec le garagisme) au rez-de-chaussé d’une maison en bois dans le village de La Malbaie, alors que le bus repart pour desservir d’autres villages plus au loin.
La Malbaie, bien que touristique, est calme. C’est parfait, j’en avait envie. Le village est scindé en deux. Une première partie où sont regroupés l’essentiel des petits commerces se situe au bord de l’embouchure de la petite rivière qui se jette dans le Saint-Laurent. L’autre partie, plus au sud face au fleuve, regroupe la plupart des hôtels, maisons d’hôtes et restaurants, ainsi que, plus loin, le casino. Entre tout ça, on trouve un centre commercial et le supermarché Métro du coin. Tout ça est relativement peu dense et tout en bois. Pourquoi je vous dis ça ? Tout simplement car le dépanneur où je me trouve se situe dans le centre alors que la maison d’hôte où j’ai réservé une chambre, dans l’autre. Je commence donc ma découverte du village par une pause déjeuner (je vous en parlerai plus tard) suivi d’une petite marche à pied au bord de l’eau, ce qui est toujours sympathique. Comme je ne suis pas pressé, j’en profite même pour faire une petite sieste sur un banc face au Saint-Laurent.
Ce qui m’amène à l’autre point important de mon séjour de quatre jours ici : la météo. De mémoire d’anciens (façon de parler, hein), la période est exceptionnelle. La température est incroyablement douce en journée et le ciel limpide nappe le site d’un doux soleil et de cette magnifique lumière presque solide d’automne. Quasiment pas une once de vent ne vient troubler la surface du Saint-Laurent qui dans la brume de chaleur ressemble plus à un immense lac sans fin qu’à un majestueux fleuve de plus de dix kilomètres de large à cet endroit.
Dans cet lumière, tout est joli d’autant plus quand les arbres commencent tout doucement à se panacher en jaunes et oranges, et que les bâtiments du coin en bois peint de blanc sont souvent rehaussés d’une touche de couleur. En effectuant une première ballade à pied le long d’une boucle recommandée par la propriétaire de ma maison d’hôtes, je découvre les maisons plus bourgeoises au milieu des arbres sur les hauteurs. Une autre fois, sur un vélo en piteux état aimablement prêté par ces mêmes propriétaires, je remonte la rivière vers les terres et part à la découverte de la campagne.
Sans rentrer dans les détails car j’en parlerai plus longuement plus tard, cette maison d’hôte sise légèrement en hauteur dos au Saint-Laurent, octroie au visiteur la joie d’un levé de soleil sur le fleuve, pour peut que l’on soit matinal. En face, la côte chevelue continue plus au loin vers Tadoussac et le fjord de la Saguenay. Bref, c’est pas loin d’être un petit coin tranquille loin de tout les tracas du quotidien.
On y est. Ne touchez plus à rien. Laissez moi tranquille. Si je ne devais vivre qu’une seule journée toute ma vie, faites que ce soit là, à cet instant, cet évènement, un été indien au bord du Saint-Laurent.