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Grampians

 

SILENCE !

Bien. Sur une feuille quadrillée format A4 orientée en paysage, dessinez une carte de l’Australie. Placez un point A ainsi qu’un point B respectivement aux emplacements de la ville d’Adélaïde, capitale de l’Australie Méridionale (et non l’Australie du Sud, comme je l’écrivais précédemment de manière fort naïve), et de Melbourne, capitale de l’état du Victoria (en hommage à la reine du même nom). Puis, tracez une ligne reliant le point A au point B. A l’aide de votre compas, déterminez le point C, milieu du segment AB. Au stylo vert, légendez : « Grampians National Park ». Parfait. Zoom avant.

Les Grampians, c’est fort joli. Voilà. Point. Fin du billet.

Non, non, non, rassurez vous, il y a des choses à dire et d’autres choses à montrer (même que, parfois, c’est les même choses). Les Grampians sont un massif montagneux dont l’origine m’est absolument inconnue. Par contre, d’aspect, cela pourrait évoquer, de loin, le Vercors ou le Dévoluy, c’est à dire des falaises d’un côté et une douce pente de l’autre. Ces montagnes ne sont pas très hautes, le point le plus haut étant juste en dessous de 1200m, mais comme me l’a répété si souvent monsieur Yves R., de Grenoble (anciennement de Chambéry, anciennement de Chalon, anciennement de Paris, anciennement de Peypin en Provence), ce n’est pas la hauteur qui compte, paraphrasant plus ou moins en cela un dicton populaire sur un tout autre sujet. Car, en effet, ce massif est posé, encore une fois, au milieu d’un vaste terrain plat à une altitude proche du niveau de la mer. Ce continent est un vaste terrain vague où les dieux s’amusent, je vous dit.

C’est d’ailleurs assez étonnant de constater que, contrairement à certains massifs de ma connaissance où de petites ondulations de terrain de plus en plus prononcées annoncent les reliefs principaux, ici ce sont de grosses collines, isolées au milieu de la plaine, qui s’en chargent. A l’est, l’une de ces montagnettes porte le nom pompeux de mont Ararat. Dans le futur, j’y monterai un jour d’orage. Sait-on jamais, j’y redescendrai peut être avec un nouveau code des impôts dicté par une déité. En tout cas, on y a une belle vue de la plaine tout autour et, si je n’avais pas ce foutu soleil dans les yeux, des fameux Grampians.

Revenons en, à ces Grampians. Le massif s’étend essentiellement du nord au sud (et vice versa) sur quasiment environ 70km et sur une largeur de 30 en son centre. Je part du principe que je m’adresse potentiellement à des fétichistes de la métrologie. Un petit village du nom de Hall’s Gap concentre la plupart des logements et centres d’informations du parc. Encore une fois, le manque d’ambition de certaines personnes me sidère. J’aurai personnellement appelé ce bled Hell’s Gap afin d’ajouter un peu de mystère et de dramaturgie à un lieu qui n’en a, par ailleurs, ni l’un ni l’autre.

DSC_7277_DxOMais cessons là les critiques car il y a en ce bourg quelque chose de vraiment charmant, où alors je ne m’y connais pas en choses qui sont meugnonnes. Les kangourous y sont foisonnants et fort sociables. C’est bien simple, ils ont pris la place des pigeons et broutent paisiblement l’herbe rase du camping à porté de coup de pied au derrière (ce que je ne tente pas, bien entendu). Il m’est avis qu’ils ne sont plus vraiment sauvages. En tout cas, c’est l’occasion d’observer leur démarche à deux vitesses, ridicule ou bondissante, et leur mignonne petite bouille quand ils veulent bien s’arrêter de bouffer cinq minutes. Voilà. Merci.

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En parlant de ridicule, je découvre dans ce camping de Hall’s Gap une nouvelle limite à l’étendue du glamping en Australie : trois familles en camping avec enfants qui installent la nuit un cinéma d’extérieur avec écran déroulant et lecteur DVD. Bon, certes, ce n’est pas plus ridicule que la télévision dans le camping car. C’est même vachement plus sociable. Mais enfin, c’est bien la première fois que je vois ça. Quand on dit que les voyages ouvrent l’esprit, en voici bien la preuve indéniable.

Détournons donc le regard de la vallée et prenons de la hauteur. De nombreuses randonnées sont facilement accessibles et indiquées. D’ailleurs, je suis toujours étonné de constater à quel point de nombreux pays (pour le moment j’appui cette théorie par quelques expériences en Ecosse, Québec et en Californie) aménagent leurs sentiers de randonnées grand publics. Ce sont quasiment des boulevards avec des escaliers bien ciselées en présence de la moindre difficulté. C’en est presque frustrant. Heureusement, le chemin est assez original, commençant par un chemin montant dans une forêt d’eucalyptus (pour changer), passant ensuite dans d’étroits défilés rocheux, canyons ou bien traversant des dalles de pierre.

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Dans ces défilés, l’eau coule à flot. J’en veux pour preuve, sceptiques, cet enregistrement:

En tout cas, une fois arrivé au point le plus haut, la vue est grandiose et dégagée (ce qui va souvent de pair. Je connais peu de vues grandioses et bouchées), comme vous pouvez le constater. Si, si, j’insiste, constatez par vous même.

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Si vous êtes fainéants (moi même, je le suis assidument) ou bien juste un peu fatigués, quelques points de vues magnifiques, grandioses et dégagés sont également accessibles en voiture et vous épargne un long dénivelé à pied. Je vous le dit parce que je vous apprécie, bien que je ne sois pas partisan d’encourager la médiocrité. Pourtant, il faut bien admettre que tard le soir ou tôt le matin, la vue est de classe mondiale.

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Si ensuite, vous redescendez dans la plaine et décidez de vous en jeter un dans un bar, choisissez au moins un de ceux qui sont ouverts et surtout dont le patron a au moins un niveau minimum en orthographe. Pas comme celui-ci :

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Attention, cette devinette-ci est particulièrement ardue et s’adresse aux anglophones.

Peut-être même, d’ailleurs, est-ce moi qui pinaille.

Marcher dans la boue

Il pleut. Il crachine. Il drache. Il bruine. Bon ceci dit, ce n’est pas une raison pour se laisser abattre, nom d’une pipe ! Fallait bien que ça arrive un jour ou l’autre, surtout que la mousson, on ne peut pas dire qu’elle soit hyper-présente jusqu’ici. Alors qu’est-ce qu’on fait dans ces cas là, lorsqu’on est dans une station climatique et qu’il fait un temps dégueulasse ? Hein ? Oui. Ok. On va au casino. Certes. Là, ça n’est pas possible car il n’y en a pas. Moi, j’ai décidé d’aller faire une randonnée à la journée dans les hauteurs environnantes. Tant qu’on y est, autant y aller à fond. De plus, je vous ai légèrement menti par omission, mais Da Lat, de nos jours, est également une destination pour toutes sortes de sports d’aventures et d’extérieurs, saut à l’élastique exclu.

Pour être tout à fait exhaustif dans mon exposition des faits, ma première intention, louable et originale, j’estime, était de faire une randonnée équestre dans les environs. Avec un tibia gauche un peu amoché, je trouve que c’était drôlement raisonnable car mon choix initial, mûrement planifié la semaine précédent cette fameuse sortie scooter, se portait plutôt sur une ballade en VTT. Je me suis donc arrêté chez un des nombreux organisateurs de sorties qui ont pignon sur la même rue pour réserver une petite balade équestre. Manque de pot, il se trouve que j’étais manifestement le seul pour qui l’idée de se balader à dos de canasson avait le moindre attrait et la charmante dame du magasin à du annuler la sortie, faute de participants. Je me suis donc rabattu sur une « bête » sortie à pied autour d’un lac et dans la jungle, de difficulté moyen / débutant, histoire de ne pas prendre trop de risques. Pour être encore plus prudent, je demande l’état du chemin avec la pluie pour éviter la rando galère sur terrain glissant. Elle me rassure. Les pluies ne sont pas très fortes donc le chemin devrais être parfaitement praticable. Si elle le dit.

Le matin de la sortie, le ciel est bas, gris et menaçant. Mais il ne pleut pas. J’attends dans le hall de l’hôtel qu’on vienne me chercher, portant pour la première fois depuis mon départ mon pull en polaire et mon blouson. A l’heure prévue, un mini-bus s’arrête devant et un jeune vietnamien dynamique, à l’allure sportive descend et pénètre dans le hall. C’est mon guide. Je monte donc dans le mini-bus et nous repartons. Pour une fois, j’ai été laxiste et faute d’avoir noté son nom, je ne parviens pas à me souvenir de son prénom. Appelons-le Vu, et ne cherchez pas, il n’y a aucun jeu de mot. Un deuxième guide, en plus du chauffeur est également présent. De la même manière, je ne me souviens plus de son nom. C’est lamentable et inexcusable. Appelons-le donc Tien. Voilà. Ou Justin si vous préférez, peu importe.

Donc Vu parle un excellent anglais. Qui plus est, en cinq minutes, je le trouve déjà très sympathique. Il est enjoué, souriant et rigole facilement. Quand à Tien (ou Justin si vous avez choisi l’option B) son anglais étant beaucoup plus hésitant, il est plus réservé, mais tout aussi souriant. Nous nous arrêtons une nouvelle fois devant un autre hôtel et je vois entrer deux jeunes femmes. Vu referme la porte coulissante et, après avoir repris sa place sur le siège passager, se retourne pour nous faire un rapide topo de la journée. Nous ne serons donc que trois touristes. Ça c’est chouette. Moi, je préfère les petits groupes et on peut dire sans mentir que le taux d’encadrement est exceptionnel : deux guides pour trois.

Chacun se présente et je salue donc Gilly et Anne-Marie, deux anglaises en vacances pendant deux semaines. On papote donc pendant le trajet jusqu’au point de départ de la randonnée. Les deux viennent d’arriver il y a quelques jours à Ho Chi Minh et commencent à peine leur remontée vers le nord. C’est donc l’occasion de leur donner mes impressions et mes coups de cœurs. Elles sont très sympathiques et avec Vu qui rigole facilement, l’ambiance est déjà détendue avant d’arriver à destination.

On reçoit donc un petit résumé du parcours ainsi que certaines recommandations un peu plus originales : il y a des sangsues partout sur le chemin. On nous fait passer chacun à notre tour un répulsif sauf forme de baume gras que l’on vient appliquer généreusement sur le bord de nos chaussures. Ça change des moustiques. Au passage, si on fait un rapide tour d’horizon de l’équipement de chacun, je constate que je suis le seul à avoir des chaussures qui pourraient passer pour des chaussures de marche dotées de vagues crampons. Les deux anglaises sont en chaussures de jogging et nos deux guides en petites chaussures de toiles à semelle plates, sans chaussettes. Les chaussettes et les crampons, c’est manifestement pour les fillettes, ici.

Nous prenons donc le chemin, encadrés par les deux guides, et on continue les présentations. Gilly est physiothérapeute (donc j’avoue ne pas avoir une idée très précise de ce que c’est) et Anne-Marie, étudiante en dernière année. Nous en venons à parler système de santé et mis en confiance par l’aspect ouvert et sympathique de Vu, lui demande comment cela se passe au Vietnam, vu le régime politique que je crois être légèrement socialiste. Je met donc quelques pincettes pour ne pas l’effrayer mais, de manière surprenante, il nous répond sans fard ni gêne. Manifestement, il y a des années, le système était effectivement gratuit pour tout le monde mais récemment, les choses se sont légèrement libéralisées. Hormis les plus pauvres, la plupart paye le prix fort pour se faire soigner.

Nous entamons une montée à travers une végétation qui devient un peu plus dense et humide. Sans vouloir critiquer, je constate que les prévisions de l’organisatrice étaient légèrement optimistes. Le chemin est légèrement glissant et boueux. Je redouble donc de prudence pour éviter de tomber sur ma jambe blessée.

La conversation se poursuit en pointillé, entre deux respirations et il devient rapidement évident qu’Anne-Marie est devenue taciturne. Sans vouloir faire dans le cliché, il faut bien avouer qu’elle ne m’avait pas frappé par son physique de marathonienne. On peut même dire sans mentir qu’elle est plutôt boulotte, au minimum. Néanmoins, là n’est pas la véritable cause de son rapide passage en apnée dans la montée. Entre deux goulets d’air, elle commence à pester contre son amie : « Tu… m’a…vais… dit… que… ce… se…rait… fa…cile ! Hhhhhhhhhhhh. C’est… la… pre…mière… fois… que… je… fais… de… la… Hhhhhhhhhhh… ran… do… nnée ! ». A son aspect rouge pivoine (comme le veut l’expression consacrée), nos deux guides commencent à se retourner, légèrement inquiets.

Vu propose donc une pause pour éviter de la perdre dés la première petite montée. A sa décharge, une montée rendue légèrement glissante par la pluie devient rapidement plus exigeante physiquement. Une poignée de minutes plus tard, nous repartons, toujours dans une végétation humide faite de hautes herbes, arbustes et fougères sous de grands arbres qui nous bouchent le ciel gris, et toujours en légère montée. Nous reprenons notre tranquille papotage entre Vu, Gilly et moi, ce qui me fait penser un instant à l’incroyable torture morale que cela représente pour Anne-Marie. Il n’y a rien de plus déprimant que deux lourdauds qui papotent comme si de rien n’était dans une montée lorsqu’on est au bord de l’asphyxie. Bon, si elle survie, elle en rira dans dix ans. C’est d’ailleurs ce qu’on lui dit. « Rrrrrrhhh. No. I don’t think so ! », nous répond-elle. Aucun sens de l’humour, pfff. D’ailleurs, histoire d’ajouter à son malheur, la pauvre glisse et tombe sur les fesses un peu plus tard. On la sent légèrement épuisée.

Vu décrète donc une nouvelle pause et après quelques instants pour reprendre son souffle, Anne-Marie se plaint de nous ralentir. Tous en cœur, nous nions en bloque et j’ajoute même la réplique type de dé-culpabilisation « De toute façon, ce n’est pas une course ». Moi, je serai à sa place, je demanderai à ce qu’on aille se faire mettre. Pour que sa première expérience de randonnée soit totale, il commence à pleuvoir.

Nous repartons une nouvelle fois, en zigzaguant dans ce qui ressemble maintenant à une jungle, toujours encadrée par ces fougères et arbustes. Un instant je marche en regardant dans mon sac à dos pour chercher mon appareil photo, puis l’autre, je bascule par terre la tête la première. Tout le monde se retourne vers moi « Non, non. Tout va bien. C’est ma faute ! Enfin, vous auriez pu prévenir qu’il y avait cette bûche en travers du chemin à hauteur de genoux, quand même ! ». Ça m’apprendra à vouloir marcher tout en cherchant quelque chose dans mon sac. En tout cas, plus de peur que de mal, grâce au sol boueux. Comme ça, Anne-Marie se sentira moins seul. D’ailleurs, quelques minutes plus tard, c’est Gilly qui se retrouve sur les fesses après une glissade. Je dois avouer que nos guides en petites chaussures plates deviennent vite agaçants à ne pas glisser, eux.

Pendant une nouvelle pause, je me retrouve à côté de Tien (ou Justin) et dans son anglais approximatif on commence à discuter marche en montagne. Celle-ci est vraiment peu difficile en terme de dénivelé mais je vois bien à son air sec et affûté qu’il a l’habitude. Je lui fait donc remarquer de manière tout à fait innocente qu’il a la condition physique. « Pas comme celle-là ! », me répond-il, souriant, en pointant du doigt Anne-Marie, située à environ quatre mètres, tout en faisant une mimique de gonflement du ventre. Je croise les doigts pour que l’anglaise n’ai pas entendu mais voilà qui est typiquement vietnamien, cette absence totale de prise de gant.

Nouveau départ. Nouvelle avancée dans un terrain un peu moins pentu mais toujours aussi détrempé et touffu. Anne-Marie respire un peu plus mais la fatigue aidant, sa démarche est toujours aussi peu sûre. J’essaie de lui donner quelques conseils pour trouver de bonnes prises au sol mais il faut bien avouer que, dans ces cas là, on a tendance à être un peu bougon. Toute suggestion n’impliquant pas l’action « arrêter » ou « rentrer » est tout de suite perçu comme de la provocation.

Sans mentir, car sinon ce serait beaucoup moins drôle, nous levons tous les yeux au ciel en poussant un soupir, du moins en pensée j’en suis sur, lorsque un peu plus tard elle se met à pousser des cris en sautillant : « UNE SANGSUE ! UNE SANGSUE SUR MA JAMBE !! ». Effectivement, une petite sangsue s’était gentiment accrochée à son mollet dodu. J’aurai fait pareil. Vu accourt et sortant son répulsif vient en appliquer un bout sur la bête qui tombe instantanément. Inutile de préciser que l’anglaise est à ce moment là au bout du roulot. Gilly lui prend alors les mains et, tout en la fixant dans les yeux, lui répète un mantra pour la calmer : « Tu peux le faire ! Si. Si, Anne-Marie, ne pleure pas. Tu peux le faire. » Bon sang, c’est comme dans un film sauf qu’on a pas le droit de rire. D’autant plus que je suis en pleine empathie. Des souvenirs de sorties VTT pourries dans la boue à ne plus pouvoir pédaler, épuisé alors qu’il reste encore cinq kilomètres à faire avec deux athlètes surentraînés qui me précèdent en riant, me reviennent en mémoire. Oui, monsieur Eric C. de Venerque, c’est de vous que je parle.

Notre guide nous assure que la montée est presque terminée et après quelques minutes pour se reprendre, nous repartons tranquillement. A partir de là, la marche devient effectivement un peu moins physique. Malheureusement, nous entamons la descente à travers la jungle et le rythme ralenti pour ne pas glisser. Je profite que chacun ai récupéré son souffle pour reprendre la discussion avec Vu. Cette fois-ci je décide de l’asticoter sur le permis deux roues. On en apprend de bonnes à ce sujet. Bien que l’âge légal est de dix huit ans, de nombreux vietnamiens commencent à conduire une mobylette en dehors de la route un peu plus tôt. Pour ce qui est du permis, c’est quasiment un sketch. Ils passent un gros test théorique aux questions un peu bateaux, sans doute en rapport avec le code de la route (qui existe, si, si) puis un petit test pratique qui consiste plus ou moins à faire un huit entre deux plots. Trois cents kDongs plus tard, vous êtes détenteurs d’un permis officiel et vous pouvez commencer à transporter des cochons morts sur la nationale à bord de votre pétrolette.

Fort de mon expérience (mi-malencontreuse), je fait remarquer à notre guide que, bizarrement, en tant que touriste je n’ai jamais eu à montrer mon permis lorsque j’ai eu à louer un deux roues. En théorie, d’après lui, les policiers pourraient nous arrêter et l’exiger. Sauf, qu’ils ne le font pas parce qu’ils ne parlent pas anglais. Il nous dit ça avec le sourire et un brin d’espièglerie et j’ai la sensation que lui et Tien sont beaucoup moins respectueux des autorités et du gouvernement. Peut-être cela correspond-il à se que Annah m’avait dit concernant les gens du sud Vietnam, qui percevaient encore le pouvoir d’Hanoi avec un œil critique et ironique.

DSC_6105_DxOFinalement, nous nous arrêtons pour le déjeuner. Nos deux guides sortent une nappe et y posent les ingrédients pour les sandwichs : pain, tomates, jambon, oignons et… Vache qui Rit. Voilà qui est surprenant, d’autant plus que c’est sous-titré en vietnamien. De manière amusante, quelques semaines plus tard, je découvrirais des boites de « Laughing Cow » en Australie. C’est triste (moi qui n’aime pas ça) mais il se pourrait bien que ce soit notre plus grand produit d’exportation après le vin. Nous finissons le repas avec quelques fruits frais, notamment du « fruit du dragon » ou pitaya à l’aspect si coloré. Anne-Marie retrouve une respiration normale ainsi que la parole, l’un n’allant pas sans l’autre.

Nous finissons de traverser la jungle tout en descente, en traversant parfois quelques petits cours d’eau ou la peur de la sangsue devient plus présent. Accessoirement, nous commençons à porter DSC_6107_DxOquelques kilos supplémentaires de boues à nos chaussures. Nous émergeons enfin à l’air libre dans un petit vallon où Vu nous montre un champs de petits arbustes aux baies vertes. « Qu’est-ce que c’est à votre avis ? », nous demande-t-il. Moi qui suis toujours un peu fayot et qui ai un peu potassé mon Lonely Planet répond : « Un cafetier ? ». Bingo. J’avoue que c’est assez amusant de voir pour la première fois ces plantes qui fournissent une des boissons les plus bues de la planète et sans qui l’économie tournerai au ralenti ou du moins, sans qui une partie des employés de bureau non-fumeurs travailleraient sans discontinuer. A Da Lat, d’après notre guide ils font pousser de l’arabica et du mocca. Moi ça me rend heureux car ce soir je dormirai moins con : je ne savais pas que le mocca était une variété de café.

Finalement, le plus dur est derrière nous et nous marchons tranquillement d’un pas alerte et joyeux ponctué par notre discussion, sautant du coq, à l’âne puis au canard, que l’on croise sur une petite mare. C’est l’occasion de parler confit de canard et cuisson lente, histoire d’entretenir la légende que les français ramènent tout à la bouffe. D’ailleurs en parlant de volaille, nous finissons la randonnée dans un village célèbre dans les environs pour sa magnifique statue en béton représentant une poule. Oui, le gallinacé.

Comme je voit que ce billet et bientôt terminé, j’en profite pour vous en narrer l’histoire. Dans ce village, la minorité ethnique y vivant (dont j’ai complètement oublié le nom, pour changer, mais elle doit certainement faire parti des 54 répertoriées) a comme sympathique et originale coutume d’exiger d’une future mariée de présenter une dote à la famille du futur marié. Oui, vous avez bien lu. Ils font les choses dans l’autre sens par rapport à ce qui est généralement usuel. En clair, c’est la mariée qui demande la main au marié. Mais qu’est-ce que j’aime ce pays, nom d’un chien ! Pardon.

Bref, une jeune femme dans un temps ancien, amoureuse d’un jeune homme, alla voir sa famille pour lui demander sa main.

« Wo ! Famille ?! »

  • Oui ?
  • Vaz-y, kèsse tu veux pour ton keum, là ?

Je ne sais pas pourquoi, il me vient tout de suite des images de Diam’s d’avant sa conversion islamique quand j’imagine une jeune et jolie vietnamienne dans cette situation. C’est parfaitement ridicule mais le subconscient est ainsi fait qu’il est généralement complexe et surprenant. Poursuivons.

« Euh… je ne sais pas trop… », répondit la famille du jeune non encore promis.

Il faut dire que cette famille voyait d’un très mauvaise œil cet union, pour une raison que ma mémoire ignore. Je ne sous-entend absolument pas que Diam’s est l’archétype de la belle-fille que l’on voit du mauvais œil, quel qu’il soit. Plutôt que d’exposer frontalement son désaccord, ce qui aurait été une chose mûre, adulte et réfléchie, la famille du jeune homme, légèrement hypocrite, décida d’exiger une dote parfaitement impossible à trouver : une poule munie de non pas un, non pas deux, mais tenez vous bien, trois ergots (ouuf! Les guedins!). Comme je vous sais tous d’origine rurale, je ne vous ferez pas l’affront de vous rappeler que des poules à trois ergots, c’est aussi commun que des poules avec des dents. Moi, je ne savais déjà pas qu’elles pouvaient en avoir deux, alors trois. Ça et le mocca, je me sens vraiment moins con. Pendant des semaines, des mois voir des années pour que vous sentiez vraiment à quel point cette jeune fille donna de sa personne, elle parti à la recherche d’une poule à trois ergots. On aurait pu lui demander de trouver un banquier sincère que la tâche n’en aurait pas été moins rude. La malheureuse en mourru.

En souvenir de cette triste histoire, qui devint légende, on érigea dans le village des deux protagonistes une statue gigantesque d’une poule à trois ergots. Par gigantesque j’entends ayant au moins deux mètres de haut. Pour que ça soit encore plus classouille, et parce qu’on avait sans doute vu Versailles, on l’a conçu pour que, fontaine, elle cracha l’eau de la source par son bec. On choisit les plus beaux matériaux, en l’espèce, un béton cellulaire de la meilleure gamme de chez Lafarge. Ce devait être drôlement bôôôôô même si j’estime que le risque n’était point négligeable que cela n’évoque un poulet rendant son déjeuner. Fort heureusement, la fontaine tomba en panne quelques années plus tard et, par paresse, par manque de fond, la légende reste muette sur ce sujet, on ne la répara point. L’Art aquifère perdit un enfant mais on escamota à tout jamais le quiproquo.

Et sinon tout le monde rentra sains et saufs à son hôtel.