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Mount Shasta

La région de Mount Shasta ne regorge pas de centres urbains mais les quelques qui trainent sont d’un intérêt pour le moins, limité. Mais commençons par un petit contexte géographique. Le mont Shasta est un volcan situé au nord de la Californie, à une petite centaine de kilomètres de la frontière avec l’Oregon. Il fait partie d’une chaine volcanique, la chaine des Cascades, qui part de la frontière canadienne de l’état du Washington jusqu’à une centaine de kilomètres au sud du mont Shasta où se trouve les deux derniers volcans, hauts de 2500m.

Le mont Shasta est un des plus haut volcan de cette chaine puisqu’il tape juste au dessus de 4300m d’altitude. Ce n’est pas rien. Je vous rappelle qu’il n’y a aucun somment de 4000m dans les Pyrénées. De plus, le dénivelé par rapport au terrain aux alentours est de 3000m. Vous pensez bien qu’il est donc particulièrement aisé de le repérer surtout qu’il est le seul dans les environs, de cette taille-ci. D’ailleurs, vous ne manquerez pas de remarquer qu’il n’est pas parfaitement conique, à ma grande déception. Il y a plutôt deux cônes, le mont Shasta, le plus haut et Shastina, un cône légèrement au nord-ouest du premier, 600m plus bas. De profil, venant de l’ouest, ça ruine tout.

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Il y a donc le volcan, quelques hautes collines couvertes de forêts de pins aux alentours vers l’ouest et une plaine vers le sud-est. Au pied de la montagne à l’ouest se trouve la ville du même nom, ce qui est bien son seul intérêt. Non franchement, passez votre chemin ou servez vous en comme base arrière pour faire des DSC_8504_DxOrandonnées. De plus, comme elle est très proche (on ne peut pas faire plus), les logements sont relativements rares. Plus au nord vous avez la bourgade de Weed (toujours aussi amusant comme nom), également pourvu en motels déprimants, dont l’intérêt autre que le logement est lui, par contre, absolument nul. Ni allez surtout pas pour faire des visites culturelles. C’est… nul.

Alors qu’est ce qu’il y a à faire dans la région ? Et bien je ne vous cache pas qu’il faut être plutôt branché nature, ballades, VTT ou kayak. Il est possible de monter jusqu’au sommet avec un peu d’équipement, mais 4000m, ce n’est pas anodin. D’ailleurs, il semblerait que ce soit un volcan sous surveillance. On le suspecte de faire semblant de dormir.

DSC_8510_DxOComme dans tous les parcs que j’ai visité aux USA, les chemins de randonnées sont très bien indiqués. Ça en devient même presque frustrant. Je me suis donc contenté d’une petite marche au sommet de Gray Butte, un des petits dômes sur la pente sud, qui avec 200 petits mètres de dénivelés permet d’avoir une vue panoramique sur le volcan, le tout sous un ciel immaculé, un franc soleil et, malgré les 2400m d’altitude, une agréable température printanière. DSC_8538_DxORésultat ? Ça vaut le détour et j’y suis même resté un bon moment à contempler, lire et faire la sieste, jusqu’au soleil déclinant. De toute façon, il n’y a rien d’autre à faire.

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Un trek

La mer, c’est super mais la montagne, ça vous gagne. C’est en ayant cette maxime de publicitaire en tête que j’envoi un jour un mail afin de réserver une place pour un trek à travers l’île. Si vous vous rappelez bien, j’avais astucieusement attrapé un flyer à l’aéroport d’un homme en dreadlocks proposant des randonnées accompagnées. Le prénommé « Pa », natif de l’île, promet une démarche éco-touristique qui cadre beaucoup plus à mes aspirations qu’une bruyante et bourrine sortie organisée en quad. Sur le site web du sieur Pa, je lis la présentation qui précise bien que le trek (car telle est sa dénomination officielle, The Cross Island Trek, avec moult majuscules) nécessite une bonne condition physique (400m de dénivelé), de l’eau, des chaussures de marche et un répulsif à moustique. Ça tombe bien, j’ai tout à disposition. Au passage, je note le prix de la sortie, 70$ NZ. Tout de même, 42€, ce n’est pas donné. Allez, au diable l’avarice, on ne vit qu’une seule fois et ça soutiendra l’économie locale. Et puis je mangerai que des kumaras et des pâtes pour compenser.

Je ne vous cache pas qu’il m’est venu un petit sourire narquois à la lecture des recommandations pour ce trek. Devoir préciser qu’il faille se munir d’eau et de chaussures de marche (avec la précision « sans talons hauts ») en dit long sur la candeur / bêtise / confiance (rayer les mentions inutiles) de certains touristes. Quand à l’indication « bonne condition physique », elle est malheureusement peu porteuse d’information, tout dépendant de la personne qui vous le dit. Lorsque Catherine Destivelle m’affirme qu’il faut une « bonne condition physique » pour grimper en haut de cette montagne, je m’inquiète. Si c’est mon voisin obèse, je souris. Je précise donc dans mon mail qu’à Toulouse, je fait régulièrement de la randonnée en montagne, en omettant que, depuis quelque temps, je le fait cent mètres derrière mes compagnons de ballade, la bouche grande ouverte.

Deux jours plus tard, à 7h du matin, je me retrouve donc à la position indiquée, en bord de route devant mon hôtel, équipé de pied en cape : chaussure de marche (mais pas de randonnée, même si je n’ai pas de talons hauts), short, t-shirt (la base dans ce pays), chapeau (un nouveau acheté à Auckland après avoir oublié l’initial dans un bus à Sydney) et sac à dos contenant une bouteille d’eau d’un litre et demi et mon spray anti-moustique à la douce odeur de citronnelle, recommandé par le centre de vaccination de Toulouse comme mesure préventive anti-malaria (bien que je me sois fait troué la peau au moins cinq fois avant mon départ pour divers vaccins). Accessoirement, je m’en sert comme parfum.

Un mini-bus arrive, s’arrête et Pa descend, un grand sourire à la main et me tendant son visage. Ou est-ce l’inverse ? Attardons nous sur le personnage, voulez-vous. Vous pourriez taper « pa trek rarontonga » sur Google et avoir en un clic une photo de lui. Laissez moins néanmoins l’occasion de vous le croquer par quelques mots maladroitement choisis. Imaginez un polynésien solidement charpenté d’1m85, d’âge mur, que l’on devine anciennement très musclé, portant de longues dreadlocks blondes de la taille de cordelettes. Votre regard s’attarde discrètement sur son accoutrement et vous notez une sorte de short pagne noué que l’on pourrait confondre avec des couches et un débardeur très lâche bleu. Pour des raisons certainement mystico-spirituelles, des bracelets végétaux sont noués autour de ces coudes et genoux. Accessoirement, il est nu pied. Une sorte d’homme des bois baba-cool new age, en quelque sorte.

Fort heureusement, il me sert la main vigoureusement avec un sourire simple et chaleureux que ne dément pas son regard. Dans mes souvenirs, il me lance même un « kia orana », le bienvenu local, en me mettant un collier de fleurs exotiques autour du cou. Mais là, je crois que j’invente.

Comme il se doit (je commence à avoir l’habitude), nous commençons par collecter tout le groupe, chacun à son hôtel et c’est finalement à deux mini-bus que nous remontons une petite route en direction du centre de l’île. Bien entendu, nous en profitons pour décliner nos nationalités et, une fois n’est pas coutume, je suis le seul français parmi des australiens, néo-zélandais, américains et canadiens.

Au point de départ, nous nous mettons en groupe autour de Pa qui nous réitère les recommandations de base : boire, se mettre du répulsif et marcher à son rythme. Pendant ce temps, le couple canadien en profite pour se fumer une cigarette. Je lève un sourcil. Globalement chacun est habillé en mode sport avec des chaussures de jogging. Néanmoins quelques indices me laisse croire que le niveau de pratique est assez hétéroclite. L’américaine semble tout droit sorti de Beverly Hills et son copain a jugé pratique de porter une grosse bouteille d’eau en bandoulière.

Alors que chacun se oint ou se vaporise de répulsif anti-moustique, Pa commence son show. Déjà, il nous apprend qu’il a 70 ans. Surprenant, mais admettons. Il connait par cœur ses montagnes, qu’il parcourt depuis qu’il est enfant. Il connait également par cœur les plantes de la jungle et leur utilité. D’ailleurs, il nous propose de nous frotter avec une plante qu’il vient ramasser, un anti-moustique naturel. Une poignée de touristes ayant omis leur propre produit s’y collent pendant que je me parfume à la citronnelle.

Nous commençons enfin la marche à un rythme tranquille par un large chemin en pente douce. Pa continue de parler de son histoire et ses croyances, son public tentant de se mettre à son niveau pour l’écouter parler. Il faut dire que le bonhomme est charismatique avec son pagne, ses dreadlocks et ses pieds nus.

Nous abordons le sujet de la spiritualité (enfin, c’est lui qui l’aborde vu que c’est lui qui parle). A l’entendre, il semble croire en une sorte de syncrétisme bouddhisme / animisme un peu new age, ce qui me semble beaucoup moins hostile que le monothéisme dominant. C’est lui qui nous apprend que l’île de Rarontonga abrite toutes les fois du monde. La seule exception, d’après lui, concerne la Scientologie, qui s’est fait récemment refuser la construction de son église. Comme Pa n’est que paix et amour avec des bracelets végétaux aux articulations, il avoue être peiné de ce refus.

Régulièrement, il s’arrête pour nous montrer une plante en nous citant les bénéfices qu’elle procure. Le petit jeu consiste à deviner le nom de la plante et certains reconnaissent des petit piments sauvages ou, un peu plus tard, de la belladone. A ce sujet, Pa nous précise qu’il s’agit d’un excellent stimulant pour l’effort. Un touriste anglais passionné jusqu’ici par ce que notre guide raconte sur les plantes, semble surpris. Je m’attarde à côté de lui en marchant et commence à discuter. Ce médecin généraliste m’affirme que la belladone est une plante dangereuse qui provoque des tachycardies et, à haute dose, des hallucinations voir la mort. Je lève le deuxième sourcil. Dis donc… Pa… tu te foutrais pas un peu de notre gueule ?

A partir de là, c’est avec circonspection que j’écoute notre guide alors que le reste du groupe, dans une hypocrisie que l’on pourrait juger toute anglo-saxonne, l’écoute avidement en l’encourageant ponctuellement de « waah », « great » et autres « awesome ». Moi, dans un renfrognement que l’on pourrait juger très français, je ne dis rien mais n’en pense pas moins.

Finalement, nous atteignons l’embouchure d’un petit chemin à travers la végétation qui s’enfonce en montant au cœur de l’île. Pa nous convie à marcher à notre rythme jusqu’à un gros rocher sur une crête où nous ferons une pause. J’attaque la montée et ne tarde pas à me retrouver seul devant. Le chemin étroit grimpe dans les sous-bois suivant une pente un peu raide.

DSC_8192_DxOUne demi-heure plus tard, je m’arrête à côté d’un gros rocher planté au milieu du chemin. Ce doit être là le point de rendez-vous. Quelques minutes plus tard je suis rejoint par mes premiers poursuivants puis, à la queue leu leu, le reste du groupe dans différents états de rougeur. La règle de base pour se sentir fort est de toujours faire du sport avec des gens moins bons que soit. Pa arrive, accompagnant les derniers, à peine essoufflé et toujours pied nu. Dans le lot, les canadiens allument de nouvelles cigarettes malgré une condition physique qui ne me semble pas exceptionnelle.

Pendant cette pause, Pa en profite pour nous distribuer des boites en plastiques remplies de succulents quartiers d’orange et de mangue fraîches. Voilà un des avantages de vivre dans une île tropicale. C’est également l’occasion pour lui de nous expliquer l’importance de ce fameux rocher dans l’histoire traditionnelle de ce pays. Malheureusement, je n’en garde aucun souvenir si ce n’est qu’après son explication, il s’est mis devant, les mains jointes en marmonnant une prière tout en se balançant doucement d’avant en arrière. Dans un silence teinté de gêne respectueuse, chacun attend qu’il finisse.

DSC_8197_DxONous repartons enfin (n’allez pas croire que je soit impatient mais nous approchons du sommet et de sa vue que je rêve d’être sublime) de nouveau à la queue leu leu. A un embranchement, nous prenons à droite en direction de « The Needle », le long d’une courte montée étroite et raide. Enfin, nous débouchons hors de la jungle et grimpons au pied d’un haut éperon rocheux, le fameux Needle, l’aiguille. La vue est fort sympathique, et bien que ce ne soit pas le point le plus haut de l’île, il est relativement central. Un peu plus loin, une petite via ferrata permettent de grimper vers un point encore plus en altitude et accessoirement, vertigineux. Je part voir ça avec deux autres touristes.

DSC_8194_DxOFinalement, cette montée est relativement courte, bien qu’intense. Il n’empêche que, par voie de conséquence, je suis passé totalement à côté des commentaires de Pa, pour avoir tracé le chemin devant. Une partie de moi me dit que je n’ai rien perdu au change mais ce doit être la moitié la plus noire et désagréable de moi même. Je l’ignore.

Nous commençons la descente et notre guide nous recommande la plus grande prudence. Oui, bon, ça va. C’est une descente quoi. N’empêche que nous avons notre quotas de fesses par terres, notamment l’américain qui se borne toujours à porter son litre et demi de flotte en bandoulière. Déjà qu’il n’est pas très adroit mais en plus ça le déséquilibre totalement. Finalement, devant l’insistance de Pa, il se décharge de son eau dans le sac à dos du guide. Au cours de cette descente nous traversons de nombreuses petites rivières et torrents, parfois à guet mais la plupart du temps en enjambant des rochers plus ou moins mouillés. C’est l’occasion de quelques glissades sans conséquences. Je vous rassure, j’ai fait honneur à la France en régalant l’assemblée de légers et élastiques bonds de chamois nonchalant, sautant sans encombre de rochers en rochers, pendant que certains de mes compagnons anglo-saxons s’abandonnaient lâchement à de bêtes traversées les chaussures dans la flotte. Ceci dit, je ne dément pas ne pas être passé une ou deux fois proche de l’humiliation.

Enfin, nous atteignons notre point de rendez vous pour la fin de cette traversée au niveau d’un parking donnant sur une très jolie cascade. Un bassin d’eau clair donne lieu à des baignades et Pa nous invite à y plonger, pendant qu’il prépare le déjeuner. Quelques uns de mes compagnons obtempèrent alors que je regrette d’avoir oublié mon maillot de bain. Je regarde ma montre, il est à peine midi. Pour un trek, c’est un peu court.

Finalement, c’est le clou du spectacle. Pa nous invite à nous servir en sandwichs, amené par les mini-bus dans de grands bacs en plastique. On sait ce que représente la nourriture pour les français. Je m’apprête donc à être critique. Et bien figurez-vous que c’était absolument délicieux. Oui. J’emploi un superlatif. Dans de petits pains ronds et moelleux, la femme de Pa a placé du thon haché avec une très légère mayonnaise, quelques fins quartiers de pomme, le tout généreusement parfumé d’une herbe doucement anisée. Avec la permission du bonhomme, j’en reprend un deuxième.

Nous repartons ensuite chacun dans un des deux mini-bus en fonction de notre hôtel. Le même manège que ce matin reprend en sens inverse. Le bus s’arrête devant un hôtel, des touristes descendent, Pa les rejoint et leur sert la main. La seule différence, notable, est qu’il y a échange d’argent. C’est vrai, je n’ai toujours pas payé. Si ce n’était pas déjà assez pénible, Pa demande à chaque client s’ils ont apprécié cette demi-journée. D’ailleurs, selon lui, nous ne sommes pas obligé de payer si nous ne sommes pas satisfait. Bonjour, le malaise.

Arrive enfin mon tour. Je descend, rejoint par Pa.

« Alors, ça t’as plu ce trek ?

  • Euh… oui, oui. C’était une chouette MARCHE. Et les sandwichs étaient délicieux.
  • Ah, parfait. Ça me fait plaisir.

Comme je suis lâche, je lui ai filé 70$ NZ et suis parti. J’aurai pu lui dire que c’était un peu cher pour ce que c’était et que son show spiritualo-écolo-mystique, je n’ai pas particulièrement adhéré. Sans parler que prendre un guide alors que le chemin était particulièrement balisé, ça me fout les boules. Le pire dans cette histoire est d’entendre le concert de louanges des autres touristes et les remarques péremptoires sur l’absolue nécessité de passer par un guide sans quoi c’est la mort assurée par déshydratation. Décidément, il y a des gens pour qui la moindre nature hors d’un parc municipale est l’aventure du siècle.

La vallée volcanique de Waimangu

Je ne voudrais pas que vous croyiez que je suis tout le temps négatif alors je vais tout de suite énumérer les choses à faire autour de Rotorua. Si vous êtes venu pour visiter uniquement la ville, vous vous êtes planté. Non, ici, tout est une question de nature.

Autour de la ville, vous pouvez visiter un petit village Maori recréé au milieu de la forêt et y assister à des cérémonies traditionnelles, faire une ballade en bateau sur le lac, emprunter les circuits VTT des environs ou quelques chemins de randonnée notamment l’ascension des quelques petits volcans autour du lac, sauter à l’élastique (et puis quoi encore?) et bien entendu, visiter quelques sources géothermiques. Lorsqu’il fait un temps pourri digne d’un mois de novembre en Bourgogne, les options se resserrent, surtout que maintenant, je tente désespérément de retrouver 100% de mes capacités respiratoires donc il est hors de question, par exemple, de rester assis une demi-heure dans le froid et la pluie à se faire terroriser par de grands polynésiens aux yeux exhorbités effectuant un haka à l’allure belliqueuse (même si on me certifie que c’est une cérémonie de bienvenue et qu’il ne faut pas prendre toute décapitation au pied de la lettre).

A quelques kilomètres au sud de Rotorua se trouve la vallée volcanique de Waimangu. Comme son nom l’indique, même si parfois les choses peuvent être trompeuses, il s’agit d’une vallée riche en activité volcanique de toutes sortes, explosion violente et coulée de lave destructrice exclus. C’est tout de même un site pour touristes et bien qu’ils fassent payer à l’entrée, il s’agit que le flot de clients ne se tarisse pas. Je part donc un après midi pour y aller faire une petite randonnée.

La pluie fine qui tombait sur la ville s’est transformée en trombes d’eau et après m’être jeté dans le centre des visiteurs à l’entrée de la vallée, je désespère. A l’accueil, une dame me conseille un peu penaude de tenter malgré tout le chemin principal qui mène au lac et qui relie les principales curiosités. D’autres personnes viennent de partir tenter l’excursion et elle peut même me fournir gratuitement un parapluie. C’est ça ou rentrer à l’auberge de jeunesse me remettre à travailler.

Quelques minutes plus tard, plus léger de quelques dollars, je marche à l’abri de mon parapluie multicolore géant le long d’un chemin légèrement descendant. La végétation est luxuriante, ce qui n’a rien d’étonnant, même si je me doute qu’elle n’a pas poussée dans la journée grâce à cette satanée pluie. Ce n’est pas une végétation tropicale mais on dirait une sorte de forêt primaire. Rapidement, je me réchauffe en marchant et je ne tarde pas à arriver au premier point de vue au dessus d’un petit lac au fond d’un creux de terrain, d’un bleu vif éclatant. Des minces volutes de vapeur remontent à sens inverse des gouttes d’eau.

Un peu plus loin et un peu plus tard, je longe un petit ruisseau bouillonnant surgit d’une crevasse à flanc de terrain. De la même façon, des volutes de vapeur en émergent, donnant une idée approximative de sa température, entre un thé bien chaud et une douche brûlante. Bien que l’idée de me baigner dans ses eaux fumantes m’est venu, je me la suit instinctivement déconseillée à la vue des dépôts colorées vert, bleu et orange aux aspects de pollution industrielle que l’on trouve le long du ruisseau.

A un autre endroit, ce sont des petites sources d’eau à la température létale qui bouillonnent alors que les gouttes de pluie viennent s’exploser dans un bruit de friture à leurs contact. Autour de ces sources, des croutes de silicates aux trainées multicolores éloignent la végétation à distance respectueuse. N’empêche que certaines plantes n’ont pas l’air d’être particulièrement dérangées d’être irriguée par cette eau chaude et chargée de minéraux que je soupçonne de ne pas être essentiels. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, les maoris du coin, non plus, n’avaient pas l’air d’être dérangés par cette eau. Ils se servaient de ces sources comme de fours en y plongeant des paniers fait d’une herbe très dure endémique (flax). Bien entendu, les paniers étaient remplis de mets à cuire, comme du poisson ou une pizza surgelée, sinon ça n’a pas de sens. Mes sources (encore un autre jeu de mot, tient) ne m’indiquent pas s’ils ressortaient couverts d’une appétissante croute bleue de sulfate de cuivre ou assaisonnés au souffre.

Cette activité se concentre au fond d’un vallon où coule le fameux ruisseau bouillonnant, que je suit à pied alors que la pluie commence progressivement à s’adoucir. De temps en temps, indiqué par des panneaux, des trous ou des crevasses dans les flancs du terrain laissent s’échapper de la vapeur. Au dessus, les collines sont couvertes d’une riche et dense végétation se perdant dans les nuages bas.

Finalement, je rejoint après une petite heure de marche une famille, quasiment au bout du chemin qui se termine sur les rives d’un lac où se jette le ruisseau, maintenant à température suffisante pour y plonger un doigt sans hurler de douleur. Ce que je ne fais pas. Le plafond bas et la fine pluie empêche toute visibilité. Fort heureusement, un bus faisant la navette nous récupère et nous remonte vers le centre d’accueil, rebroussant chemin plus ou moins le long du vallon.

Mais de tout cela, vous êtes obligé de me croire sur parole. Vous ne pensez pas que j’allai embarquer mon appareil photo alors qu’il tombait des cordes ?

The Coromandels

Le lendemain matin, je me réveille sous un temps magnifique. Ciel bleu, grand soleil, temps légèrement frais, voilà qui donne envie de partir à la découverte des environs. Pour tout vous dire, je n’ai aucune idée de ce que je vais voir. Je suis arrivé en Nouvelle Zélande les mains dans les poches, en ayant rien planifié. J’ai du réserver l’hôtel dans ces environs il y a deux jours en ayant vu vaguement quelque chose sous Trip Advisor. D’ailleurs, pour être totalement exhaustif, je n’avais pas non plus prévu initialement de m’arrêter en Nouvelle Zélande. Il y a trois semaines, un peu frustré par les paysages australiens, j’ai rogné une semaine sur mon séjour aussie pour insérer une semaine kiwi, malgré une fin d’hiver austral plus intense ici. Ce ne sera qu’un aperçu de la Nouvelle Zélande.

DSC_7844_DxOAutour de Tairua, les paysages sont montagneux. Je comprend mieux la raison de la route sinueuse que j’ai emprunté hier soir. Le village (ou alors petite ville si on est tolérant) est située au bord d’une très jolie baie quasiment fermée. Cette partie de la côte néo-zélandaise forme un grand arc, délimitant une gigantesque baie appelée « Bay of Plenty », que je traduirais par « Baie d’Abondance ». Le nom est pompeux mais, si je ne dis pas de bêtises fut le lieu d’atterrissage du capitaine Cook lors de sa « découverte » de l’île du Nord. La péninsule de Coromandel se situe à la pointe nord-ouest de cette baie.

En ce qui concerne ces montagnes, elles dessinent des reliefs abruptes couverts d’une dense végétation qui rappel des îles volcaniques telles Hawaï ou Tahiti. La végétation n’étant pas DSC_7842_DxOtropicale, je suis un peu dépaysé. Sur les hauteurs des bords de baie, des villas percent de la forêt. En ce matin très tôt, je croise quelques joggers ou promeneurs de canidés. Un bras de terre ferme la baie au nord, bras terminé à son extrémité par une colline conique également mitée par des villas. Je part donc dans cette direction, espérant prendre de la hauteur et avoir une vue glorieuse sur l’ensemble. Je suis comme ça. J’aime que mes matins soient glorieux.

DSC_7845_DxOFinalement, conquis par la vue de la baie, je m’arrête prendre des photos au pied de la colline et emprunte plutôt un chemin sablonneux de l’autre côté de la route menant à la plage face au Pacifique. A peine plus au large se trouvent quelques îles. Le sable est clair, le temps parfait et je me dit qu’il y a vraiment des salopards de chanceux ou débrouillards qui ont eu la bonne idée d’habiter dans une maison face à l’océan dans un endroit plutôt agréable. A vrai dire, ils sont plusieurs à avoir eu la même idée ce qui n’augure pas bien du prix de l’immobilier par ici. J’imagine très bien quelques riches habitants d’Auckland venir ici pour leurs week-ends faire du surf ou de la voile. En cette période, c’est plutôt calme.

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Quelque temps plus tard, je roule sur la route côtière en direction du nord. Encore une fois, je n’ai pas vraiment de plan hormis de profiter du paysage sous ce temps exceptionnel et de rejoindre DSC_7854_DxOpour l’après midi la bourgade de Matamata, plus au sud en allant vers le centre de l’île. Assez rapidement, des panneaux touristiques indiquent des sources géothermiques. Une fois garé dans un petit parking désert, je reste une grosse demi-heure sur une magnifique plage adossée au relief végétalisé, longeant l’eau vers le point d’intérêt, des sources géothermiques sous marines, immergées à marée haute. Ça tombe mal, c’est justement le cas. A cinquante mètre du ressac, des zodiacs emportant des touristes oranges tournent autour DSC_7859_DxOd’un point où affleure au rythme des vagues quelques rochers aiguisés. Ce doit être ça mais là d’où je suis, ce n’est pas très spectaculaire. En tout cas, la plage est sympathique, l’eau cristalline et la végétation toujours un brin dépaysante. Des rouleaux translucides et éclatants de lumière, éclairés par derrière par un soleil bas de fin d’hiver, viennent s’abattre en rythme sur la plage. Quelques gros blocs à l’allure basaltique sont posés dans le sable et témoignent du caractère volcanique de la région. On pourrait y passer sa journée ici.

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Un peu plus tard sur la route, je croise un nouveau panneau indiquant « Cathedral Cove », un des DSC_7874_DxOsites touristiques majeur de la région. Je traverse une petit ville, la route s’élève et rapidement, mène à un parking nettement plus occupé. Je sort vite de la voiture avec mon sac à dos et mon appareil photo. Au sud, on aperçoit la bourgade de Hahei et sa plage. Au nord-est, face au soleil (je sais, c’est toujours aussi étrange lorsqu’on n’a pas l’habitude), la vue est aussi jolie, avec deux îles au milieu d’un grand arc de côtes accidentées, l’une en longueur DSC_7878_DxOcouverte d’une tignasse de végétation et l’autre toute petite, dans le prolongement, avec sa propre touffe de verdure. Non, il n’y a rien à ajouter hormis que je commence à croire les deux néo-zélandais Jack et Jane croisés à Kakadu lorsqu’ils m’affirmèrent que leur pays était magnifique et varié.

DSC_7889_DxOUn chemin de marche mène à plusieurs petites anses dont Cathedral Cove. En chemin, on peut faire un petit détour pour apercevoir un bosquet d’arbres endémiques, maintenant rares dans cette nature profondément modifiée depuis l’arrivée de colons maoris et européens. La marche est franchement agréable avec un panorama permanent sur le Pacifique et ces petites îles. La roche est calcaire et les falaises blanches tranchent admirablement avec le glacis vert et bouclé de la végétation. Pour ne rien gâcher, l’eau est d’un calme plat et de cette couleur turquoise de carte postale lorsqu’elle borde la terre.

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Après une petite demi-heure de marche tranquille, des escaliers aboutissent à une plage au creux de petites falaises blanches au-dessus duquel s’accrochent des arbres. Un tout petit îlot rongé par la mer se situe à quelque mètres dans l’eau. Une dizaine de personnes profitent sereinement de l’endroit, assis dans le sable ou marchant tranquillement vers le clou du spectacle, un haut passage triangulaire dans la falaise menant vers une autre plage. A cette heure-ci le passage est légèrement bloqué par le ressac de l’océan. Il fait beau, il fait doux mais je doute que l’eau le soit. Voici Cathedral Cove, l’un des endroits emblématiques de l’île du Nord. Je ne vais pas faire mon difficile, c’est charmant.

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Après quelques moments sur place à profiter du calme, je remonte le chemin sous le soleil. Tranquillement, je rejoins ma voiture de location et, avec des derniers regards réguliers vers les paysages maritimes, prend la direction du sud.

Wilsons Promontory

Ce matin, frais, dispo et reposé par une nuit dans un lit double king size, je reprend la route vers le sud pour aller visiter le Wilsons Promontory National Park (notez l’utilisation massive de majuscules témoignant du caractère officielle de la dénomination. Vous pouvez donc être confiant si vous souhaitez en parler demain à la pause café). Manque de pot ou contrariété divine, le temps est gris.

J’arrive donc après une heure de route devant l’entrée du parc et m’arrête au niveau d’un panneau d’information. Dans l’enceinte du parc, il n’y a pas d’essence, pas de camping, pas de logement. Rien. Quand je voit la taille de celui-ci sur ma carte, je vérifie mon niveau d’essence. Ce devrait être bon. Je vais déjà essayer d’aller voir ce qu’il y a à visiter et on verra ensuite pour le logement ce soir. De toute façon, je peux très bien dormir dans la voiture. Mon seul doute concerne la météo car de lourds nuages semblent couvrir toute la zone de la péninsule.

DSC_7345_DxOJe repart sur la route et après quelques minutes, la pluie commence à tomber. Un vent violent et des nuages gris et bas rendent le paysage encore plus tourmenté. C’est vraiment frustrant, car la côte est effectivement très sauvage et l’intérieur des terres également montagneux. En plissant un peu les yeux et un brin d’imagination (ce qui est mon cas), on se croirait en Ecosse. Après un rapide arrêt au centre d’information où je tente d’avoir des DSC_7350_DxOinformations sur la météo, malheureusement pessimistes, je rejoint le point de départ d’une ballade, grâce aux conseils d’une employée. Le circuit se fait sous les arbres et permet donc un abri relatif.

Je mange rapidement un sandwich, espérant toujours que la météo se calme. Finalement, je décide de sortir et attaque le chemin sous une pluie battante. Au court de cette ballade, fort agréable et sans véritable difficulté, la pluie s’interrompt puis reprend. Le clou du circuit est une DSC_7340_DxOpetit zone de forêt primaire ancienne encore préservée. Ca ne vaut pas une joli vue, mais on fera avec. De retour à la voiture, je tente un dernier va tout et part en direction d’un col pour tenter d’apercevoir le panorama. Peine perdu, arrivé au sommet, balayé par les vents je pénètre dans le nuage. Un peu dégouté, j’abandonne ici tout espoir de profiter du parc national. Demain en fin de matinée, je dois être à Melbourne pour rendre la voiture.

Je repart donc en rebroussant chemin, toujours sous une météo maussade et déprimante. Je me retrouve vite seul sur des routes sauvages, en route vers la sortie du parc. Sur le bord de la route, de temps en temps, je repère une carcasse d’animal mort. Fort heureusement, avant de quitter le Wilsons Promontory, j’aurai quand même l’occasion de croiser quelques spécimens vivants de kangourous, émeus et même un wombat qui ont décidé de quitter les taillis pour jeter un œil à la route. La plupart fuient à mon approche, sauf un marsupial particulièrement concentré sur son déjeuner. Je m’approche tout doucement au ralenti avec la voiture, comme un psychopathe à l’affut et le mitraille à travers le pare-brise.

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A défaut de paysages, j’aurai au moins vu quelques animaux.