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Pondichéry la blanche, Pondichéry la moins blanche

Muni de votre nouvellement acquise toile de fond historique (j’espère que vous n’êtes pas allé vérifier sur Wikipédia, traîtres), place maintenant à une présentation contemporaine de Pondy (oui, je suis intime maintenant).

Sa géographie est relativement simple : entre le bord de mer et l’ancien canal se trouve la ville française historique alors que tout autour pousse la ville tamoule. Techniquement, la ville est bien entendu tamoule partout mais par soucis de clarté, on désigne la partie ancienne sous la dénomination de « quartier français ». La ville compte environ deux millions d’habitants (c’est plus que Lyon, c’est fou) mais le vieux quartier français se concentre sur une bande minuscule de un ou deux kilomètres de large sur trois ou cinq (à la louche) de long. C’est totalement accessible à pied, ce dont les conducteurs d’auto-rickshaws semblent totalement ignorer. Mais il faut vraiment que j’arrête avec ceux là.

DSC_5292_DxOLa différence entre les deux pDSC_5318_DxOarties de la ville est notable. Côté « tamoul » Pondichéry ressemble à toutes les villes indiennes : une concentration humaine élevée, un trafic sonore et dense, des marchands et des magasins partout ainsi qu’un sentiment général de décrépitude et de saleté. DSC_5294_DxOBref, c’est très vivant. J’ai d’ailleurs envie d’introduire DSC_5285_DxOun néologisme personnel : c’est sur-vivant. Néanmoins, on y trouve aucun gratte ciel et les habitations ne dépassent que rarement six étages.

Côté « français », on se téléporte au 18ème siècle dans une ville issue des principes rationnels des lumières : rues larges et perpendiculaires autour d’un parc central (le parc Bharati) qui rejoint lDSC_5259_DxOe front de mer et l’ancien phare. Une grande rue longe la plage minuscule elle même encombrée par de larges blocs brises lames. L’architecture est colDSC_5268_DxOorée, de couleurs pastels soulignés de blanc et les habitations basses (pas plus d’un ou deux étages). Des arbres sont régulièrement plantés pour apporter une ombre bienfaisante en journée. L’ambiance y est également plus calme (similaire à Chalon-sur-Saône un samedi en journée, pour vous DSC_5276_DxOsituer le tableau) voir endormie le soir (similaire à Chalon-sur-Saône un samedi en soirée, pour vous re-situer l’autre tableau), hormis le front de mer (l’avenue Goubert) qui rassemble une faune familiale et touristique, mollement déambulante sous une brise tiède et océanique. Notez queDSC_5301_DxO cette architecture empiète un peu côté tamoul donc vous pouvez éventuellement panacher si vous vous sentez mal à l’aise à Chalon-sur-Saône. Particularité notable dans cette partie de la ville, la propreté relativement élevée DSC_5297_DxOpour une ville française. Euh pardon, indienne. Quel labsus. Le gouvernement de Pondichéry doit tenir à son tourisme.

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Il y a une très claire atmosphère dans le vieux Pondy, qui doit beaucoup parler aux français. Les noms de rues sont la plupart du temps françaises (rue Dumas, rue Suffren, rue Mahé de la Bourdonnais, cette saloperie de rueDSC_5248_DxO que je n’arrive jamais à retrouver), sous-titrées en tamoul, et sentent l’époque des Lumières. On y croise le consulat de France (la seule antenne diplomatique de Pondy), l’Alliance Française, le Lycée Français ainsi que des DSC_5240_DxOéléments de la vie quotidienne qui nous arracherait presque un petit sourire de tendresse : des policiers au képi cousins des anciens képis de gendarmerie, des anciens jouant à la pétanque devant l’église et une gastronomie touristique DSC_5257_DxO(comprendre, dans des restaurants haut de gamme) franco-tamoule. Et tout ça est parcouru par des dames en saris, des indiens en mobylettes, motos ou vélos avec un très léger saupoudrage de touristes.

DSC_5300_DxOMoi, j’avais grand plaisir à y marcher tranquillement à la tombée de la nuit (même si je l’ai fait aussi avec le soleil au zénith, comme un con de touriste, que je suis), sous le grésillement des insectes et des conversations feutrées en tamoul. Il faut dire (et je vous le rappel) que je suis en train de me plonger dans une série de romans situées au 18ème portant sur la marine royale anglaise dont une partie des aventures se situe dans l’océan indien entre Madras et l’Indonésie. DSC_5249_DxOJe n’arrêtais pas, à la tombée de la nuit, de longer les murs un sabre à la main (en vérité mon trépied photo replié) pour me précipiter vers des vieilles tamoules, les yeux enfiévrés, en hurlant « A l’abordage ! Abaisse ton pavillon, saloperie de grenouille !! ».

Introduisons Pondichéry

Permettez moi de faire un petit saut dans le temps et d’éluder totalement un nouveau transport ferroviaire entre Hospet et Pondichéry (avec changement à Hubli Junction, bien entendu, car je sais qu’il doit avoir quelque part dans le monde des coupeurs de cheveux en quatre qui sont friands de ce genre de détail). Je suis de moins en moins quiche maintenant donc tout c’est passé sans encombre. En tout cas pas moins que d’habitude. Pour anecdote, mes deux compagnons de voyages étaient des sortes de VRP qui discutaient entre eux en anglais. Ou en hindi. C’était pas très clair pour moi. Le sujet de conversation semblait être la comparaison entre les différents modes de transports en Inde : avion, train, taxi, bus. La conclusion que j’en tire, c’est que prendre le bus de nuit, c’est prendre un risque mortel. Mais je digresse, je digresse. Le sujet d’aujourd’hui c’est Pondichéry ou selon sa nouvelle dénomination officielle, Puducherry, voir Pondy si vous êtes habitués, et Pondy chérie si vous êtes intimes. C’est le matin, je m’échauffe. Comme je ne laisserai passer aucune occasion de faire accroire que je possède une culture sans fond, permettez moi de vous esquisser en quelques lignes d’Arial corps 12, l’histoire de Pondichéry, ou Puducherry ou Pondy, mes chéries.

L’histoire commence quelque part entre l’an 1600 et l’an 1800. Je prends une sacré marge. La France via sa Compagnie des Indes, cherche un comptoir commercial sur la route de la soie et des épices réunis, afin de pouvoir faire concurrence à la Compagnie des Indes Orientales (version Royaume-Unie) ainsi qu’à la Compagnie des Indes (version Hollandaise). Ça ne va pas être simple de s’y retrouver avec tous ces noms similaires. Je ne rentre pas dans tous les détails de basse politique et de négociation d’épiciers (d’autant plus que je ne les ait pas, les détails), mais un français parvient à acheter un bout de terrain relativement pourri, car marécageux, à un seigneur local, à une centaine de kilomètres au sud de Madras (actuelle Chennaï), tenu par les anglais. L’emplacement est face au golfe du Bengale, proche plage, exposé est-sud-est, plat avec possibilité aménagement ville coloniale. Sur le moment, ça semblait être un plan foireux comme une location Pierre & Vacances, mais au final, cela se révéla être une plate-forme idéale et la ville commença tout doucement à prospérer.

Au 18ème siècle (quelque part au milieu, j’ai envi de dire), le roi de France (Louis XV selon toute probabilité), y nomma un nouveau gouverneur du nom de Goubert, Edouard (Eddy Goobert pour les américains). C’est sous sa direction que Pondichéry pris véritablement son essor et se développa pour devenir une véritable ville. Entre temps on s’occupa en allant titiller les anglais à Madras et cela donna quelques occasions pour certains, de mourir, et pour d’autres d’amasser quelques bonnes anecdotes à partager autour d’une boisson face au golfe (qui est du Bengale, je vous le rappel).

Autour du comptoir français ne manqua pas de s’agglutiner une ville tamoule (car Pondy, comme Madras, se trouve dans la partie tamoule de l’Inde), en commençant très certainement par des rickshaws (pas encore motorisés) et des vendeurs de produits en tout genre. Le commerce, le commerce. Mais après tout, c’est pour cela qu’on avait créé la ville. Faut assumer ensuite.

On vivait bien à Pondy, surtout les français, dans une torpeur et langueur coloniale. Mais tout cela pris fin en 1952, l’année ou la France céda le territoire à l’Inde, récemment indépendante. Malgré tout, la ville et son territoire proche conserve un statut de Territoire de l’Union qui lui octroie quelques avantages fiscaux. En plus de cette région attenante à la ville, le Territoire de Pondichéry regroupe la ville de Mahé, côté ouest de l’Inde (ça ne doit pas être simple côté administratif) ainsi que deux autres villes dont je ne me souviens plus du nom. Chacune est un ancien comptoir français. Mais comme le français est un petit filou, on laissa à Pondichéry un lycée français pour torturer les jeunes indiens ainsi qu’une Alliance Française pour diffuser une rétrospective Cédric Klapish sous titré en hindi tout les dimanches à 18h. On sait manier le bâton et la carotte.

Je ne résiste pas à l’envie de conclure par cette petite phrase de mon cru qui devrait vous faire parvenir des parfums d’aventures épicés : Pondichéry situé sur la côte de Coromandel et Mahé, sur la côte de Malabar, furent des comptoirs sur la route des épices. Alors ? Vous ne les sentez pas les odeurs de mer, de chanvre et de goudrons, de traversées houleuses, de cocotiers, de gentilshommes et dames suant sous des costumes inadaptés, des bruits de canons et de mousquets, et des visions de tumulus d’épices colorés attendant d’être chargés en cale de grands voiliers aux ailes blanches par de puissants tamouls torses nus et enturbannés (attention aux liaisons)? Mince, voilà que ça me reprend.

Seul occidental

Musique par John William.

Je suis seul. Je suis entouré de millions de gens mais je suis seul. Je suis… le touriste occidental à Mumbai.

Fin du générique et par conséquence, fin de la musique.

C’est complètement fou. Le Lonely Planet m’avait prévenu dans l’avion « Je te préviens, pendant la saison des pluie, c’est la saison touristique basse » mais je n’imaginai pas à se point. Pensez qu’il m’a fallu plus de vingt quatre heures pour apercevoir un touriste en short manifestement européen dans Mumbai, alors que j’avais pourtant déjà arpenté un des coins les plus touristique de la ville. Et non ce n’était pas moi car je porte des pantalons pour faire couleur locale. Il m’en cuit d’ailleurs. Vivement un pays plus déluré pour que je puisse me ballader à poil et en tongs sous la chaleur tropicale (ce devrait être Darwin en Australie où il y a manifestement une plage de nudistes). Mais je m’égare.

Oui, je suis incroyablement surpris par le peu de touristes occidentaux en Inde en juin. C’est à la fois super mais à la fois surprenant. Il peut même parfois m’arriver de passer une journée entière sans apercevoir la moindre tête blonde. C’est particulièrement dépaysant. J’en suis au point de me demander si les expatriés occidents mettent les pieds dehors. On se sent tellement seul dans ce pays étranger qu’à chaque fois que j’aperçois une personne visiblement occidentale (ou même japonais, pour vous dire), j’affiche un petit sourire complice histoire d’établir un lien. A Mumbai on me retourne le sourire car on doit être dans le même état d’esprit : perdus, subjugués, assommés par la chaleur et sensoriellement abrutis (je crois que je viens d’inventer un mot, là). Sans mentir je pense avoir croisé pas plus d’une trentaine de touristes occidentaux depuis mon arrivée.

A Hampi, j’étais quasiment une proie ambulante pour les mendiants, chauffeurs de rickshaws et vendeurs de marchandises. J’ai tout de même croisé un couple âgé français au détour d’un temple dédié à Ganesh (mais si, Ganesh, le petit gros ventripotent à la tête d’éléphant) avec qui j’ai engagé la conversation. Enfin, c’est plus particulièrement le monsieur qui a engagé la conversation avec moi. Je m’étais contenté d’afficher un sourire complice (que j’alterne avec mon regard de Delta Force. Je peux vous dire que mon visage est particulièrement expressif ces temps-ci) en me préparant un petit « Hello ! » universel dans le coin de la bouche. Mais il m’a pris de vitesse en me balançant un « Bonjour », sauce Ménilmontant. Un peu vexé, je l’amène à l’écart en lui chuchotant : « Comment avais vous su que j’étais français ? »

  • Ah non je savais pas, je dis bonjour à tout le monde par principe.

Ouf, j’étais rassuré. Pendant un moment j’ai cru qu’un élément vestimentaire autre que mon sac à dos bourré de matériel photo, mes lunettes de soleil et ma casquette (mais toujours en pantalon et chemise, ça, c’est pour la rubrique mode) m’avait trahi. Bref, le monsieur, visiblement heureux d’échapper aux explications du guide sur la signification de la conche portée dans la main droite de Vishnu sur la troisième statue à droite en partant du bas (explication au demeurant fort intéressante mais que j’ai oublié entre-temps), m’apprend que lui et sa femme, agent de voyage à Paris, sont des amoureux fous de l’Inde et qu’ils y reviennent régulièrement. Bref on a papoté gentiment pendant quelques minutes le temps que je retrouve mon guide qui s’était planqué sous un arbre (pas fou).

Encore plus étonnant, je partageai la guest house avec deux jeunes américaines blondes (limites jumelles) se baladant en T-shirts, shorts et tongs (je me demande si je ne vais pas arrêter avec les pantalons, moi), comme à la plage, au mépris des conseils de décence de mon Lonely Planet, et à moto en plus (c’est des folles rebelles ici en Inde) avec qui j’ai vaguement tenté d’échanger des conseils de restaurants sympa sur Hampi. Ca a du durer trente secondes le temps que tout le monde se rende compte, premièrement, qu’on venait chacun d’arriver depuis moins de trois heures en ville et deuxièmement, qu’à défaut d’appeler ça une ville, Hampi mériterait plutôt le qualificatif de village. Sinon de loin en loin j’ai du apercevoir une poignée de touriste en scooter mais je peux vous dire qu’il y avait beaucoup plus de singes que de touristes occidentaux. Hampi, patrimoine mondial de l’UNESCO, tout de même.

Par contre à Pondicherry, je m’attendait à en voir des pelletées de mes congénères et bien pas vraiment. Alors pour être honnête il est vrai que je vois des touristes une fois pas jour sans problème, souvent en banc de deux, voir de six (mais c’est exceptionnel) ce qui est trèèès largement au dessus de ce que j’ai vu à Mumbai. La ville est plus petite ? C’est vrai. Sauf qu’ici, même avec un sourire complice, les gens détournent la tête et font mines de m’ignorer. Je vois deux explications : soit depuis deux semaines ici, j’ai une tête d’indien, soit chacun est dans son trip « seul en Inde, wah, l’aventure ! » et ne veux surtout pas se faire voir en compagnie d’un autre touriste. Ce serait un aveux de faiblesse. Sauf que Pondicherry, côté « Inde profonde », c’est pas l’endroit le plus approprié. Qu’est ce que ça doit être à Goa (blague de baroudeur connaissant l’Inde de fond en comble. Vous pouvez pas comprendre) ! Surtout que ces touristes j’ai plutôt tendance à les croiser du côté de la vieille ville française (ah ça, pour croiser un touriste marchant comme un con pendant une demi-heure à travers la partie tamoule jusqu’à la station centrale de bus, il y en a qu’un, hein ! C’est bibi!), ou du côté d’Auroville, LE endroit spirituo-new age à proximité de la ville (j’en parlerai dans un autre billet dédicacé à Emmanuel, de Chalon-sur-Saône).

Donc si vous souhaitez avoir des nouvelles de votre ami Robert, que j’ai du croiser en Inde parce qu’il est parti en même temps que moi, comptez pas trop là dessus. Nous sommes seuls, très seuls.

Générique de fin avec crédits et marque de la pellicule.

Lumière.