Il est temps de faire une petite pause photo et de prendre un peu de recul intellectuel sur ce mois passé en Australie, ne pensez vous pas ? Même si vous ne le pensez pas, je ne vais pas m’arrêter maintenant alors que je viens à peine de commencer ce nouveau billet (et peut être même que ce sera le dernier sur l’Australie, tiens, je vous livre un scoop). Non, c’est le moment de la réflexion, de la synthèse et du bilan. Puisque je vous le dis.
Parlons tout d’abord géographie. Je n’ai pas arrêté de le ressasser (je crois même avoir écrit une partie de billet à ce sujet) mais ce pays est vaste. Finalement, j’ai la sensation d’en avoir vu une fine tranche pas bien épaisse, contrairement au Vietnam voir, dans une moindre mesure, l’Inde, la faute au temps mais aussi à la faible densité de ce pays. Le paradoxe c’est que malgré ces étendues gigantesque, pendant très peu de moments ai-je eu une sensation d’espace. Mon explication à ce phénomène tiens à l’extrême platitude du terrain dans les zones immenses que j’ai traversé. On est toujours le nez au ras du sol. Pour avoir une sensation d’immensité, il faut que le regard porte loin. La seule fois où j’ai vaguement ressenti cela était au sommet d’un pont routier enjambant la Great Khan Railway au milieu de nul part. J’étais à tout péter à cinq mètres au dessus du sol.
Suis-je déçu par les paysages ? Honnêtement, un peu. Je m’attendais à plus grandiose mais peut être suis-je devenu difficile. Hormis Uluru et Kata Tjuta qui resteront gravés dans ma mémoire comme les lieux les plus uniques que j’ai jamais eu la chance d’approcher, les autres sites étaient fort jolis mais pas au niveau que je m’étais préparé. Parfois, il vaut mieux ne s’attendre à rien, finalement.
Il me reste également une grande frustration côté culture aborigène que je n’ai quasiment pas approché. La faute m’incombe sans doute. J’aurai pu après tout faire des efforts supplémentaires dans le domaine. Les cartes postales nous vendent un pays rouge à la culture millénaire où kangourous, didgeridoos, boomerangs et bushs entourent un sympathique aborigène à la barbe touffue. En vérité, la quasi-totalité de l’Australie que j’ai croisé était à mille lieux de ça, moderne, occidentale et avec une population venant des quatre coins du monde extérieur. C’est d’ailleurs plutôt cela qui m’a surpris. Je ne m’attendais pas à un pays aussi multiculturel que cela, surtout dans les grandes villes.
C’est encore plus marquant à Melbourne et encore plus à Sydney où une très grande partie de la population que l’on croise dans la rue est d’origine asiatique. En conséquence, j’ai pris conscience de l’ancrage profondément asiatique de l’Australie. Ce n’est pas qu’un partenaire économique, c’est également en train de devenir un berceau culturel comme l’Angleterre l’a été. Toutes les cuisines asiatiques se trouvent dans la moindre petite ville : thaï, vietnamienne, chinoise, indonésienne, philippine, malaysienne.
D’ailleurs, puisque je parle de bouffe, je peux vous affirmer que pendant ce mois ici, je n’ai pas eu à me plaindre d’elle. Hormis, un prix parfois un peu exagéré à Darwin et Alice Springs, je n’ai eu que des bonnes expériences avec des mentions spéciales pour cet incroyable potage aux châtaignes d’Apollo Bay et les plats du jour de Fitzroy à Melbourne. Non, la seule véritable faute que j’ai commise a été de commander ce fish’n’chips au MCG avant le match d’aussie footbal. Rien que d’y penser, j’ai les doigts gras.
Pour revenir à des sujets plus profonds, l’économie, ce lien asiatique, notamment vis à vis de la Chine, est à double tranchant. Comme je l’ai dit dans un précédent billet, le pays a bénéficié longuement du boom économique chinois en tant qu’important fournisseur de matière première. Lorsque l’économie chinoise ralentie, l’Australie en ressent immédiatement les conséquences. Encore une fois, en pleine campagne électorale pour le nouveau premier ministre, le sujet est brûlant, le citoyen australien étant maintenant obligé de se serrer un peu la ceinture, ce qui n’était pas arrivé depuis une bonne dizaine d’années.
L’autre sujet politique brûlant, concerne l’immigration illégale. Je n’en avais pas conscience mais il y a encore une très forte immigration clandestine arrivant en Australie par bateau, comme à l’époque des boat-peoples vietnamiens, notamment vers Darwin car c’est la ville la plus proche du Timor. Sans surprise, le sujet est aussi épineux et polémique qu’en France ou plutôt comme en Italie qui voit arriver des bateaux directement sur les plages de Lampedusa. En Australie, la grande proportion des immigrants échouent sur les îles Christmas, petit territoire australien 400km au sud de la pointe ouest de Java.
De ces deux sujets, j’ai longuement discuté avec Romain, Veronika mais également Adam, mon guide à Kakadu ou les deux petits vieux croisés à Mount Gambier. Paradoxalement, Veronika était la plus extrême dans ces jugements. Pour Adam, l’immigration fait parti, comme aux Etats-Unis, des gênes australiens, lui même étant d’origine écossaise (son nom de famille est McRae, comme Colin). Je n’ai pas eu l’impression qu’Adam était raciste mais il a quand même dit quelque chose que je trouve assez intéressant et qui mérite réflexion. Même si on n’est pas d’accord, il est toujours rafraîchissant de sortir de la pensée unique portée par les médias, chacun dans son propre pays.
Cette curieuse réflexion portait sur le multiculturalisme australien qui est effectivement incroyable, notamment avec un énorme apport des différentes nations asiatiques et européennes. Bien que ce soit formidable de pouvoir, par exemple, goûter à toutes les nourritures du monde, du fait d’une culture australienne native faible (en sachant que la culture aborigène est vraiment à part), on se retrouve là bas avec une sorte de mélange ou d’une panoplie de cultures à poids plus ou moins équivalent que l’on peut choisir « à la carte » avec la conséquence inattendu que ce n’est plus, du coup, de la culture. Si je reprends les mots d’Adam, cela donne : « quand il y a trop de cultures, il n’y a plus de culture ». Vous avez quatre heures pour développer sur ce sujet. Pendant ce temps là, je poursuis.
Pendant les trois semaines suivantes, ce qu’il a dit a trotté dans ma tête et c’est avéré exactement ce que j’ai ressenti, une sorte de vide culturel (bien que beaucoup moins que dans certains endroits de Californie que j’ai eu la chance de visiter il y a quelques années) dans un pays pourtant riche en diversité. La culture, tel qu’on l’entend en France et tel qu’Adam l’entendait, n’est elle pas finalement un sous-produit d’une homogénéité de comportement ? Il ne s’agit pas ici de conclure à un côté négatif ou positif du multiculturalisme, mais juste de lever un sourcil d’étonnement aux possibles conséquences.
Ça me paraît opportun d’introduire maintenant un paradoxe que je me suis amusé à constater en tant que touriste occidental. Lorsqu’on voyage, on aime d’autant plus un pays qu’il a une culture et une tradition marqué alors que lorsqu’on est chez soi, on ne souhaite qu’une chose, avoir le choix et ne pas être enfermé dans le traditionnel. Finalement, le multiculturalisme, il faudrait l’interdire aux autres.
Sinon, l’Australie, ben j’aurai plein de trucs à dire mais en rapport à mon séjour en enfance car ces derniers jours à Sydney ont réveillé plein de souvenirs. Pensez, c’est le pays où j’ai découvert McDonald’s, les muffins, les crumpets, les kiwis (le fruit), les fruits de la passion, les ornithorynques et le duo Marmite et Vegemite, le tout bien avant que cela n’arrive en France (d’ailleurs dans cette énumération, deux de ces choses ne se mangent pas. Allez, jouez). Ça marque.
Allez, pour finir, de la musique (je vous épargne un zapping sans intérêt). La première, c’est l’hymne national officieux du pays, Waltzing Matilda et parce qu’on aurait tort de ne pas s’offrir de la qualité, voici une version rocailleuse interprétée par Tom Waits, qui lui, est américain (je brouille les cartes):
Et bien entendu, un grand classique de Men at Work :
G’day à vous !
PS : Si vous êtes particulièrement d’humeur badine, diverses photos (polluent) agrémentent ce billet. Saurez-vous retrouver dans quel lieu d’Australie elles ont été prises?