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San Francisco

Le père Don Pedro pose un regard doux sur le paysage. La journée promet d’être belle malgré les derniers lambeaux de brume qui s’accrochent au fond des vallées. Le majestueux Pacifique à l’ouest, caché à sa vue par ce tapis de nuages si commun en cette saison, se jette à travers cet étroit passage au nord vers la baie. En se retournant vers le sud vers le fond de la baie, il peut presque apercevoir les fumées de cheminée de la plus proche mission voisine, non loin des salines où viennent se reposer les flamands roses.

Un raclement de gorge l’arrache à sa contemplation. « Si t’as décidé de rien foutre, t’as qu’à le dire, mon frère ? ». Le père Don José, lui jette un regard glacial malgré le chaud soleil de printemps.

  • Oui, bon, ça va. Si on peut plus contempler en méditant, à quoi ça sert d’être prêtre ?

Don Pedro reprend le travail, non sans poursuivre sa méditation. Il rêve au futur, à cette nouvelle mission de Saint François d’Assise, posée nonchalamment plus bas à flanc de colline, autour duquel s’abritera peut être un jour un gentil petit village voir même une bourgade, soyons fous. Il n’est pas interdit de rêver en grand, si Dieu dans son infinie miséricorde insondable veuille bien leur octroyer ce bonheur, comme à ces m’as-tu-vu de San José de Guadalupe du bout de la baie. A l’autre extrême, il n’envie pas du tout ses collègues du nord et leur misérable embryon de mission de San Francisco Solano de Sonoma. La très sainte et catholique Espagne aura rejeté ces pourritures d’anglais de ce continent avant qu’ils puissent faire pousser leur propre vin de messe dans leur vallée miteuse.

San Francisco, de nos jours, c’est la quatrième ville de Californie en terme de population. Je sais, à chaque fois je fais « Comment ? » d’un air totalement ahuri quand j’entends ça. Et bien oui. Très loin en premier nous avons Los Angeles, suivi de San Diego et, pour compléter le podium, San José. San José, tout le monde s’en fout à part certains américains. Je suis sur que vous ne savez même pas où elle se trouve, hein ? Ce n’est pas compliqué, elle est au sud de San Francisco, au bout de la baie, discrète. Pourtant, il y a même un aéroport international. A vrai dire, San José, c’est un peu la capitale de la Silicon Valley car la plupart des grandes entreprises technologiques (Google, Apple, Intel, Yahoo, Oracle, etc.) ont leur siège dans des villes à proximité.

Par contre, ne soyons pas dupe. Personne de sensé n’aurait l’idée saugrenue de préférer vivre à San José alors qu’il y a San Francisco 60km plus au nord. San Francisco, c’est la classe, l’avant-garde, la révolution, le futur, la culture et accessoirement les collines. San José, c’est plat, sans cachet et ringard. Je dis ça, c’est tout à fait gratuit et biaisé.

Donc, reprenons dans l’ordre. Au début, il y avait des missions religieuses installées à intervalle régulière de la basse Californie jusqu’à l’actuelle Sonoma, juste au nord de la baie de San Francisco. Toutes ces missions étaient reliées entre elles par un chemin, El Camino Real (le chemin royal, pour les non-hispanophones dont je fais partie), dont subsistent encore quelques traces. Des agglomérations ont poussé autour de ces missions. Puis il y eu la ruée vers l’or, la ruée vers l’argent, un tremblement de terre avec son gigantesque incendie, la seconde guerre mondiale, la puissance des fleurs, la libéralisation sexuelle, la naissance de l’industrie électronique et informatique, un autre tremblement de terre, la poussée environnementale et maintenant, nous voici à contempler le résultat. Tout ces évènements marquants ont laissé une trace dans la ville, ce qui est étonnant pour une ville américaine.

Mais la ville est aussi marquante par sa particularité géographique. Tout d’abord, elle est située sur une péninsule encadrée par l’océan Pacifique à l’ouest et la baie au nord et à l’est. Cette péninsule est couverte de collines, la région faisant partie de la vaste chaîne de moyenne montagne courant tout le long de la côte californienne du sud au nord. Comme il n’y a pas de hasard en géologie, cette chaîne montagneuse est due à des mouvements tectoniques proches et San Francisco est posée pile poile sur une faille, la fameuse faille de San Andreas.

DSC_8370_DxOCes collines sont d’ailleurs assez exceptionnelles du fait de l’urbanisation et du plan quadrillé du réseau routier. Chaque rue (sauf impossibilité géographique comme la présence d’une falaise) est perpendiculaire à une autre. Celles qui montent les collines le font donc souvent suivant la plus grande pente, parfois aux alentours de 30%. C’est l’occasion d’admirer des voitures garées spectaculairement perpendiculaires au trottoir et donnant une bizarre sensation d’équilibre instable. Au sommet, sans surprise, c’est très souvent l’occasion d’une vue magnifique. D’ailleurs ces nombreuses collines à 30% de pente n’empêchent absolument pas la présence de nombreux cyclistes dans la ville. Bien au contraire. Je ne devrais pas vous le dire pour ne pas ternir ma réputation de grimpeur, mais il est possible d’acheter une carte de la ville où les pentes les plus sévères sont indiquées.

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DSC_8355_DxOLorsqu’on vient visiter San Francisco, on ne manque pas de remarquer, outre les collines et les tramways tirés par des câbles (que je n’ai toujours pas emprunter, maintenant que j’y pense), toutes ces jolies petites maisons victoriennes en bois plus ou moins ouvragées, peintes de couleurs plus ou moins vives. J’ai cherché pour vous la raison de cette abondance et il semblerait que ce soit du aux nombreuses forêts de séquoia qui fournirent du bois de construction à faible cout. Un grand nombre de ces maisons furent détruites pendant le gigantesque DSC_8367_DxOincendie de 1906, suite à un grand tremblement de terre. Malgré tout, n’allez pas croire qu’elles ne se trouvent qu’à un seul endroit de San Francisco. On en trouve partout, des anciennes, mais également des modernes s’en inspirant, toujours peintes et souvent de couleurs pastel.

Quand au downtown, le centre ville où se concentrent les gratte-ciel, et bien, ma foi, il n’a rien de particulièrement exceptionnel. La grande rue commerçante, Market Street délimite la ville en deux, le DSC_8241_DxOquartier SoMa au sud (d’ou le nom, South of Market) abrite d’anciens hangars, industries où habitations plus populaires, progressivement occupés par des designers, artistes et lofts. De toute façon, c’est une tendance générale dans la ville. Vu les salaires mirobolants des employés de l’industrie high-tech et les nombreux millionnaires internet, la gentrification massive du centre ville est quasiment achevée. L’essentiel des grattes-ciels, finalement peu nombreux par rapport à New York, par exemple, se concentrent au bout de Market au nord-est, à proximité de la baie. Plus on s’éloigne de ceux-ci, plus cela devient populaire voir pauvre avec un nombre accru de clochards.

Arrivé au niveau de la grande place menant à la mairie, la place des Nations Unies (car c’est à San Francisco que fut signé le traité l’instituant), j’ai pu découvrir un marché appelé ici « Farmer’s Market » pour bien le distinguer de je ne sais pas trop quoi. C’est toujours assez émouvant, je trouve, d’observer comment DSC_8349_DxOl’Amérique (et je pourrait ajouter l’Australie et la Nouvelle-Zélande dans le lot) redécouvre des choses simples qui ont court depuis toujours dans d’autres pays. Comme quoi, la mondialisation marche dans les deux sens. Les Etats-Unis s’européanisent également.

Bien entendu, cela n’a rien d’étonnant à San Francisco, la ville étant vraiment très particulière et très à gauche par rapport aux autres municipalités du pays. D’après une amie habitant la ville depuis 8 ans, de nombreuses initiatives sociales et de « wellfare » attirent un grand nombre de personnes de la région vers la ville. Pour une municipalité concentrant autant de richesse, de voir perdurer cet état d’esprit, je trouve ça chouette. D’ailleurs, dans un article du New Yorker, j’ai pu découvrir une tendance grandissante chez les jeunes entrepreneurs (comprendre dans cette ville hyper-dynamique et positive, de jeunes adultes à peine sortie d’université) de vouloir créer des sociétés non pas dans le seul but de s’enrichir et de faire la culbute à la revente, mais également pour apporter de réelles solutions concrètes aux besoins quotidiens.

DSC_8329_DxOParce qu’au final, ce qui a de génial dans cette ville, hormis les collines, les embarcadères, le centre ville, les tramways tirés par des câbles (il y a aussi Lisbonne pour cela), la baie, les parcs, les petits cafés, les restaurants, les vues, la température clémente et les otaries (tout cela sera bien entendu détaillé plus tard, surtout les otaries), c’est cette formidable énergie positive et créative qui s’en dégage. C’est peut être, pour certain, un centre de la mondialisation galopante avec toutes ces grandes multinationales de la high-tech mais c’est également un des seuls endroits, je trouve, où je me dit que si quelque chose de révolutionnaire doit un jour émerger, c’est probablement d’ici. Et puis d’abord, ça c’est déjà produit. Tout ça à l’endroit d’une mission catholique. J’vous jure.

Un trek

La mer, c’est super mais la montagne, ça vous gagne. C’est en ayant cette maxime de publicitaire en tête que j’envoi un jour un mail afin de réserver une place pour un trek à travers l’île. Si vous vous rappelez bien, j’avais astucieusement attrapé un flyer à l’aéroport d’un homme en dreadlocks proposant des randonnées accompagnées. Le prénommé « Pa », natif de l’île, promet une démarche éco-touristique qui cadre beaucoup plus à mes aspirations qu’une bruyante et bourrine sortie organisée en quad. Sur le site web du sieur Pa, je lis la présentation qui précise bien que le trek (car telle est sa dénomination officielle, The Cross Island Trek, avec moult majuscules) nécessite une bonne condition physique (400m de dénivelé), de l’eau, des chaussures de marche et un répulsif à moustique. Ça tombe bien, j’ai tout à disposition. Au passage, je note le prix de la sortie, 70$ NZ. Tout de même, 42€, ce n’est pas donné. Allez, au diable l’avarice, on ne vit qu’une seule fois et ça soutiendra l’économie locale. Et puis je mangerai que des kumaras et des pâtes pour compenser.

Je ne vous cache pas qu’il m’est venu un petit sourire narquois à la lecture des recommandations pour ce trek. Devoir préciser qu’il faille se munir d’eau et de chaussures de marche (avec la précision « sans talons hauts ») en dit long sur la candeur / bêtise / confiance (rayer les mentions inutiles) de certains touristes. Quand à l’indication « bonne condition physique », elle est malheureusement peu porteuse d’information, tout dépendant de la personne qui vous le dit. Lorsque Catherine Destivelle m’affirme qu’il faut une « bonne condition physique » pour grimper en haut de cette montagne, je m’inquiète. Si c’est mon voisin obèse, je souris. Je précise donc dans mon mail qu’à Toulouse, je fait régulièrement de la randonnée en montagne, en omettant que, depuis quelque temps, je le fait cent mètres derrière mes compagnons de ballade, la bouche grande ouverte.

Deux jours plus tard, à 7h du matin, je me retrouve donc à la position indiquée, en bord de route devant mon hôtel, équipé de pied en cape : chaussure de marche (mais pas de randonnée, même si je n’ai pas de talons hauts), short, t-shirt (la base dans ce pays), chapeau (un nouveau acheté à Auckland après avoir oublié l’initial dans un bus à Sydney) et sac à dos contenant une bouteille d’eau d’un litre et demi et mon spray anti-moustique à la douce odeur de citronnelle, recommandé par le centre de vaccination de Toulouse comme mesure préventive anti-malaria (bien que je me sois fait troué la peau au moins cinq fois avant mon départ pour divers vaccins). Accessoirement, je m’en sert comme parfum.

Un mini-bus arrive, s’arrête et Pa descend, un grand sourire à la main et me tendant son visage. Ou est-ce l’inverse ? Attardons nous sur le personnage, voulez-vous. Vous pourriez taper « pa trek rarontonga » sur Google et avoir en un clic une photo de lui. Laissez moins néanmoins l’occasion de vous le croquer par quelques mots maladroitement choisis. Imaginez un polynésien solidement charpenté d’1m85, d’âge mur, que l’on devine anciennement très musclé, portant de longues dreadlocks blondes de la taille de cordelettes. Votre regard s’attarde discrètement sur son accoutrement et vous notez une sorte de short pagne noué que l’on pourrait confondre avec des couches et un débardeur très lâche bleu. Pour des raisons certainement mystico-spirituelles, des bracelets végétaux sont noués autour de ces coudes et genoux. Accessoirement, il est nu pied. Une sorte d’homme des bois baba-cool new age, en quelque sorte.

Fort heureusement, il me sert la main vigoureusement avec un sourire simple et chaleureux que ne dément pas son regard. Dans mes souvenirs, il me lance même un « kia orana », le bienvenu local, en me mettant un collier de fleurs exotiques autour du cou. Mais là, je crois que j’invente.

Comme il se doit (je commence à avoir l’habitude), nous commençons par collecter tout le groupe, chacun à son hôtel et c’est finalement à deux mini-bus que nous remontons une petite route en direction du centre de l’île. Bien entendu, nous en profitons pour décliner nos nationalités et, une fois n’est pas coutume, je suis le seul français parmi des australiens, néo-zélandais, américains et canadiens.

Au point de départ, nous nous mettons en groupe autour de Pa qui nous réitère les recommandations de base : boire, se mettre du répulsif et marcher à son rythme. Pendant ce temps, le couple canadien en profite pour se fumer une cigarette. Je lève un sourcil. Globalement chacun est habillé en mode sport avec des chaussures de jogging. Néanmoins quelques indices me laisse croire que le niveau de pratique est assez hétéroclite. L’américaine semble tout droit sorti de Beverly Hills et son copain a jugé pratique de porter une grosse bouteille d’eau en bandoulière.

Alors que chacun se oint ou se vaporise de répulsif anti-moustique, Pa commence son show. Déjà, il nous apprend qu’il a 70 ans. Surprenant, mais admettons. Il connait par cœur ses montagnes, qu’il parcourt depuis qu’il est enfant. Il connait également par cœur les plantes de la jungle et leur utilité. D’ailleurs, il nous propose de nous frotter avec une plante qu’il vient ramasser, un anti-moustique naturel. Une poignée de touristes ayant omis leur propre produit s’y collent pendant que je me parfume à la citronnelle.

Nous commençons enfin la marche à un rythme tranquille par un large chemin en pente douce. Pa continue de parler de son histoire et ses croyances, son public tentant de se mettre à son niveau pour l’écouter parler. Il faut dire que le bonhomme est charismatique avec son pagne, ses dreadlocks et ses pieds nus.

Nous abordons le sujet de la spiritualité (enfin, c’est lui qui l’aborde vu que c’est lui qui parle). A l’entendre, il semble croire en une sorte de syncrétisme bouddhisme / animisme un peu new age, ce qui me semble beaucoup moins hostile que le monothéisme dominant. C’est lui qui nous apprend que l’île de Rarontonga abrite toutes les fois du monde. La seule exception, d’après lui, concerne la Scientologie, qui s’est fait récemment refuser la construction de son église. Comme Pa n’est que paix et amour avec des bracelets végétaux aux articulations, il avoue être peiné de ce refus.

Régulièrement, il s’arrête pour nous montrer une plante en nous citant les bénéfices qu’elle procure. Le petit jeu consiste à deviner le nom de la plante et certains reconnaissent des petit piments sauvages ou, un peu plus tard, de la belladone. A ce sujet, Pa nous précise qu’il s’agit d’un excellent stimulant pour l’effort. Un touriste anglais passionné jusqu’ici par ce que notre guide raconte sur les plantes, semble surpris. Je m’attarde à côté de lui en marchant et commence à discuter. Ce médecin généraliste m’affirme que la belladone est une plante dangereuse qui provoque des tachycardies et, à haute dose, des hallucinations voir la mort. Je lève le deuxième sourcil. Dis donc… Pa… tu te foutrais pas un peu de notre gueule ?

A partir de là, c’est avec circonspection que j’écoute notre guide alors que le reste du groupe, dans une hypocrisie que l’on pourrait juger toute anglo-saxonne, l’écoute avidement en l’encourageant ponctuellement de « waah », « great » et autres « awesome ». Moi, dans un renfrognement que l’on pourrait juger très français, je ne dis rien mais n’en pense pas moins.

Finalement, nous atteignons l’embouchure d’un petit chemin à travers la végétation qui s’enfonce en montant au cœur de l’île. Pa nous convie à marcher à notre rythme jusqu’à un gros rocher sur une crête où nous ferons une pause. J’attaque la montée et ne tarde pas à me retrouver seul devant. Le chemin étroit grimpe dans les sous-bois suivant une pente un peu raide.

DSC_8192_DxOUne demi-heure plus tard, je m’arrête à côté d’un gros rocher planté au milieu du chemin. Ce doit être là le point de rendez-vous. Quelques minutes plus tard je suis rejoint par mes premiers poursuivants puis, à la queue leu leu, le reste du groupe dans différents états de rougeur. La règle de base pour se sentir fort est de toujours faire du sport avec des gens moins bons que soit. Pa arrive, accompagnant les derniers, à peine essoufflé et toujours pied nu. Dans le lot, les canadiens allument de nouvelles cigarettes malgré une condition physique qui ne me semble pas exceptionnelle.

Pendant cette pause, Pa en profite pour nous distribuer des boites en plastiques remplies de succulents quartiers d’orange et de mangue fraîches. Voilà un des avantages de vivre dans une île tropicale. C’est également l’occasion pour lui de nous expliquer l’importance de ce fameux rocher dans l’histoire traditionnelle de ce pays. Malheureusement, je n’en garde aucun souvenir si ce n’est qu’après son explication, il s’est mis devant, les mains jointes en marmonnant une prière tout en se balançant doucement d’avant en arrière. Dans un silence teinté de gêne respectueuse, chacun attend qu’il finisse.

DSC_8197_DxONous repartons enfin (n’allez pas croire que je soit impatient mais nous approchons du sommet et de sa vue que je rêve d’être sublime) de nouveau à la queue leu leu. A un embranchement, nous prenons à droite en direction de « The Needle », le long d’une courte montée étroite et raide. Enfin, nous débouchons hors de la jungle et grimpons au pied d’un haut éperon rocheux, le fameux Needle, l’aiguille. La vue est fort sympathique, et bien que ce ne soit pas le point le plus haut de l’île, il est relativement central. Un peu plus loin, une petite via ferrata permettent de grimper vers un point encore plus en altitude et accessoirement, vertigineux. Je part voir ça avec deux autres touristes.

DSC_8194_DxOFinalement, cette montée est relativement courte, bien qu’intense. Il n’empêche que, par voie de conséquence, je suis passé totalement à côté des commentaires de Pa, pour avoir tracé le chemin devant. Une partie de moi me dit que je n’ai rien perdu au change mais ce doit être la moitié la plus noire et désagréable de moi même. Je l’ignore.

Nous commençons la descente et notre guide nous recommande la plus grande prudence. Oui, bon, ça va. C’est une descente quoi. N’empêche que nous avons notre quotas de fesses par terres, notamment l’américain qui se borne toujours à porter son litre et demi de flotte en bandoulière. Déjà qu’il n’est pas très adroit mais en plus ça le déséquilibre totalement. Finalement, devant l’insistance de Pa, il se décharge de son eau dans le sac à dos du guide. Au cours de cette descente nous traversons de nombreuses petites rivières et torrents, parfois à guet mais la plupart du temps en enjambant des rochers plus ou moins mouillés. C’est l’occasion de quelques glissades sans conséquences. Je vous rassure, j’ai fait honneur à la France en régalant l’assemblée de légers et élastiques bonds de chamois nonchalant, sautant sans encombre de rochers en rochers, pendant que certains de mes compagnons anglo-saxons s’abandonnaient lâchement à de bêtes traversées les chaussures dans la flotte. Ceci dit, je ne dément pas ne pas être passé une ou deux fois proche de l’humiliation.

Enfin, nous atteignons notre point de rendez vous pour la fin de cette traversée au niveau d’un parking donnant sur une très jolie cascade. Un bassin d’eau clair donne lieu à des baignades et Pa nous invite à y plonger, pendant qu’il prépare le déjeuner. Quelques uns de mes compagnons obtempèrent alors que je regrette d’avoir oublié mon maillot de bain. Je regarde ma montre, il est à peine midi. Pour un trek, c’est un peu court.

Finalement, c’est le clou du spectacle. Pa nous invite à nous servir en sandwichs, amené par les mini-bus dans de grands bacs en plastique. On sait ce que représente la nourriture pour les français. Je m’apprête donc à être critique. Et bien figurez-vous que c’était absolument délicieux. Oui. J’emploi un superlatif. Dans de petits pains ronds et moelleux, la femme de Pa a placé du thon haché avec une très légère mayonnaise, quelques fins quartiers de pomme, le tout généreusement parfumé d’une herbe doucement anisée. Avec la permission du bonhomme, j’en reprend un deuxième.

Nous repartons ensuite chacun dans un des deux mini-bus en fonction de notre hôtel. Le même manège que ce matin reprend en sens inverse. Le bus s’arrête devant un hôtel, des touristes descendent, Pa les rejoint et leur sert la main. La seule différence, notable, est qu’il y a échange d’argent. C’est vrai, je n’ai toujours pas payé. Si ce n’était pas déjà assez pénible, Pa demande à chaque client s’ils ont apprécié cette demi-journée. D’ailleurs, selon lui, nous ne sommes pas obligé de payer si nous ne sommes pas satisfait. Bonjour, le malaise.

Arrive enfin mon tour. Je descend, rejoint par Pa.

« Alors, ça t’as plu ce trek ?

  • Euh… oui, oui. C’était une chouette MARCHE. Et les sandwichs étaient délicieux.
  • Ah, parfait. Ça me fait plaisir.

Comme je suis lâche, je lui ai filé 70$ NZ et suis parti. J’aurai pu lui dire que c’était un peu cher pour ce que c’était et que son show spiritualo-écolo-mystique, je n’ai pas particulièrement adhéré. Sans parler que prendre un guide alors que le chemin était particulièrement balisé, ça me fout les boules. Le pire dans cette histoire est d’entendre le concert de louanges des autres touristes et les remarques péremptoires sur l’absolue nécessité de passer par un guide sans quoi c’est la mort assurée par déshydratation. Décidément, il y a des gens pour qui la moindre nature hors d’un parc municipale est l’aventure du siècle.

La vie sur un lagon

Depuis quelques jours j’ai le privilège d’habiter à 50m d’un lagon. Que dis-je, cinquante mètres !? Si je n’avais pas un compas dans l’œil ce serait même peut être bien trente mètres. Mais peu importe, vous l’avez compris, contrairement au français moyen, j’ai à proximité une masse d’eau translucide astucieusement maintenue à 27°C, elle aussi, pour que l’on ne prenne pas froid. Comme je sais que peu d’entre vous ont eu cette chance, laissez moi vous expliquer mon quotidien à bord de ce lagon.

Commençons par éteindre la lumière, tirer l’écran et allumer le rétroprojecteur. Aujourd’hui, Le Laaaagon (si vous parvenez à le dire façon « The Laaaarch » des Monty Python, c’est encore plus savoureux). Diapo suivante. Un lagon c’est une masse d’eau océanique emprisonnée dans une barrière de corail. Diapo suivante. Sauf exception particulièrement paradisiaque, cette eau est régulièrement renouvelée en partie par le mouvement des marées soit par dessus la barrière soit par des ouvertures dans celle-ci. Diapo suivante. A ma connaissance (qui n’est pas infinie, je le constate), les lagons sont généralement peu profonds car les fonds se forment sur les générations précédentes de coraux morts. Diapo suivante. En conséquence, l’eau y est particulièrement agréable, aux alentours de 27°C quelque soit la température extérieure (je vous jure qu’ensuite j’arrête de le dire). Diapo suivante. Sur Rarontonga, la barrière de corail forme un anneau autour de l’île avec une poignée de passes maritimes connectant le lagon à l’océan. En son point le plus étroit, celui-ci doit bien faire 20m alors qu’en sont point le plus large (à Muri) DSC_8183_DxOil doit dépasser les 500m. Diapo suivante. Chose agréable pour les curieux, le lagon autour de Muri contient également quatre petites îles, de taille croissante du sud au nord. Le Muri Beach Resort se trouve à mi-chemin entre les deux plus petites. Vous pouvez rallumer.

Comme la vie est une série de déceptions uniquement interrompues par de voluptueuses siestes sous des chênes où viennent chantonner de lubriques cigales (je simplifie. En vérité c’est un poil plus complexe), attendez vous à une série de déconvenues lors de votre première exploration. Tout d’abord, avant de se lancer naïvement dans l’eau, il est important de se munir de chaussons de récifs, gratuitement disponibles avec les palmes et les tubas, sans chichi, dans une armoire à côté de l’accueil. Il y a certes de grandes zones sablonneuses sous l’eau mais dans la majorité des cas, et notamment en bord de plage, le fond marin est plutôt constitué de coraux morts très désagréables à la plante des pieds. On m’a également parlé de poissons munis de piquants acérés qui s’enfouissent dans le sable pour mieux se faire écraser. Tout ceci a beau être paradisiaque au premier coup d’œil, c’est un tantinet hostile.

Votre prochaine tâche consiste à traîner votre insubmersible kayak moulé en plastique orange jusqu’à l’eau. L’expérience est intéressante et permet de constater fort aisément que le sable, ça mériterait un coup de lubrifiant. Si le précédent utilisateur de l’insubmersible était particulièrement maladroit, il vous l’aura également laissé affectueusement rempli à moitié d’eau. Prenez donc cela comme un exercice de musculation.

Vous plongez donc les mollets dans l’eau tiède et tirez votre fier vaisseau hors de la plage. Ne soyez pas impatient de vous y installer. J’ai vérifié pour vous le principe d’Archimède et je vous affirme qu’il ne suffit pas à maintenir votre ligne de flottaison suffisamment haute pour que vous ne racliez pas lamentablement le fond rocailleux. En bord de plage, le lagon fait environ 20cm de profondeur. Deux solutions s’offrent à vous, tenter de vous frayer un chemin vers les hauts fonds de ridicules mouvements de bassins et de pagaie dans de sinistres raclements ou bien vous relever, agripper la cordelette et tirer votre kayak sur 30m vers des eaux plus clémentes, le tout sans se tordre la cheville sur le fond inégal. Notez que l’exercice consistant à s’extraire du kayak sans basculer d’un côté ou de l’autre dans la flotte est excellent pour travailler l’équilibre.

DSC_8207_DxOVous avez maintenant suffisamment de fond pour être navigable et êtes parvenu à vous rasseoir dignement dans votre kayak sans le faire basculer. Commence alors la partie la plus difficile physiquement : pagayer. Au début, on trouve cela facile puis, grisé par cette sensation de glisse, voir de vol que renforce une eau transparente, l’acide lactique commence à ronger vos épaules. La découverte d’un nouveau sport est toujours l’occasion de faire un point sur son anatomie en redécouvrant certains de ses muscles. Pour moi, ce fut donc avec joie que je repris connaissance avec les muscles de ma main après une heure de pagayage.

Il n’y a qu’à baisser le rythme, pense t-on, pour soulager son effort. Malheureusement, nouvelle déception, les lois de la navigation sont intransigeantes. Suivant l’heure de votre périple, vous devrez fournir un effort minimum si vous souhaitez réellement allez explorer ces rochers, là bas, à 100m, alors que la marée descendante provoque un courant puissant vous tirant dans l’autre sens. Je ne vous parle pas du vent.

Moi je trouve ça amusant car, encore et toujours, je suis toujours en train de lire les passionnantes (quoique répétitive) aventures du commodore Bolitho (il a une carrière fulgurante ce garçon), officier de la marine royale entre 1770 et 1815. Toutes ces histoires de marins, de hauts fonds et de navigabilité, ça me parle drôlement. Je suis en pleine empathie avec mes épaules qui brûlent.

Il n’empêche qu’au cours d’une exploration particulièrement poussée vers le nord, je suis parvenu à m’échouer. C’est sympathique ces lagons peu profonds où on peu marcher à l’aise sur 200m mais c’est un peu casse pied pour faire du kayak. On se retrouve rapidement à taper de la pagaie sur le fond quand ce n’est pas la coque du bateau (il me plaît de rêver que mon kayak est une frégate, j’ai le droit) qui vient se coincer mollement dans le sable. Avec dignité, je me lève pour tirer de nouveau sur la cordelette et passe une sorte de toute petite cascade en longueur. Elle a beau n’avoir que 10cm de chute, c’est tout de même intriguant. Traînant le kayak derrière moi, je me retrouve de nouveau avec 50cm d’eau et poursuit la route avec la facilité de l’habitude.

Enfin, c’est ce que je crois car en réalité en faisant demi-tour je ne tarde pas à constater que je n’avance quasiment pas. La douleur dans mes épaules ainsi que cette petite chute d’eau m’ouvrent alors les yeux. Je suis en train de remonter péniblement un puissant courant de marée basse s’échappant par une ouverture du lagon non loin de là. J’ai la sensation d’être un petit canard en plastique jaune (bien qu’ici, orange) essayant de lutter contre le tourbillon provoqué par l’ouverture du fond de la baignoire. Je comprend du coup beaucoup mieux pourquoi le chauffeur du bus nous avait indiqué à intervalles régulières les endroits où il était particulièrement dangereux d’aller se baigner. Ils coïncidaient très certainement avec ces passes vers l’océan.

Fort heureusement, ces menus désagréments ne sont rien face à la magie de ce lagon. Ils sont même amusants et puis, un peu d’effort physique, ça ne fait pas de mal. Quel plaisir d’accoster des rives rocheuses, d’y caler son kayak, d’enfiler son masque et son tuba pour ensuite plonger à la rencontre des coraux et des poissons. D’ailleurs, il s’agit ici surtout de poissons car les coraux forment de grands amas, comme des îles sous-marines, de couleur clair plutôt quelconques. On n’est pas ici devant la chatoyante multitude des documentaires. J’imagine que cela doit exister à l’extérieur du lagon. Par contre, côté poisson on est servi. Je suis très mauvais en ce qui concerne le nom de ceux-ci mais je crois bien avoir reconnu un gros mérou. Ensuite, je ne peut que vous décrire des animaux jaunes tigrés, ou bien tout en long argenté et bien d’autres formes dont je ne me souviens pas. Le comportement oscille suivant l’espèce entre l’indifférence (snob), la crainte ou la curiosité respectueuse.

Une fois que vous vous êtes lassé de cette revue piscicole, vous émergez de l’eau pour constater que votre kayak a gentiment dérivé sur 20m, l’imbécile. Ou plutôt c’est moi l’imbécile qui ne l’avait pas assez bien coincé sur les rochers. Une petite brasse plus tard, vous voilà de nouveau sur votre insubmersible à la recherche de nouveaux coins à explorer.

Je me demande si on peut être payé pour faire ça ?

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Un tour de l’île

Il faut que je vous avoue un truc, j’ai eu le privilège quand j’étais petit de séjourner dans des îles paradisiaques. Je vous fait croire que je découvre cette expérience, alors qu’il n’en est absolument rien. A l’époque où je fréquentais les filles de consuls de pays moyennement orientaux, mes parents avaient pour habitude de revenir mollement vers la France pour les fêtes de fin d’année. Je dit mollement car nous en profitions généralement pour faire quelques escales et découvrir de nouveaux pays. C’est lors de deux de ces occasions que j’ai pu passer quelques temps aux Seychelles (Océan Indien) et à Hawaï (Océan Pacifique pour les personnes atteintes de déficiences géographique). Donc, côté île paradisiaque, ça va, ha ha ha, j’commence à connaître.

L’île de Rarotonga, et bien, elle est beaucoup plus modeste. A l’origine, lorsque je planifiai mon tour du monde, je souhaitai m’arrêter aux îles Samoa, histoire de profiter d’une île polynésienne loin des sentiers hyper touristiques, tel que je les imagine à Tahiti ou Bora Bora. Malheureusement, les Samoas, c’est tellement en dehors des sentiers hyper touristiques que c’est extrêmement cher pour y aller, à moins d’y aller à la nage ou à la rame. C’est donc Elodie de l’agence de voyage à Londres qui m’a suggéré plutôt les îles Cook. J’ai du lui répondre un truc du genre « C’est où ça ? ».

L’archipel des îles Cook est vaste. Il est constitué de deux grosses poignées d’îles formant en réalité deux archipels, nord et sud, distants de 600 km entre l’île la plus au nord de l’archipel sud et l’île la plus au sud de l’archipel nord. Je vous laisse quelques secondes pour bien comprendre cette phrase. Chaque archipel est lui même extrêmement vaste, au moins 1000km d’est en ouest. Ce doit être un casse-tête administratif car la capitale du pays, Avarua, se trouve sur l’île de Rarontonga (ta-tsoin, là où je me trouve) grossièrement quasiment au sud de l’archipel du sud. Je vous donne encore quelques secondes.

DSC_8189_DxOAfin de vous éviter de pénibles lectures de Wikipédia, sachez que l’île fait une trentaine de kilomètres de circonférence. Ce n’est pas énorme. Dis autrement, pour les moins calés en mathématiques niveau 4ème, son diamètre est d’à peu près 10 km. Ce n’est pas l’Australie. C’est une île volcanique, comme il est très aisé de le constater en tournant le dos à la mer. Des très jolis monts acérés couverts de jungle accrochent les nuages, le plus haut culminant à 650m. Vous pensez bien que la quasi-totalité de la population vit sur le mince anneau côtier.

En ce qui concerne cette capitale, Avarua, je n’ose employer le mot « ville » pour cette bourgade qui regroupe, à tout casser, à peine 5500 habitants pour la plupart dispersés dans des maisons. Le centre ville est assimilable au kilomètre et demi de route circulaire qui la traverse ajouté de deux ou trois petites rues perpendiculaires.

DSC_8186_DxOEn dehors de cette agglomération, quelques villages sans aucun centre se dispersent tout autour de l’île. Qu’y a t’il entre, alors ? Et bien la même chose. Lorsqu’on parcourt cette route circulaire en bus, en vélo ou en scooter (votre serviteur n’ayant utilisé que les deux premiers) il est très difficile de savoir où commence un village ni où il se termine. Des maisons, magasins, églises ou écoles se rangent gentiment de part et d’autre avec de larges espaces entre chacun. A certains endroits, le côté maritime est dénué de toute habitation et la route longe alors directement la plage.

DSC_8237_DxOA intervalles réguliers, des petites routes perpendiculaires s’enfoncent dans les terre et mènent à une série de routes parallèles à la côte forment une deuxième voie de circulation secondaire autour de l’île. Pour m’y être enfoncé à vélo, c’est par là que l’on trouve les quelques plantations, vergers et exploitations agricoles de l’île. Mais c’est surtout dans cette bande de terre que se logent les habitants dans des maisons de divers tailles et qualité munies d’un jardin.

Comme vous vous en doutez, la côte est réservée principalement aux hôtels et restaurants. En disant cela, je ne voudrais surtout pas vous donner une fausse image de l’île. Elle est très loin d’être surexploitée touristiquement parlant. Il y a certes un grand nombre d’établissements mais ils sont relativement espacés, modestes et discrets (tout étant relatif, bien entendu). D’ailleurs en de DSC_8205_DxOnombreux endroits, la plage est accessible sans soucis directement de la route et n’est jamais privatisée. Voilà un bon point pour les rarotongiens.

Comme je suis un peu masochiste, je suis allé fouiner avec mon vélo rouillé gracieusement offert par le Muri Beach Resort vers l’intérieur de l’île. Assez rapidement les routes s’élèvent. Je réitère d’ailleurs mon avertissement. La route principale de l’île a la taille d’une départementale donc toute route secondaire est du niveau cantonal. Celles-ci serpentent tranquillement au fond d’étroits vallons à la dense végétation, avant de se transformer en larges chemins de terre. On y croise d’ailleurs toujours des habitations mais aussi des ruisseaux qui alimentent l’île en eau potable. Bien entendu, ces petites routes se terminent en cul de sac. Au delà, c’est la jungle.

Revenons sur la côte. L’air est plus vif, 27°C au lieu de 27,5°C. On ne tarde pas à constater, surtout si on se tape l’heure de bus circum-insulaire, qu’en plus de ses nombreux hôtels, DSC_8161_DxORarotonga héberge quasiment une égale quantité d’églises de toutes sortes et de toute foi, à condition qu’elle soit chrétienne. Une discussion que j’aurai plus tard avec un insulaire (je vous narrerai cela dans un prochain billet) m’apprend que les habitants sont extrêmement croyants et ouverts aux religions. Ceci dit, encore une fois, il s’agit pour l’essentiel de religions chrétiennes (y compris baptistes, pentecôtistes et même mormons). Pour une population totale de 15000, ça fait une sacré offre religieuse. Le dimanche, c’est donc l’occasion d’assister au sublime clash esthétique entre des rarotongiens qui ont troqués leurs tongues / schlappes / gougounes / claquettes, t-shirt et shorts pour des habits de villes en blanc et noir, et les quelques touristes en couleurs criardes doigts de pieds et jambes à l’air venu regarder de loin.

Fort heureusement, le rarotongien, pour peu que j’ai pu l’étudier, est bien sympathique. Voilà une belle généralité, me direz vous. C’est vrai mais il faut bien l’avouer, la plupart des gens sont souriants (pas autant que mes vietnamiens, tout de même), nonchalants et particulièrement biens nourris. Ça, question bouffe, on ne doit pas mourir de faim là bas. D’ailleurs, en parlant des habitants, je viens d’être frappé par un fait étonnant. On y rencontre très peu de commerçants indiens, pourtant promptes à s’installer partout, ou de kebabs turques. C’est pour vous dire comme ce n’est pas non plus hyper connu. J’ai juste croisé trois personnes d’origine d’Asie du sud est (Chine ou Vietnam, je ne saurai conclure) qui tenaient la petite échoppe de tailleur où j’ai fait retailler un pantalon acheté à l’arrache à Auckland.

Tout ça pour conclure que Rarontonga, bien que touristique, surtout vis à vis des néo-zélandais et dans une moindre mesure vis à vis des australiens, l’île reste sympathique. J’appellerai ça du tourisme de masse nonchalant, si vous voyez à peu près où je veux en venir. Et puis, si vous êtes fans de liturgie chrétienne, vous allez vous régaler.

Marions sous la pluie

Avertissement : Le billet qui va suivre peut causer de graves troubles auprès d’un public enclin à la jalousie.

Petit rappel des évènements précédents. Alors que j’avais réservé une chambre avec kitchenette dans un hôtel proche du centre bourg d’Avarua, je me retrouve trimbalé sur un autre hôtel un quart de tour dans le sens horaire plus loin, le tout pour le même prix mais sans le troupeau de sympathiques apprentis instituteurs australiens fourni avec le premier hébergement. Y ai-je gagné au change ? Fondu au noir, fin du générique.

Oui. Et non.

Commençons par de bêtes considérations de confort matériel. Ayant réservé juste deux semaines à l’avance, le choix était mince et j’avais opté pour un endroit moyenne gamme. Avec tout ça, j’ai explosé le budget par rapport aux auberges de jeunesse, environ 75€ par nuit. Ceci dit, j’ai connu un motel à 90€ la nuit non loin de Melbourne qui était beaucoup moins sympathique.

DSC_8167_DxOC’est bien simple, et pour abréger le suspense envieux, ma chambre est un appartement. Pour tout vous avouer, il est même plus grand que mon F2 à Toulouse, qui lui, n’est pas situé à 50m d’un lagon bleu turquoise par temps ensoleillé et bleu gris clair par temps gris. Chambre agréable avec lit double, salle de bain également plus grande que la mienne avec douche ET bain / jacuzzi (que je n’ai pas utilisé, ne sachant pas trop quelle est ma température de cuisson), un grand salon / salle à manger muni de sa table ronde en verre et d’un canapé, télévision écran plat avec 4 chaînes (oui, bon, ça à la limite) et la sus-mentionnée kitchenette équipée de plaques vitro-céramiques, réfrigérateur et micro-onde. Devant, sous le patio, deux chaises longues et une autre table d’extérieur permettent de se prélasser au vue des voisins.

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Oui, car mon bungalow / appartement se situe à proximité de la piscine centrale (quasiment à jet de crachat) et du restaurant / bar (à un jet de pierre d’enfant). Si je part tout droit de ce qui est dorénavant mon nouveau chez moi pendant 8 jours et traverse une rase pelouse, je trébuche sur trois marches en rondins de bois et m’affale sur la plage de sable blanc sale. On a beau être sur une île paradisiaque, la marée, elle ramène toujours des saloperies, lagon ou pas. En définitif, je DSC_8184_DxOpeut donc conclure que j’y ai gagné au change. Pourtant, je n’ai pas l’impression que ce soit du grand luxe. Ah, si. Pardon. Je viens de regarder les tarifs sur internet. C’est plus du double. Elle est drôlement sympathique, la gérante du Paradise Inn, finalement.

Ce n’est pas tout, dans la cuisine je trouve quelques aliments de survie comme du café en poudre, du sucre et de l’huile de cuisson. Les placards sont remplis de vaisselle. Parfait. Il y a même un grille-pain ainsi qu’une bouilloire électrique . C’est donc ça le confort moderne ?

Côté activités, l’hôtel met à disposition gratuitement des palmes, tubas et chaussons de récifs pour faire du snorkeling (plus de détails là dessus dans un autre billet) et, encore plus sympathique, des kayaks de mer avec leur pagaies. Ça, c’est la classe. Le Muri Beach Resort, mon nouvel hôtel, est situé le long du lagon de Muri, l’endroit le plus large du lagon entourant toute l’île. Directement en face de l’hôtel, DSC_8185_DxOdeux petites îles à l’intérieur du lagon apportent un peu de variété et des pistes d’exploration pour le kayak. Un ton en dessous, trois vélos tout terrains en fin de vie et piquetés de rouilles, sont fournis à titre indicatif. L’île est truffé de loueurs de vélos (électriques ou pas), scooters ou voitures mais ça peut toujours dépanner.

Si on remonte l’allée centrale menant à la route principale, on tombe sur une supérette / station essence, idéale pour les petites courses (à un tarif toute de même assez élevé), comme on en trouve régulièrement le long de cette route circulaire. En la suivant à pied sur cent mètres dans le sens anti-horaire, après avoir passé un ou deux autres petits complexes hôteliers similaires au Muri Beach Resort, on trouve de part et d’autre de la route deux bars / snacks. L’un d’eux, hébergé dans une maison basse à l’aspect colonial propose des pâtisseries de bonne qualité et fait également office d’épicerie fine plutôt de luxe, le tout à des prix légèrement au dessus de la moyenne rarotongaise, déjà légèrement au dessus de la moyenne néo-zélandaise. Vu son nom, Le Bon Vivant, ça n’a rien de surprenant. Idéal, pour un goûté après une bonne séance de pagayage.

Pour résumé, question confort matériel et embourgeoisement, il n’y a rien à redire. J’y gagne drôlement au change. Seul point noir, il n’y a pas d’internet gratuit. Mais ça, j’en parlerai une autre fois.

Question ambiance, par contre, c’est un autre style. Mes voisins sont beaucoup moins dynamiques et ouverts qu’au Paradise Inn. Couples retraités, avec enfants ou simplement en amoureux, chacun reste un peu chez soi ou autour de la piscine. Sans parler que je passe la plupart de mon de temps à bosser dans mon salon ou à me balader sur le lagon en kayak. Seules exceptions mineures à la règle, la soirée « buffet » au restaurant et la retransmission du match de rugby Nouvelle-Zélande vs. Tonga.

Pour la première, c’est encore une fois l’occasion pour moi de constater qu’en ce qui concerne la nourriture, les réflexes naturelles et la peur du lendemain reprennent le dessus. Le buffet s’est retrouvé passablement dévalisé au moment de mon entrée en action tout ça par la faute de la serveuse qui avait carrément oublié de me servir mon cocktail. J’attendais patiemment son arrivée avant d’attaquer, ne voulant pas ruiné le goût subtil de fruits par des bouchés de crevettes épicées. Encore un véritable problème de riche, je le concède.

A l’occasion d’un test match entre les All Blacks et les Tongas, je suis allé au bar rejoindre les sept autres personnes présentes, pour l’essentiel des retraités, afin de bénéficier de l’écran géant. Tiens, si nous avions été dans une auberge de jeunesse, le public aurait été bien plus important et enthousiaste, j’en suis sur. Voilà ce que c’est que de proposer trop de confort. Les gens restent chez eux. Ou alors c’est qu’ils n’aiment pas le rugby, ce que j’ai du mal à croire vu la forte proportion de kiwis chez les clients de l’hôtel. En tout cas, l’ambiance pendant le match est polie mais distante, bien que crispée lorsque les tongiens aplatissent un premier essai après un quart de jeu. Finalement, les seules à vraiment s’emballer sont les deux serveuses du bar.

En vérité, je croise beaucoup plus de monde que cela au Muri Beach Resort. Je crois qu’en plus du tourisme, une des activités économiques principale de l’île est le mariage. En tout cas, ça a bien l’air d’être le cas pour mon hôtel qui accueille quasiment tout les deux jours une nouvelle cérémonie. Les conséquences ne sont pas bien désastreuses, fort heureusement. Hormis la privatisation du bar / restaurant et une ambiance légèrement plus festive que la moyenne le soir, elle se limite la plupart du temps qu’à des séances photos en costume sur la plage. Ça m’oblige à faire un détour pour accoster avec mon kayak et le trainer sur vingt mètres jusqu’à son emplacement de stockage tout en essayant de ne pas apparaître dans le cadre. Rien de bien méchant.

J’étaient à deux de doigts de m’énerver sur l’industrie du mariage sur carte postale (et sur une nouvelle marque du manque d’imagination des mes contemporains) lorsque je constate que les mariages auquel j’assiste de loin ont lieu entre rarotongiens. Je ne suis pas particulièrement physionomiste mais quand le marié ressemble à Jonah Lomu et la marié à une vahiné légèrement empâtée (oui, elles ne sont pas toutes comme sur les photos), ainsi que la majorité de l’assemblée, quelque chose me dit que ce sont des locaux. D’ailleurs, je vous parlerai plus tard de l’importance de la religion sur l’île, histoire d’ajouter du poids à mes dires.

Du coup, côté ambiance, il faut bien avouer que ce n’est pas aussi folichon qu’au Paradise Inn. Ceci dit, il ne tient qu’à moi d’aller sympathiser en bord de piscine. En même temps, j’avoue que ça fait du bien pendant quelques jours de juste vivre une petite routine, faite de courses, de préparation de repas, de pagayage, de snorkeling et de travail entre tout ça.

Le tout sous 27°C ? Oui. Même si, comme l’indique le titre de ce billet, il arrive parfois de pleuvoir. Au prix qu’on paye, tout de même, ils pourraient…