Je suis invariablement attiré par la côte. Je ne dois pas être le seul, notez. Alors, quand je me suis rendu compte (assez tôt, il faut bien le dire) que le logement à San Francisco allez sérieusement greffer mon budget, j’ai décidé de partir voir ailleurs pendant une petite semaine si l’herbe est moins chère. Parce que j’ai n’ai aucune logique ni cohérence en vacance, je réserve donc une voiture de location (encore, c’est bien dommage) pour le prix de trois jours d’auberge de jeunesse sans compter l’essence, histoire d’avoir un maximum de liberté. Au niveau budget, je ne suis pas sur que la décision était plus sage.
Derrière tout cela, il y a également une autre motivation, autre que financière. C’est surtout que je meurt d’envie de découvrir le nord de la Californie. Lors de ma précédente visite à San Francisco il y a quelques années, au moment de l’approche, j’ai pu apercevoir dans un magnifique soleil déclinant un volcan solitaire au nord, cône magnifique tel la Montagne du Destin du Mordor. Vu mon échec à en apercevoir un en Nouvelle-Zélande, j’étais bien motivé pour aller voir cela de plus près. Mais, figurez-vous, que ce n’est toujours pas ma motivation principale. Non, en réalité, je veux aller voir de mes propres yeux la côté déchiquetée du nord de la Californie, là où se situe l’action du film « Les Goonies », chef d’oeuvre du 7ème art par Steven Spielberg. Je rêve de me poser dans une petite ville côtière adossée à de sombres collines boisées et prendre des leçons de surf pendant quelques jours, en partant pendant mes heures de repos à la recherche de trésors perdus avec les gamins oisifs du coin.
Après quelques recherches sur Google, je note la petite ville d’Arcata. Il semblerait que ce soit une des villes les plus agréables à vivre de la Californie, située sur la côte, plus ou moins aux deux tiers de la distance qui sépare San Francisco de l’Oregon. A part cela, je n’ai aucune idée des paysages à traverser. Je récupère donc ma voiture de location et traverse San Francisco puis le Golden Gate Bridge. De l’autre côté, on rentre dans le comté de Marin, tout de suite beaucoup plus sauvage et c’est d’ailleurs ça qui est génial avec la ville, sa proximité avec une nature protégée.
Après une petite demi-heure où je tourne en rond dans le Golden Gate National Recreation Area, la zone préservée au nord du pont, à la recherche d’une route côtière qui n’existe pas, je rejoint la highway 1, la route qui parcourt toute la Californie du nord au sud en suivant l’océan. Ce doit d’ailleurs être une des routes les plus spectaculaires à faire des Etats-Unis, notamment pour sa portion au sud de Monterey où, pendant une centaine de kilomètres on emprunte la zone montagneuse et sauvage de Big Sur.
Rapidement, je me trouve sur une route tranquille, croisant un nombre relativement réduit d’autres véhicules. La portion de route au nord de San Francisco s’avère être relativement montagneuse et très similaire à Big Sur. C’est sauvage avec de nombreuses petites criques et plages où parfois quelques surfeurs tentent de pratiquer leur art entre les rochers et récifs. Le soleil perce parfois à travers la brume habituelle qui remonte du Pacifique.
Progressivement le paysage se transforme légèrement, abandonnant les montagnes plongeant directement dans l’eau pour des collines plus douces couvertes de pins sombres, les fameux redwood californiens. Je croise épisodiquement des petites bourgades tranquilles aux maisons et bâtiments en bois. On est vraiment très loin de la surpopulation. Je m’arrête à une de ces petites villes pour faire des courses dans une épicerie. L’ambiance est assez écolo avec de nombreux produits « organiques » ou locaux, très loin de l’image de bouseux américain tel qu’on pourrait l’imaginer dans l’arrière pays. Cette ambiance écolo-progressiste est renforcée lorsque j’allume la radio. Un rapide balayage du spectre ne révèle qu’une seule station, NPR, National Public Radio, une sorte de France Culture au statut de droit privé, mais à but non lucratif. L’émission en court a pour thème l’écologie et le développement durable avec des présentateurs à la voie douce et au débit mesuré. Ça tranche avec les radios hurlantes et frénétiques de San Francisco ! Je me laisse porté par le débat en suivant la double marque jaune de la route sinueuse, l’océan à ma gauche et les pins à ma droite.
Ces rares petites lieux que je croise répondent au nom de Bodega Bay, Mendocino, Fort Bragg ou Fort Ross. Je découvre avec étonnement dans ce dernier lieu que ce fut une colonie Russe, abandonnée aux américains au milieu du 19ème siècle. D’ailleurs, je viens de découvrir sur internet qu’il y subsiste une église orthodoxe en bois de cette époque. Qui a dit qu’il n’y avait pas de bâtiments anciens dans cet état?
Finalement, je dois quitter la côte et rentrer dans les terres. La dernière portion jusqu’à Arcata est entièrement sauvage sur une centaine de kilomètres. En échange, je me plonge dans de sombres collines recouvertes de gigantesques pins. Avant de parler des Goonies, me voici presque dans un épisode d’X-Files. Il faut dire que le soleil commence à décliner, le trajet total faisant près de 400km. Je me résous donc à accélérer le pas et bascule sur l’autoroute 101 (celle là même qui traverse toute la Silicon Valley).
C’est finalement de nuit que je parvient à trouver mon hébergement à Arcata. Mais ça, ce sera pour un autre billet.