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Napa

Une journée plus tard, j’ai déjà quitté le nord de la Californie et les forêts de pins pour revenir dans la région de la baie de San Francisco. Je dois déjà rendre la voiture de location le surlendemain et me rapproche donc pour éviter toute course de dernière minute. C’est donc dans un motel glauque de Vallejo que je planifie les journées qui viennent. D’ailleurs, à ce propos, je me demande si le terme « glauque » n’est pas finalement indissociable du terme « motel ». Après le Motel 6 de Weed, l’America’s Best Value Inn de Vallejo et même le Quinta Inn d’Annaheim, je viens à conclure que nos Formule 1 français sont riants et joyeux à côté. Sans trop rentrer dans les détails, les chambres sont sombres, les fenêtres bloquées et surtout, une odeur prégnante et entêtante de déodorant bon marché, à défaut de rassurer, provoque l’effet contraire.

Pour commencer, je part explorer la vallée de Napa, non loin de là. C’est d’ailleurs le but de la région, les vallées viticoles de Napa & Sonoma au logement malheureusement inaccessible d’un point de vue financier. Suite à mon séjour de 3 ans en Bourgogne, je garde une affection particulière pour les régions à la forte tradition viticole. Je m’attaque donc en voiture à la Napa vallée avec un sentiment de forte curiosité et de joie. Je m’imagine emprunter des petites routes de campagnes bordées de vignes voir de me poser dans un champs pour pic-niquer, la baie de San Pablo et de San Francisco au loin. Oui, car pour ceux qui n’auraient pas la curiosité d’ouvrir leur atlas, les vallées de Napa et Sonoma sont directement au nord de la baie.

Tout d’abord, force est de constater que le commerce du vin a l’air d’être florissant par ici. Le meilleur indicateur est la taille des propriétés et l’aspect cossu des maisons (ou manoirs, par moment). Tout ceci respire les dollars à plein nez. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant, ces deux vallées étant parmi les plus réputées des Etats-Unis. En Bourgogne ou dans le Bordelais, voir même dans les vallées viticoles autour d’Adélaïde en Australie, ce n’est pas si différent. Les maisons y sont également fort bien entretenu. La différence, par contre, c’est que cette richesse est ici beaucoup plus tape-à-l’oeil est ostentatoire.

De plus j’ai l’habitude de belles maisons anciennes accolées à des parcelles modestes. Ici, les parcelles sont relativement grandes et les maisons, plus loin, regroupées entre elles. A mon grand désespoir, la quasi-totalité des parcelles sont clôturées, et les chemins privés. Impossible d’aller se perdre dans des petits chemins montant dans les collines comme en Bourgogne. Tout est inaccessible. Mis bout à bout, tout ceci m’évoque une culture plus industrielle et moins artisanale du vin.

Je tente pendant quelque temps de trouver une route montant dans les collines boisées mais sans succès. Comme à chaque fois que je tente cette approche dans cette région, je constate qu’il y a une stricte séparation entre les zones habitées et les zones sauvages, contrairement à la France. C’est assez frustrant lorsqu’on n’est pas habitué.

Je me rabat donc vers la ville de Napa, centre de la région. Celle-ci porte également des marques de richesse et de haut embourgeoisement : voitures haut-de-gamme, bâtiments impeccables, restaurants chics à la clientèle portant lunettes de soleil et habits classes. L’architecture n’est pas particulièrement intéressante et hormis un jardin aromatique cultivé par un des chef fameux de la ville, bordant la mince rivière de Napa (ils ne se foulent pas trop pour les noms ici), je ne note rien de particulier. En désespoir de cause, je me gare à côté d’une DSC_8548_DxOhalle couverte à côté duquel se tient un autre « farmer’s market ». De nouveau, j’ai un sentiment de tendresse en constatant que les californiens redécouvrent les plaisirs simples du marché à l’ancienne. Je déambule donc à travers les quelques stands, toujours estampillés majoritairement « organic ». Un panneau d’interdiction d’accès au chien pour des raisons hygiéniques me fait de nouveau réfléchir au côté parfois DSC_8550_DxOtotalement irrationnelle des risques sanitaires. Aurait-on l’idée d’interdire aux mamies d’amener leur chien au marché du mercredi en France ?

Alors que je m’apprête à repartir après avoir acheté quelques pêches locales, un « hello » féminin m’interpelle. Je me tourne vers l’origine de cette interpellation, certes amicale, mais tout de même.

<Ralenti et musique genre « Take My Breath Away » de Top Gun>

Une femme sublime aux cheveux roux tirés en arrière et aux lumineux yeux verts me sourit chaleureusement d’un sourire étincelant digne d’une publicité de dentifrice. D’une voix exquise, elle m’invite à gouter un échantillon de son produit, une sorte de pain d’épice révolutionnaire que l’on peut toaster. Je lui répond « Glumpfxxsh rhreeuh, glups » et prend machinalement le morceau qu’elle me temps, hypnotisé par son regard. Je mâche toujours en mode automatique avec un grand sourire pendant qu’elle m’explique très très très loin, le son de sa voix richement nappée d’une réverbération cathédrale, les avantages de son produit fait artisanalement par elle même avec ses propres mains sublimes. Au prix d’un contrôle mental surhumain, je parvient à retrouver une syntaxe acceptable et un esprit plus clair.

<Fin du ralenti et de la musique>

Je l’écoute attentivement, toujours un sourire aux lèvres en l’encourageant à continuer pendant que je la regarde. Elle est vraiment magnifique et touchante car elle se lance manifestement toute seule dans cette aventure. Par contre, je tente de me concentrer sur le goût de son pain d’épice pour être un minimum sincère. Peine perdu. Je lui lance donc un banal « no, its good, really » un tantinet hypocrite. Totalement sous le charme, je m’arrache malgré tout à son stand en lui souhaitant bonne chance. Après quelques renseignements (internet fait des miracles, signe qu’il faut faire très attention à ce qu’on y met), je découvre que c’est une ancienne actrice d’Hollywood qui après quelques années de second rôles, a décidé de commercialiser une recette de pain d’épice qu’elle a elle même créée.

N’empêche que c’est fou, ce n’est pas au marché local de Lavaur, dans le Tarn, qu’on croiserait des actrices sublimes vantant les mérites des grattons de canard ! C’est aussi ça la Californie.

Mount Shasta

La région de Mount Shasta ne regorge pas de centres urbains mais les quelques qui trainent sont d’un intérêt pour le moins, limité. Mais commençons par un petit contexte géographique. Le mont Shasta est un volcan situé au nord de la Californie, à une petite centaine de kilomètres de la frontière avec l’Oregon. Il fait partie d’une chaine volcanique, la chaine des Cascades, qui part de la frontière canadienne de l’état du Washington jusqu’à une centaine de kilomètres au sud du mont Shasta où se trouve les deux derniers volcans, hauts de 2500m.

Le mont Shasta est un des plus haut volcan de cette chaine puisqu’il tape juste au dessus de 4300m d’altitude. Ce n’est pas rien. Je vous rappelle qu’il n’y a aucun somment de 4000m dans les Pyrénées. De plus, le dénivelé par rapport au terrain aux alentours est de 3000m. Vous pensez bien qu’il est donc particulièrement aisé de le repérer surtout qu’il est le seul dans les environs, de cette taille-ci. D’ailleurs, vous ne manquerez pas de remarquer qu’il n’est pas parfaitement conique, à ma grande déception. Il y a plutôt deux cônes, le mont Shasta, le plus haut et Shastina, un cône légèrement au nord-ouest du premier, 600m plus bas. De profil, venant de l’ouest, ça ruine tout.

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Il y a donc le volcan, quelques hautes collines couvertes de forêts de pins aux alentours vers l’ouest et une plaine vers le sud-est. Au pied de la montagne à l’ouest se trouve la ville du même nom, ce qui est bien son seul intérêt. Non franchement, passez votre chemin ou servez vous en comme base arrière pour faire des DSC_8504_DxOrandonnées. De plus, comme elle est très proche (on ne peut pas faire plus), les logements sont relativements rares. Plus au nord vous avez la bourgade de Weed (toujours aussi amusant comme nom), également pourvu en motels déprimants, dont l’intérêt autre que le logement est lui, par contre, absolument nul. Ni allez surtout pas pour faire des visites culturelles. C’est… nul.

Alors qu’est ce qu’il y a à faire dans la région ? Et bien je ne vous cache pas qu’il faut être plutôt branché nature, ballades, VTT ou kayak. Il est possible de monter jusqu’au sommet avec un peu d’équipement, mais 4000m, ce n’est pas anodin. D’ailleurs, il semblerait que ce soit un volcan sous surveillance. On le suspecte de faire semblant de dormir.

DSC_8510_DxOComme dans tous les parcs que j’ai visité aux USA, les chemins de randonnées sont très bien indiqués. Ça en devient même presque frustrant. Je me suis donc contenté d’une petite marche au sommet de Gray Butte, un des petits dômes sur la pente sud, qui avec 200 petits mètres de dénivelés permet d’avoir une vue panoramique sur le volcan, le tout sous un ciel immaculé, un franc soleil et, malgré les 2400m d’altitude, une agréable température printanière. DSC_8538_DxORésultat ? Ça vaut le détour et j’y suis même resté un bon moment à contempler, lire et faire la sieste, jusqu’au soleil déclinant. De toute façon, il n’y a rien d’autre à faire.

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Road to Mt. Shasta

Pour vous remettre dans le contexte, je vous rappelle que je viens de proposer à une petite suissesse légèrement baba-cool de l’amener du côté de Mount Shasta pour qu’elle puisse rejoindre sa bande d’ami dans un Rainbow Gathering, une sorte de communauté hippie improvisée. De toute façon, c’est sur mon chemin car, moi, j’y vais à Mount Shasta. Nous nous mettons donc d’accord pour se retrouver au Redwood Lily guesthouse juste après midi. Chacun part vaquer à ses occupations en attendant, notamment moi qui fait le tour du marché et du CoOp d’Arcata pour acheter de quoi manger.

DSC_8495_DxOEn vacance, pas de violence. N’empêche que parfois, on se tape sur les doigts de ne pas s’appliquer une rigueur organisationnelle quasiment indispensable lorsqu’il s’agit de coordonner plus d’une personne. Je reviens donc à la guesthouse peut après midi et part à la recherche de Sabita. Elle n’est pas là mais, pas de panique, l’heure de rendez vous est assez lâche. Je me pose donc dans un des confortables fauteuils pour reprendre les aventures de Dick Bolitho, quelque part en méditerranée en pleine guerre napoléonienne. Une heure plus tard, je commence un peu à trouver le temps long, mais sans m’agacer pour autant.

C’est finalement peu après 14h que la jeune suissesse retourne à la guesthouse. Entre temps, Christine, la new yorkaise croisée au petit-déjeuner, avait parvenu à la joindre sur son portable pour s’enquérir en mon nom de son retard. Malgré cela, je ne parviens pas à être énervé ou en colère. Après tout, on est dans une atmosphère peace & love, ici, sans parler de mon manque de précision dans les consignes : after noon (après midi), c’est un peu vague et peut tout aussi bien dire juste après 12h que quelque part vers 14h-15h. Ça m’apprendra à ne pas être ferme.

J’attends encore un peu que Sabita rassemble ses multiples sacs, ses affaires ayant depuis longtemps débordés de son sac à dos d’origine, puis finalement, nous chargeons la voiture et quittons Arcata. Le temps frais et gris ne fait rien pour nous retenir.

La route pour Mount Shasta fait environ 350km mais c’est sans compter sur les limitations de vitesses américaines. En même temps, nous ne sommes pas vraiment pressé et la seule limite que je me donne est d’arriver à Mount Shasta avant la tombée de la nuit. D’ailleurs, de manière assez comique, ce motel se trouve dans la petite bourgade de Weed, au nord du volcan. On est en plein dans l’esprit flower power. Cette route commence par tracer complètement à l’est par dessus la chaine de montagne côtière pour rejoindre la ville de Redding, avant de repiquer au nord pour le dernier tiers du parcours.

DSC_8493_DxOCette première portion traverse donc la chaine de moyenne montagne qui borde toute la Californie. De manière assez spectaculaire, une fois passé un col, nous quittons les nuages pour plonger dans le soleil. En se retournant, une longue et basse langue nuageuse se déverse mollement du côté Pacifique vers la vallée ensoleillée. La température est à l’avenant, estivale avec un vent chaud surprenant mais bienvenu. On finira le restant de la route jusqu’à Redding les fenêtres entrouvertes profitant de cet air sec et chaud.

Inutile de préciser que tout ce trajet est l’occasion de papoter avec Sabita, rouquine aux cheveux longs dans un accoutrement baba-cool, et de discuter de voyages. A l’origine venant de Zurich elle a déjà pas mal voyagé malgré ses 25 ans, environ, toujours en mode routard mais souvent avec des amis, parfois en faisant du stop. Elle n’est pas totalement inconsciente mais, encore une fois, les angoisses des uns ne sont pas forcément celles des autres. Deux européens aux Etats-Unis, on partage le même sentiment de vide lorsqu’on traverse les petites bourgades sans charme le long de la route.

Autre point commun, il s’avère que Sabita a passé quelques mois à Auroville, la communauté utopique à proximité de Pondichéry, en tant que visiteur extérieur. Contrairement à moi, elle a pu côtoyer la communauté et surtout, pénétrer dans le saint des saints, le Matrimandir (coup de tonnerre). Souvenez-vous, le Matrimandir (tataaaaa!) c’est le gros bâtiment en forme de boule au milieu du village qui contient une salle de méditation. Je m’en étais fait tout un mystère avant que Sabita m’annonce avec nonchalance y avoir effectué une séance de méditation, elle la non-initiée. Finalement, on y rentre comme dans un moulin. Bravo le mystère! Ceci dit, elle avoue que bien que l’ambiance soit très internationale et agréable il y a une légère séparation entre les gens de la communauté et ceux de l’extérieur. Aaaah, c’est quand même un peu mystérieux alors.

DSC_8496_DxOC’est finalement vers les 18h que nous pénétrons dans la ville de Mount Shasta, au pied du volcan. Sabita tente de me guider vers son point de rendez-vous en suivant les indications laissées par ses amis. Nous roulons pendant une demi-heure en s’éloignant de la ville, en longeant un lac bordé d’une forêt de pins. On s’arrête et la suissesse part interroger les rares personnes rencontrés. La Rainbow Gathering est encore plus loin, encore plus isolée au milieu de la forêt. J’avoue être à la fois curieux de connaître ça mais à la fois pressé de me poser au motel après quatre heures de route.

Finalement, nous repérons un bus délabré garé sur le côté au milieu d’un endroit dégagé. Quelques personnes à l’aspect débraillé et dreadlocks sont assises sur le toit. Sabita descend et part à leur rencontre. C’est confirmé, c’est bien ici. Le campement est encore plus loin à pied dans la forêt. Elle me propose de venir boire une bière avec ses amis. J’hésite. Ce n’est pas tout les jours que l’on peut assister à une fête hippie au 21ème siècle. Lâchement et de manière un peu casanière, je décide de décliner en laissant la porte ouverte pour passer une autre fois. Je compte rester deux jours dans les parages pour randonner et aurait donc le temps.

Finalement, je ne reviendrai jamais, faute de motivation. Avec la fête de village en Inde, je suis sur que ce sera quelque chose que je regretterai plus tard.

Trinidad

Il faut arrêter de fantasmer à propos de la météo californienne. Le soleil il se cantonne surtout dans le sud, Los Angeles jusqu’à San Diego. Au nord de San Francisco, le long de la côte, c’est beaucoup moins glamour, la faute, sans doute à ce fameux courant froid qui longe toute la côte de Vancouver jusqu’à la Basse-Californie, provoquant de nombreuses brumes maritimes. Accessoirement, ça implique également que l’eau est en moyenne entre 8-10° en cette saison, ce qui même en présence d’un franc soleil, refroidi considérablement mes ardeurs de faire du surf, combinaison ou pas.

Maintenant que je suis totalement démotivé pour m’initier à la joie d’attendre une vague parfaite des heures dans de la flotte glaciale, il me reste encore à réaliser mon autre projet nord-californien, partir à la recherche des Goonies. Un matin, je demande donc au jeune homme à l’accueil de ma guest house (je vous en parlerai dans le prochain billet) ce qu’il y a de chouette à voir aux alentours, notamment en matière de petite ville côtière adossée à de sombres collines de pins californiens. Il commence à me vanter les marais au sud d’Arcata, sachant que j’apprendrai plus tard qu’il est étudiant en biologie ce qui introduit un sérieux biais dans son jugement de choses « intéressantes » à voir, puis me parle de Trinidad, petite bourgade un peu plus au nord, très jolie d’après lui. Je part donc l’après midi aller voir ce lieu-dit (oui, car le matin, j’avais bossé, histoire de vous prouver que je ne suis pas tout le temps en train de me balader).

DSC_8444_DxOTrinidad, c’est vraiment tout petit. Quelques petits tapotements sur mon clavier plus tard, j’apprend que la population tourne autour de 350 personnes ce qui me permet sans trop d’erreur d’employer le terme « village » pour cette commune. Est-ce que c’est un charmant village colonial aux bâtiments de bois peints, façon les sorcières d’Ipswich ? Non, pas du tout. A vrai dire, lorsqu’on tourne le dos au Pacifique et qu’on jette un œil à l’agglomération, ce n’est franchement pas reluisant, juste quelques maison accrochées en pente douce à une colline adossée à une forêt. En tout cas, ça correspond assez à l’ambiance recherchée.

Par contre, tout l’attrait du site porte sur la petite anse et la plage, séparée entre les deux par une petit colline sauvage que l’on peut parcourir le long d’un chemin qui s’élève au dessus de l’océan. Un petit phare surplombe cette anse où sont amarrés quelques bateaux de pêcheurs. Commencez donc par vous plonger dans l’ambiance sonore.

DSC_8414_DxO DSC_8420_DxO DSC_8428_DxO DSC_8434_DxO DSC_8438_DxOD’ailleurs, la ballade autour de cette colline sauvage permet d’admirer au loin quelques îlots isolés d’où parviennent, malgré le vent, les aboiements des lions de mers. Quand à la plage, malgré le temps maussade mais tempéré, j’y croise un surfeur solitaire, une adepte du yoga effectuant ses exercices fasse aux vagues océaniques (ce doit être particulièrement bon pour le karma) ainsi que quelques promeneurs comme moi.

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Avec le ciel bas, la brume s’accrochant aux forêts et les rochers en forme de dents acérées qui bordent la côte, on est tout de suite plongé dans une ambiance inquiétante. Alors que je prend des photos, trois femmes habillées de longues robes noires remontent la rue. L’une d’elle porte un grand chapeau pointu de sorcière, sans doute en route vers un sabbat satanique new age où on grignoterai des biscuits au quinoa tout en sirotant comme des folles des jus de légumes. Avec le soleil qui décline, je suis à deux doigts de verser dans une paranoia Lovecraftienne.

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PS : En regardant sur Wikipédia, je viens de découvrir que le film « Les Goonies » se situe à Astoria, encore plus au nord… en Oregon. Mince.

Arcata

Hey, bro !

Hey, dude !

Hare krishna, my friend.

Aujourd’hui, ce billet ne sera que paix et amour.

Ça fait bien longtemps que les hippies aux cheveux longs ont quitté San Francisco. Quelle tristesse, cette belle époque pleine de rêves et de promesses d’un monde de fraternité, totalement libéré de toutes ces contraintes bourgeoises (et hygiéniques diront quelques mauvaises langues). Non, tout ce joli monde s’est dispersé et je crois bien que je viens d’en retrouver un nid.

Arcata, c’est une petite commune au nord de l’état qui, à mon grand désarroi, n’est pas côtière. Pour le surf, c’est rappé. Elle se situe non loin de l’océan, certes, quelques minutes de voiture à tout casser, mais ce n’est pas pour autant qu’il faudrait la snober. Ce n’est pas un endroit au charme architectural fou (quoique) ni situé dans un environnement naturel exceptionnel (quoique, également).

Arcata, c’est un peu la petite bourgade étudiante et progressiste juste au nord d’Eureka, la ville moyenne du coin. Au sud, l’agglomération est bordée par des terres marécageuses et une petite baie connectée au Pacifique par un étroit passage. A l’est commencent les vastes forêts de redwood pines qui couvrent quasiment toutes les collines de cette partie des Etats-Unis.

DSC_8491_DxOVu de l’extérieur, la seule chose notable à Arcata est l’université d’Humboldt, université d’état qui avec ses huit milles étudiants sur les 17000 habitants que compte la ville peut être considéré comme le cœur de celle-ci. Géographiquement, le campus est légèrement en dehors du centre ville, de l’autre côté de la highway 101, même s’il est facilement accessible à pied. D’ailleurs attendez vous à croiser assez souvent le nom d’Humboldt dans les parages, le comté portant ce nom, ainsi que la baie au sud d’Arcata et le courant marin à l’ouest.

Non, au premier abord Arcata est extrêmement décevante. Mais il suffit de discuter un peu avec les gens et aller marcher dans le centre ville autour de la place centrale pour découvrir l’ambiance particulière du lieu. Mais avant cela, remarquez comme cette petite ville n’est pas totalement dénuée de charme avec ces rues perpendiculaires où sont plantés de jolies maisons DSC_8477_DxOen bois, sortes de « painted ladies » de plein pied, en divers états de conservation. Quelques unes abritent d’ailleurs, sans surprise des étudiants. Ces rues perpendiculaires sont d’ailleurs assez amusantes car ici, le schéma de numérotation à la New Yorkaise a été porté à l’extrême. Les rues courant d’est en ouest sont numérotées de 1 à 18 alors que celles du nord au sud portent des lettres dans l’ordre alphabétique de A à Q. Rien de plus simple pour s’y retrouver même si, lorsqu’on s’éloigne de la place centrale, ce schéma est abandonné au profit de noms de rues plus classiques.

Mais revenons plus particulièrement sur ce qui fait vraiment le charme de l’endroit, les gens et l’atmosphère. En plus d’une nonchalante ambiance étudiante (totalement à l’opposé de l’ambiance oppressante et traditionnelle de Cluny, pour ceux qui connaissent), la ville annonce avec fierté ses valeurs libérales progressistes, ici selon le sens donné par les américains que l’on pourrait traduire très grossièrement en français de manière caricaturale et approximative par « de gauche ». C’est d’ailleurs étonnant de voir comme ce terme « libéral » peut avoir un sens totalement contraire dans l’héxagone et aux Etats-Unis. C’est encore une fois une histoire de poule et d’oeuf que j’ai la fainéantise d’aller creuser sur Wikipédia. Est-ce à cause de nombreux migrants progressistes ou est-ce parce que la ville l’a toujours été qu’elle a attiré des gens de pensée similaire ? Je suppose que la présence de l’université n’est pas totalement étrangère à cet état de fait.

Il est temps que je vous donne des preuves de ce soit-disant état d’esprit libertaire qui règne ici. Déjà, il faut être un peu aveugle pour ne pas remarquer un nombre important de soixantenaires chevelus aux robes multicolores ou aux jeans usagers. Ceux là sont certainement des anciens d’Haight-Ashbury et consort. Parmi les plus jeunes (mais pas que), ont note également une proportion appréciable de porteurs de dreadlocks. Il y a même des joueurs de djembé au milieu de la place centrale, signe irréfutable d’une jeunesse qui fume autre chose que du tabac (oui, car la Californie autorise l’usage de cannabis pour des fins médicinales).

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DSC_8487_DxOJeudi, jour de marché sur la place centrale, vous noterez sans difficulté que la quasi-totalité des marchands arborent une voir plusieurs mentions « organic » (ce qui se traduit par bio, je vous le rappel) ou « locally grown » (ce qui se traduit par produits localement) sur les panneaux vantant leur marchandise. Je sais bien que l’habit ne fait pas le moine, mais ici, point d’habits bourgeois (ou si peu) mais plutôt de pratiques vêtements techniques ou de jeans passe-partout. En plus, pour signifier à quel point cette charmante bourgade est également rock’n’roll, un groupe live est chargé de mettre l’ambiance malgré un ciel bas. Aujourd’hui, le bon vieux blues râpeux de « Lizzy and the Moonbeams ». On est loin du bal musette de « Raymond et son accordéon ».

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En allant faire mes courses le lendemain, je décide d’aller faire un tour au supermarché local. Je sais, c’est mal sans parler que c’est bizarre de faire du tourisme dans un supermarché, mais c’est drôlement instructif. Le « North Coast CoOp » en dit long sur l’atmosphère de la ville. Imaginez un DSC_8492_DxOsupermarché grand comme il faut, sympathique, où on vous fournit des cartons d’emballages usagés pour emporter vos courses, où la quasi-totalité des produits sont estampillés « organic », où un immense rayon propose farines, céréales, huiles et fruits secs au kilo, sans packaging, un autre des produits d’aromathérapie (le soin par les odeurs?), et où surtout les papiers toilettes proposés sont exclusivement en papier recyclé et même vendus au rouleau dans des packaging en papier 100% sans plastique. En sortant de là, j’avais envie de prendre les clients dans mes bras ou d’embrasser les vendeuses, chose qui ne m’arrive jamais en France, peut-être aussi à cause de l’absence de musique débile. Bon, parce que personne n’est parfait, il y a bien quelques pickups et vans sur le parking, mais conduit par de jeunes hommes en bonnet péruvien ou un vieux monsieur en salopette.

DSC_8473_DxOMais ce n’est pas fini. A Arcata (superbe allitération), il y a également un cinéma art et essai ainsi qu’un petit théâtre. Pour finir, je ne sais pas s’ils ont fait ça spécialement pour moi, mais le dernier soir où j’y suis resté, autour de la place centrale, c’était la grande soirée magasins ouverts jusqu’à 21h. Attendez, ne partez pas, si ce n’était que ça, mais non. Déjà je ne vous parle pas de magasins internationaux style Gap ou Zara mais de petites échoppes locales. De plus, non seulement tout le monde était dans la rue en papotant mais chaque magasin avait pour l’occasion embauché un groupe de musique live pour animer. ÇA c’est génial. C’est quand même autre chose que « Nature et Découverte » laissant son magasin ouvert en plein hiver en diffusant un CD de musique hypnotique ! Non ?

Il y avait même une camionette distribuant du thé chaud gratuit. Du coup, on déambule dans la rue, zappant de musique en musique, le tatoueur abritant un DJ et un chanteur de rap, le voisin hébergeant un quatuor à corde ou l’autre un groupe de jazz New Orleans. Du coup, fatalement, il y a également quelques autres groupes dans la rue, invités par la municipalité dont un qui s’est amusé à reprendre quelques bons standards du rock bien énergiques. C’est d’ailleurs en commençant par eux que je me suis dit que c’était drôlement sympa ici. Mais c’était avant de plonger dans l’ambiance festive, malgré une soirée fraiche.

Arcata, je n’y suis pas resté si longtemps que ça (deux jours, à peine), la faute à la météo, à l’envie de bouger et d’autres paramètres plus difficiles à cerner. Mais, Arcata, en partant, je me suis dit, c’est les Etats-Unis qu’on aime aimer.