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Uluru, Kata-Tjuta, Kings Canyon – jour 1

Ce matin c’est l’aube d’une journée mémorable. Encore un aveu de ma part mais toutes ces conneries de voyage autour de la Terre ne sont que prétextes et auto-suscitation de désir pour aller voir une des merveilles naturelles de cette planète, essentiellement ferreuse faut-il que je vous le rappelle. Ce matin, je vous le dit avec fierté, je part accomplir ma mission. Ce matin, je m’en vais contempler le géant Uluru. J’espère que vous avez tous à l’heure actuelle la mâchoire inférieure posée sur le sternum. Vous avez le droit de lâcher également quelques « wah le guedin » ou des « wah le ouf » si vous êtes plus années 90 que 2000. Pour toute période antérieure, me contacter.

Je m’en vais le contempler mais, pour la modique somme d’une poignée de centaines de dollars portant émeu et kangourou, je vais également avoir le droit de contempler Kata-Tjuta et le Kings Canyon. Donc là, vous avez également le droit de secouer très fort votre main droite en criant des « pouuuuuuuuh, le malaade » ou de fortissimo « mazettes ». Oui, vous avez bien lu, Kata-Tjuta ET Kings Canyon en dessert d’Uluru. Pétage de bide visuel les amis ! Et tout ça en trois jours, trois nuits dont UNE dans un swag ! Gasp ! Un swag, dites vous ? Mais c’est complètement… euh… c’est quoi un swag ? Soyez patient, je vous expliquerez en temps utile.

Pour la vaste majorité de mes lecteurs que je viens de perdre par cette introduction (je suis encore une fois assez réaliste), sachez qu’Uluru est le nom aborigène d’Ayers Rock, le gros rocher rouge qui se trouve au milieu de l’Australie. Si vous ne voyez pas de quoi je parle, je suis désolé pour vous mais un minimum de culture vous fera du bien. Je vous invite donc à taper sur votre ordinateur. Kata-Tjuta est le nom aborigène d’un massif rocheux situé à quelques 40 km d’Uluru, également appelé « Mount Olgas » par les explorateurs anglo-saxon. Quand à Kings Canyon, et bien je vais vous surprendre, mais c’est un canyon. Parfois, faut pas se compliquer la vie.

Tout ce joli monde se situe dans la proche banlieue d’Alice Springs, quasiment dans les faubourgs, à une distance de 400-500 km. Pour monter cette expédition, rappelez-vous, j’ai réservé un tour guidé dans un gros camion, accompagné de, je l’espère, pas plus d’une dizaine de mes congénères homo sapiens sapiens et, je l’espère doublement, de la meilleure qualité.

Donc, ce matin il est présentement 6h et le camion vient d’arriver devant mon hostel. Notre guide, un gars de taille moyenne cheveux blonds roux mi-longs ramenés en arrière dans une petite queue et portant barbe, sort dehors pour nous repérer. Voici Bob. Je monte dans le bus avec un groupe de six jeunes germaniques qui ont l’air de se connaître. A l’intérieur on retrouve un jeune couple qui s’avère être des français et qui ont également l’air de les connaître. Aïe. Nous repartons pour récupérer d’autres personnes pour finalement finir une petite vingtaine. Pour tout vous dire, j’ai perdu le compte. N’importe quoi. Si je tenais mon agente de voyage de Darwin, je lui ferai goûter à une lente strangulation.

Je fais selon mauvaise fortune bon cœur et commence à faire connaissance avec Yannick et Annouk, un fort sympathique couple, également sur la fin de leur visa touriste-travail après une période à Melbourne. Lui est de Nice et elle de Troyes. Annouk est plus âgée que lui et a déjà quelques longs voyages à son actif. On a donc plein de sujets de discussion.

A ce moment nous avons déjà quitté Alice Springs et nous nous retrouvons sur une longue ligne droite dans un bush fait de courts buissons à perte de vue. Bob en profite pour demander à ce que tout le monde se présente. La routine. Pour se faire, il nous demande de partager au micro notre nom, notre nationalité, notre profession, ce qu’on a préféré depuis notre arrivé en Australie, ce qu’on attend de ce tour-ci et de décrire la dernière fois où l’on a embrassé une fille ou un garçon. Ambiance colonie de vacance. Soupir. Chacun s’exécute plus ou moins avec humour (pouet, pouet, l’ambiance de groupe!). Ça fini d’ailleurs par deux jeunes allemands habillé trendy, cheveux gominés et ray-bans, sortant manifestement d’une boite de nuit berlinoise. Le premier nous décrit sa dernière fois avec une jeune fille allemande. Le second, plus franc et provocateur, nous décrit le baiser qu’il vient de faire au premier il y a quelques heures. Je crois qu’en ce qui concerne le recueillement spirituel, ce tour sent le roussi. Je fais malgré tout des efforts en discutaillant avec mes deux nouvelles voisines, une jeune blonde américaine qui vient de passer une année universitaire à Madrid et sa corpulente grand mère de l’Idaho. D’ailleurs, grâce au formidable questionnaire de Bob, j’apprends que les deux sont ici en familles avec les deux sœurs, la copine de la sœur, le beau fils et le mari mais j’apprends également qu’elle a embrassé son mari ce matin. J’en suis ravi.

DSC_6587_DxOAprès une heure de route avec une bande son un peu plus bruyante et standard que lors du tour kakaduien, nous faisons un premier arrêt pissotière à un relais essence attenant à un cattle ranch. Au loin nous apercevons une formation rocheuse de type mesa, nommé Mount Conner. C’est bien simple, dans ce pays, tout est plat, sauf quelques trucs insolites qui dépassent. Mount Conner est d’ailleurs surnommé « fooluru » par les guides de la région (« fool » signifiant idiot) car les touristes s’excitent en le voyant de loin, pensant qu’il s’agit d’Uluru. Pour la DSC_6586_DxOpetite histoire (qui est grande pour les gens de ce pays), c’est en grimpant en haut de Mount Conner qu’un explorateur occidental, pour la première fois, aperçu Uluru au loin. L’anecdote raconte qu’il l’a mépris pour une dune géante.

Nous repartons dans le camion. Parmi les gens de cette bande, il y a également un jeune blondinet à la tête de surfeur et à l’accent british du nom de James. Curieusement, il annonce à qui lui demande qu’il vient du « Old » Jersey, comprendre l’île anglo-normande. Je peux donc maintenant affirmer que dans ma vie, j’ai rencontré un habitant de cette île, en dehors de son pays. Le garçon est également intéressant car il vient de passer quelques semaines en Afrique du Sud comme soigneur animalier bénévole dans une réserve privée. Après son périple Australien, il enchaîne avec l’ascension du Kilimandjaro pour enfin rejoindre l’université en Angleterre. Tout ça, avant ses 20 ans.

Puisqu’on en est aux présentations, voici en vrac la bande alémanique que je ne parviens pas trop à distinguer car ils parlent tout le temps et bruyamment. Tout ce monde se connaît car ils sont ensembles depuis plusieurs jours, effectuant un tour longue durée avec la même compagnie dans les grands parcs nationaux situés entre Adélaide et Darwin. Il y a intérêt à bien s’entendre. Dans cette bande germanique se cachent des intrus en la personne d’un petit canadien hard-rockeur aux cheveux longs et à lunette, ainsi que d’un couple de jeunes et grands suédois. Dans ce tas saxon, je repère très facilement la plus bruyante, en la personne de Nicolle, une jeune et jolie suisse-alémanique blonde sous speed. Ce petit monde ne se quitte pas et adopte une technique grégaire, avec le risque classique de tirer l’intellect du groupe vers le plus petit commun dénominateur.

Le dernier grand sous-groupe est constitué par la famille d’Idaho au fond du camion. Ensuite on trouve quelques éléments isolés en les personnes de Yannick et Annouk, un couple de canadiens de l’Alberta, les deux jeunes dandys allemands manifestement homosexuels et une brune américaine du nom de Michelle, assise en permanence à la place du copilote. Bien entendu, je suis là quelque part sur la banquette en sandwich derrière le couple de compatriotes et devant la masse teutonique.

Tout doucement, je décroche. Bon sang, je m’apprête à voir de mes propres yeux une merveille naturelle exceptionnelle à la fois pour son caractère géologique unique mais aussi pour sa haute valeur spirituelle pour les peuples aborigènes environnants. Je meurt d’envie d’être présenté, même sommairement, à cet aspect et tente de me mettre dans un état d’esprit contemplatif, voir zen. Pendant ce temps, Bob branche son iPod sur la stéréo et monte le son. Je crois bien que je me retiens de me taper le front sur la banquette lorsque les allemands entonnent en cœur le refrain d’une petite chanson populaire australienne que Bob passe avec un grand sourire.

Encore une fois j’ai rien contre. C’est juste que ça brise ma tentative de transe spirituelle.

Finalement, après une nouvelle longue période de route et un arrêt déjeuner, la masse rouge est organique d’Uluru apparaît au loin, dépassant sans mal de ce bush ras. Un relatif silence se fait dans le bus. Tout de même. Je crois que les mots sont difficiles à trouver pour décrire la majesté du phénomène. Malgré les milliers de photo vues et revues, Uluru reste un lieu incroyable et quasiment extra-terrestre, surtout vu de loin. Même un esprit rationnel (et je me targue d’en être un) a du mal à se convaincre que cet immense rocher au milieu de nul part est arrivé ici au gré de hasards géologiques. Nous nous arrêtons à un premier point de vue et chacun mitraille l’objet.

De nouveau dans le bus, Bob nous prévient qu’il est possible de monter en haut du rocher sacré. Lui nous encourage à ne pas le faire, car ce n’est pas quelque chose que les deux tribus aborigènes qui sont co-chargés de gérer le parc national souhaitent. Tous les ans, des morts par chute sont ressentis comme de véritables traumatismes par les anciens, pour qui le rocher est un lieu de paix. Fort heureusement pour eux, aujourd’hui le vent dépasse la limite de sécurité et le mince chemin d’escalade est interdit. La visite commence par une petite exposition d’introduction de la culture aborigène locale dans le centre d’accueil. Je tente de retenir les histoires de l’âge des rêves qui ont trait à Uluru mais, ma terrible mémoire des noms étant toujours défaillante, c’est peine perdue. Après un rapide regroupement, nous remontons dans le bus.

Quelques minutes plus tard où nous contournons le rocher vers l’est, nous nous garons finalement à un coin d’Uluru et descendons pour entamer une marche autour de la base. La température est parfaite et le ciel d’une grande pureté. Nous recevons les consignes pour la marche qui se résument à boire et à respecter les zones sacrés des aborigènes où toutes photos et vidéos sont strictement interdites. D’ailleurs, l’endroit où nous commençons la ballade en est une. Je crois bien en avoir pris une photo avant d’en être averti. Ça se trouve, je vais être visité dans mes rêves ce soir. Finalement, Bob nous lâche et nous demande de nous retrouver de l’autre côté dans une heure et demi. Parfait, ça nous laisse le temps d’en profiter.

Je laisse donc filer le piaillant troupeau pour me retrouver seul au pied du rocher géant, masse rouge à la forme organique. Je n’en dit pas plus pour le moment (mais je vous prévient que j’ai été enlevé par des aliens) car il y aura un billet dédié à Uluru. Tout ce que je peux vous dire c’est qu’après trois quart d’heures de marche sereine et spirituelle, prenant mon temps seul pour profiter pleinement de cet endroit unique que je ne reverrai sans doute jamais, Bob vient me rejoindre en me demandant de presser le pas et de rattraper le groupe. Euh, faudrait savoir on a le temps ou pas le temps ? Il me fait suer, lui. Je passe donc la sur-multiplié, adoptant quasiment par endroits un rythme de marcheur olympique. La spiritualité ça sera pour une autre fois. Je rattrape enfin Annouk et Yannick et nous maugréons tout les trois sur le rythme imposé. Heureusement, la magie d’Uluru fait l’unanimité.

C’est finalement au bout d’une heure de marche que nous retrouvons Bob. Il se fout de ma gueule, lui ! Une heure et demi mes fesses ! Pendant que la troupe part se soulager aux toilettes, je lui fait gentiment remarquer avec des fleurs et des sourires (enfin j’espère. Ça se trouve je l’ai engueulé sans m’en rendre compte) que j’aurai aimé prendre un peu plus mon temps. Malheureusement son planning est formel, il faut que l’on soit à 17h dernier délai au point de vue nord pour avoir des places pour le couché de soleil. Aïe, je sens que ça va être la foule. Je crois bien que c’est à partir de ce moment ci que nos rapports sont devenus un peu plus froids et tendus.

Le groupe de nouveau rassemblé, nous reprenons la marche autour du monstre, cette fois-ci le long de la face nord (donc ensoleillée, si vous avez un peu de connaissances astronomique). Bob nous accompagne car nous allons avoir droit à une visite de quelques lieux sacrés et la narration d’une des histoires fondatrice d’Uluru par notre guide. On sent qu’il est sensible à la culture aborigène tout en restant très humble là dessus. Encore une fois, je développerai ce sujet plus tard. Je ne vous en dit pas plus pour le moment. Finalement, nous quittons vers la fin de l’après-midi ce lieu incroyable, avec en ce qui me concerne, un peu de regret et de frustration, chacun un peu prostré dans un silence respectueux que j’espère méditatif.

Nous montons dans le bus, chacun se rassoit. Bob redémarre, s’engage sur la route et là : « Un peu de musique les amis ! » Waaaaaaouuu, yeah! Bon ben la méditation ça n’aura duré que quelques minutes. Soupir. Parmi le brouhaha des bavardages en anglais de la masse allemande, Nicolle, la suisse-alémanique sous speed, réclame à hauts cris que Bob passe « Killing in the Name Of » des Rage Against The Machine sur la stéréo du camion. Grrrumpf. Moi, j’ai rien contre les Rage. A vrai dire, j’aime même plutôt bien « Killing in the Name Of », là n’est pas la question. Mais actuellement, dans mon état d’esprit, c’est comme si un mec bourré au fond de l’église vomissait un « Prêtre, mets moi Tata Yoyo d’Annie Cordie » pendant une messe d’enterrement. Je me renfrogne.

Alors que le jour commence tout doucement à baisser, nous concluons ce bref trajet sur le parking d’un nouveau point de vue. A notre arrivée, quelques voitures et bus y sont déjà garé. Tout doucement, la foule se presse le long des cordes délimitant la zone sur une longue dune piqueté de rachitiques buissons. Au loin et au delà d’une vaste plaine d’un bush ras, Uluru. Le soleil décline et la lumière rougeoie. Pendant ce temps, quelques groupes plus inspirés ou plus décadents boivent des verres d’un ersatz de champagne ou des canettes de bière en rigolant. Animé d’un vague sentiment de déception, je décide de photographier les touristes photographiant Uluru. Finalement, le spectacle est là.

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Quelques temps plus tard, nous avons rejoint notre site pour la nuit dans le petit village à l’extérieur du parc où se regroupent tous les hôtels et campings. On allume un feu et Bob déclare que ce soir, les hommes prépareront le repas avant que les femmes s’occupent de la vaisselle. Demain, ce sera l’inverse. La séparation par les sexes, ça marche toujours autant. Je ne me souviens absolument plus du menu mais c’était sans doute à base de saucisses ou de burgers de poulets ou kangourous.

Je profite d’un moment d’accalmie pour tenter d’engager la conversation avec l’américain de l’Idaho et son beau-fils, tout les deux en jeans et casquette. Je vais être franc, j’ai beaucoup ramé au début. Ça m’apprendra à poser des questions fermées aussi. « Alors comme ça, vous venez de l’Idaho ?

  • Oui.
  • Aaah. Vous êtes ici en vacances ?
  • Oui.
  • Ok, ok. Euh… Vous y êtes pour longtemps ?
  • Deux semaines.
  • Mmmhh, je vois.

Finalement, il décide enfin de prendre un peu l’initiative parce que là je commence à suer. Il ose me demander d’où je viens. Malheureusement, je ne suis pas sur que ma réponse le réchauffe beaucoup. Son beau fils, bien qu’un peu plus souriant, se contente d’acquiescer à ce qu’il dit. Petit à petit, ses capacités sociales se dégrippent et nous pouvons enfin engager une vrai conversation faites d’échanges de plus d’une mono-syllabe. Ce qui devient un peu problématique, c’est que, tel un robinet grippé qui se met soudainement à expulser un flot haute pression que l’on ne parvient plus à refermer, le vieux bonhomme engage la conversation sur un ton détendu sur l’immigration aux États-Unis. Je nous sens plusieurs fois à deux doigts du dérapage idéologique. Parfois, je devrais fermer ma gueule.

Assez habilement, j’arrive à réorienter la conversation sur sa profession qui se trouve être la construction et le bâtiment. Nous poursuivons donc sur la crise de l’immobilier et les téléphones portables (il y a du avoir une transition douce entre les deux mais je ne m’en souviens plus) jusqu’à ce qu’un blanc trop prolongé lui fasse jeter l’éponge sous la forme d’un lâche « Bon ben je vais aller voir ce que bricole ma femme ». Pfffiou, il est pas simple ce groupe. Ou alors c’est moi qui ne suis pas du tout dans le bon état d’esprit.

Nous finissons tranquillement par manger et après une douche, c’est enfin le moment de préparer le couchage. Ce soir, en plus, c’est la soirée swag. Donc, qu’est-ce qu’un swag ? Et bien, c’est une sorte de combiné tente plus matelas inventé par les australiens. En réalité, ça ressemble plus à un matelas contenu dans une boite de toile dans laquelle on vient se glisser avec son sac de couchage. L’ensemble se roule pendant la journée. L’intérêt de ce système est de pouvoir avoir la tête dehors pour profiter du ciel étoilé tout en étant légèrement plus protégé et au chaud. Il y a fortement intérêt à ce que cela protège du froid car dans ce climat semi-désertique, la température chute vertigineusement jusqu’à 3-4°C lorsque le soleil se couche. Avec mon sac de couchage à la température de confort de 10°C, l’angoisse est permise quand à ma survie. En ce qui concerne l’abri contre la pluie, on peut s’enfermer totalement dedans et prier pour que cela ne fuit pas. Dans cette région, ce ne devrai pas être un problème.

Chacun tente de trouver une place à proximité du feu et je me retrouve rejeté en deuxième couronne, légèrement isolé. M’en fou, j’ai l’habitude. Avec tout ça je tente de m’endormir en ruminant ma journée. Une forte envie de quitter ce groupe me prend.

Alice Springs

Aaaah, Alice Springs, Alice Springs. J’imaginais ça comme une ville miteuse du far west avec des buissons roulant dans la rue au gré du vent, des tornades de sables recouvrant des bâtiments préfabriqués usés d’une poussière rouge, habité par des rustauds portant stetsons constellés de bouchons en liège et des femmes aux biceps de catcheuses tatouées jusqu’à l’os. Ici, c’est le cœur de l’outback. Le peu de gens avec qui j’en ai parlé me l’avait décrite comme dangereuse la nuit, hanté par des aborigènes sous crack prêts à te crever la peau à coup de didgeridoos non stérilisés pour un coup à boire. En plus, on ne comprend pas ce qu’ils disent vu qu’ils sont toujours en train de rêver. Celle-ci, c’est pour tester votre culture. Surtout, je voyais ça perdu au milieu d’une extrême platitude.

DSC_6562_DxOLa vérité, c’est que ce n’est pas ça du tout. Démolissons ces moches préjugés un par un. Premièrement (eeet merdeuh, encore une énumération. Ce tic de comptable refoulé devient pesant), elle n’est absolument pas miteuse cette ville. Elle est même extrêmement propre sur elle. De pimpantes avenues de bitume lisse quadrillent l’espace à angle droit. C’est bien simple, on se croirait à Darwin, avec une température légèrement plus fraîche la nuit. Les gens sont tout à fait dans la norme d’une société occidentale à tendance américaine même si la proportion de pickups et de 4×4 est peut-être, mais du bout des lèvres, supérieur à Darwin. Certes, on croise des aborigènes aux habits dépareillés, mais à peine plus que dans le nord. La nuit, je n’ai pas peur contrairement à Chalon où j’étais parfois à la limite d’une crise d’agoraphopie. Finalement, ce n’est absolument pas plat autour. Il y a même de jolis escarpements que l’on a nommé MacDonnell (à ne pas confondre avec l’enseigne de quasi-restauration) range d’un côté et des collines de l’autre. C’est assez pratique pour repérer la ville de loin.

DSC_6584_DxOD’ailleurs, contrairement à ce qu’on pourrait penser à lire le nom de la ville, il n’y a pas de source d’eau ici. Juste une rivière qui se remplit ou pas en fonction des précipitations. Parfois elle se remplit d’ailleurs trop et les gens montent placidement sur leurs toits en attendant que ça passe. Pourquoi a t’on eu l’idée saugrenue de placer une ville ici ? Surtout quand on sait que la grande attraction touristique du coin est à 400 km de là. Déjà, à l’époque, l’occidental n’avait pas encore découvert Uluru (si vous ne savez pas ce que c’est, suspens). La raison est simple et si vous êtes un tantinet attentif à se que vous lisez similaire à l’origine de la ville de Darwin : le télégraphe. Alice Springs était à l’origine un simple lieu relais pour le télégraphe liant les grandes villes du sud, Adélaïde et Melbourne, à Londres. On imagine l’affectation punitive que cela a du être pour les employés du télégraphe de l’époque. Néanmoins, et c’est également une bonne surprise, pendant l’hiver, l’endroit est relativement vert.

DSC_6573_DxOQu’est-ce qu’on peut dire sur cette ville, à part ces menus faits historiques ? Je trouve, soit dit en passant, que je pose beaucoup de questions alors que c’est vous qui devriez être curieux. Mais assez maugréé. Non, soyons honnêtes, la ville passerait totalement inaperçu des guides touristiques si elle était située quelques 1200 km plus au sud. Malgré tout, elle reste agréable et de manière assez surprenante relativement dynamique d’un point de vue culturel. Diable, il y a même plusieurs festivaux, poil aux dos ! Ou « als », poil au galbe. Je ne sais plus à force d’être dans des pays étrangers. Mais en tout cas, il y en a dans ce trou perdu down under.

DSC_6570_DxOPour rassurer les plus dubitatifs, on trouve ici les grandes enseignes du fast food mais également une panoplie de restaurants des quatre coins de l’Asie. Après, il ne faut pas s’attendre à une architecture foisonnante et inspirée mais il y a néanmoins quelques sympathiques espaces verts. Vous pouvez visiter un musée dédié au « Royal Flying Doctor Service », un service bénévole de sauvetage médical en avion, où que vous soyez dans l’outback, pour peu que vous ayez une radio ou un téléphone satellitaire pour que vous puissiez narrer votre situation. Une fois sauvé, on vous envoi la facture.

Du côté historique, ce n’est pas non plus l’orgie. Hormis le télégraphe, vous pouvez peut-être dénicher une ou deux histoires à base de mineurs saouls et d’incendie accidentel. Quoique. DSC_6560_DxOMaintenant que j’y pense, il y a bien cet épisode fort amusant à propos de chameliers afghans. Figurez-vous que certaines personnes à l’esprit affûté, se sont rendu compte que les chevaux n’étaient pas particulièrement adaptés à ce climat semi-désertique. Ils avaient tendance à mourir de déshydratation, ces pauvres bêtes, alors qu’ils n’avaient pas demandé à être ici. Les mêmes esprits affûtés on donc eu l’idée d’importer des chameaux. Manque de pot, les bestiaux n’étaient pas livrés avec des modes d’emploi et on eu un moment de ridicule lorsqu’on tenta de les monter comme des chevaux. Toujours aussi affûtés, les personnes en question partirent à la recherche de personnes capables de manipuler ces engins à bosse et on proposa le job à une bande d’afghans. Le plus fou, c’est qu’ils acceptèrent. Ainsi furent introduit des chameaux en Australie. C’est bien décevant, mais on en croise plus beaucoup dans Alice Springs.

Note pour plus tard: c’est par cette brèche pour rejoindre Uluru.DSC_6575_DxO

 

Une nuit infiniment droite

Avertissement préalable pour les personnes malentendantes ou dénuées de hauts-parleurs: ce billet est sonore. Ne vous inquiétez donc pas si une musique parvient jusqu’à votre cortex cérébral.

Pour rejoindre Alice Springs, au centre du Red Center, l’immensité rouge au cœur de l’Australie, je suis dans un bus de la compagnie Greyhound. Je suis parti de Darwin en début d’après midi et l’arrivée est prévu au matin. Seules deux autres destinations sont desservies, Katherine et Tenant Creek, deux villes au parfum de far west. Heureusement, régulièrement nous faisons des pauses dans des relais, souvent attenant aux bâtiments d’immenses cattle ranches.

Mes compagnons de voyage sont rares, une grosse poignée. Quelques blancs mais surtout des aborigènes trimbalant leurs affaires dans une armée de grands cabas de supermarché. Tout le monde se met à distance les uns des autres, peut être pour reproduire la distance du pays à l’intérieur de la cabine. Le chauffeur, un vieux monsieur de soixante ans, nous annonce les arrêts d’une voix douce. Tout est feutré.

Le paysage défile. Le bush.

Encore du bush.

Je dort.

Toujours du bush.

Je lit.

Du bush mais d’une couleur légèrement différente.

C’est fou ce que ce pays est monotone. Ces chauffeurs sont des surhommes ou sont défoncés aux amphétamines pour pouvoir tenir des heures sur ces longues lignes droites de décor répétitif. Progressivement le ciel décline, puis se retire dans un fondu de dégradés tous aussi pures et magnifiques les uns que les autres. La magnificence du ciel compense la phénoménale insipidité du paysage. Comment ne pas éviter de développer une spiritualité dans ce genre d’endroit où le seul espace changeant est au delà ?

Du bush.

Il fait nuit et un vague défilement flou de bush témoigne encore de notre mouvement. Le ciel étoilé est extraordinaire de pureté mais les timides éclairages de l’intérieur du bus se reflétant sur les vitres suffisent à nous en isoler. Toujours des lignes droites. Des images de « Lost Highway » de David Lynch me viennent à l’esprit alors que je vous écrit. Bande son :

De nuit, cette route, infini quasi-parfait de rectitude, est le territoire des uniques road trains et quelques fous sous stimulants. Les stations services deviennent surréalistes, uniques puits de lumière et de modernité dans une étendue millénaire sous immensité cosmique, de minuscules relais le long de cette mince ligne de perfusion entre Darwin et la civilisation.

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Sens engourdis. Je rêve.

Animaux Australiens

C’est le diable si dans ces trois jours à travers l’outback je n’avais point croisé une quelconque faune autochtone. Fort heureusement, l’Australie en est fort pourvue et j’ai de quoi écrire un billet sur le sujet. Attention, je vous préviens, ça va finir bizarrement. Il vaudrait mieux que vous vous preniez un petit verre d’alcool au préalable car cela risque de s’achever dans le surréalisme.

Commençons doucement. A Darwin et du coup dans tout ces territoires du nord, le gouvernement Australien, car en bon français je ne peut imaginer qu’une telle initiative ne soit pas du à une grandiose décision ministérielle, les pigeons sont absents. A leur place, on a substitué de mignons cacatoès blancs à crête jaune. C’est autrement plus classe. On ne peut pas dire autant de leur cri, malheureusement. On en vient presque à regretter le doux « prrrou, prrrouuu » du pigeon urbain car cet esthétique animal enroué ne parvient qu’à extraire d’horribles « SQQQWWWAAAAAKK » de son jabot. Ce n’est pas très romantique et Paris aurait été bien différent si la substitution y avait été opéré.

DSC_6439_DxOPuisque je vous parle d’oiseaux, j’ai été abreuvé de milles anecdotes sur divers volatiles que j’ai parfaitement oublié. Lorsque nous flottions mollement sur notre barcasse métallique à fond plat, heureusement motorisée, le long de la rivière entouré de crocodiles, dont je parlerai plus tard, notre guide ne ratait pas une occasion pour nous pointer quoi un aigle, quoi un canard, quoi un autre machin à plume s’envolant plus ou moins gracieusement. Il m’est resté, malgré tout, une tendre anecdote marshmallowesque qui fera fondre DSC_6409_DxOmême les plus bûcherons d’entre vous. Il s’agit d’une race d’oiseaux (dont j’ai oublié le nom, faut il encore que je le précise) qui se mettent en couple pour la vie. L’incroyable et le surprenant dans cette histoire n’est pas l’absence totale de paperasserie administrative en rapport à ce lien indéfectible, mais de la conséquence funeste qui en découle. Si l’un des deux partenaire meurt, l’autre le suit, accablé par le chagrin. On est en plein Goethe et c’est à vous arracher une larme… de crocodile. Non, je parlerai des crocodiles plus tard.

DSC_6360_DxOSans transition, car la seule que j’ai trouvé était particulièrement capillo-tractée et je préfère m’abstenir, j’ai eu la joie de voir des termitières géantes. A vrai dire, j’ai même eu l’embarras du choix car aux environs du parc national de Litchfield, le bush en est rempli. Je vois joint une photo car je suis sur que vous allez me prendre pour un Marseillais, mais ces termitières font plus de 3m de haut pour la plupart. C’est véritablement impressionnant. Autant vous dire qu’à Darwin, quand ils ne sont pas accablés par la chaleur, frappés par un typhon ou torturés par l’ennui, les habitants doivent encore se protéger de ces petites bêtes particulièrement voraces. Pour l’anecdote, la matière constituant ces termitières, que j’imagine être une sorte de sable régurgité (beurk!), est aussi dure que du béton. D’ailleurs, techniquement, ça s’en rapproche.

DSC_6454_DxOJe ne vous parlerai toujours pas des crocodiles car, présentement, j’ai plutôt envie de vous parler de cheval. Je ne vous ferai pas l’affront de vous expliquer en quoi consiste ce quadrupède. Non, ce qui m’intéresse ici, c’est de vous expliquer que dans ces territoires sauvages, on croise des chevaux de même nature, sauvages. Vous ne serez pas surpris si je vous explique que ce sont des descendants des premiers chevaux importés par les occidentaux puis relâchés dans la nature. Comme il n’y a pas beaucoup de prédateurs dans ce continent, la population a plutôt augmentée. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, les seuls prédateurs sont les crocodiles. C’est donc le moment d’en parler.

Alors pour faire simple, mais néanmoins précis, il y a deux types de crocodiles dans le nord de l’Australie, et plus particulièrement dans la grande région autour de Darwin, la plus riche dans le domaine. Les plus petits ne se trouvent que dans des eaux douces, c’est à dire les rivières et les billabongs. Au fait, mais qu’est-ce donc qu’un billabong ? C’est bien beau d’avoir ça sur son t-shirt, encore faut-il en comprendre la signification. Un billabong est le terme aborigène pour désigner une poche d’eau douce restant d’une zone inondée par une rivière. A la saison humide, les billabongs se retrouvent de nouveau connectés aux cours d’eau tandis qu’à la saison sèche, ils ressemblent à des lacs, des étangs ou des mares. Ces petits crocodiles d’eau douce ne sont pas très dangereux ni agressifs même si leur morsure peut faire des dégâts.

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DSC_6399_DxOLa deuxième espèce est quand à elle beaucoup plus létale. Il s’agit des crocodiles marins, ou d’eaux salés, affectueusement surnommés « salties » par les australiens, qui en plus de vivre sur la côte (et donc de chasser un peu au large des plages) remontent également les cours d’eaux douce et s’installent dans les billabongs. Ces bestiaux là peuvent atteindre facilement les 3 à 4m de long avec des individus records d’environ 7m. En sachant qu’un animal de cette taille peut sprinter pendant un court moment beaucoup, beaucoup plus vite que vous, vous imaginez l’angoisse. Accessoirement, lorsqu’ils sont motivés, par exemple par un poulet mort tendu au bout d’une perche tenu par un guide retors, ils peuvent également jaillir à la vertical hors de l’eau de toute la hauteur de leur corps. Fort heureusement, ils sont territoriaux, on peut donc facilement les retrouver, s’inquiéter s’ils sont absent, et étant à sang froid, plutôt léthargiques le matin.

Adam nous fait donc un rapide topo sur ces bêtes et les consignes de sécurité à respecter, qui consiste pour l’essentiel à ne pas s’approcher d’un DSC_6427_DxOquelconque plan d’eau. Pour enfoncer le clou, il nous narre quelques anecdotes de touristes allemands emportés par des crocos de 4m ou bien sauvés par la police de Kakadu alors qu’ils avaient noyé leur 4×4 en plein milieu d’un billabong plus profond qu’ils n’imaginaient. Oui, bizarrement, l’Allemagne paye le plus lourd tribut en ce qui concerne les décès par morsure de crocodile. La seule explication un peu sérieuse (excluant donc toute anecdote en rapport à la bière ou un passé fasciste douteux) est uniquement statistique : les allemands ne seraient-ils pas les touristes les plus représentés en Australie ? Mais je préfère vous laissez écouter Adam parler des consignes de sécurité. En prime, vous aurez le droit à une blague, que moi, personnellement, je n’ai pas entièrement saisie.

Maintenant, pour revenir au bizarre et surréaliste, et puisque j’évoque notre guide Adam, j’ai fait quelque chose que je ne suis pas peu fier. Alors que nous étions tous dehors au milieu du bush, à côté d’un billabong pour une pause pipi, Adam nous appelle pour nous montrer quelque chose. J’étais déjà un peu stressé par toutes ces consignes de sécurité en rapport aux crocodiles. Je me suis approché de l’eau pour uriner « Non ! Pas prêt de l’eau », je suis parti dans l’autre sens vers les arbres « Attention, parfois ils remontent jusqu’à 30m à l’intérieur ! », j’ai fait super attention où j’arrosais « Faites attention, ils ressemblent à des troncs d’arbres » et tout ça en gardant en tête que si un de ces gros reptile décidait de me sauter dessus, je n’avais aucune chance au sprint. Surtout avec une main prise et la braguette ouverte. Bref, je m’attendais à un truc hyper-dangereux et je n’aurais pas été surpris s’il nous avait ramené un bestiaux de 4m sur son épaule, occis à l’aide d’un couteau en plastique. Pour entretenir la confusion voilà qu’il nous demande « Vous voulez lécher du cul ? ».

Il nous fait signe de nous approcher de lui en tendant sa main vers nous, tout en étant pris de petit gigotement, comme subissant une démangeaison irrépressible. J’imagine déjà un dangereux dérapage scabreux. « Dépêchez-vous, elles sont en train de me mordre ! », dit-il. Complètement intrigué, je jette un œil à sa main tendu pour y apercevoir de grosses fourmis. Avant qu’on ai pu l’arrêter, ce rustre dégénéré, il se saisit délicatement d’un insecte entre deux doigts et se l’amène à hauteur de bouche pour lui lécher l’arrière train. Je crois bien que la surprise l’a emporté sur le dégoût. Pris d’un grand frisson, il repose la fourmi et arbore un gigantesque sourire. « Vous voulez essayer ? ». De plus prêt, on constate que chaque insecte, hormis celui qui s’est fait lécher le cul, possède une poche verte vif à l’arrière train. Notre guide nous explique qu’il s’agit d’une réserve d’acide ascorbique, autrement dit, de vitamine C. Moi, j’ai pour principe de goûter à tout du moment que quelqu’un y a déjà survécu. Je me saisit donc également d’une fourmi vierge (si on peut dire comme ça) et d’un petit mouvement de langue lui donne un rapide coup de langue sur les fesses, qu’elle a toute verte. Effectivement, c’est puissamment acide, comme un jus de citron hyper-concentré mais c’est loin d’être désagréable. C’est même aussi amusant que de sucer des bonbons acidulés.

Pour finir, on a remis les fourmis sur le sol. Et puis d’abord, si ça se trouve, elles aiment ça aussi qu’on leur lèche le cul.

Kakadu & Litchfield

C’est donc un matin très tôt, alors qu’il fait encore nuit, aux alentours de 6h, à la fraîche, les paupières encore un peu collantes, alors que j’attends devant mon hostel, qu’un gros camion blanc quatre roues motrices tirant une remorque s’arrête. Un grand gars sec d’une grosse quarantaine d’année en chemise bleu et pantalon de toile, cheveux ras, en bondit et s’approche de nous. Je n’étais pas seul avec mes bagages posés sur le trottoir. Un deuxième gars faisait de même. Le grand sec, c’est Adam, notre guide. Mon voisin, un trentenaire au type asiatique, c’est Phil, un américain de Melbourne. Mais ça, je l’apprendrai plus tard. Tout ça pour dire qu’aujourd’hui, je vous narre le tour guidé 3 jours / 2 nuits de Kakadu – Litchfield.

Comme souvent, l’aventure commence par un ramassage des différents acteurs, disséminés dans les différents hostels et hôtels de Darwin. A cette heure les gens sont encore un peu dans le pâté et la conversation s’en ressent. Rapidement nous nous retrouvons donc à 16 dans le camion et Adam, le guide, triture son micro-casque. C’est l’heure des présentations. Chacun notre tour nous divulguons notre nom et nationalité. Voici donc le casting. En sachant qu’il y aura peut être un meurtre, je vous suggère d’être attentifs.

  • Votre serviteur,
  • Adam, le guide australien de Bondi, Sydney
  • Phil, un américain, ayant habité la dernière année à Melbourne
  • Max, le deuxième américain, jeune trentenaire également, de Washington D.C.
  • Nick & Jane, un couple de néo-zélandais habitant également Bondi, Sydney
  • Martins & Aija, un jeune couple lettonien de Riga
  • Pierre & Sophie, encore un couple, français et lorrains de Nancy
  • Emilie et son copain, un autre couple français en fin de visa touriste-travail.
  • Un vieux couple de hollandais en voyage prolongé
  • Et finalement, un jeune bachelier hollandais et son père en vacances

Vous l’aurez compris, la France est en force et le groupe d’une taille respectable. Je suis néanmoins rassuré en voyant la moyenne d’âge, quand même plus proche de 35 ans que de 20. Quand à Adam, notre guide à l’accent typiquement australien, c’est un peu notre Crocodile Dundee à nous. Il faut dire qu’il a deux obsessions : l’eau et les crocodiles. Toutes les heures, il nous rappel de boire ce que je trouve particulièrement paternaliste. Bientôt ils vont nous avertir quand il faut inspirer puis expirer. L’explication : ils ont eu un cas d’une dame ayant souffert du manque d’eau dans un précédent tour. Si on ne peut même plus faire jouer la sélection naturelle, maintenant, pfff. Par contre, pour ce qui est des crocodiles, je vous en parlerai une autre fois.

La plupart du temps, on roule. Au début, tout va bien. L’asphalte est nickel et la route passablement rectiligne. La conversation s’engage un peu timidement parmi certains groupes, DSC_6461_DxOnotamment les hollandais qui papotent. Après un ou deux arrêts pipi, on commence à briser un peu la glace avec certaines personnes. Mais finalement, il faut attendre le repas du midi pour que la convivialité du déjeuner aidant, les présentations se fassent réellement. D’ailleurs, si vous voulez vraiment que les gens se parlent, prévoyez des sandwichs à faire soi même, les ingrédients posés sur un buffet, en quantité insuffisante. Par contre, on boit beaucoup sous le regard lourd et insistant de notre guide. Fort heureusement, l’Australie étant un pays civilisé, des toilettes sont habilement disséminés à chaque arrêt.

Les choses sérieuses commencent quand on s’engage sur les routes non asphaltés. Dans un décor de rallye automobile, le camion se met un peu plus à bringuebaler, la musique se fait plus forte (car musique il y a, les gens étant naturellement terrorisés par le silence) et Adam se met à adopter une conduite coulée tout en glissades contrôlées, le tout à plus de 80km/h. Voici d’ailleurs un extrait de l’ambiance à l’intérieur.

DSC_6367_DxODans ce fameux parc national de Litchfield, il y a des cascades. C’est très simple, pendant la saison humide, ce sont des trombes d’eau qui tombent sur cette vaste bande côtière quasiment totalement plate. DSC_6375_DxOAutant vous dire, que ça stagne pas mal. Néanmoins, il y a quelques plateaux et ce sont à leurs extrémités que l’on peut admirer quelques jolies chutes au débit variable suivant la saison du nom de Wangi Falls et Florence Falls. Ce sont d’ailleurs des occasions de petites baignades collectives que j’évite, le tibia gauche toujours en convalescence depuis le Vietnam. N’oubliez pas de boire.

Nous reprenons la route pour rejoindre une rivière et laissons le camion pour parcourir le cour d’eau pendant deux heures à bord d’un bateau à fond plat. Le soleil décline et nous profitons de l’ambiance paisible malgré la présence de quelques spécimens de crocodiles.

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De retour au camion, nous buvons et reprenons une nouvelle fois la route pour rejoindre notre premier camping pour la nuit. Effectivement, le bilan de la journée se limite à deux cascades et une ballade à bateau.

Pour ce qui est de l’hébergement, soyons honnête, il ne s’agit presque plus de camping dans la mesure où les tentes sont permanentes, équipées de moustiquaires, hautes de plafond et dotés de lits de camps forts confortables. De plus, au centre du campement se trouve une grande tente fermée de 20m de long et 5 de large abritant une grande table, des chaises, un frigidaire, un lavabo mais surtout un barbecue et des feux au gaz. Autant dire que côté confort, ça n’a rien à voir avec le camping de base. Le seul trait commun concerne la salle de bain et les toilettes, communs. Adam nous apprend d’ailleurs que la grande mode australienne est le camping « de luxe », appelé également « glamping », contraction de glamour et de camping. Les riches australiens aiment les grands espaces et la nature, mais faut quand même pas déconner avec le confort. Quand à Adam, il lui arrive pendant ses journées de repos de prendre son 4×4, son sac de couchage et sa glacière de bières (autrement appelé « esky » ici) pour partir seul s’isoler dans le bush ou dans un coin reculé et connu de lui seul de Kakadu. La vrai vie, en somme, toi sirotant bruyamment une bière seul sous l’insondable profondeur du cosmos. En ce qui nous concerne, après un repas collectif concocté par notre guide à base de saucisses au poulet, nous nous contentons de sonder le plafond de la tente collective tout en sirotant des bières achetées en groupe dans la journée.

Le lendemain matin, nous nous réveillons avant l’aurore à 5h30. C’est dur, très dur. La journée promet d’être longue car il nous faut déjà rejoindre le parc de Kakadu à 200km. Ça tombe bien, je me met à la place du copilote, place de choix pour papoter avec notre guide et pour admirer toute sa maestria de pilote de camion sur les pistes gravillonneuses. La lumière se lève tout doucement sur un paysage légèrement brumeux.

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DSC_6466_DxO Quelques heures plus tard, nous descendons pour rejoindre une nouvelle cascade, du nom de Twin Falls. Cette fois-ci, après une petite marche dans une forêt, nous empruntons un bateau à fond plat pour remonter une gorge. Au bout, une plage d’un sableDSC_6475_DxO blanc et deux cascades chutant d’un plateau dans une eau translucide, mais fraîche. Ce sont les Twin Falls. Moi je ne me baigne toujours pas. Après trois quart d’heure (Adam étant le garant du timing), nous rebroussons chemin par le bateau puis remontons dans le camion. Bien entendu, nous buvons.

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De nouveau de la piste, de la route et de la musique avec très probablement des passages de sieste. Un arrêt déjeuner plus tard, toujours à base de sandwichs, nous repartons. Finalement nous atteignons notre deuxième centre d’intérêt de la journée : une nouvelle cascade. Pour la DSC_6501_DxOrejoindre nous devons parcourir une poignée de kilomètres à pied le long d’un chemin longeant une rivière. Après un passage facile, nous crapahutons sur de gros cailloux. Encore une fois, notre guide nous enjoint d’être prudent. C’est vraiment très paternaliste. C’est certes plus technique que de marcher sur un sentier balisé mais c’est drôlement plus amusant. Finalement, nous débouchons de nouveau sur une plage de sable d’uDSC_6482_DxOn blanc éclatant et le groupe s’octroie une nouvelle baignade sous Jim Jim Falls. J’avoue, que là, ça commence à m’embêter d’attendre bêtement que tout le monde se lasse de se baigner. A l’heure dite, Adam fini par rassembler ses ouailles et nous repartons le long des rochers.

Au camion, nous buvons. On remonte dans l’engin et repartons une nouvelle fois pour quelques dizaines de kilomètres de piste afin de rallier notre coin camping pour la nuit. Oui, vous avez bien lu. Malgré une grosse journée, nous n’aurons finalement visité que deux cascades. Quand je vous dit que ce pays n’est pas très dense. De nouveau nous nous retrouvons à coucher dans des tentes confortables autour d’un grand espace clos pour la cuisine et le repas. D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls et de nombreux autres tours opérateurs avec leurs gros camions tout terrains occupent les espaces avoisinants.

DSC_6503_DxOLe lendemain matin, de nouveau très tôt, autour de 6h30, nous sommes déjà tous dans le camion pour une dernière journée dans le parc national de Kakadu. Aujourd’hui nous attaquons les pistes les plus difficiles pour rejoindre une nouvelle cascade à Barramundi Gorge. Après une bonne heure bringuebalante nous nous arrêtons et entamons une marche en file indienne à travers une végétation de bush humide. Des grands arbres à l’écorce décollée appelés melaleuca pulullent dans ces zones riches en eau. Ils sont d’ailleurs assez agréables au touché car leur écorce a la texture de papier buvard. Adam nous affirme que les aborigènes les utilise comme pansement. Le chemin monte et devient plus rocailleux.

Finalement nous redescendons dans les rochers pour rejoindre une série de piscines naturelles formée dans la roche par un cour d’eau qui fini par se jeter en DSC_6519_DxOcascade plus bas. De nouveau nous faisons une pause baignade mais cette fois-ci, vu la fraîcheur de l’eau et l’heure matinale, je ne suis plus le seul à m’abstenir. Une nouvelle fois, une petite heure plus tard, nous repartons en sens inverse pour rejoindre le camion. Nous buvons puis reprenons la route.

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Nous effectuons quelques temps plus tard une nouvelle pause déjeuner où nous finissons les restes de sandwich. Nous buvons. Cette après midi nous allons voir le dernier lieu du tour, un site nommé Ubirr et a ma grande joie, il ne s’agit pas d’une cascade. Situé à l’extrême est du parc, le lieu est important pour les aborigènes. C’est d’ailleurs un des seuls endroits de la région ouvert et connu du public où se trouvent des peintures sur roches. Accessoirement, ce fut aussi le lieu de tournage de quelques fameuses scènes de Crocodile Dundee.

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Nous arrivons là bas en milieu d’après midi et suivons le chemin du parcours. Le long nous apercevons quelques zones de dessins sous des surplombs rocheux, agrémentés de panneaux DSC_6526_DxOexpliquant les histoires qui y sont racontés. Enfin, j’ai l’impression de rentrer dans la culture aborigène australienne et il me tardait un peu. Les panneaux parlent « d’art aborigène » mais Adam, un peu agacé, nous livre son opinion sur le sujet. D’après lui il ne s’agit pas d’art dans l’intention d’origine puisque ces fresques sont avant tout des livres d’histoire pour les jeunes aborigènes. Ce sont sous ces surplombs rocheux, là où les fresques étaient sur d’être préservées des intempéries, que les anciens racontaient les histoires ancestrales, dessins à l’appui. Il est donc aussi ridicule d’appeler ces fresques « art » que d’appeler les illustrations d’un livre scolaire « art ». J’avoue partager son opinion sur le sujet et nous comparons cela aux vitraux et sculptures des cathédrales du moyen-âge, avant tout destinées à l’apprentissage de la bible et non pas issu d’une volonté artistique.

DSC_6528_DxOLe chemin grimpe un peu et nous atteignons finalement une vaste plate-forme rocheuse surplombant un paysage qui semble courir à l’infini. Depuis maintenant trois jours nous avions toujours le nez au niveau du sol. Comme l’a si bien exprimé Phil, pour une fois, le paysage s’ouvre devant nous. Devant nous le paysage est plat et marécageux. Derrière nous il est à l’inverse, totalement rugueux, rocailleux et ponctué de crevasses. Nous sommes à la limite d’un vaste territoire contrôlé par les aborigènes, nommé Terre d’Arnhelm, aussi grand que la DSC_6535_DxOBelgique. Pour y pénétrer, un permis délivré par les Anciens est nécessaire. Du coup, je ressent un grand mystère en regardant dans cette direction, en sachant que ces espaces encore préservés d’exploitation minière, malgré la présence constaté d’un grand gisement d’uranium, vit à l’écart du monde occidental, selon un mode de vie vieux de 30 000 ans.

Finalement, nous redescendons de ce magnifique point de vue et reprenons une ultime fois la route. Cette fois-ci, le tour est fini et il ne nous reste plus que quelques heures de route pour rejoindre Darwin. Chacun son tour nous sommes déposés devant notre hôtel, moi avec Phil, et nous nous disons au revoir.

Une pensée admirative me vient pour Adam, notre guide, qui vient de se taper trois jours de conduite intensive. Fort heureusement, il enchaîne par une journée de repos. Trois jours, cinq cascades, des fresques et un panorama pour un petit millier de kilomètres de route sur un fond de bush. C’est quand même dingue comme c’est peu dense et varié, finalement.

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