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Deux jours et demi dans le bush

La prochaine étape de mon voyage, rejoindre Melbourne. Le plus dur dans ce trajet et de se faire les 1200 km de route dans l’outback, le long de la Stuart Highway avant de quitter cette immense zone semi-désertique. Cette fois-ci, j’ai décidé de faire cela en voiture histoire de sentir ce que c’est que de se taper des heures de ligne droite dans un paysage monotone, sans l’aide d’aucune drogue.

DSC_6840_DxOJ’ai loué une voiture aménagée en petit camping car, fourni avec le minimum de matériel de camping (réchaud, casseroles, couverts, glacière et chaise pliante) que je dois déposer à Melbourne dans onze jours. Après une journée de repos et de travail (il faut bien de temps en temps) à Alice Springs, je part récupérer le véhicule vers 9h du matin avec en bonus cinq bouteilles de bière laissé par les précédents usagers. On se les partage avec le responsable de la compagnie de location.

Une petite matinée plus tard d’achats de survie de base (nourriture, neuf litres d’eau et recharges de gaz) je fait le plein. A vrai dire, les niveaux des liquides seront l’obsession lors de cette traversée : huile, refroidissement, eau et essence. Le responsable de la compagnie de location me fait un rapide résumé des consignes de sécurité en me regardant bien droit dans les yeux : faire le plein d’essence dés qu’on le peut, vérifier les niveaux tout les deux matins et interdiction de rouler de nuit ou sur des routes non asphaltées. Pour ce qui est de l’interdiction nocturne, il s’agit de limiter les risques de collision avec les animaux, notamment les kangourous, qui ont tendance à sortir la nuit. Ok, chef, c’est noté.

Comme souvent, la conduite à droite est un peu déstabilisante au début, mais je m’y fait assez rapidement grâce à mes fréquents séjours écossais. La voiture est automatique mais, à ma grande tristesse, est dépourvue de blocage de vitesse de croisière. Si c’est bien une option qui prend tout son sens ici, c’est celle là. Plus perturbant, les commandes de clignotant et d’essuie glace sont inversés ce qui me vaut quelques hésitations et balayages intempestifs en ville. Une fois sur route, je ne devrais pas avoir besoin de tourner et vu la géographie, la pluie ne devrait pas être de la fête avant quelques jours. Encore aujourd’hui, comme les cinq derniers jours, le ciel est bleu profond et le soleil éclatant.

Ce n’est donc pas sans une certaine appréhension et d’excitation que je quitte enfin l’agglomération après la traversée des MacDonnel range, empruntant la route menant vers le sud et vers Uluru. Pour me mettre le cœur au ventre j’allume la radio et balaye le spectre FM avant de DSC_6605_DxOme fixer sur une station pop / rock. La route est une simple deux voies mais le trafic ne nécessite guère plus. Après une heure de route, la radio commence à décrocher et je bascule en grandes ondes pour tenter d’attraper encore un peu de musique. Je suis maintenant définitivement dans le bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

La radio commence à balayer les grandes ondes en vain. J’ai atteint le désert radiophonique. Mine de rien, je croise quand mêmes quelques voitures, pick-ups et road trains bien que, par moment, je roule cinq minutes sans apercevoir d’autre véhicule devant ou derrière.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6742_DxOJe fait une pause sur une sorte de terrain vague car je commence à m’assoupir. Bizarrement, cela à beau être monotone, je trouve ça moins ennuyeux que prévu. Surtout, le temps passe étrangement vite. La perception du temps qui passe est très certainement lié aux nombres d’événements remarquables vécus. En l’occurrence, il y en a peu. Le seul témoin de mon mouvement est la lente baisse du niveau d’essence.

DSC_6757_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush mais légèrement différent.

Je roule. Du bush.

Je roule mais m’arrête à la vue d’une station essence. Ce doit être la deuxième que je croise depuis mon départ d’Alice Springs. Pour le moment elles sont éloignées d’une centaine de kilomètres les unes des autres. Comme constaté pendant mon tour à Uluru, les stations d’essence sont situés dans ce qui semble être des relais basé au niveau de cattle ranch. On y trouve également souvent un petit magasin, un bar, un restaurant, un motel et des emplacements de camping. En dehors de cela, rien. J’en profite donc pour manger des sandwichs, me battre contre les mouches et faire le plein de fuel alors que le niveau est à peine à la moitié. Au moment de payer, ma carte bleue ne fonctionne pas. Parfois, ça arrive. Je retire donc du liquide au distributeur du magasin et règle le plein.

DSC_6769_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Bien que la route soit majoritairement rectiligne, parfois de petites courbes viennent rompre la monotonie. De plus, le paysage ondule très légèrement et de légers faux plats agrémentent la conduite. Quand je pense que je croise quelques motards en Goldwing, ils ne doivent pas vraiment se régaler.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6744_DxOJe roule mais le soleil commence à décliner. Il est cinq heures et mon contrat de location stipule que je ne doit plus utiliser le véhicule après 18h. J’ai donc encore une heure de route pour atteindre le prochain cattle ranch.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush et sur le côté un cattle ranch avec des emplacements de camping. Ce sera donc le spot pour la soirée. C’est également l’occasion de se familiariser avec le matériel et notamment le système de couchage complètement bricolé. Le siège arrière a été enlevé et deux planches d’agglomérés posées sur les compartiments abritant le matériel. Un mince matelas recouvre le tout. Malheureusement, les planches en question ne font pas toute la longueur du matelas et je cherche quelques minutes un moyen pour éviter de basculer dans le vide derrière les sièges avant ou dans les compartiments. Tant bien que mal, je parviens à m’endormir.

DSC_6768_DxOTôt le matin, réveillé par le soleil naissant à travers les vitres, je suis rapidement prêt à partir après un rapide petit déjeuner dans la fraîcheur du matin. De nouveau le ciel est limpide, sans un nuage.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush mais qui change encore progressivement de physionomie.

Je roule. Du bush et je fais une pause. Il n’est pas facile de maintenir sa concentration bien, que de nouveau, j’ai la sensation de ne pas voir le temps passer.

DSC_6767_DxOJe repart. Du bush.

Je roule. Du bush. Tiens, je quitte les Territoires du Nord pour pénétrer dans l’état d’Australie du Sud, capitale, Adélaïde.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6780_DxOJe roule. Du bush. Au loin, de curieux monticules coniques de terre ou de sable clair apparaissent. Étrange.

Je roule et je vois de plus en plus de ces petits terrils. Des panneaux sur le bord de la route proposent de visiter des mines d’opal. C’est donc que j’approche de la ville de Coober Pedy, le fief minier de l’opal. Chaque petit monticule et le produit d’une excavation. Des barrières séparent les concessions, parfois abandonnées. Je rallume la radio et arrive à capter quelque chose sur les grandes ondes.

DSC_6781_DxOJe roule. Des terrils.

Je roule. Des terrils.

A panneau indicateur, je quitte la Stuart Highway pour pénétrer dans la ville. J’y reste une heure ou deux, le temps de manger et de visiter. Ce ciel est vraiment incroyable.

Je repart et recroise des terrils.

Je roule. Des terrils.

Je roule. Du bush.

DSC_6809_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush qui change encore un petit peu, pour devenir peut être plus vert. De nouveau la radio verse dans un chuintement continu.

Je m’arrête pour faire le plein. De nouveau, ma carte bleue ne fonctionne pas et suis obligé de payer en liquide. Une légère angoisse commence à monter et je m’imagine bloqué au milieu du bush, contraint à travailler dans un cattle ranch, ma carte bleue ayant atteint le plafond de retrait.

Je roule. Du bush.

DSC_6775_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je fait la sieste sur le bord de la route. Dur, dur de rester concentré.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6812_DxOIl est presque cinq heure, temps de se mettre en recherche du prochain arrêt. En même temps, la recherche n’est pas compliqué, il suffit d’avancer jusqu’au prochain relais, dans quarante kilomètres. Une demi heure plus tard, je gare la voiture au milieu d’un espace de camping derrière un petit motel et prépare à manger. Les couché de soleils sont vraiment magnifiques mais la température rafraîchie rapidement. Cette fois-ci, je trouve des rideaux pour les vitres de la voiture.

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Le lendemain matin, nouveau réveil frisquet dans une pâle lueur. Il est aux alentours de 6h30. Encore une fois, je met peu de temps pour être prêt à partir et reprend de nouveau la route.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6822_DxOJe passe au dessus d’une ligne de chemin de fer, la Ghan Railway, nommé ainsi en hommage aux chameliers afghans. Un luxueux train permet de descendre de Darwin jusqu’à Adélaïde en empruntant cette voie mais je n’y aperçoit qu’un immense train de marchandise.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule et tout doucement le paysage devient légèrement plus vert et vallonné. Au loin, des espaces scintillant trahissent la présence de lacs. Puis de plus en plus rapidement, la végétation DSC_6839_DxOse transforme en vaste prairies et des reliefs montagneux apparaissent au sud-est, les monts Flinders. Un vent puissant souffle et la température est nettement plus fraîche malgré un franc soleil.

Je roule. La route descend tout doucement et je fini par apercevoir l’océan. Le trafic devient normal. J’aperçois de plus en plus de petites fermes au loin et un panneau indique la prochaine ville, Port Augusta.

Le relief se fait plus plaisant et le paysage nettement plus verdoyant. Ça y est, je suis sorti du bush. Il m’aura fallu deux jours et demi de conduite solitaire.

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Uluru, Kata-Tjuta, Kings Canyon – jour 3

On a beau dire, ces tours guidés à travers un territoire gigantesque ont un gros avantage. Pour faire rentrer tout ces trajets dans le planning, on est obligé de se lever très tôt. Conséquence positive, on profite de la visite des sites sous une lumière éblouissante. De nouveau, ce matin, on se lève avant l’aurore. Le petit déjeuner se fait dans un silence cotonneux mais aujourd’hui, Bob semble particulièrement excité. On fini donc de se préparer et le groupe monte dans le camion. Heureusement, la route est courte mais nous arrivons à un parking dans une nuit quasiment complète.

Ce matin, nous allons effectuer une petite randonnée autour de Kings Canyon et à écouter Bob, ça va être grandiose. Le spectacle étourdissant va rabaisser Uluru et Kata-Tjuta au rang de néant touristique. J’ai peur d’en avoir les yeux qui saignent tellement ça va être beau. On en avait d’ailleurs parlé avec Yannick et Annouk la veille dans le camion, plusieurs guides avaient l’air de sous entendre que Kings Canyon, c’est de la balle atomique. Ben mazette, il me tarde de voir ça.

DSC_6704_DxONous commençons donc une petite ascension rocheuse à la lampe frontale. Progressivement une lueur se fait devant nous et commence à découper des reliefs étranges en ombre chinoise. Arrivé au sommet d’un plateau, nous dominons la vaste plaine de bush derrière nous, à l’ouest, alors qu’à l’opposé, le soleil commence tout doucement à révéler des formes bosselées dans un paysage minéral rouge orangé. Nous poursuivons la marche et progressons sur un terrain rocheux fait de strates et de curieux hauts dômes et cônes que l’on pourrait croire fait de briquettes rouges. De ci, de là, des carcasses d’arbres morts renforce ce sentiment de désert minéral. Quelques buissons et lichens semblent seuls pousser par ici.

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DSC_6710_DxOLe chemin débouche sur une falaise qui nous permet d’apercevoir l’autre bord du canyon, à peine illuminé par le soleil levant. C’est effectivement beau mais je reste encore sous le charme d’Uluru. Bob profite de la pause pour nous donner quelques informations sur le lieu. Pour les aborigènes des environs, l’endroit est très spécial. La nuit, le plateau avec ce labyrinthe de dômes est même craint car associé à la mort.

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DSC_6717_DxOUn peu plus loin nous commençons à redescendre puis empruntons des escaliers en bois pour pénétrer dans un petit vallon encaissé à la végétation luxuriante. Une rivière coule doucement au milieu et les nombreux oiseaux qui y chantent procurent un incroyable contraste avec l’austérité du plateau. En remontant le vallon nous rencontrons une source translucide au pieds des falaises rouges. Bob nous distribue des biscuits et nous apprend qu’il s’agit d’une source d’eau potable donc sacrée pour les aborigènes. L’endroit s’appelle « Le Jardin d’Eden » et indubitablement, il porte bien son nom. C’est une sorte d’oasis au milieu de ce désert de roches.

DSC_6718_DxOAprès un peu de repos dans ce lieu où chacun baisse sa voix, nous repartons en sens inverse puis remontons sur le plateau de l’autre côté. Toujours ces dômes à perte de vue qui évoquent une étrange vision de ville morte. Nous marchons dans un air frais malgré un franc soleil matinal. A une nouvelle pause, Bob prend un air solennel et demande notre attention. « Alors maintenant, je vais partir tout seul en avant. Je demande à chacun de continuer sur le chemin mais surtout, sans se retourner. C’est très important sinon vous aller vous ruiner l’expérience. Lorsque vous m’apercevrez, vous me rejoignez, toujours sans regarder derrière. Ce n’est que seulement arrivé à mon niveau que vous pourrez vous retourner. Vous ne le regretterez pas. Ok ? »

DSC_6731_DxOSur ce, il s’en va. Et tout le monde se regarde. Ben diantre. Bon, ben, euh… allons-y. Je reprend le chemin dans un état d’angoisse, crispé à l’idée de trébucher sur un rocher et de devoir me retourner par réflexe. Mon imagination cale sur ce que doit bien être cette vue exceptionnelle qui nous attend à moins qu’il ne s’agisse d’un événement mystique. Progressivement je suis le chemin, quelques autres membres du groupe derrière moi. Je me demande si je ne suis pas pris d’une violente envie de faire pipi dans ma culotte tellement l’émotion de l’attente est grande.

Au loin j’aperçois Bob, assis au bord d’une falaise, regardant dans mon dos. Aaaah. L’émotion est à son comble et, mes genoux tremblotant d’excitation, j’arrive à son niveau. Je me retourne tout doucement avec des « glorias aleluya » qui résonnent dans ma tête dans un sublime accord mystique. J’ouvre grand les yeux. HOSANNNNAAAAHHH ! GLO-RI-AAAAAAA A-LEEEEE-LUUUUU-YAAAAAAAAH !!!!

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Oui, bon, ben, euh, oui, c’est pas moche. M’enfin, faut pas non plus s’emballer là mon vieux. Il serait pas sous speed, le Bob, là ? Loin de moi l’idée de faire le difficile mais il me semble que tu nous a un peu survendu le truc, j’veux dire. Mais attention. Ne me faites pas dire ce que je ne pense pas. C’est trèèèès mignon. Voir c’est trèèèès joli. Mais de là à insinuer que c’est le clou du spectacle, faut pas exagérer, mon petit Bob.

Je prend quelques photos en lâchant quelques « Ah, ouais » hypocrites et attend que tout le monde se retourne. Personne ne tombe dans les pommes par excès émotif, parfait. Une fois regroupé, Bob reprend la parole, toujours avec autant de solennité, et nous explique l’importance qu’il attache à ce lieu. Il y a quelques années, avec son amie, ils ont eu une petite fille qui malheureusement est morte née. Étant sensible aux coutumes aborigènes, et aimant ce lieu, il a demandé à un ancien qu’il connaît s’il lui était possible de disperser les cendres de l’enfant dans le canyon. L’accord donné, ils organisèrent une cérémonie spéciale en ce lieu. Depuis il vient s’y recueillir régulièrement.

Le silence se fait dans le groupe. Oui, bon, je pouvais pas savoir, non plus. Si on joue la carte du petit enfant qui meurt, c’est un peu tricher, aussi. Une ange passe. « Bon allez ! On fait une photo de groupe », nous lance Bob. Rhaaa, encore ? Je m’exécute. Cheeeeeese ! Nous reprenons la marche.

DSC_6722_DxOUn peu plus loin, nous effectuons une rapide pause autour d’un des nombreux arbres blancs des parages. Leur tronc est d’une blancheur presque artificielle, comme si quelqu’un les avait peint. Notre guide nous explique qu’il s’agit d’un arbre, le ghost gum, dépourvu d’écorce dont le tronc est recouvert d’une poudre blanche. Cette poudre est d’ailleurs utilisée par les aborigènes comme protection anti-solaire. Elle a d’ailleurs été mesuré comme ayant un indice 5. Je n’aurai pas été surpris outre mesure s’il nous avait demandé de lécher le tronc.

Encore un peu plus loin, nous nous arrêtons une nouvelle fois pour une petite explication sur les histoires aborigènes associées à cette endroit. Malheureusement, je ne m’en souviens plus. Par contre, après son explication, il nous invite à poser des questions sur ce qu’il vient de dire ou sur la culture aborigène. Moi, j’en profite et je lui demande quelque chose qui me trottait dans la tête. Est-ce que toutes les tribus aborigènes vivent de façon nomade ou y a t-il, comme en Amérique du Nord, des modes de vie indigène plus sédentaires ? Moi, je la trouve vachement pertinente ma question. Je me fais légèrement rembarrer lorsqu’il me répond de manière que je sens comme légèrement agacé : « Tu te souviens la carte des différentes nations aborigènes que je vous ai montré hier ? Et bien chaque nation a un territoire propre ». Mmmmh, je ne vois pas bien le rapport, pense-je. « Aaaah, oui. Bien sur », répond-je hypocrite. J’ai compris. Je me démerderai tout seul.

Finalement, nous repartons et en chemin, j’en profite pour taper de nouveau la discussion avec la canadienne de l’Alberta, très sympathique. Gentiment, elle me chuchote qu’elle a trouvé ma question très pertinente et me parle des tributs amérindiennes sédentaires du Canada. Ah ben bravo ! Z’aviez qu’à le dire à l’autre Bob, ça ! Malgré tout, pas rancunier, nous continuons notre discussion tranquillement jusqu’au parking.

Cette fois-ci, nous avons fait le tour complet et il nous reste plus qu’à rallier Alice Springs. Une longue route nous attend et chacun se détend. L’ambiance devient de plus en plus scolaire et je tente tant bien que mal de me concentrer sur les aventures de Richard Bolitho, toujours au service de sa majesté le roi d’Angleterre.

Nous faisons une pause déjeuner, puis repartons. Franchement, c’est un peu un boulot difficile maintenant que j’y pense, guide. Ils se tapent vraiment des centaines de bornes par jour et en plus ils doivent diriger un groupe, ce qui n’est jamais très facile. Hormis faire la sieste, je papote longuement avec Yannick qui s’avère être un passionné d’histoire. Je le vois d’ailleurs en train de lire un livre sur les grands chefs de guerre où est d’ailleurs décrit le fameux général Giap du Vietnam (à ce propos, il vient de mourir il y a quelques jours). On discute donc de plein de choses en rapport avec la Révolution Française et la Seconde Guerre Mondiale. Je dois dire que le garçon en connaît un sacré rayon.

Sur la route, Bob et James, qui se trouve maintenant à la place du copilote, s’amusent à compter les vaches, occupation très innocente si ce n’est qu’ils se mettent à hurler « COW ! » dés qu’ils en voient une. J’ai connu mieux pour garder un rythme cardiaque constant.

Finalement, nous arrivons à Alice Springs et chacun est déposé à son hôtel. On se retrouve pour la plupart au même, Yannick et Annouk y compris. Une soirée est organisée le soir dans un des restaurant / bar d’Alice Springs. Moi, je décline un peu fatigué par le bruit du dernier voyage et clairement pas trop en phase avec le reste du groupe mais surtout peu séduit par notre guide. Je dis malgré tout au revoir chaleureusement aux deux autres français en leur proposant de boire une verre le lendemain si on arrive à se recroiser. Malheureusement, ce ne sera pas le cas.

Au final, il restera des images incroyables de paysages surnaturelles sous des lumières sublimes. Indubitablement, il s’agit de lieux hors du commun. Seul Kings Canyon m’a déçu mais très certainement car on nous avait préparé à quelque chose du même niveau. Par contre, clairement, ces tours guidés sont un peu de la loterie que ce soit au niveau de la personnalité du guide ou des autres participants. On ne peut pas gagner à chaque fois. Si c’était à refaire, je le ferai tout seul, Uluru.

Kata Tjuta

DSC_6659_DxOKata Tjuta, autrefois appelé Monts Olga par les anglo-saxons, est un massif. Pour d’autres détails géologiques, je vous prie de vous référer vers des sources autrement plus calées que moi. Tout ce que je risque de faire est de vous répéter, en déformant, ce dont je me souviens des explications de Bob, quand à sa formation. Dans cette histoire, il y avait une chaîne montagneuse gigantesque, d’une hauteur plus impressionnante que l’Everest, des mouvements de plissements du à la marée et de l’érosion à foison. Tout ceci est un peu vague, je vous le concède. Ce que j’ai surtout retenu de son explication est que l’Australie, il y a un gros paquet de millions d’année, portait une chaîne montagneuse fabuleuse, depuis sérieusement rabotée.

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Ce qui est complètement impressionnant et presque inquiétant avec Kata-Tjuta est que l’on pourrait croire que ce n’est qu’un frère (ou sœur, comment savoir) d’Uluru. Même couleur, même côté un peu rondouillard, même situation au milieu de nul part, etc. Mais, point du tout. De loin, les deux ne se ressemblent pas. J’en veux pour preuve cette photo d’Uluru avec Kata Tjuta au fond à gauche.

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Ensuite, alors que l’un est du grès, l’autre est plutôt une sorte d’argile compacté. Rien à voir. Ne dites donc pas de bêtises. Il y a même de la végétation qui pousse sur les monts de Kata Tjuta alors que l’on a jamais vu un poil sur la tête à Uluru. J’imagine que vous ne voyez pas bien en quoi DSC_6677_DxOtout ceci devrait être « presque inquiétant ». Je vais vous le dire, moi, pourquoi vous devriez être inquiets. Un peu plus loin, en retournant vers Alice Springs, vous pouvez apercevoir une troisième formation exceptionnelle, Mount Conner, un gigantesque mesa en forme de fer à cheval. Vous ne trouvez pas ça bizarre, vous, qu’il y ait au milieu de nul part, à portée de vue, trois formations totalement différentes alors que tout autour, tout est plat? Moi ça me fait réfléchir et je me renseigne déjà sur la possibilité de devenir messie. Vous ne me ferai pas changer d’avis. Il y a du surnaturel dans tout cela.

DSC_6672_DxOEn parlant de ces choses là, saviez vous que Kata Tjuta était un lieu sacré pour la tribut aborigène des alentours? J’espère que vous avez répondu « oui », car je vous l’avait déjà dit, ça. Soyez un peu attentif. Les Yankunytjatjara, rapellez-vous. Et bien pour ces gens là, le lieu était carrément interdit aux femmes. Interdiction d’y aller, voir d’y jeter un œil. Pouah. Les rites qui s’y passaient étaient pour beaucoup liés à l’initiation des plus jeunes et devaient pour l’essentiel impliquer des retransmissions d’événements sportifs et une ingestion appropriée de boissons alcoolisées ponctué de concours de flatulence. Mais tout ceci est très secret, vous dis-je.

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En ce qui me concerne, j’ai trouvé Kata Tjuta magique, sublime et tout aussi spectaculaire qu’Uluru, mais dans un style différent. On pénètre dans Kata Tjuta et on peu s’y plonger. Uluru ne s’inspecte pas, on tourne autour. Il y a donc un mystère supplémentaire du fait de cette distance. Mais si vous voulez un conseil, prenez votre temps pour les visiter. Ne passez pas par un tour guidé.

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Uluru, Kata-Tjuta, Kings Canyon – jour 2

Je n’ai pas passé une nuit particulièrement agréable. Il a fait super froid et un petit vent glacé soufflait en rafale. Très certainement il s’agissait des esprits d’anciens venu se venger de la playlist musicale de la journée d’hier. S’il faut conclure sur les swags, je conclurai que ce n’est pas concluant. J’ai réussi à dormir mais une terrible envie d’uriner vers 4h du matin a condamné mon sommeil. C’est le drame du camping par temps froid. Il faut une volonté d’acier pour se raisonner et sortir de son cocon pour atteindre les toilettes, souvent à l’autre bout du camping. Je me réveille donc la tête adroitement placée dans mon rectum, manière de parler, à la charmante heure de 5h40. J’ai réussi à faire la grasse matinée pendant dix minutes.

Un groupe d’une vingtaine de zombies aux paupières collantes tournent autour de la table sous l’abri, une assiette contenant des tartines tenu mollement dans une main et un gobelet de boisson chaude dans l’autre. On se parle d’une voix grave et contenue. D’une oreille, je crois comprendre qu’un dingo a visité notre camp pendant la nuit. Notez qu’il s’agit d’une sorte de chien sauvage australien et non pas d’un psychopathe en liberté. Dire que je dormais et que j’ai raté ça.

Une heure plus tard, chacun a roulé ses swags, récupéré ses sacs et effectué une toilette optionnelle. Nous voilà reparti en camion alors qu’une mince ligne clair commence à se dessiner à l’horizon. Nous retournons au parc national pour assister au lever de soleil sur Kata-Tjuta. Bizarrement, arrivé là bas, nous sommes les premiers. Il fait d’ailleurs toujours un peu frisquet. Ça, pour aller boire des bulles à l’heure de l’apéro, il y a du monde mais pour le petit déjeuner dans le frais, c’est beaucoup plus clairsemé. Le point de vue est situé entre Uluru et Kata-Tjuta, sur un grand talus sabloneux dans le bush. Progressivement, d’autres groupes viennent nous rejoindre et cela commence à se serrer sur la plate-forme. La silhouette du grand rocher rouge se dessine sur un horizon de plus en plus clair puis, tout à coup, de premiers rayons dorés viennent frapper les reliefs ronds de Kata-Tjuta. Les appareils commencent à crépiter.

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Finalement, une lueur rouge s’intensifie à l’est d’Uluru. La tension monte. Certains perdent leur sang-froid et se mettent à mitrailler un nuage, le méprenant pour le soleil. La lueur devient orange, puis jaune pour finalement éclater au grand jour dans un grand éclat poétique. O astre de vie, comme te voilà bien matinal. Maintenant vous pouvez prendre des photos, sales touristes ! Alors je prend des photos.

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Chacun reste prostré dans une béatitude admirative, chuchotant à son voisin en cas de débordement émotif. La lumière change rapidement, attrapant maintenant les arbres et le bush. On pourrait rester des heures dans ce calme matinal. « Bon, on y va ? », nous fait Bob qui est remonté nous chercher. Ah mais quelle plaie, ce guide. Je vous l’ai pas dit mais en réalité c’est un homme aux multiples activités. A l’origine c’est un grand spécialiste des reptiles. D’ailleurs il est parti travailler plusieurs années au zoo de Hambourg, où il a appris l’allemand. On peut d’ailleurs soupçonner son séjour hambourgeois en notant l’inscription « FC Sankt Pauli » sur la casquette qu’il arbore en permanence, qui comme chacun le sait, est un club de football d’Hambourg. Ensuite il est rentré en Australie dans sa ville natale d’Alice Springs où il a fait quelques petits boulots, dont guide, mais maintenant il se lance également dans la photographie. Mais tout ceci ne devrait pas forcément l’obliger à nous mettre la pression en permanence, bien qu’il ai de la route à faire, je le conçois.

DSC_6682_DxONous voilà donc repartis gaillardement, maintenant bien réveillés, vers Kata-Tjuta où nous allons faire une petite marche sous cette exceptionnelle lumière matinale. Alors que la route contourne le massif, nous pouvons déjà en apprécier un peu plus les formes, totalement changeantes suivant l’angle. On dirait de gros blocs cylindriques verticaux aux sommets arrondis, d’une couleur identique à Uluru. Alors qu’on s’approche, la taille de ces blocs devient plus évident et ce que je prenais pour une modeste formation s’avère être aussi voir plus haut que son confrère. La végétation autour semble également plus haute.

Le camion se gare et chacun sort pour écouter les consignes du guide. Il nous propose de faire un des circuits du massif mais en faisant demi-tour à la moitié. D’après lui, la dernière moitié est moins intéressante. Bon, s’il le dit. Il insiste aussi sur le fait que chacun reste groupé. Ici, il ne veut pas que les gens lambinent derrière, surtout moi qui prend des photos, rajoute-t-il en me regardant. Cool, voilà que je me suis fait remarquer. La grand-mère de l’Idaho décide de rester en arrière en accord avec Bob. Il semblerait qu’il y ai quelques passages un peu grimpette.

DSC_6656_DxONous partons donc à la queue leu leu. Je ne rentre pas dans les détails du massif, car un billet spécial y sera consacré, mais sachez que c’est également un site extra-terrestre. C’est pas possible autrement que ce soit aussi beau et unique. Il y a forcément un dessein derrière tout ça, un coup à devenir croyant. La marche se termine sur une sorte de col entre deux parois rocheuses rouge sang sous la lumière du matin, face à une vallée verdoyante et des mamelons oranges au loin, un véritable paysage de planète de science-fiction.

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Chacun contemple et mitraille les environs en mâchonnant des cookies proposés par Bob. Parfois, on a envie de l’aimer ce garçon. Cinq minutes après, on me sort de ma méditation, alors que j’étais à deux doigts de comprendre le sens de la vie dans ce décor surnaturel, pour me demander de rejoindre la bande. C’est l’heure de la photo de groupe. Mon dieu, on se croirait à l’école. Enfin justement, s’ils m’avaient laissé cinq minutes de plus j’aurai pu leur dire s’il y en avait un, de dieu. La séance s’éternise car Bob, en charge de la prise de vue, est obligé de prendre une photo avec l’appareil de quasiment chaque membre du groupe. Toujours ce besoin de prouver aux autres qu’on était bien « Là ». Est-ce que je fais ça, moi ? Non, et ça se trouve je suis quelque part en Auvergne (plus probablement dans les Alpes de Haute Provence, en fait) en train d’inventer tout cela.

La formalité effectuée, nous pouvons repartir en sens inverse. C’est bien dommage, elle avait l’air chouette cette vallée. En chemin, je commence à papoter un peu avec la canadienne de l’Alberta qui parle un excellent français avec un très joli accent québécois. Elle a d’ailleurs vécu quelques années à Montréal mais habite maintenant avec son mari et ses deux chiens quelque part au nord d’Edmonton. On y voit d’ailleurs des aurores boréales en hiver et moi, ben ça m’fascine de savoir que des gens puissent voire des aurores boréales par leur fenêtre de salon. C’est quand même autre chose que des lumières intermittentes d’avions de ligne.

De nouveau dans le camion, nous repartons pour une longue route afin de rejoindre Kings Canyon que nous visiterons demain. Autrement dit, nous en avons fini pour les visites de la journée et il n’est même pas midi. Quand je vous dit qu’on fait beaucoup de kilomètres. Nous effectuons un petit crochet pour libérer la famille d’Idado de ce périple et les laisser à Yulara. Eux s’arrêtent ici et j’avoue avoir retourné la question dans ma tête. Le trajet jusqu’à Alice Springs étant encore loin, finalement, je reste. Surtout que maintenant, nous sommes de nouveau un nombre plus raisonnable.

Au cours du chemin, je constate qu’il fait un peu chaud, maintenant que le soleil brille bien haut. En discutant avec Yannick et Annouk, cette dernière s’interroge sur la présence ou pas du chauffage, pour qu’il fasse aussi chaud. Bon prince, j’élève donc la voix et demande à Bob si le chauffage est en marche. « Non. T’as froid ? » me répond-il un peu sèchement. Non, mais euh, en fait… euh… bon, je laisse tomber. Ça m’apprendra à poser les questions des autres.

Un peu après midi, nous nous arrêtons de nouveau à un cattle ranch pour déjeuner. A peine sorti du camion, nous sommes agressés par des mouches. Contrairement aux mouches dont je suis familier, celles-ci me paraissent un peu plus dodus. De plus, elles s’y mettent à plusieurs et elles sont loin d’être impressionnables. Mais surtout, elles s’attaquent aux yeux. D’après Bob elles sont attirées par l’humidité, les immondes pourritures. Sur des tables de pique nique nous disposons donc de quoi faire des sandwichs en agitant les bras et les mains comme des spasmophiles. Yannick, plus malin sort une sorte de filet d’apiculteur qu’il s’enfile sur la tête. C’est un vendeur de magasin de sport de Melbourne qui le lui a recommandé spécialement pour l’outback. Il est parfaitement ridicule avec ça mais nous autres sommes complètement au bord de la crise de nerf. L’Australie, du fait de ces mouches, est également le pays des chapeaux de cowboys garnis de bouchons de liège suspendus, histoire d’assommer les insectes qui passent. Du moins, c’est la théorie.

Nous repartons dans la précipitation et continuons notre route plus au nord pour rejoindre notre campement aux environs de Kings Canyon avant la nuit. Cette fois-ci nous dormons dans des DSC_6690_DxOtentes. Sur une longue ligne droite, Bob s’arrête et nous apprend que derrière une butte de l’autre côté de la route se trouve une surprise. Intrigués nous descendons du camion et traversons la voie sans aucune prudence. Le trafic étant vraiment rare et le silence complet, on entend venir les road trains à des kilomètres. On escalade la butte et quelques centaines de mètres plus loin nous apercevons une grande étendue blanche miroitante, un lac salé. De nouveau redescendu, chacun en profite pour photographier la route rectiligne et Bob insiste pour qu’on fasse une nouvelle photo de groupe. Exécution.

Quelques heures de route plus tard nous pénétrons dans un nouveau cattle ranch proposant des terrains de camping et le camion se gare devant l’accueil. On descend pour se dégourdir les pattes et attendre que Bob s’occupe des formalités. Un peu plus tard, il ressort du bâtiment avec un gros cacatoès blanc à crête jaune sur le bras. Il nous présente. L’oiseau est son animal de compagnie qu’il laisse ici car la famille d’éleveurs sont de bons amis à lui. Pendant dix minutes il nous montre tous les tours qu’il arrive à lui faire faire, entre autre, bouger la tête de droite à gauche quand Bob fait de même, la bouger d’avant en arrière lorsqu’il chante ou encore écarter les ailes en poussant un grand « sqwwwaaaak » lorsque son maître pousse un grand cri belliqueux. Pour tout vous dire, je suis souvent un peu mal à l’aise quand je vois ce genre de chose. Autant avec un chien, on arrive à voir lorsqu’il s’amuse mais là, n’étant pas un spécialiste d’oiseaux de cette espèce, j’ai l’impression de voir un humain s’amuser avec un animal plutôt que l’inverse.

DSC_6694_DxOFinalement, Bob va remettre son oiseau à sa place (sans doute en cage) et part garer le camion sur notre emplacement où se dressent une douzaine de tente en demi-cercle autour d’un abri central abritant tables et matériel de cuisson. Un groupe part chercher du bois pour le feu en compagnie de Bob, les femmes sont désignées pour préparer le repas. Les hommes seront chargé de la vaisselle. Pour ceux qui suivent, c’est le match retour. C’est donc un moment de flottement dont je profite pour me balader en limite de bush autour du camping. Dans cette région, il n’y a pas beaucoup d’eau donc il n’y a pas de crocodile. Je ne court donc quasiment aucun risque.

Un peu plus tard, le feu flamboie, et nous nous retrouvons autour pour digérer notre repas. Les discussions se font à un rythme plus haché, chacun étant happé par le pouvoir hypnotisant du feu. J’arrive néanmoins à avoir des discussions sympathiques avec Yannick, Annouk et les deux canadiens d’Alberta, notamment à propos du français québécois, de cinéma québécois et de constellations. La canadienne me prête sa tablette muni d’une application permettant de visualiser le nom des constellations en se basant sur l’orientation du dispositif. Rudement pratique mais un tantinet désagréable. L’écran étant assez lumineux, il a tendance à ruiner la vision nocturne, et donc la visualisation des étoiles dans le ciel. C’est quand même bien dommage.

Finalement, alors que le groupe se clairsème, je part rejoindre ma tente et mes rêves de la journée.

Uluru

DSC_6623_DxOJe profite qu’à l’instant de ma narration de mes trois jours deux nuits Uluru – Kata Tjuta – Kings Canyon, je dors, bien que difficilement dans un froid glacial, pour m’attarder plus longuement sur Uluru.

DSC_6592_DxOPar quoi commencer tellement le sujet est vaste, dans tout les sens du terme ? Tout d’abord, pour vous planter le décor, sachez que j’ai eu la chance de le voir juste après une période relativement humide. Ça n’a que très peu affecté le rocher, vous vous en doutez, contrairement au bush environnant qui s’en trouve plus vert et, toutes proportions gardées pour une région semi-désertique, foisonnante. On a donc la chance de profiter d’un superbe contraste entre le ciel sec et pur, le rocher rouge orangé et le bush d’un vert jaune ponctuellement fleuri. Au cœur de la saison sèche, ce doit être une autre histoire. Il est d’ailleurs peu recommandé de s’y promener en pleine journée, les températures montant facilement au delà de 40°C en plein soleil.

DSC_6621_DxOEn ce qui concerne l’origine géologique de l’engin, on m’a expliqué quelque chose mais je viens de jeter un œil à la page wikipédia associée et elle me semble beaucoup plus exhaustive. Mais surtout elle est beaucoup plus riche en termes scientifiques hyper pointus dont je ne connais absolument pas la signification tels que « arkose », « diaclase », « néoprotérozoïque » et « orogénèse ». Comme il ne faut jamais rater une occasion de devenir pédant, plongez-y. Pour faire simple, c’est un énorme rocher de grès monobloc profondément enfoui sous terre dont seul émerge la partie érodée.

Cette douceur de silhouette et les multiples plissures de la roche donne un aspect nettement organique à Uluru. Par moment, suivant les angles, on croit même reconnaître une patte d’animal DSC_6590_DxOplantée profondément dans le sable. A d’autres endroits de curieuses grottes en hauteur ressemblent à des bouches béantes. A chaque heure de la journée, le soleil changeant métamorphose ses aspérités. On comprend qu’il ai suscité autant de légendes.

DSC_6613_DxOJe vais d’ailleurs partager une grande déception avec vous mais, en réalité, Uluru n’est pas rouge. C’est une vaste opération de mensongerie à l’échelle planétaire. Si on coupe Uluru en deux (manière de parler, bien évidemment), ou plus modestement, si vous cassez un de ses fragments (ce que vous ne devriez pas essayer les enfants sinon à ce rythme il n’en restera rien dans un siècle) vous constaterez que la pigmentation rouge n’apparaît qu’en surface sur une très fine épaisseur. L’intérieur est d’un banal gris comme n’importe quel banal grès. Cette couleur cramoisie provient d’oxydes ferreux déposés sur le rocher par le vent, la région étant très riche de ce côté là. Que la nature est merveilleuse. Si les oxydes de cuivres avaient été prédominant, nous aurions eu un gros cailloux vert. A quoi ça tient.

Uluru est également extrêmement important pour les aborigènes car sur son périmètre se trouvent un petit nombre de sources d’eau. Chacune d’entre elles est un endroit sacré et protégé, notamment une dans un petit coin de verdure sur le côté sud, à l’ombre. Un rapide coup d’oeil aux alentours et vous comprenez rapidement que les prochaines sources d’eau sont au delà de l’horizon. Ou alors à Kata-Tjuta… si vous parvenez à traverser les 25 km à pied sans mourir, mwaaahhahaha!

DSC_6608_DxOVoici pour la partie prosaïque du rocher. Parlons maintenant de son aspect culturel. Pour vous mettre dans l’ambiance, je vous invite cordialement à attraper le didgeridoo le plus proche de vous. C’est l’occasion de crever une nouvelle bulle de légende urbaine car le didgeridoo n’est absolument pas un instrument « aborigène ». Plus précisément, car j’aime bien affirmer quelque chose de manière péremptoire et provocante pour ensuite le raffiner, il ne s’agit pas d’un instrument commun à TOUTES les nations aborigènes. Il y en a pour qui ce bout de bois creux est aussi abscons que pour moi. Vous avez noté comme j’ai subtilement amené le terme « nation aborigène » dans la conversation ? Et bien j’en parlerai dans un autre billet car pour le DSC_6610_DxOmoment, ce dont vous avez besoin de savoir, c’est qu’Uluru se trouve sur le territoire des Pitjantjatjara, anecdote notablement intéressante pour les cruciverbistes. Si on est légèrement moins anthropocentriste que moi, on devrait d’ailleurs dire que les Pitjantjatjara se trouvent non loin d’Uluru.

Leurs voisins, les Yankunytjatjara (les cruciverbistes se régalent), sont plutôt du côté de Kata-Tjuta, si vous voyez ce que je veux dire. En 1985, le parc national, qui jusqu’ici était géré par l’état fédéral australien après avoir été territoire royal, fut « rendu » aux peuples d’origines à condition que l’état conserve une part de co-gestion dans le parc. Les deux nations se sont réunis ensemble sous la dénomination Anangu, incomparablement plus facile à mémoriser, merci à eux, et acceptèrent le marché. C’est depuis cette année que l’on cesse d’encourager la grimpette en haut du rocher, que l’on a créé le centre d’accueil en matériaux traditionnels dont le rôle est principalement de sensibiliser les visiteurs à la culture et la légende locale, DSC_6618_DxOmais également que l’on a progressivement déplacé toute activité d’hébergement et touristique quelques kilomètres plus loin dans un site nommé Yulara. Précédemment on pouvait coucher et uriner quasiment au pied du rocher et c’était particulièrement mauvais pour votre karma.

Place maintenant à la légende d’Uluru. J’en frémit d’avance car je sens que je vais être particulièrement approximatif. Globalement, pour faire simple, et il n’est pas dans mes capacités d’en faire autrement, la plupart des légendes aborigènes se rapportant à l’origine des choses se situent dans un âge ancien appelé l’Age des Rêves. Non, arrêtez de m’importuner, je n’en sais absolument rien si ça se situait avant ou après l’age de bronze. Je crois que c’est plus un concept qu’une date précise, si vous voulez mon avis, genre « je ne sais pas quand, mais c’était il y a très longtemps ». J’en profite d’ailleurs pour tenter de lancer une expression dont voici un exemple d’utilisation dans l’contexte :
« Dis donc, c’est quand la dernière fois qu’on a fait la vidange de la voiture ?

  • Pfffiou, j’sais plus. C’était pendant l’Age des Rêves.

Voilà. J’espère bien que vous allez la propager.

DSC_6619_DxOPour revenir à Uluru, différentes zones du rocher se rapportent à différentes anecdotes mais qui ont pour la plupart trait à une histoire plus vaste racontant les faits d’un homme parti en vengeance contre une tribu d’hommes lézard qui en descendant sur Uluru auraient interrompu une cérémonie sacrée. Je n’en dirait pas plus car ma mémoire est défaillante sur de nombreux points. J’ai de vagues souvenirs de deux garçons pétrifiés dans une grotte pour avoir, avec zèle, obéis à la consigne de leurs anciens de ne pas bouger jusqu’à ce qu’on leur en donne la permission. Les anciens ayant été tués par les hommes lézards, ils y sont encore. Bel exemple de discipline. Très mauvais exemple de prise d’initiative.

On peut ne pas croire à ces légendes mais il y indéniablement un mystère, une spiritualité et une séduction incroyable en ce lieu à mon sens lié au caractère quasiment unique à l’échelle géologique de ce phénomène Uluru mais aussi à l’incroyable continuité de la culture aborigène, quasiment inchangée depuis des dizaines de milliers d’année. DSC_6620_DxOLes différents interdits sur le site et les explications très sommaires et simples des histoires et légendes ne font qu’entrouvrir la porte sur la culture de ces peuples autochtones. Moi j’ai été conquis.

De plus, c’est loin d’être un lieu ultra fréquenté et on peut sans mal se retrouver seul devant cette immensité minérale histoire de profiter pleinement du caractère majestueux et insondable. D’ailleurs, pour finir, écoutez moi ce silence:

Enfin, le soir, quand la nuit tombe, les touristes quittent la base du rocher. De nouveau seul, sous un vide étoilé, Uluru rêve.

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