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L’arrivée à Rarotonga

Lorsqu’on arrive à Rarotonga, île principale de l’archipel des Iles Cook, on revient en arrière dans le temps. Peut être était-ce un temps fictif, mais en tout cas je parle du temps où tout était plus humble, chaleureux et à taille humaine.

L’aéroport international, tout d’abord, est aussi grand qu’une gare de ville moyenne (et pas nécessairement bourguignonne, pour changer). On descend de l’avion par un escalier, on traverse le tarmac, et on entre dans le bâtiment où la douane et l’immigration se résument à un portique de sécurité et deux employés qui regardent votre passeport. Chose très agréable, je ne suis même pas assommé par la chaleur, un idéal petit 27°C sous un ciel aux quelques gros nuages.

Notre vol Air New Zealand déverse son lot de touristes qui font patiemment la queue, la plupart avec déjà des caisses de bières dans les bras, achetés directement au magasin duty free, avant même le passage devant les deux employées de la douane, pour cause de législation spécifique. Il y a même quelqu’un du magasin pour nous prévenir que c’est la seule occasion pour payer moins chers les alcools. Manifestement, pour beaucoup de touristes, c’est quelque chose de connu et un passage obligé.

Pendant que je fais la queue, je profite pour compulser la vingtaine de flyers vantant les différentes activités sur l’île. Location de voitures, scooters, vélos, plongée, soirée spectacle à thème polynésien, restaurant de fruits de mers, trek en quad à travers l’île, le ton semble donné, il s’agit ici de divertir un maximum. Seul sort du lot un prospectus vantant les célèbres randonnées guidées à travers l’île d’un certain « Pâ », polynésien cinquantenaire en photo avec des dreadlocks, portant la mention « vu à la télé ». Je l’empoche.

Ce séjour dans une île du Pacifique, je l’attend impatiemment depuis la fraicheur de Melbourne. C’est également pour moi le seul moment, une semaine, où je vais rester à peu près sédentaire depuis Pondichéry. Accessoirement, c’est également l’endroit où je crains le plus de m’ennuyer. On verra bien. Et puis, passer une semaine dans une île polynésienne, c’est toujours ça de coché dans la liste des choses à faire avant de mourir.

Sans surprises, la plupart de mes co-touristes sont néo-zélandais ou australiens. L’archipel est plus ou moins indépendant mais administré par la Nouvelle-Zélande dans un mode qui semble similaire aux Territoires d’Outre Mer français. La monnaie ayant cours est le kiwi dollar avec sa variante à taux de change équivalent frappée localement. Plus dépaysant, le personnel local a la bonne bouille souriante polynésienne, les hommes ayant pour la plupart un physique de rugbymen et certaines femmes des fleurs dans les cheveux. On y vérifie sans peine l’origine ethnique des Maoris. C’est d’autant plus frappant que chacun parle anglais avec ce même accent néo-zélandais si amusant, quoique peut-être plus chantant.

Finalement, je me débarrasse des formalités, récupère mon sac à dos et sort du petit hall pour me retrouver directement sur le parking, à la recherche de l’arrêt de bus. D’après ce que j’ai compris sur internet, l’île possède deux lignes de bus. Les deux empruntent le même parcours, c’est à dire quasiment l’unique route qui fait tout le tour de l’île. L’une la parcourt en sens horaire et l’autre en sens anti-horaire. Il est à peine 16h et j’ai tout mon temps pour rejoindre le Paradise Inn où j’ai loué une chambre / studio pour la semaine. Des navettes proposent des billets plus chers pour aller directement à son hébergement mais moi, je trouve ça plus amusant de prendre le bus local, sans parler que c’est moins cher.

Je me dirige donc rapidement vers une dame de l’aéroport et je lui demande où se trouve l’arrêt du bus. Suivant ses indications je traverse le parking, traverse la route qui est à peu prêt aussi importante qu’une départementale française et me retrouve sur un dégagement en gravier devant un restaurant bar. Comme je vous l’ai dit en début de billet, ici, tout est plutôt simple. Je retrouve un petit peu l’excitation aventureuse de l’Inde. N’étant pas totalement débile, je me met du côté de la route correspondant au sens horaire, l’aéroport étant au nord-ouest de l’île et mon hôtel plutôt au nord-est, pas très loin du centre ville de la principale bourgade de l’île, puis je patiente sous le soleil. C’est également l’occasion d’admirer les rudes montagnes volcaniques couvertes de jungle du centre de l’île alors que derrière moi et le bar, à une vingtaine de mètres, j’entraperçoit l’océan.

Je suis d’un naturel patient lorsqu’il s’agit de faire la queue. Je patiente donc une demi heure. Je vois passer devant moi à intervalles régulières des voitures, des scooters et des vélos, certains portant des employés de la douane et de l’immigration quittant l’aéroport. Tout laisse à croire que le trafic aérien est suffisamment clairsemé pour s’autoriser quelques pauses. D’ailleurs, depuis notre arrivée, aucun avion n’a décollé ou atterri.

Finalement, j’aperçois un vieux bus à moitié rouillé arrivant dans la bonne direction. Je lève donc un bras et attrape mon sac à dos alors que le véhicule se range sur le gravier dans un couinement de freins. A l’intérieur, quelques touristes en t-shirt, short et coups de soleil occupent les bancs en skaï verts parmi quelques autochtones. Le chauffeur, un souriant polynésien me dit bonjour et je lui achète un ticket avant de m’asseoir derrière lui.

Il s’en suit alors une bonne heure de trajet dans ce bus cahotant, temps pendant lequel je peux avoir un premier aperçu de la totalité de l’île, avant de revenir à mon point de départ, devant l’aéroport. Que c’est-il passé entre temps ? Et bien, tout d’abord, je n’ai pas bien compris au début qu’il fallait que j’avertisse le chauffeur du nom de mon hôtel afin qu’il s’y arrête. Toute la périphérie de l’île est constellée d’hôtels, complexes, resorts et restaurants (même si on est très loin de la côte varoise) dans une sorte de continuité en pointillé sans qu’il en ressorte de véritable ville hormis la capitale, Avarua, grande comme un village. Ensuite, j’étais en état de semi-somnolence en train de profiter du trajet. Finalement, le chauffeur s’est avéré être principalement un comique, se moquant gentiment de chaque nouvel usager avec des blagues récurrentes (au bout d’une heure, j’avais compris le principe, moi qui pensait au début qu’il improvisait) ou racontant des blagues parfois incompréhensibles (sauf pour les néo-zélandais à bord) sur les maoris (qui ont l’air d’être les belges du coin). Bref, je profitai du spectacle dans tout les sens du terme sous 27°C, température que nos politiciens devraient imposer par la loi.

Après un tour complet de l’île, je me dit qu’il est peut être temps de me poser, surtout que j’ai déjà vu le spectacle. Je me penche donc vers mon chauffeur et lui demande s’il peut me déposer au Paradise Inn. Je m’en sort bien, il ne cherche pas à m’humilier devant tout le monde en se fichant ma tête. Ceci dit, il est bien sympathique, et prend même la peine d’avertir son patron qu’un des clients a oublié son iPhone, ce que moi, personnellement, je n’aurai pas fait.

C’est donc vers les 18h que le bus s’arrête de nouveau devant mon hôtel et je quitte mon chauffeur-comédien-humoriste en le remerciant. L’hôtel est un bâtiment en bois blanc, sorte de grande maison tout en longueur, entre la route et la mer comme il se doit pour la plupart des hébergements pour touristes de l’île. A l’accueil je pose mon sac et cherche un être humain pour interagir. J’aime bien ça, moi, l’interaction. Personne. Bon, bon. J’attends un peu, étant encore une fois plutôt stoïque. Rien. Je cherche une sonnette. Echec.

Finalement, après dix minutes, je décide de faire le tour de la grande maison pour croiser quelqu’un. Je longe le bâtiment où donnent les chambres et pénètre dans le salon commun donnant sur la plage. Sur la terrasse, une bonne vingtaine de personnes sont confortablement assises en rond, un verre à la main, écoutant attentivement une dame anglo-saxonne d’âge moyen en paréo. A mon arrivée, tout le monde se retourne et la dame se tait. J’ai l’impression que je dérange.

« Bonjour, je cherche quelqu’un pour l’accueil ?

  • Euh, c’est moi, répond, un peu surprise, la dame en paréo. Quel est votre nom, s’il vous plait ?
  • Olivier Prat, j’ai réservé pour une semaine sur Agoda.
  • Ah, répond-elle après quelques secondes de blanc. Euh… je vous rejoint et je m’occupe de vous dans quelques minutes.

Je me replace donc à l’accueil et attend donc qu’on s’occupe de moi. Quelques minutes plus tard, la dame me rejoint avec un petit chien blanc et un air interrogatif.

« Alors, à nous maintenant. Vous pouvez me rappeler votre nom, s’il vous plait ?

  • Olivier Prat, j’ai réservé par Agoda.
  • Bon, voyons voir, dit-elle en se penchant sur son ordinateur. Je vous avoue être perplexe car nous sommes complet et je n’attendais plus personne. Ceci dit, votre nom me dit quelque chose.

C’était donc cela. Effectivement, après quelques minutes de recherche sur son ordinateur, la vérité éclate au grand jour : ma réservation est passée à la trappe. Avouez tout de même qu’il y a de pires endroits au monde où se retrouver sans toit qu’une île paradisiaque où la température ne descend pas en dessous de 25°C. Je n’éprouve donc même pas de colère ou de panique, mais plutôt un certain amusement.

Fort heureusement, après des explications au sujet d’ordinateur en panne et de disque dur changé, la tenancière m’assure gentiment qu’elle va s’occuper de moi en appelant les autres hôtels de l’île, à sa charge bien sur. En attendant qu’elle trouve une solution, elle m’invite à me poser confortablement sur la terrasse avec une boisson offerte par la maison. Chic.

Quelques secondes plus tard, me voilà donc assis en terrasse sur une chaise face à la mer, au dessus d’une petite plage, en train de profiter des premières gorgées d’une bière bien fraîche. De la vingtaine de personnes à mon arrivée ne restent que deux jeunes hommes à une table, également munis de leur bouteille de bière.

Assez rapidement, la conversation s’engage, suite à mon arrivée un peu surprise. Je leur apprend ma situation en rigolant et très facilement, nous commençons à parler d’autres choses. L’hôtel est au complet car il héberge pendant un mois une vingtaine de jeunes instituteurs stagiaires australiens, venus ici pour parfaire leur formation dans le cadre d’une convention avec le gouvernement des îles Cook. Ils interviennent dans les écoles primaires de l’île tout en profitant d’un cadre plus qu’agréable. Alors que le soleil décline rapidement, comme c’est légitime sous les tropiques, nous sommes rejoint par un troisième larron de la bande, un grand gaillard blond et costaud.

Une bière à la main, un couché de soleil dans le dos, une température idéale et une conversation agréablement intéressante, voilà ce qu’il faut pour bien finir une journée de voyage. Les trois gars viennent de la région de Melbourne et nous parlons fatalement de la ville et de sport. C’est eux qui m’apprennent qu’une grande partie de la population de leur région est férue de sport et qu’il n’est pas rare d’aller voir des matchs de toutes les compétitions au stade plusieurs fois par semaine. On plaisante également sur le caractère un peu « snob » et « trendy » de Melbourne, tel qu’il est perçu par les gens habitant la campagne autour.

En cours de route, du balcon, deux jeunes femmes, toujours institutrices stagiaires, participent à la conversation. Elles m’apprennent qu’elles doivent, en plus de leurs cours, rédiger un mémoire, ce qui bien entendu, vu les conditions, est bien la dernière chose qui leur fait envie. Je suis d’ailleurs surpris par l’âge de ces stagiaires qui vont de 20 à 30 ans. Certains ont d’ailleurs déjà pratiqué des métiers et sont venus à l’enseignement après coup, bénéficiant des bourses octroyés par le gouvernement australien. Sans vouloir conclure trop hâtivement, je trouve ça assez rafraichissant par rapport à tout les instituteurs et professeurs français, directement sortis des études, sans autre expérience professionnel. Mais peut être suis-je tombé sur un lot très particulier. Déjà, ils sont en stage sur une île paradisiaque.

Alors que je fini de bien sympathiser avec cette dynamique bande, la responsable de l’hôtel revient et m’annonce avoir trouvé une solution. Elle s’est arrangé pour m’héberger cette nuit dans un autre hôtel et les nuits suivantes dans un troisième. Elle me rassure, j’y serai beaucoup mieux qu’ici. C’est peut être vrai d’un point de vue purement fonctionnel et luxueux, mais j’avoue déjà regretter ces jeunes australiens et l’ambiance détendu de l’endroit. Je les quitte donc en les remerciant et en leur souhaitant un bon stage, alors que le blond barbu m’invite à les rejoindre boire un verre si on se recroise. Sait on jamais avec cette île tout en cercle.

Nous nous retrouvons donc à trois, la gérante, son chien et moi, dans sa petite voiture japonaise en route vers ma prochaine étape. Enfin, pas tout à fait. Elle me propose d’abord de s’arrêter en route pour s’acheter un fish’n’chips. Elle meurt de faim et il 20h, il est vrai. Soit, allons-y, je ne suis pas pressé. Je discute donc un peu avec elle et j’apprend qu’elle est néo-zélandaise, installée ici depuis quelques années. Elle loue le bâtiment de son hôtel car la loi des îles Cook interdit la vente de terrain aux étrangers. A vrai dire, c’est même plus simple que cela car la terre n’est pas réellement une propriété privée. Elle appartient aux familles élargies et ne peut être vendue sans l’accord d’un comité. D’après elle, c’est une bonne chose qui a permit de contenir le prix des logements tout en préservant l’hébergement des habitants locaux. Aux îles Fidji, qui suivait jusqu’ici une loi similaire, il a été décidé de libéraliser le marché de l’immobilier, à la mode occidentale, avec pour résultat une inflation terrible et des autochtones mal logés.

Elle se gare alors sur un parking en gravier et nous descendons en laissant le chien, placide à l’arrière. D’après elle, ici se font les meilleurs fish’n’chips de l’île et pendant qu’elle part se chercher sa portion, je m’approche de habitués. Le lieu s’avère être une sorte de bar / restaurant en plein air et ce soir, l’affluence est plutôt importante. Sur un écran géant, un match de rugby du championnat néo-zélandais est diffusé, suivi passionnément par les clients. Je tente de suivre.

Régulièrement, je surveille ma chauffeuse, occupée à avaler son plat avec les doigts tout en discutant avec des connaissances. Finalement, une demi-heure plus tard, elle me retrouve dans la foule et nous remontons en voiture. On peut dire qu’elle a attrapé le rythme des îles, elle.

Enfin, quelques minutes et un petit quart de tour de l’île plus tard, nous nous arrêtons une nouvelle fois, cette fois-ci devant un hôtel plutôt luxueux en bord de mer (mais est-il besoin de le préciser), le Pacific Resort. La gérante du Paradise Inn résume la situation à la préposée de l’accueil et cinq minutes plus tard, après avoir remercié la première de ces efforts, je suis la seconde vers ma chambre, à l’étage d’un bâtiment isolé, de l’autre côté de la route.

Pour ce soir, j’ai le droit à une grande chambre classieuse avec une belle salle de bain et une petite kitchenette. Pour ne rien gâcher, la gérante de mon ex-hôtel m’a même offert le diner. Je fini donc ce périple au restaurant soigné et lounge du Paradise Inn, à l’air libre, entouré d’une végétation tropicale et bien entendu, toujours sous 27°C.

Côté conversation, par contre, c’est beaucoup moins agréable.