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Manger à bord

Il est donc venu le moment de parler de la nourriture à bord de ces beaux cargos. Oui, car grâce à de magnifiques ellipses temporelles que seuls permettent la littérature et d’autres formes narratives plus mineures tels que le cinéma et la chronique livestyle sur Youtube, je vais combiner en un seul présent les multiples épisodes gastronomiques à bord des deux fiers vaisseaux de la CMA CGM, compagnie française basée sur Marseille (main sur le cœur et menton en l’air, avec des cigales au fond), dont j’ai eu l’opportunité de fréquenter les cuisines.

Roulement de tambours, halètements de suspens puis soudain coup de cymbales : c’était fort mauvais.

Voilà, la messe est dite. La fière réputation gastronomique de tout un pays durement portée au plus haut s’en trouve éclaboussée d’excréments mais, oui, il faut bien l’admettre : c’est franchement extrêmement désappointant. Mary et Douglas furent les premiers à exprimer tout en chuchotements complices afin de ne pas être entendus du capitaine, que non, ils attendaient mieux d’une compagnie française.

Maintenant que l’artillerie lourde a tonné, tentons de tempérer mes propres propos (Tiens, en voilà une bien belle allitération en « p » et « pr », soit dit en passant). Quand je dis que c’est fort mauvais, disons que c’est plutôt dans l’esprit cantoche : saucisse purée haricots verts et flamby au dessert. Mais sans imagination et plutôt grossier.

Par sans imagination j’entends qu’à chaque repas c’est invariablement une soupe du jour qui, dans les mauvais jours du chef, peut tomber aussi bas qu’une soupe aux tripes, suivi d’un plat principal qui dans les moments de grâce s’avère être une pizza surgelée mais au quotidien est plutôt un steak brocolis à la vapeur. Le tout s’achève par un fruit mais si on est gentil parfois on a de la glace recongelée légèrement pailletée à l’intérieur. C’est rigolo, c’est froid, ça croustille mais ça fait comme des micro coupures sur la langue. Moi, je mange car comme le dit si adroitement ce court mantra bourguignon du 21ème siècle, copyright Gabriel Bloch : « On te demande pas d’y aimer, on te demande d’y bouffer ». Point d’exclamation. Sont déjà bien gentils de nous accepter à bord.

Ceci dit… je ne voudrais pas barbouiller le tableau tout en noir. Il nous est aussi servi invariablement des crudités. Parce que c’est bon pour la santé et que ça aide au transit. Comme chacun sait, transit libéré égal esprit libéré. La salade est présentée non assaisonnée, certes, mais comme l’huile et le vinaigre balsamique sont à disposition sur la table, il ne tînt qu’à nous que nous nous sortîmes les doigts du fondement. Ce que fit Mary qui fut la première à craquer en nous préparant une petite vinaigrette en live. Après tout, on est finalement ici comme à la maison, bien que servi par un jeune philippin timide.

Hormis ce louable dessein digestif, nous avons eu un soir sur le Columba une fort convenable à bonne goulasch, parfaitement assaisonnée et composée de tendres morceaux de viandes qui nous souleva tous les sourcils d’étonnement. Alors, effet de contraste après deux jours de nourriture insipide ou réussite culinaire ? Soyons sport et penchons pour le deuxième. Ceci dit, la chronologie exacte de tout ces repas se brouille dans mon esprit, mais il me semble bien qu’en entrée ce soir là, le chef avait tenté de nous refourguer le reste de soupe aux tripes, grossièrement transformée par l’ajout de gélatine en une sorte de fade pâté de tête encore plus inintéressant. Moi qui suit bien élevé, j’y est prélevé une tranchette à fin d’examen. J’en ai conclu donc que le chef ce soir là nous avait clairement dit « merde » avec ce qu’il avait sous la main. C’était donc de l’art dans sa définition moderne : l’expression d’un message par le biais d’une technique maîtrisée. Il ne manquait juste que la note d’intention pour qu’il puisse exposer.

Autre moment de désillusion, d’un autre acabit : ce soir là, à bord du Gemini était inscrit au tableau de la salle à manger des officiers un mystérieux « cheese pie » en dessert concluant un « schnitzel » en plat principal. On n’était pas loin d’espérer du repas convenable surtout que vu l’anglais cassé parlé à bord de ces navires, l’esprit qui est le mien avait tôt fait de visualiser un « cheese cake » sous la dénomination de « cheese pie ». Qui plus est, un des officiers roumains avait discrètement demandé deux parts à Jerry, le serveur, avec un regard complice. Je m’en pourléchais les muqueuses d’expectative.

Bon je passe sur le schnitzel, une vague escalope panée mollassonne qui n’avais jamais connue Vienne et encore moins l’Autriche. Cantine, vous dis-je, pensez cantine. Le « cheese pie » c’est avéré être une sorte de feuilleté au fromage dont je ne parvient toujours pas à trancher s’il était salé ou sucré. J’peux rien affirmer, m’sieur l’commissaire. J’ai envie de dire que ça dépendait des bouchées même si aucune n’était ni franchement mauvaise ni franchement délicieuse. Il faut croire que c’était une spécialité roumaine vu l’enthousiasme apparent de mes collègues. Mais enfin, qui sommes nous pour juger du bien du mal, du bon du mauvais ? Après tout, nous vivons dans la décennie des chaussettes-claquettes, alors… un feuilleté mi-gras-sucré-salé-mi-bon-mi-mauvais…

Comme me l’a confirmé le capitaine du Gemini, plus loquace que celui du Columba, le cuistot sur un bateau, c’est hyper important. Je crois qu’il était conscient de la qualité un peu moyenne de son staff. Malheureusement, de ce que j’ai pu comprendre, il n’est pas responsable du recrutement de celui-ci. Les deux cuistots que j’ai côtoyé à bord des deux bateaux étaient tout les deux philippins, sans doute peu familiers de la cuisine européenne exigée par les officiers, sans parler qu’il devait très certainement se coltiner des consignes diététiques d’un pseudo CHSCT à Marseille. D’ailleurs, sur le Columba, nous avions chaque jour à notre table une feuille avec les menus du jours, séparé en deux colonnes : la première pour les officiers et la deuxième pour les membres de l’équipage. La plupart du temps l’équipage, majoritairement philippin, faut-il le rappeler, avait droit à des plats plus asiatiques. Avec Mary on regrettait parfois de ne pas pouvoir choisir l’autre menu ou de bouffer avec l’équipage. Les pauvres officiers chinois qui devaient eux aussi avoir une autre idée de la nourriture, se faisaient parfois des bols de nouilles dans la cuisine.

Ça plus l’ambiance contenue dans la salle à manger, rien d’étonnant que Douglas ait demandé discrètement à chaque dîner auprès de Rey, notre serveur, pour qu’il nous serve une bouteille de vin histoire d’ajouter un peu de joie au repas. Arrivé à Malte, on avait déjà sifflé toute la maigre réserve, rouge ET blanc. Du Rioja Marquis de Caceres espagnol, pour ceux que ça intéresse.

La Poutine

Bon assez esquivé, parlons bouffe. Il est grand temps que je vous raconte mes aventures culinaires dans la Nouvelle-France. Commençons par le petit-déjeuner.

Mon premier matin à Montréal, je me suis fait une joie d’expérimenter un copieux petit-déjeuner de pancakes dans un des nombreux petits cafés-restaurants de la rue Mont-Royal. Là, il n’y a pas à tergiverser, c’était impeccable. Généreux, varié, le tout accompagné d’un pichet de sirop d’érable à volonté que l’on peut utiliser pour gonfler les pancakes de sirop sucré jusqu’à ce qu’on ne puisse plus ouvrir la bouche sans produire d’épais filaments de salive caramélisée. Le plaisir ici est dans l’excès surtout que j’avais choisi l’assiette accompagné de petits beignets de pomme de terres. Par -20°C c’est indispensable. Ça commençait bien.

Mon premier midi, j’ai voulu goûter à ma première poutine, plat national québecois. Je me suis donc posé dans un petit restaurant fast-foodesque du centre ville de Montréal, légèrement après le rush de midi, pour être bien tranquille. J’ai pu donc commander en toute tranquillité une poutine « de base » auprès de la dame d’âge mur derrière le comptoir. Soyons clair, la poutine ne sera jamais au panthéon des mets fins et délicats. En cela elle est rejointe par la raclette, la tartiflette ou les patates au lard (et à vrai dire tous les plats basés exclusivement sur du cochon mort et des féculents). Laissez moi vous en expliciter la recette :

  • Faites des frites.
  • Coupez du fromage en petits dés (de la taille d’apéricubes).
  • Couvrez les frites des petits dés de fromage sus-coupés.
  • Nappez l’ensemble d’une épaisse sauce à la viande.
  • Baffrez.

Je vous avez prévenu, il n’y aucun raffinement là dedans. C’est donc non sans une certaine déception que j’attaqua ma première poutine car s’il y a bien une chose facile à rater c’est bien ce plat. Utilisez des frites industrielles congelées, des dés d’ersatz de mozzarella et une sauce à la viande bon marché à base de viandox, le tout servi tiède et vous passerez un quart d’heure douloureux à tenter de combattre vos réflexes vomitifs. Moi, comme je suis poli, je fini mes plats. Ça m’en coûte, mais là, je représentait la France est la commerçante était fort sympathique. C’est bien simple, ça n’a aucun goût hormis un vague goût salé porté par la sauce à la viande bien grasse. Encore une fois, ce plat doit se déguster sans doute exclusivement sous -20°C. Echaudé par cette expérience, je me suis fait un soir suivant un pho (fa) dans un restaurant asiatique du petit chinatown montréalais, histoire de retrouver le plaisir du goût.

Comme je ne suis pas de ceux qui se forgent un avis sur une unique expérience (il m’en faut au moins trois), j’ai retenté le coup à trois nouvelles occasions. C’est presque de l’entêtement. Expérience numéro 2, un midi aux chutes de Montmorency dans une sorte de dinner sans âme. Nouvel échec. Expérience numéro 3, le midi de mon arrivée à La Malbaie dans le bar-billard-restaurant familial du centre ville, au Veilleux, institution du coin. Mention spéciale pour le lieux, situé en sous-sol dans une quasi-ambiance de bar miteux du middle-west américain. Des employés désabusés y servent des burgers et poutines à une clientèle peu gastronome. La qualité de la poutine est ici jugé au monticule de frites noyés sous une cascade de « gravy » quasiment aussi sirupeuse que du sirop d’érable, le sucre en moins. Pour m’éviter une catastrophe digestive j’y commande une petite mini-poutine comme accompagnement d’un cheeseburger. Troisième échec heureusement limité par la taille restreinte du plat. Comme je suis un peu con, je redonne une dernière chance au Québec en commandant, mon dernier soir avant de partir pour New-York, une ultime poutine dans les quartier des théâtres de Montréal. Certes, à chaque fois, je commande le plat dans des petits troquets bas de gammes. Peut-être que les vrais poutines se dégustent chez l’équivalent québecois de Fauchon. En tout cas, la dernière poutine a failli me faire vomir, frites tièdes sous fromage caoutchouteux froid et sauce tiède. L’infarctus me guette. Détrompez-vous si vous pensez que le plat est une vaste joke pour touriste parisien. A vrai dire, c’est plutôt l’inverse. J’avais même l’impression d’être le seul touriste à en commander contrairement aux autres consommateurs de la chose, québecois. Je serai donc clair, en ce qui me concerne, la poutine, c’est dégueulasse. D’ailleurs, un ami de Maxime, lors d’une soirée à déjeuner en comptoir d’une tartine bien grasse m’a fait découvrir le terme qui correspond parfaitement à cette cuisine : sale. Après une poutine, on se sent répugnant, collant de l’intérieur, les artères souillées de gras. Et en plus, ça n’a aucun goût.

Bon, fort heureusement, tout n’était pas aussi peu à mon goût. Je peux par exemple citer de mémoire le « Cochon Dingue » à Québec Ville, un des forts appréciables restaurants de la basse-ville, sans parler que son nom est en lui même une vaste blague. Ce n’est pas non plus un restaurant hyper bon marché mais comme partout en Amérique du nord, j’ai l’impression, les restaurants sont plus chers qu’en France. Tout ça mis bout à bout, je suis bien navré de devoir décerner à mon expérience québecoise la palme du pire séjour gastronomique. Pour des francophones, ça me coûte, mais qui aime bien, châtie bien.

Fort heureusement, si côté bouffe nos cousins ne m’ont pas laissé estomaqué de stupeur admirative, il en est autrement côté boisson. Je vais être d’ailleurs encore plus spécifique : côté bière, ils sont fortiches. C’est très simple, on dirait des belges. Il y a un très grand nombre de micro-brasseries dans la belle province, chacune produisant deux ou trois bières de personnalité différente, ambrée, blonde ou brune. Du coup, on leur pardonne cet immonde plat national.

Embarcadero

Si vous êtes un minimum attentif ou avec un minimum de culture, vous savez que San Francisco est un port. Si ce n’est pas le cas, vous venez de l’apprendre. Je m’abstiendrai pour une fois de vous assommer de statistiques divers, surtout parce que je n’en connais aucune, hormis qu’il connu son DSC_8244_DxOessor à l’époque de la ruée vers l’or, logiquement, puis ensuite pendant la Seconde Guerre Mondiale (tiens, je met des majuscules pour marquer le coup). C’est par un matin ensoleillé que je part à la découverte des quais. Oui, bizarrement, je constate que le touriste est attiré par les ports et beaucoup moins par les aéroports.

Le port de San Francisco n’est plus un port industriel. Ne prenez pas cet air désolé, l’activité portuaire principale se trouve de l’autre côté de la baie à l’est, à Oakland. A San Francisco, les quais sont encore utilisés pour les ferries qui desservent les autres villes de la baie mais surtout pour le tourisme. L’ancien terminal a notamment été transformé en halles alimentaires où on peut trouver des produits bio locaux (ou « organiques » comme on dit aux Etats-Unis).

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En remontant ces quais d’est en ouest (et donc légèrement du sud au nord), en allant vers l’embouchure vers le Pacifique et le Golden Gate Bridge, on s’approche de plus en plus des zones touristiques. La rue longeant la baie porte le joli nom hispanique de « The Embarcadero ». A San DSC_8247_DxOFrancisco, il subsiste encore plein de références à cette lointaine époque quand la Californie faisait partie du grand Mexique. The Embarcadero tourne autour d’une colline du nom de « Telegraph Hill » reconnaissable par la tour cylindrique à son sommet. Le nom de cette tour est extrêmement facile à mémoriser puisqu’elle s’appelle la « Coït Tower ». Voilà, je ne crois pas qu’il soit nécessaire de faire un commentaire si ce n’est qu’elle a été érigée par un monsieur Coit pour célébrer les pompiers de la ville. Vous aviez l’esprit mal tourné.DSC_8251_DxO

DSC_8277_DxOLe sommet de l’activité touristique se concentre autour de Firsherman’s Wharf, l’autre nom du pier (quai) 39, où un grand ponton en bois supporte une ribambelle de magasins, restaurants et échoppes à touristes. Tout ceci est assez joyeux et au bout on peut parfois avoir la chance d’assister à diverses représentations tel que le magicien que j’ai pu voir. Si vous cherchez un souvenir un peu kitsch de la ville, c’est ici qu’il faut aller.

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DSC_8265_DxOSi au bout du pier 39 on tourne à gauche pour le longer de l’autre côté, face au Golden Gate Bridge au loin, il est impossible de ne pas s’arrêter à une des attractions majeurs de l’endroit. Enfin, je dis ça mais je suppose que ceux qui ne voient aucun intérêt dans les animaux sauvages passeront leur chemin. Peu après le grand tremblement de terre de 1989, des lions de mer de Californie (et non pas des otaries) se sont installés sur des pontons à côté du pier 39. Au fil des années, ils furent de plus en plus nombreux à venir ici régulièrement. C’est donc de façon totalement détendue qu’ils restent ici, au soleil, protégés par la loi, pendant qu’une horde DSC_8304_DxOde touristes les prend en photo. La vérité, c’est qu’ils sont incroyablement divertissants à regarder. Déjà, ils font un bruit du tonnerre avec leurs aboiements mais surtout, il y en a toujours un ou deux pour se chamailler. Généralement cela se traduit par un des lions courant partout sur SON ponton (de manière très maladroite, il faut bien l’avouer) pour empêcher qu’un de ses congénère (souvent têtu) se propulse dessus afin de pouvoir, lui aussi, profiter d’une petite sieste.

DSC_8296_DxODe Fisherman’s Wharf, on peut également faire une petite croisière d’une heure autour de la baie voir passer un peu de temps sur l’île d’Alcatraz, juste au large. Alcatraz, je suis sur que vous le savez, est l’ancien pénitencier fédéral, aujourd’hui devenu un musée. Je me suis contenté d’un petit tour en bateau jusqu’au Golden Gate puis autour de l’île ce qui est amplement suffisant pour revenir décoiffé. D’ailleurs, je vous glisse un petit conseil. Si vous souhaitez entendre les commentaires du guide, ne vous mettez pas dehors, le bruit du vent empêchant toute écoute. Voir ou entendre, il faut choisir. En tout cas c’est l’occasion d’une vue sur la ville.

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DSC_8315_DxODe retour à terre, je poursuit ma ballade toujours plus à l’ouest vers le quai 45 qui abrite trois attractions d’ordre historique potentiellement intéressantes. Tout d’abord, amarré au quai on peut visiter un véritable sous-marin de la Seconde Guerre Mondiale. Je confirme, ce n’est pas très grand à l’intérieur. Comme je vous sais friands de petites anecdotes inutiles, un sous-marinier n’avait le droit qu’à une douche par semaine. A la découverte de cette information, une adolescente américaine aux allures de lolita fait la moue dégoutée en crachant un « Groossssss » écoeuré. En voilà encore une qui a le sens des réalités.

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Un peu plus loin, on peut également admirer un Liberty Ship en parfait état. Ces bateaux sont des transporteurs construits à la chaîne pendant la Seconde Guerre Mondiale et vendus en masse aux alliés (notamment les Grands-Bretons) pour compenser les immenses pertes des convois transatlantiques. Finalement, côté à côté on trouve le chasseur, le sous-marin, et le chassé, le transporteur.

DSC_8306_DxOSi tout ce qui touche à cette période de l’histoire vous ennui profondément, ne partez pas tout de suite. Quasiment à l’entrée du quai, je vous invite à visiter le Musée Mécanique (en français dans le texte) dont l’entrée est gratuite. Il contient dans un joyeux fourbi de nombreuses machines à sous en tout genre et de toutes époques, des bandits-manchots jusqu’aux jeux vidéo des salles d’arcade des années 90. Toutes ces machines sont parfaitement fonctionnelles et on peut, une fois avoir fait le plein de « quarters » (les pièces de 25 cents), y jouer comme on veut. Ceci explique la gratuité du lieu. Avec joie, on peut donc admirer des bornes d’arcade mythiques tel que « Pole Position » ou « Donkey Kong » ou verser dans le voyage temporel en glissant une pièce pour admirer des scènes polissonnes (selon les critères de la belle époque) en relief. Si vous êtes plutôt morbide (Marylin Manson, c’est toi?), faites vous plaisir avec une exécution à la guillotine.

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Bon et puis comme toute cette marche, ça creuse, vous pouvez continuer encore plus à l’ouest le long de Jefferson Street. L’endroit concentre un nombre impressionnant de restaurants, notamment de fruit de mer. Si le temps est un peu grisonnant est frisquet, c’est l’occasion de manger un peu de « clam chowder » (chaudrée de palourdes en français, d’après Wikipédia), une sorte de potage de crustacés. Si vous êtes encore plus aventureux, vous pouvez même la manger sur le pouce farcie dans un gros pain. Moi, je me suis contenté de craquer pour un plat de crabe à l’ail et un verre de vin blanc. Ensuite, si la queue ne vous fait pas peur, vous pourrez tranquillement repartir vers downtown en vous accrochant à un cable-car. Moi, elle m’a fait peur. Je suis donc rentré à pied.

En somme, une bonne petite journée le long d’Embarcadero. En plus, je vous ai gardé quelque chose en réserve pour un prochain billet.

Back to Frisco

Comme ce titre de billet sonne ringard, vous ne trouvez pas ? Mais si. Si. Mais si, vous dis-je. C’est complètement ringard de se référer à San Francisco par son surnom « Frisco », tellement années 70-80. Maintenant, si vous voulez être totalement accordé au hype du moment, dites nonchalamment « San Fran ». Enfin, je dis ça, c’est ce que j’ai noté en écoutant parler Phil et Max, les deux américains rencontrés lors de mon tour Kakadu – Litchfield (en Australie pour ceux qui n’ont pas suivi).

Tout ça pour dire que je suis à San Fran. Yeah dude. Après un atterrissage sans soucis (c’est vrai que je ne prend pas vraiment la peine de vous narrer mes atterrissages et décollages qui sont pourtant des phases critiques) à SFO (oui, on ne dit pas San Francisco International Airport lorsqu’on est un minimum à la page), un petit tour sur la blue line du tram interne de l’aéroport pour rejoindre la station du BART (non pas Simpson mais le Bay Area Regional Transport, l’espèce de RER du coin), une descente à Powell Street en plein downtown (il serait ridicule de se référer au centre ville autrement si on est vraiment branché) puis environ une heure de marche pour trouver mon @#?*! d’auberge de jeunesse (car je m’étais gravement fourvoyé dans ma tête quand aux indications) avant de consulter mon portable arrivé au terminal du Caltrain (une autre sorte de RER mais qui dessert les villes de la Silicon Valley vers le sud) afin de noter la bonne adresse puis d’arriver à bon port à l’intersection de Minna et de la 7ème (rue, il va sans dire si vous êtes comme moi au fait des dernières tendances), quartier des junkies dans SoMa (pour ne pas faire plouc on se réfère au quartier « South of Market Street » par son diminutif « SoMa »).

Sinon, tout c’est bien passé, merci. La chambre est petite, sommaire et pour une fois, individuelle, n’ayant pu trouver de place en dortoir, pour le prix d’une chambre d’hôtel classique dans n’importe quel autre ville raisonnable du monde. Bienvenu à San Francisco et son immobilier galopant.

A peine avais-je posé les pieds en dehors de l’avion que je reçu un message d’un certain Samuel Gateau m’invitant à le contacter pour manger ce soir une pizza sur la colline aux chèvres. Il faut savoir que ce monsieur ne m’est pas inconnu et que même que c’est moi qui lui avait notifié de ma présence prochaine dans sa bonne ville. Quand à la colline aux chèvres (ou « Goat Hill » quand on a une attitude moderne et anglophone), je ne la connaissais pas.

C’est donc une petite demi-heure après avoir posé mes bagages dans la chambre, le temps de prendre une douche (je ne parle pas assez souvent de mon hygiène) dans l’espace commun, que le sieur Gateau se gare devant mon hôtel dans un énôôôrme pickup avec un sourire d’enfant gâté sur son visage. Ah ben bravo. On voit qu’on s’y fait à l’Amérique !

On se retrouve donc quelque temps plus tard attablé dans une petite pizzeria de la franchise « Goat Hill Pizza » (c’était donc ça), elle même accrochée à une pente d’une des nombreuses collines de la ville. Ce soir, c’est soirée « all you can eat » (ou « à volonté », si vous ne parlez pas la langue du cru) avec le sus-mentionné Samuel Gateau, sa compagne Claire, leur p’tit Isaac ainsi que le frère de Claire et sa copine, en visite. Une petite bande de franchies aux « staïtesseuh ». Un serveur passe régulièrement entre les tables avec une pizza en annonçant la couleur. Chaque personne qui se sent encore d’attaque peut alors le héler pour avoir une nouvelle part. Aux Etats-Unis, la culture de l’abondance et de l’éclatage de bide est encore très présente. Comme les français loin de chez eux sont un peu extrêmes, Samuel et Claire implorent le serveur pour que le chef prépare la pizza spéciale à l’ail. Elle est effectivement très très aillée.

D’ailleurs, si je reste sur le sujet de la nourriture, le surlendemain, le même Samuel m’amène dans un restaurant asiatico-fusion-branchouillisant à la décoration sombre tout en éclairages indirectes. On s’attable au bar et commandons. La serveuse arrive avec une grande assiette blanche carrée occupée uniquement en son centre par une magnifique petite pyramide d’un tartare de saumon et d’avocat, disposé en étages. Superbe. Mais avant que je puisse m’en approcher pour la contempler de plus près la serveuse se saisie d’une fourchette et se jetant sur la pyramide s’emploi à la bousiller méticuleusement. Avec un grand sourire sadique elle malaxe le tout et s’en va non sans nous avoir lancé un « Enjoy », un éclat pervers dans les yeux. Manifestement, ça fait parti de la recette. Comme c’est bon, j’en reste là, d’autant qu’on enchaine par deux morceaux de porc gras fris à point, croustillants et fondants à la fois. De plus, la serveuse cette fois-ci nous les laisse indemnes.

Je parle, je parle, mais tout ça pour vous dire que je suis de retour à San Francisco et que c’est drôlement chouette. Avec tout ça je vais me remettre à la page, découvrir les dernières nouveautés technologiques et me gaver de nouveaux acronymes. Dude.

La vie sur un lagon

Depuis quelques jours j’ai le privilège d’habiter à 50m d’un lagon. Que dis-je, cinquante mètres !? Si je n’avais pas un compas dans l’œil ce serait même peut être bien trente mètres. Mais peu importe, vous l’avez compris, contrairement au français moyen, j’ai à proximité une masse d’eau translucide astucieusement maintenue à 27°C, elle aussi, pour que l’on ne prenne pas froid. Comme je sais que peu d’entre vous ont eu cette chance, laissez moi vous expliquer mon quotidien à bord de ce lagon.

Commençons par éteindre la lumière, tirer l’écran et allumer le rétroprojecteur. Aujourd’hui, Le Laaaagon (si vous parvenez à le dire façon « The Laaaarch » des Monty Python, c’est encore plus savoureux). Diapo suivante. Un lagon c’est une masse d’eau océanique emprisonnée dans une barrière de corail. Diapo suivante. Sauf exception particulièrement paradisiaque, cette eau est régulièrement renouvelée en partie par le mouvement des marées soit par dessus la barrière soit par des ouvertures dans celle-ci. Diapo suivante. A ma connaissance (qui n’est pas infinie, je le constate), les lagons sont généralement peu profonds car les fonds se forment sur les générations précédentes de coraux morts. Diapo suivante. En conséquence, l’eau y est particulièrement agréable, aux alentours de 27°C quelque soit la température extérieure (je vous jure qu’ensuite j’arrête de le dire). Diapo suivante. Sur Rarontonga, la barrière de corail forme un anneau autour de l’île avec une poignée de passes maritimes connectant le lagon à l’océan. En son point le plus étroit, celui-ci doit bien faire 20m alors qu’en sont point le plus large (à Muri) DSC_8183_DxOil doit dépasser les 500m. Diapo suivante. Chose agréable pour les curieux, le lagon autour de Muri contient également quatre petites îles, de taille croissante du sud au nord. Le Muri Beach Resort se trouve à mi-chemin entre les deux plus petites. Vous pouvez rallumer.

Comme la vie est une série de déceptions uniquement interrompues par de voluptueuses siestes sous des chênes où viennent chantonner de lubriques cigales (je simplifie. En vérité c’est un poil plus complexe), attendez vous à une série de déconvenues lors de votre première exploration. Tout d’abord, avant de se lancer naïvement dans l’eau, il est important de se munir de chaussons de récifs, gratuitement disponibles avec les palmes et les tubas, sans chichi, dans une armoire à côté de l’accueil. Il y a certes de grandes zones sablonneuses sous l’eau mais dans la majorité des cas, et notamment en bord de plage, le fond marin est plutôt constitué de coraux morts très désagréables à la plante des pieds. On m’a également parlé de poissons munis de piquants acérés qui s’enfouissent dans le sable pour mieux se faire écraser. Tout ceci a beau être paradisiaque au premier coup d’œil, c’est un tantinet hostile.

Votre prochaine tâche consiste à traîner votre insubmersible kayak moulé en plastique orange jusqu’à l’eau. L’expérience est intéressante et permet de constater fort aisément que le sable, ça mériterait un coup de lubrifiant. Si le précédent utilisateur de l’insubmersible était particulièrement maladroit, il vous l’aura également laissé affectueusement rempli à moitié d’eau. Prenez donc cela comme un exercice de musculation.

Vous plongez donc les mollets dans l’eau tiède et tirez votre fier vaisseau hors de la plage. Ne soyez pas impatient de vous y installer. J’ai vérifié pour vous le principe d’Archimède et je vous affirme qu’il ne suffit pas à maintenir votre ligne de flottaison suffisamment haute pour que vous ne racliez pas lamentablement le fond rocailleux. En bord de plage, le lagon fait environ 20cm de profondeur. Deux solutions s’offrent à vous, tenter de vous frayer un chemin vers les hauts fonds de ridicules mouvements de bassins et de pagaie dans de sinistres raclements ou bien vous relever, agripper la cordelette et tirer votre kayak sur 30m vers des eaux plus clémentes, le tout sans se tordre la cheville sur le fond inégal. Notez que l’exercice consistant à s’extraire du kayak sans basculer d’un côté ou de l’autre dans la flotte est excellent pour travailler l’équilibre.

DSC_8207_DxOVous avez maintenant suffisamment de fond pour être navigable et êtes parvenu à vous rasseoir dignement dans votre kayak sans le faire basculer. Commence alors la partie la plus difficile physiquement : pagayer. Au début, on trouve cela facile puis, grisé par cette sensation de glisse, voir de vol que renforce une eau transparente, l’acide lactique commence à ronger vos épaules. La découverte d’un nouveau sport est toujours l’occasion de faire un point sur son anatomie en redécouvrant certains de ses muscles. Pour moi, ce fut donc avec joie que je repris connaissance avec les muscles de ma main après une heure de pagayage.

Il n’y a qu’à baisser le rythme, pense t-on, pour soulager son effort. Malheureusement, nouvelle déception, les lois de la navigation sont intransigeantes. Suivant l’heure de votre périple, vous devrez fournir un effort minimum si vous souhaitez réellement allez explorer ces rochers, là bas, à 100m, alors que la marée descendante provoque un courant puissant vous tirant dans l’autre sens. Je ne vous parle pas du vent.

Moi je trouve ça amusant car, encore et toujours, je suis toujours en train de lire les passionnantes (quoique répétitive) aventures du commodore Bolitho (il a une carrière fulgurante ce garçon), officier de la marine royale entre 1770 et 1815. Toutes ces histoires de marins, de hauts fonds et de navigabilité, ça me parle drôlement. Je suis en pleine empathie avec mes épaules qui brûlent.

Il n’empêche qu’au cours d’une exploration particulièrement poussée vers le nord, je suis parvenu à m’échouer. C’est sympathique ces lagons peu profonds où on peu marcher à l’aise sur 200m mais c’est un peu casse pied pour faire du kayak. On se retrouve rapidement à taper de la pagaie sur le fond quand ce n’est pas la coque du bateau (il me plaît de rêver que mon kayak est une frégate, j’ai le droit) qui vient se coincer mollement dans le sable. Avec dignité, je me lève pour tirer de nouveau sur la cordelette et passe une sorte de toute petite cascade en longueur. Elle a beau n’avoir que 10cm de chute, c’est tout de même intriguant. Traînant le kayak derrière moi, je me retrouve de nouveau avec 50cm d’eau et poursuit la route avec la facilité de l’habitude.

Enfin, c’est ce que je crois car en réalité en faisant demi-tour je ne tarde pas à constater que je n’avance quasiment pas. La douleur dans mes épaules ainsi que cette petite chute d’eau m’ouvrent alors les yeux. Je suis en train de remonter péniblement un puissant courant de marée basse s’échappant par une ouverture du lagon non loin de là. J’ai la sensation d’être un petit canard en plastique jaune (bien qu’ici, orange) essayant de lutter contre le tourbillon provoqué par l’ouverture du fond de la baignoire. Je comprend du coup beaucoup mieux pourquoi le chauffeur du bus nous avait indiqué à intervalles régulières les endroits où il était particulièrement dangereux d’aller se baigner. Ils coïncidaient très certainement avec ces passes vers l’océan.

Fort heureusement, ces menus désagréments ne sont rien face à la magie de ce lagon. Ils sont même amusants et puis, un peu d’effort physique, ça ne fait pas de mal. Quel plaisir d’accoster des rives rocheuses, d’y caler son kayak, d’enfiler son masque et son tuba pour ensuite plonger à la rencontre des coraux et des poissons. D’ailleurs, il s’agit ici surtout de poissons car les coraux forment de grands amas, comme des îles sous-marines, de couleur clair plutôt quelconques. On n’est pas ici devant la chatoyante multitude des documentaires. J’imagine que cela doit exister à l’extérieur du lagon. Par contre, côté poisson on est servi. Je suis très mauvais en ce qui concerne le nom de ceux-ci mais je crois bien avoir reconnu un gros mérou. Ensuite, je ne peut que vous décrire des animaux jaunes tigrés, ou bien tout en long argenté et bien d’autres formes dont je ne me souviens pas. Le comportement oscille suivant l’espèce entre l’indifférence (snob), la crainte ou la curiosité respectueuse.

Une fois que vous vous êtes lassé de cette revue piscicole, vous émergez de l’eau pour constater que votre kayak a gentiment dérivé sur 20m, l’imbécile. Ou plutôt c’est moi l’imbécile qui ne l’avait pas assez bien coincé sur les rochers. Une petite brasse plus tard, vous voilà de nouveau sur votre insubmersible à la recherche de nouveaux coins à explorer.

Je me demande si on peut être payé pour faire ça ?

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