Archives par mot-clé : nha trang

Cruiser en scooter 2 – Part 2

Dans le précédent épisode, alors que je cruisais mollement en scooter au sud de Nha Trang, j’ai eu un, hum, hum, petit soucis à ma jambe gauche. Disons que je répandais mon fluide vitale sur la terre vietnamienne, qui en a vue d’autre, par de multiples ouvertures de mon épiderme et derme. Fort heureusement, cette fuite est endiguée par un gros morceau de coton habillement tenu à ma jambe par quatre petits sparadraps. A l’heure où nous reprenons le court de l’histoire, je retourne sur Nha Trang sur mon scooter.

Comme il est à peine la mi-journée, j’hésite drôlement à rentrer si tôt. En plus, je ne peux pas vraiment dire que je suis parvenu à apercevoir une jolie montagne de près. La douleur à la jambe s’étant maintenant mue en un lancement sourd mais régulier et le pansement de fortune tenant plus ou moins malgré le vent relatif, je décide de continuer mon périple en deux roues. Avec la chaleur, tout cela va bien sécher. Cette fois-ci, j’ai bien envie de tenter ma chance au nord de Nha Trang.

Après une nouvelle traversée de la ville le long de la plage, je retrouve le pont enjambant la rivière, les ruines Champa et le quartier des pécheurs. En continuant sur la route Ho Chi Minh (encore elle) je quitte finalement la zone urbaine. Je suis la mer et prend progressivement un peu de hauteur ce qui me permet d’avoir un début d’aperçu du panorama côtier. Enfin, ça commence à être sympathique.

Peu de temps après, je sens la faim poindre et profitant d’une aire touristique le long de la mer, décide de m’arrêter pour manger. Légèrement stressé, je m’engage tout en douceur sur le parking en terre. J’enlève mon casque, ajuste mon t-shirt et recolle mon pansement pour être présentable. Le restaurant est quasiment vide et on se retrouve à trois à manger face à la mer, couverte ici de petits bateaux de pêche.

DSC_6069_DxO

Une fois calé, je reprends la route en recollant le pansement de fortune tout les quarts d’heures. Mon 60 km/h de moyenne commence à mettre l’adhésif des sparadraps à rude épreuve. Après une DSC_6071_DxOnouvelle petite montée, la route redescend vers une large vallée inondée et nous quittons la mer. Pendant plusieurs kilomètres je traverse des rizières et des champs. Grâce à un plan fourni par l’hôtel je parviens malgré tout à me repérer et après la ville de Ninh Hoa tente ma chance sur une route partant vers la droite, soit d’après mes calculs, vers la mer. Un panneau indique « Terminal Hyundai » dans cette direction. Ça va être super chouette.

C’est effectivement assez agréable car je quitte instantanément le trafic modéré de la route Ho Chi Minh pour me retrouver quasiment seul sur une longue ligne droite ondulant en bas d’une colline. Des rizières couvertes de fleurs de lotus ajoutent une touche pittoresque avant que le paysage ne se transforme et devienne un peu plus sec. J’ai presque l’impression d’être dans un paysage provençal si ce n’est la végétation plus luxuriante.

Après de longues minutes, j’aperçois un début de lotissement en construction à gauche, vide, comme abandonné. Décidément, ils ont du mal à finir leurs projets ou quoi ? Finalement, la route oblique vers la droite et retrouve la mer en face, la montagne à droite. Parfait, c’est exactement ce que je veux. Je continue et aperçoit le fameux terminal Hyundai. On dirait un terminal dédié aux matières premières comme du sable ou des graviers mais l’effet est étrange de voir ce gros complexe industriel au milieu de nul part. Je serai curieux de connaître les détails de la planification économique, ici.

En continuant je commence à voir apparaître une zone un peu plus habitée et croise une dame marchant sur le bas côté qui me fait signe. Tout doucement, pour ne pas bloquer cette foutue roue avant, je m’arrête et me retourne. Elle arrive vers moi en trottant et, une fois à ma hauteur, me fait signe qu’elle veut aller plus loin, sans aucun doute sur mon scooter. Chic, je vais jouer au xe om. Je lui fait signe de monter avec un sourire puis bascule mon sac à dos en position ventrale pour la laisser monter à l’arrière.

C’est parti. Bizarrement, je ne la sens quasiment pas et je suis obligé de jeter de rapides coups d’œil dans mon rétroviseur valide pour m’assurer qu’elle est encore là. On sent qu’elle a l’habitude. Nous poursuivons comme cela quelques petites minutes pendant lesquels j’adopte une conduite coulée à vitesse un peu plus réduite. La route n’est pas non plus lisse comme un billard et je serai navré de l’envoyer valdinguer dans le décor. Tout à coup je sens qu’elle me tapote l’épaule et me retourne brièvement pour la voir pointer du doigt vers l’arrière. Arrêt demandé manifestement. Je m’arrête donc tout doucement et lâche ma passagère qui me remercie avec un grand sourire. Finalement, c’était pas si dur que ça. Je repart donc, fier d’avoir rendu service à une autochtone.

DSC_6081_DxOQuelques minutes plus tard, dans un village, je décide de faire une petite pause. Je m’engage donc vers la mer et pose mon véhicule à l’ombre d’une sorte de halle couverte. Devant moi, un petit port, à droite une sorte de café où sont massés une poignées d’hommes discutant bruyamment et à gauche une petite épicerie. J’enlève mon casque et rentre dans le magasin pour acheter une bouteille d’eau. S’hydrater, c’est la clé de la survie, ça et un freinage équilibré. Il faut dire que ça continue de cogner sec. Après quelques photos, je repart.

DSC_6086_DxOLa route ensuite devient vraiment magnifique. Serpentant à flanc de montagne, elle s’élève progressivement en montagnes russes tout en surplombant la mer. La vue et superbe malgré la brume de chaleur et je croise quasiment personne. Après quelques minutes de longues montées et de petites descentes, la route oblique à droite et j’entame une longue chute vers une superbe péninsule. Une bande de terre la reliant au massif où je me ballade et parsemé de champs. Une plage borde la mer alors qu’un petit village de l’autre côté est niché dans une baie faisant quasiment face au sud et Nha Trang, au-delà.

DSC_6089_DxO

Rapidement, je passe sous l’arche signalant l’entrée du village. J’emprunte ce qui ressemble à la rue principale en passant à côté d’un petit café improvisé à l’ombre, encore une fois rempli d’une grosse poignée de consommateurs. Des regards me suivent. Au bout de la rue, je m’arrête ayant atteint la baie et le port. Pendant un bon quart d’heure je reste là, à l’ombre, profitant d’un quasi DSC_6090_DxOsilence hormis le léger vent et ressac. Des femmes (visibles à leur chapeau conique mais surtout à leur manière de se couvrir de pied en cape contre le soleil) travaillent à récolter des algues et quelques enfants passent à vélo.

Je m’extrait finalement de ma torpeur pour prendre le chemin du retour. Avec tout ce trajet il n’est pas loin de 15h et il me semble plus raisonnable de rentrer avant la tombée de la nuit, ayant deux petites heures de route pour revenir à l’hôtel. Je remonte donc la rue, repasse devant le café et ses habitués puis m’approche de l’arche à l’entrée du village, avant d’entamer la longue montée.

Tout à coup, je sens mon scooter perdre en puissance pour finalement s’arrêter dans un toussotement. J’ai une vague intuition et regarde la jauge d’essence, toujours au milieu. Mon intuition me hurle d’ouvrir le réservoir et je constate avec fatalisme qu’il est à sec. Mais c’est quoi ces véhicules avec une autonomie de papy incontinent ?! Et surtout c’est quoi ces scooters pourris avec une jauge d’essence défectueuse ?!

Je descends donc de mon véhicule et fait demi-tour en le poussant, clopinant légèrement. Arrivé devant le café, ma dignité complètement évaporée, j’interpelle les clients d’un souriant « sin tchao » en montrant mon réservoir. Inutile de dire que ça rigole gentiment mais sans méchanceté, on m’indique la rue de gauche. Je guide donc mon scooter dans cette direction.

Le village n’étant pas très grand, je n’aperçoit aucune station service. Un peu dubitatif, je m’arrête devant une maison avec cour et après les bonjours d’usage aux personnes à l’intérieur, remontre mon réservoir. Une vieille dame me fait signe que c’est au fond. Voilà qui est surprenant. Je fais confiance et pousse le deux roues au fond de la cour. Tout le monde se met autour de moi et un homme en marcel s’approche en me montrant une bouteille en plastique d’un litre vide. Après quelques gestes je comprend qu’il me demande la quantité que je souhaite. Je fais un rapide calcul en estimant la consommation de mon véhicule pourri. En même temps, je ne voudrais pas leur piquer tout leur essence. Euh, trois ?

Il s’en va donc remplir la bouteille et la verse dans mon réservoir. Encore ? Allez, encore. Même manège. Je sens quand même que j’abuse et il me suffit d’assez d’essence pour rejoindre la ville de Ninh Hoa où je sais y avoir une station. Je lui fait donc signe que ça suffira. C’est à cet instant que quelqu’un aperçoit ma jambe gauche ensanglanté avec le coton imbibé de rouge, depuis le temps. Je ne vous cache pas que ça a légèrement rigolé dans les chaumières. Il vaut mieux rester philosophe et rire aussi même si ce n’est pas non plus la blague du siècle. Je règle la facture en étant quasiment certain que ce sont les litres d’essences les plus chers du Vietnam, mais à qui la faute, hein ?

Je remercie encore une fois mes sauveurs (vous ai-je dit que les vietnamiens étaient sympathiques) et redémarre mon scooter. Plus exactement, je tente de redémarrer mon scooter car il décide encore une fois de récalcitrer. Il commence à me fair ch***, lui. Le garagiste s’approche et sortant le kick, le démarre manuellement. Oui, bon ça va. Depuis le temps que je dit qu’on ne peut pas faire confiance en la technologie quand ça va mal. Je repart donc en remerciant encore une fois l’assemblée et reprend la montée du retour.

Pendant une heure, en rebroussant chemin, je me cale le plus bas possible en rentrant les bras histoire de minimiser mon coefficient de pénétration. Je tente d’adopter un rythme constant à vitesse réduite étant hanté par l’idée de retomber en panne, cette fois-ci en dehors d’un village. Il y a bien quarante kilomètres jusqu’à la prochaine station service. Autant dire que je me tape l’heure de conduite la plus longue et angoissante de ma vie. Surtout que dans la dernière ligne droite le temps se couvre, le vent se lève puis finalement une petite pluie épaisse et fraîche vient gentiment me marteler ma chair exposée. Mais c’est quoi cette journée !?

Avec un énorme soulagement, j’aperçois une station service alors que la pluie redouble d’intensité. Je m’arrête et fait la queue. Mon tour arrivée, je demande le plein. C’est fou comme on se sent mieux avec le plein d’essence. Aaaaaaaaaaaaah. Après deux ou trois démarrages ratés sous les regards encore une fois narquois des clients, je repart donc pour le dernier tronçon le long de la route Ho Chi Minh. Cette fois-ci, la pluie est quasiment diluvienne et glaciale. Les voitures et camions qui me doublent ajoutent encore un peu de sel à ce final épique.

DSC_6094_DxOAprès une demi-heure à ce régime, je quitte enfin l’orage et retrouve des ciels plus cléments. Je me détend… légèrement. Le trajet se fini par une petite séquence en heure de pointe dans Nha Trang pour finalement retrouver l’hôtel vers les 17h. Pas mécontent de rentrer. Ouf.

Je gare donc le scooter en lui jetant un dernier regard haineux puis pénètre dans le lobby. Ma réceptionniste me voit arriver et son regard s’agrandit au fur et à mesure qu’elle discerne ma jambe ensanglantée, le coton pendant mollement en ne faisant plus aucun effort pour couvrir ma blessure.

« Euh, j’ai eu un petit accident avec le scooter. Le rétroviseur gauche est brisé, le carter éraflé. Ah, et puis la jauge d’essence ne marche pas. Mais sinon, ça va »

Je n’ai pas honte de dire que je me suis couché tôt ce soir là.

Cruiser en scooter 2 – Part 1

J’avions vu la plage. J’avions vu les temples Champas. J’avions vu un peu des quartiers non touristiques. Je commençais à me demander ce que j’allais bien pouvoir faire à Nha Trang pour mon deuxième jour. Il y avait possibilité de faire du parachute ascensionnel sur la plage, de faire de la plongée sous marine ou encore d’aller visiter Vineland. Moi, je suis asocial. J’ai donc préféré faire le dingue et louer un scooter (ou motobaïque, en vietnamien) pour la journée, histoire d’aller visiter les alentours de la ville et notamment ces magnifiques montagnes en bordure. Qui plus est, la location d’un scooter pour la journée est particulièrement bon marché et encore une fois, dénuée de toute tracasserie administrative.

Ce matin là, je descend donc à l’accueil et en parle à la dame de la réception. J’expose mes souhaits : « J’veux aller voir les montagnes ! ». Elle me propose d’aller au sud en suivant la nationale Ho Chi Minh, là où la montagne rencontre la mer. Elle m’avait bien cerné et, avec un air complice, m’affirme que c’est très joli. En disant ça, ne croyez pas que c’est la seule indication qu’elle m’ait donné d’un air mystérieusement asiatique en plissant les yeux, le regard lointain : « Va au sud, là où la montagne rencontre la mer, homme au t-shirt Tiger Beer! ». Ça aurait été un peu court et je me serai arrêté au pied du téléphérique pour Vineland : « Ben j’comprend pas, la montagne rencontre la mer, mais c’est moche ! ». Non, en vérité, elle m’a donné tout un tas d’indications à base de « à droite », puis « à gauche après le bâtiment militaire » et ponctué d’un sinistre « vous pouvez pas vous tromper » qui augure souvent d’une navigation catastrophique.

Je part donc muni de mon sac à dos rempli de quelques bouteilles d’eau, prêt à affronter cette chaude journée en véhicule motorisé. Pour la nourriture, je compte bien m’arrêter comme d’habitude au bord de la route chez un restaurant ou échoppe quelconque. On m’explique comment faire pour démarrer et je découvre au passage que le niveau d’essence est au minimum. C’est toujours très agréable. Je décolle donc, avec une vague indication pour la station service la plus proche.

Assez rapidement, je retrouve mes sensations de Pondichéry dans un trafic tout de même beaucoup moins stressant. De plus, je suis muni d’un petit casque. Côté sécurité, je suis donc au top de ce qui se fait en Asie du Sud-Est. Par contre, je ne tarde pas à abandonner l’idée de trouver la station service du quartier. Ma mémoire doit être défectueuse ou mon attention peu soutenue. Toujours est-il que je roule un petit quart d’heure, les fesses serrées, avant de craquer et de demander à une collègue à deux roues le chemin vers la plus proche station essence. Le plein fait, je constate que le niveau ne bouge pas. Tiens, tiens ? La jauge serait-elle défectueuse ? Finalement, après quelques nouvelles minutes de route, l’aiguille remonte tout doucement pour se stabiliser au milieu. Ça n’a pas l’air super fonctionnel tout ça mais au moins je ne suis pas au minimum.

Je part donc tout ragaillardi d’avoir un plein d’essence (le monde est à moooââââh, hahahahaha) et assez rapidement commence sérieusement à douter du sinistre « vous ne pouvez pas vous tromper ». En réalité, je crois bien que je le peux, et assez facilement. Le long de la mer, je longe un bâtiment et aperçoit un panneau marqué « marine nationale » et me demande s’il s’agit de ce fameux bâtiment militaire où je dois tourner. Plus loin, je vois d’autres grands bâtiments similaires. Je soupire, puis prend l’initiative de tourner maintenant.

Quasiment une demi-heure plus tard, je me retrouve sur une colline où je vois un panneau indiquant le téléphérique de Vineland. C’est désormais officiel, je me suis trompé. Ce n’est pas bien grave. C’est les vacances et j’ai pu savourer l’expérience de traverser un marché dans une rue principale sur mon deux roues, comme un véritable vietnamien. Je sais qu’il faut que je traverse un pont enjambant une rivière. Je fais donc quelques tentatives dans des culs de sacs avant de trouver la bonne route.

Finalement, me voilà donc roulant à un solide petit 60 km/h, cheveux quasiment aux vents mais le nez clairement dedans, le long de la deux fois deux voies de la route Ho Chi Minh. La route contourne une colline avant de repiquer au sud. Je croise un casino qui n’a pas l’air très fréquenté (encore une idée du gouvernement local, j’imagine) ainsi que quelques petite routes partant à droite ou à gauche. D’après ma réceptionniste, je dois continuer, la montagne ne rencontrant toujours pas la mer. Toutes les collines ou montagnes autours sont densément boisées, sans aucune habitation, et je cherche à discerner une route y menant. Je passe devant l’entrée d’une nouvelle résidence touristique sous un grand panneau publicitaire qui ne dois donner envie qu’aux Vietnamiens. Finalement, trouvant un peu le temps long, je décide d’obliquer sur un chemin partant vers la mer, toute proche.

Le chemin très court descend vers une petite plage et je manque déraper en freinant, la roue avant s’étant bloquée. Le freinage m’a l’air drôlement sensible. En tout cas la vue est un peu décevante car ponctuée de résidences hôtelières. Mais surtout, toujours pas de route longeant les montagnes en vue. Finalement, je décide de faire demi-tour pour prendre les chemins menant vers la colline. Le premier, après quelques méandres et fausses routes sur des routes en terre me mène le long d’une petite route pentue où je croise un vieux monsieur marchant dans l’autre sens. Sin tchao. Pas de chance (ou sens de l’orientation défectueux), c’est un cul de sac menant vers une maison. Encore raté.

Je retourne donc vers la nationale Ho Chi Minh et revient encore un peu plus pour bifurquer dans un petit groupe d’habitations croisé plus tôt. Cette petite route se transforme rapidement en une longue route en terre toute droite traversant la campagne avec quelques maisons sur le côté. Je me retrouve à rouler à vitesse réduite pour essayer d’éviter les nids de poules. On apprend difficilement de ses erreurs et dans un excès de zèle, je freine pour éviter un gros trous. Ma roue avant se bloque. Le scooter chasse de l’avant. En une fraction de seconde je me retrouve par terre, le véhicule sur le flanc en surrégime, une vive douleur à la jambe gauche. Comme je hais ces petits cailloux coupants profondément enfoncés dans la terre battue.

Dans ces moments là, la première chose à laquelle je pense, c’est de m’administrer une grosse gifle. Puis, je jure en me traitant de tout les noms tout en me relevant. Ensuite, j’essaie de comprendre ce que j’ai fait pour m’être retrouvé dans cette situation. Puis enfin, je sens comme une douleur qui pique et je jette un œil à ma jambe.

Si vous êtes ma mère ou une personne sensible, veuillez-lire le paragraphe ci-dessous. Dans le cas contraire, lisez le deuxième paragraphe qui suit.

Je constate de la poussière sur mon genou et quelques éraflures sur le haut de mon pied, que je n’avais pas protégé car je porte des claquettes pour faire couleur locale, rappelez-vous. Finalement, la douleur provient essentiellement de mon amour propre qui, lui, est profondément blessé en de multiples endroits de méchantes coupures. Veuillez sauter le paragraphe suivant et poursuivre votre lecture comme si de rien n’était.

Je constate de multiples méchantes et profondes coupures sur le haut du tibia et des éraflures superficielles sur le haut du pied que je n’avais pas protégé car je porte des claquettes pour faire couleur locale, rappelez-vous. Du sang coule abondamment et je sens ma jambe qui irradie à chaque battement de cœur. P***ain, quel con ! Je me cite si vous le permettez. Je plie ma jambe et ma cheville. Check. A priori, il n’y a rien de brisé, hormis mon amour propre.

En dehors de cela, je constate quelques autres éraflures mineures à la paume de la main. L’adrénaline fait le reste pour me maintenir en vie. Je relève donc le scooter, met la béquille et éteint le moteur. Au passage, je remarque que le rétroviseur gauche et brisé en morceaux par terre et quelques égratignures décorent maintenant le carter de la transmission. Je sors donc une bouteille d’eau minérale pour nettoyer ma jambe (la poussière sur le genou surtout, bien entendu). Ça piquotte. La journée commence bien.

A cet instant, une mobylette s’arrête derrière moi et un vietnamien d’âge mur descend rapidement de son véhicule pour venir me voir. Il jette un œil à ma jambe gauche (toute empoussiérée, bien sur) et secoue la tête en fronçant les sourcils et en faisant « tss, tss, tss ». Je lui fait un sourire pour le rassurer. Un garçon et une fille accourt également, sortant de la maison juste à côté. Oui, quand je me vautre, j’ai la bonne idée de faire ça devant du public. Je commence à me dire que j’ai du faire un petit raffut en tombant pour attirer tout le monde. Ils jettent un œil mi-dégouté, mi-désolé à ma jambe (qui est le centre d’attraction maintenant, sans doute à cause de la poussière) et repartent en courant vers leur maison.

L’homme à la mobylette prend mon scooter et le pousse en dehors de la route en terre en m’invitant à m’asseoir sur le petit muret de la maison. J’obéis en clopinant. L’adrénaline retombant tout doucement, le familier raidissement commence à opérer. Car je commence à avoir l’habitude de me vautrer en deux roues sur des chemins de terre. J’ai fait pire.

A ce moment là, les deux enfants reviennent avec leur mère qui elle aussi secoue la tête d’un air navré en voyant ma jambe ensan… euh… empoussiérée. Elle dit quelque chose à l’un de ses enfants qui repart dans la maison. Quelques minutes plus tard, il revient avec une grosse tasse d’eau qu’il tend à sa mère. Ah ben c’est gentil ça mais elle est propre votre eau ? Malgré tout, j’avance ma jambe pendant que la mère verse l’eau sur mon tib… GNNNNNANNNNNNNNNNHHHAaaaaa !! Salop**** de p**** de sa $@!#, pense-je très fort. Mais c’est de l’eau quasiment bouillante! Sans me prévenir. Même pas un petit verre d’alcool de riz. En même temps, j’avoue que je ne parle pas très bien le vietnamien et eux, pas du tout anglais. En tout cas, ça répond à ma question sur l’hygiène de l’eau mais ça piquotte très très fort. Elle répète l’opération deux trois fois en tamponnant un peu avec un coton pendant que je me contracte pour ne pas crier ou la gifler. Malheureusement, je crois qu’un léger « aaaAAAah » m’a échappé à un moment. La honte. Et dire que je représente la France dans ces moments là.

Ma jambe plus ou moins nettoyée, un des enfants dépose quelques gouttes d’un liquide jaune pâle et un peu huileux d’une petite flasque sur chacune des pla… euh, pardon… traces de poussières. J’espère très fort que c’est un désinfectant. Finalement, la mère couvre tout ça dans un gros morceau de coton (d’une surface couvrant environ dix centimètres sur dix, pour vous dire l’étendue de la saleté) tenu par quatre petits sparadraps. Du travail bien fait en tout cas et je les remercie chaleureusement avec tous les sin tchao que je peux sortir ainsi que quelques petites courbettes pour faire bonne mesure.

Je clopine donc vers le scooter pour repartir pendant que l’homme à la mobylette est toujours là avec un air soucieux. J’ai beau sourire pour le rassurer, j’ai l’impression qu’il n’a pas confiance. Je m’assois et tente de démarrer. Rien. Je retente. Re-rien. Mon collègue motocycliste s’approche donc et tente également la manœuvre. Même résultat. Rhaaaa, fait chier. Il se rassoit sur sa mobylette et me fait signe d’avancer sur la route dans la direction où j’allais. Je suppose qu’il veut m’indiquer un endroit où réparer le scooter. Je descends donc et commence à pousser mon engin en clopinant. Mon collègue s’agite et me fait signe de m’asseoir. Qu’est-ce que ? Non ? Si ? Alors que je suis assis je le sens mettre son pied contre un élément de mon scooter et alors que le pétaradement de son engin augmente je sens qu’on accélère. Ils sont vraiment très adroits en deux roues pour pouvoir pousser un deuxième véhicule avec une jambe tout en conduisant.

Nous avançons donc à vitesse très réduite sur la route défoncée, moi légèrement crispé de peur de me casser une nouvelle fois la figure et surtout, de retomber du côté déjà abîmé. Bizarrement, me vautrer et me faire mal sur l’autre jambe ne me pose aucun problème. On est vraiment bizarre, parfois. Finalement après à peine deux cent mètres nous nous arrêtons devons un petit garage de campagne où sont assis environ cinq autres vietnamiens qui se régalent du spectacle. Pour ce qui est d’être discret, c’est décidément complètement exclu.

Mon bienfaiteur discute avec le garagiste qui s’approche pour ausculter le scooter. Il tente de démarrer et n’obtient aucune réponse. Puis rapidement, il dévisse un petit élément de carrosserie en plastique et sort la batterie. Je suis pas très doué, sans doute, mais là il était clairement évident qu’un des câbles n’était plus connecté. Comme on se sent couillon dans ces cas là, je vous jure. Le garagiste s’empresse donc de reconnecter le câble et retente de démarrer. Roouuuarh. Ca marche, super. Tout content, voir euphorique, je demande le prix de la réparation qui se trouve être de 20 kDongs. Je me la joue américain en voyage et lui file le double sous ses remerciements. J’espère qu’il partagera avec mon bienfaiteur car j’ai complètement oublié de le remercier autrement que par une pluie de sin tchao.

Je repart donc timidement sur mon scooter sous les regards que j’imagine un peu narquois des six vietnamiens. Cinq mètres plus loin, je cale. Le ralenti semble très très bas. Je retente de démarrer pour éviter la double honte. Peine perdue, le scooter refuse. Jusqu’à la lie je la bois ma honte. Je range donc mon amour propre (enfin, ce qu’il en reste) dans ma poche et me tourne avec un sourire vers le garagiste qui se dirige déjà vers moi. Il doit avoir un pouvoir ou je ne sais quoi car après la deuxième tentative le moteur redémarre et sans demander mon reste je repart en tentant de maintenir un minimum de régime moteur. En sachant en plus que je repart sur cette fameuse route en terre qui m’a traîtreusement amené au sol, je ne vous cache pas que je pilote de manière contracté et surtout, sans toucher aux freins.

Finalement, je me relâche lorsque j’atteins enfin le bon vieux bitume de la route Ho Chi Minh et tourne en direction de Nha Trang.

Et dire qu’avec tout ça il n’est même pas midi.

(la suite au prochain épisode)

Nha Trang, off

Amis sensibles et raffinés, ne fuyaient pas encore Nha Trang. Inutile de tourner autour du pot, ce n’est pas Paris ou Rome. Ne vous attendez pas à y découvrir des splendeurs architecturales à chaque coin de rue. Ou alors il faut être un sacré maniaque de l’architecture hôtelière de la deuxième moitié du vingtième siècle. Après avoir fait trempette une poignée de fois, il y a une ou deux possibilités de ballade pas complètement inintéressante, histoire d’éviter la desquamation totale.

DSC_6028_DxOTout d’abord, lorsqu’on s’éloigne un peu de cette fameuse plage, par exemple de trois ou quatre rues, on retrouve une ambiance totalement vietnamienne sans la moindre échoppe touristique. Les rues ne sont pas encombrées comme à Hanoi et l’atmosphère se rapproche un peu de Hué, pour sa partie moderne. Si vous voulez retrouver votre vendeuse de pho (fa) habituelle ou manger un com (caume, je crois), vous aurez de plus grande chance d’en trouver par là à des tarifs habituels.

DSC_6036_DxOEn continuant ensuite vers le sud, en bordure de ville et de rivière, on découvre un quartier un peu plus populaire. De la même manière, au nord, au bord de l’embouchure d’une seconde rivière, l’ambiance devient plus humble et l’air se remplit progressivement de l’odeur forte de la mer et du poisson péché. Des bateaux bleus et rouges aux grand yeux peints se balancent mollement sur l’eau. A ce propos, la plupart des bateaux vietnamiens arborent ces grands yeux. J’apprendrai plus tard qu’il s’agit d’effrayer les crocodiles. J’avoue rester dubitatif.

DSC_6047_DxO

En tout cas, cette zone de pêcheurs est sans doute le meilleur endroit pour manger des produit de la mer. Le long de cette rivière au nord, ainsi qu’en redescendant vers la plage, de multiples restaurants se pressent pour vous offrir toutes sortes de coquillages, crustacés et poissons, la plupart du temps très frais, car exposés encore vivants dans des bassines alimentés en continu par une eau courante en provenance d’un tuyau d’arrosage ou par des jeunes partis prélever de l’eau de mer dans des bidons en plastique. J’avoue avoir été extrêmement tenté de manger un homard à l’heure du goûté.

DSC_6032_DxOSi vous continuez vers le nord, sur une petite colline surplombant la rivière se dressent deux bâtiments anciens faits de briques rouges. Il s’agit de ruines d’un vieux temple de la civilisation Champa. Je vous rappel, car je vous sait distraits, qu’il s’agit d’une civilisation d’influence indienne, de religion hindouiste, qui existait sur la plupart du territoire vietnamien, avant l’arrivée de l’influence chinoise, il y a bien cinq ou six siècles de cela. J’adore être précis lorsqu’il s’agit de dates, comme vous pouvez le constater. L’endroit est très touristique, y compris pour les vietnamiens, mais le site est relativement restreint. On profite malgré tout d’une jolie petite vue sur la ville et notamment sur la rivière et le quartier de pécheurs.

DSC_6031_DxO

Pour les plus fanatiques, il doit bien y avoir une ou deux pagodes à voir. Moi j’avoue commencer légèrement à saturer de ce côté-ci. Que le premier qui n’a pas saturé après la troisième église romane de la journée me jette la première pierre. Aïe.

Nha Trang

Ah Nha Trang (Tchang) ! Que dire dessus qui n’a pas déjà été dis. Que puis-je décrire que des milliers de poètes et artistes n’aient déjà évoqués dans leurs œuvres désormais classiques. Sa beauté romanesque ? Le charme intemporel de son architecture? Ses matins embrumés que ne viennent troubler que les clapotis des canots le long… Ah, pardon. Je crois que je confond avec Venise.

DSC_6040_DxONon, parce qu’en ce qui concerne Nha Trang, il faut bien avouer qu’elle n’a d’autre intérêt que la plage, qu’elle a fort belle. Décrivant un très joli arc de cercle entourant la baie, elle se fini au sud par un relief montagneux rejoint par le biais d’un téléphérique, une île. Pourquoi donc, se demande-t-on ? Tout simplement car sur cette île, également légèrement montagneuse comme tout les alentours maintenant que je m’y penche sérieusement, se trouve le parc d’attraction « Vineland ». Nha Trang, c’est la station balnéaire vue par les Vietnamiens : tout est fait pour divertir le touriste. J’aurais pu aller voir ce fameux parc d’attraction, mais des circonstances en ont décidés autrement, notamment mon peu de goût pour les choses estampillées « spécialement pour TOI, touriste ».

DSC_6022_DxOMais revenons à cette foutue plage, car telle est le centre d’attraction de cette ville, soit disant. Une grande avenue la parcourt de haut en bas, d’une manière qui ne manque pas d’évoquer la Promenade des Anglais à Nice. Puis derrière, sur une à deux rues parallèles, se rangent une panoplie d’hôtels, restaurants, bars, karaokés et salons de massages. Le plus fou, c’est que ça continue à construire.

DSC_6025_DxOOn retrouve cette hiérarchie naturelle entre les grands hôtels grand luxe (type Sheraton, Hilton, Sofitel) donnant sur le front de mer (avec leurs chaises pliantes et leurs bars en plein air derrière la plage) et les hôtels un peu moins réputés deux à trois rues plus loin. Il n’y a aucune surprise de ce côté là et je peux vous annoncer que je suis logé deux rues parallèles mais dans un hôtel tout en hauteur avec piscine et bar au sommet. Je peux quasiment agresser les hôtes du Sheraton au lance-pierre avec un peu de détermination et quelques calculs de ballistique. Pis d’abord, la plage, j’m’en fout.

L’autre particularité de cette ville, et je la trouve de taille, c’est l’incroyable présence russe qu’on y trouve. Ça fait longtemps que je n’ai pas mis les pieds sur la véritable Promenade des Anglais et il est fort possible qu’on y trouve de nos jours la même proportion de sujets de monsieur Poutine. Néanmoins, j’ai comme l’impression que la catégorie socioprofessionnelle de ces touristes n’est pas la même. A Nha Trang, point de milliardaires oligarques gavés de pétro ou gazo-dollars mais de simples touristes de classe moyenne se déplaçant sobrement en classe économique.

C’est dans ces moments là qu’on est bien content d’avoir pris russe seconde langue au lycée (avant de se faire prier d’arrêter, deux ans plus tard, pour mieux me concentrer sur mon allemand. Peine perdue) car je peux, avec un peu de concentration, lire les panneaux écris en cyrillique qui peuplent les échoppes de la ville. J’avoue que je trouve ça extrêmement amusant et parfois ai même l’impression de me trouver dans un monde parallèle où l’Union Soviétique aurait remporté la guerre froide.

Là où je suis moins amusé, c’est quand je croise ces fameux touristes russes dans la rue ou au détour du lobby de mon hôtel. Je vais encore me mettre à généraliser, et dieu (s’il existe, mais je crois que ce n’est pas le moment d’entamer une digression théologique) sait que je n’aime pas ça. Je suis révulsé à l’avance de ce que je vais écrire. Pouah. Je suis donc pas très rassuré car je dois bien l’avouer, j’ai l’impression de croiser soit de gros gaillards massifs à la voix de baryton et à la mine rougeâtre que j’assimile automatiquement à une surconsommation d’alcool frelaté (et non pas à leur non adaptation à cet ensoleillement peu usuel dans leur contrées), soit à des sous-officiers des forces spéciales en permission après une intervention en force dans un théâtre tchétchène au physique sec et dur que mon esprit apeuré imagine partageant le même goût pour l’humour froid et sophistiqué que leur compatriote premier ministre Vladimir P. Je ne m’aventure pas à leur lancer un grand sourire innocent comme je le fait avec ces sympathiques vietnamiens. J’ai peur. Il faut dire qu’ils sont aussi grands que des américains. Mais je généralise, bien entendu. C’est juste que je trouve ça toujours un peu flippant de croiser un jeune blond à la coupe réglementaire arborant un t-shirt aux couleurs du drapeau russe. Le fait qu’ils portent t-shirt, marcels, shorts et tongues / schlappe / slache / gougoune / claquettes ne fait rien pour atténuer cette sensation. Au contraire. Imaginez Vladimir P, de Moscou, habillé de cette manière, tiens. Même dans les toilettes, il vient vous chercher, je vous le rappelle.

L’autre grand groupe de touristes qu’on y croise semble être la bande d’étudiants américains / australiens / anglais, brefs anglo-saxons, venus ici pour faire de la plongée le jour et la fête le soir. Ce n’est pas forcément plus fin, mais au moins, ils me font moins peur. Malgré tout, je dois dire que certains américains ou australiens élevés aux hormones et à la fonte détonnent parmi la population locale par leur carrure. J’avais perdu l’habitude avec tous ces frêles indiens et vietnamiens, un peu moins frêles.

DSC_6060_DxOQuand le soleil se couche, les néons s’allument. En partant de cette phrase d’introduction, écrivez un roman de mille pages. Vous ferez ça plus tard car il faut que je vous parle de l’ambiance pittoresque et légèrement sulfureuse du Nha Trang by night. Comme souvent, au crépuscule, on a l’impression que les vietnamiens prennent possession du front de mer. On peut avoir la chance d’assister à un concert gratuit de musique traditionnelle (avec le fameux dan bau dont je ne vous ferez pas l’injure de re-décrire) mais la plupart des activités se borne au classique jeunes en rollers, vendeurs ambulants de jouets inutiles mais amusants, vendeurs de glaces, pique-nique sur la plage ou tout simplement la bonne vieille promenade.

DSC_6052_DxOEn parlant de pique-nique, au crépuscule, la plage, notamment au nord, c’est à dire un peu plus loin des grands hôtels, se peuple de grandes nappes où viennent s’asseoir des familles et leurs amis pour partager un repas. Contrairement aux habitudes occidentales, ici point de glacières remplies de salades et sandwichs. La plupart des groupes sont munis d’un petit réchaud pour faire cuire le riz et les différents plats et, à la mode asiatique, chacun vient partager les différents mets posés au centre de la nappe. Je ne voudrais pas être la personne organisant le pique-nique mais je crois qu’un certain Christophe M., de Lyon, s’y sentirai parfaitement à son aise. Oui, parfois je lance des petits messages personnels.

Si vous êtes un peu isolé (et sans aucun doute mâle) entre deux groupes de promeneurs, justement, vous pouvez avoir l’occasion de vous faire proposer des drogues illicites ou des jolies filles, dans cet ordre. D’ailleurs si nous nous déplaçons maintenant dans une des rues parallèles à ce front de mer, là où l’on trouve le plus de restaurants et bars, on note à plusieurs endroits une petite atmosphère de fête à base d’alcool et de jolies filles. Ce n’est généralement pas très classe (même si on est loin du bar PMU ou du routier) mais ce n’est pas sans m’évoquer l’atmosphère que j’imagine régner dans des grandes villes de permissionnaires, comme le Da Nang des années 60-70. Il fait chaud, c’est criard, c’est lumineux et, en l’occurrence, ça parle slave ou anglais.

Dasvidagna.

En route pour Nha Trang

Il est temps de quitter Hoi An. Je sais, c’est un peu triste car cette petite ville est bien agréable. Mais avec le vol de vélo, il vaut mieux qu’on prenne le large avant que l’hôtel ne se rende compte qu’il lui en manque un. Ma prochaine destination, Nha Trang, plus au sud, une ville réputée pour sa grande plage et ses hordes de touristes russes. Je ne sais pas pourquoi. Sans doute des restes de l’époque soviétique.

Tout d’abord nous allons jouer à un petit jeu, celui de la prononciation. J’ai bien tenté de faire comprendre à certaines personnes que j’allai à Nha Trang mais sans grand succès jusqu’à ce que je me rende compte que le nom de la ville ne se prononçait absolument pas comme cela se lit en français. Oubliez « na trangue », ça ne fonctionne pas. La véritable prononciation s’approche plus d’un « na tchangue ». A partir de là, la conversation avec les autochtones peut reprendre. Ils comprennent mieux. Les vietnamiens sont certes sympathiques mais leur langue est plutôt hostile.

Pour descendre jusqu’à ma prochaine destination, il me reste un dernier tronçon de train à effectuer. Le départ s’effectue de Da Nang (qui se prononce bien « da nangue », merci) ce qui impose un premier transfert en bus local de Hoi An (Hoï anne, puisqu’on y est) vers sa grande ville voisine. Je prends donc un nouveau xe om vers la gare de bus sans la moindre angoisse. Je crois même que je commence à aimer ça.

Je monte dans un bus très simplement estampillé « Da Nang » ce qui laisse peu de doute sur sa destination. Je me trouve une place avec mes deux sacs et une femme au chapeau conique arrive pour les billets. Après m’être enquéri du prix pour aller à Gâ Da Nang, 20 kDongs, je lui tends un billet de cinquante. Elle fait mine de ne pas me rendre la monnaie puis me la tends avec un sourire. Hahaha. Elle m’a fait peur. « Il n’y a pas de tickets ? », lui demande-je, constatant qu’elle se tourne vers quelqu’un d’autre. « Non, non. Pas de tickets ici ». Il faut vraiment que je me débarrasse de mes réflexes d’occidentaux.

Nous partons dans le bruit habituel de vieux diesel et rejoignons Da Nang en milieu de journée sans grand soucis après une grosse demi-heure de trajet. Après quelques minutes dans la ville, la vendeuse de ticket m’interpelle gentiment et me fait signe de descendre ici pour la gare. Le bus s’arrête juste pour moi et je descends en la remerciant. Voilà une affaire rondement menée.

Comme j’ai pris beaucoup de marge (je ne sais pas, une sorte de mélange d’expérience et d’angoisse), j’ai le temps de commander un café vietnamien (assez épais et parfois servi avec du lait concentré sucré) et même de manger un bout dans un petit restaurant à côté de la gare. Si tout ce passe bien, je devrais arriver à Nha Trang en soirée vers 23h. L’estomac devrait couiner mais je devrais survivre.

L’heure du départ approche et je trouve mon wagon sans trop de soucis, selon un scénario relativement proche de mon départ de Hanoi, le retard en moins. Je me retrouve donc de nouveau dans une cabine couchette mais cette fois-ci je n’y dormirai pas. J’ai d’ailleurs du réserver une chambre à la dernière minute à Nha Trang, pensant que j’allais passer la nuit dans le train. Encore une fois, j’arrive alors que des personnes sont déjà dans le compartiment : une dame et sa fille. Nous échangeons donc des « sin tchao » polis et souriants alors que je pose mes affaires. Vous allez finir par croire que j’aime détailler tout les voyages que je fais. Je vais donc accélérer.

Un peu plus tard, le train roule vers le sud et alors que je suis en train de lire les aventures de Richard Bolitho (il n’est toujours pas mort alors que tout le monde crève autour de lui), la dame sort une boite en plastique, l’ouvre et sort des petits fruits verts de la taille d’une grosse balle de ping pong. Elle en prend un et en donne à sa fille. Manifestement, ça a l’air croquant. Voyant que je jette un œil discret à ce qu’ils mangent, la dame me tends la boite avec un sourire et me fait un signe m’invitant à en prendre. Quel con. Je vais encore me retrouver avec un truc répugnant dans la bouche.

Ma curiosité l’emporte sur mon instinct de survie et je tends la main pour me saisir d’un fruit, avec un grand « kam eune » pour la remercier. Avec un sourire elle arrache un nouveau morceau croquant de son fruit après avoir saupoudré des petits granulés marrons dessus. Elle me fait d’ailleurs signe d’en prendre un peu, également. Je m’exécute. Effectivement, le fruit est croquant et a un très léger goût de pomme. Je dirait même qu’il a un goût qui évoque la pomme, quelque part là bas au fond. J’apprendrai plus tard, en d’autres occasions qu’il s’agit d’une pomme chinoise. On va finir par croire que les chinois ne sont pas très bons pour les imitations. Par contre, pour ce qui est des granulés marrons, je ne sens pas trop l’effet ou alors un vague goût salé. Mais la bonne nouvelle, c’est que ça ne provoque aucun réflexe vomitif chez moi. Je fini donc mon fruit en croquant joyeusement dedans tout en continuant mon Bolitho.

Plus tard dans la journée (vous pouvez donc sereinement estimer qu’il ne sait pas passé grand chose depuis), les employés du train commencent à faire des aller-retours dans les allées pour proposer de la nourriture. Ma voisine commande un plat pour sa fille. Moi stoïque et ne sachant pas trop ce que c’est, je continue ma lecture. La fille commence à attaquer son repas dans un plat en polystyrène : du riz, du porc, un gros œufs dur avec une sauce. Le supplice commence. Ça a l’air pas mauvais son truc et j’ai du mal à empêcher mon estomac de grogner.

La mère finalement décide elle aussi qu’elle mangerait bien un bout et arrête l’employé des trains alors qu’il repasse. Il prend note et revient quelques dizaines de minutes plus tard avec un nouveau plat pour la mère. Entre temps, je crois que je commence à baver et finalement, craque. Je fait donc un signe à l’employé pour avoir la même chose que la fille, là, celle qui bafre de manière provocante. Celui-ci me réponds par la négative légèrement agacé. Manifestement, je m’y prend un peu tard et il est déjà revenu spécialement pour la mère. Crotte. Il repart.

Ceci dit, ma voisine de compartiment décide de prendre les choses en main et avec des gestes et quelques mots d’anglais simplistes me demande si je veux un plat. Ben, euh, oui, je veux bien. Avec un sourire elle me donne le prix et part dans l’allée avec mon argent. Mince, je m’attendais pas à ce qu’elle parte chercher le plat. Finalement, quelques minutes plus tard elle revient avec une nouvelle boite en polystyrène fermé et je la remercie avec un nouveau « kam eune », mais alors kam eune beaucoup. Qu’est-ce qu’ils sont sympas, c’est pas dieu possible.

Au bord de l’hypoglycémie, j’ouvre l’emballage et découvre une grosse cuisse de poulet sur un lit de riz. Bon, c’est pas exactement ce qu’elles ont eu mais c’est pas mal quand même. J’y goutte. Aïe. C’est un peu trop salé. Et le riz et un peu trop cuit et sec. Ce n’est pas le moment de faire mon difficile et je fini mon plat. Au moins, ça cale. Mais c’est peut être le pire repas que j’ai eu au Vietnam. Ma bienfaitrice me demande même si j’aime. Après une petite hésitation je fait une moue genre « couci-couça ».

Finalement, nous entrons en gare approximativement à l’heure prévu pour l’arriver à Nha Trang. Je demande confirmation à mes voisines qui me répondent par l’affirmative. Je les quitte donc avec de nouveaux remerciements et des « bye, bye » pour me retrouver rapidement devant la gare, où, sans hésiter, je hèle un nouveau xe om. Cette fois-ci, ce sera mon premier trajet nocturne. Nous convenons donc d’un prix (heureusement, j’ai entre temps trouvé sur un internet un vague barème pour les courses de xe om en fonction du kilométrage) et ppppppppprrrrrrèèèèèèttttte, c’est parti. Je dois avouer que de nuit, les sensations sont plus fortes même si la conduite reste quand même assez douce.

Nous roulons un peu le long de grandes avenues un peu désertes à cette heure-ci (quasiment minuit) bordées de hauts immeubles. Mon chauffeur s’arrête, cherche, puis repart. Il s’engage dans une ruelle, regarde à droite et à gauche, s’arrête au niveau d’une terrasse, interroge le serveur, puis repart. J’ai bien l’impression qu’il ne sait pas où se trouve mon hôtel. Il recommence le cirque une nouvelle fois puis finalement, avec quasiment un soupir de soulagement, on aperçoit l’enseigne du petit hôtel au fond d’une petite allée.

Je descends de mon xe om en le payant puis le remercie et il me quitte avec une tape amicale dans mon dos et un grand sourire. Il a du sentir que j’étais complètement serein et zen, à l’arrière. Je rentre dans le petit hôtel où je dois rester qu’une nuit mais le réceptionniste me fait signe de ressortir puis me précède pour m’amener à une autre adresse une vingtaine de mètres plus loin. Mmmh, voilà qui sent la combine. Je suis un homme dans un escalier qui mène à ce qui semble être une salle de séjour d’une maison et m’ouvre la porte d’une chambre au fond. Un autre escalier mène aux étages supérieurs. Effectivement, je me retrouve plutôt dans une chambre d’hôte, j’ai l’impression. Mais au moins la chambre est malgré tout fort convenable.

Le lendemain matin (je ne vous cache pas que pendant la nuit j’avais fermé ma porte à clé), je descends pour payer et sans surprise le propriétaire me demande du liquide. Heureusement le tarif est celui prévu.

Bienvenu à Nha Trang.