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Sonoma

Le lendemain matin, je me lève tôt et quitte mon motel moisi de Vallejo vers les 8h30 après un minuscule petit déjeuner gratuit offert dans le bureau de l’accueil. Que me vaut ce réveil matinal hormis l’insupportable odeur de déodorant bas de gamme qui sature la chambre ? Aujourd’hui j’ai cassé la tirelire en m’offrant une visite guidée des vignobles de la Sonoma valley… à vélo.

Ça fait bien longtemps que je n’ai pas effectué une ballade à vélo (enfin, pas tant que ça, puisque la dernière ballade remonte à Rarontonga). Je voudrais donc faire de même ici mais vu mon échec patent à trouver en voiture des chemins sympathiques dans la Napa valley, je me suis dit qu’il valait mieux assurer un minimum en effectuant cela avec une personne du cru. Pédaler toute la journée à se casser le nez devant des clôtures, ça va bien cinq minutes. Une recherche internet plus tard (c’est vachement pratique ce truc, il n’y a pas à dire), j’envoi un mail pour réserver un tour guidé en VTT le lendemain matin auprès d’un magasin spécialisé de Sonoma. Sonoma, c’est, comme son nom l’indique, le chef lieu de la vallée.

DSC_8577_DxOD’ailleurs, un petit point géographique s’impose vu ma façon apparemment très légère de parler alternativement de la vallée de Sonoma et de Napa. Les deux sont voisines, tellement voisines que parfois, on se demande où fini l’une et commence l’autre. Elles s’étirent toutes les deux du nord au sud en baignant les rives de la baie de San Pablo, au nord de San Francisco.

Ce petit tour à vélo coûte un bras. Pour le coup, c’est presque 200$ la journée, location de vélo, dégustations et déjeuner compris. Décidément, il est loin le Vietnam et sa location de vélo à 1 euros la journée. Mais fini les grommellement. On est ici pour profiter à la fois de ce que la région a à offrir et de l’impeccable météo du jour.

DSC_8558_DxOJ’arrive donc vers les 9h15 dans la ville de Sonoma, un peu en avance. Voilà une petite ville qui a du charme, tenez. Contrairement à sa cousine, Napa, bourgeoise, Sonoma a une atmosphère un peu plus nonchalante. L’endroit est également moins étendu et le centre ville se concentre plus ou moins autour d’un petit parc arboré et le long de Broadway, la grande rue qui part vers le sud. Tout autour l’architecture est un mélange entre far-west et hispanique très sympathique, certains bâtiments étant incroyablement anciens pour DSC_8557_DxOle pays. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant, la ville de Sonoma ayant été bâtie autour de la mission espagnole du même nom, encore debout et que l’on peut visiter. Quelques petits cafés avec terrasse et des restaurants achèvent de donner une ambiance tranquillement « bon vivant » à la ville.

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DSC_8569_DxOJe pénètre donc un peu en avance dans le magasin de cycles de Broadway et suis accueilli par deux jeunes femmes dynamiques en short et haut cycliste, une petite brune et une blonde qui, comme souvent aux Etats-Unis, se fendent d’un grand sourire et d’un « hi » enthousiaste. A l’annonce de mon nom, le sourire se crispe un peu. Le tour que j’avais réservé est annulé, faute de participants mais, avant que je puisse protester, elles me proposent de me raccrocher au tour de la vallée de Napa, un peu moins dur physiquement, mais plus long. Allez, après tout, l’important est de pédaler dans les vignobles et de gouter du vin, sans parler du prix qui est plus avantageux. A mon acquiescement, les grands sourires reviennent et quelques « cool » leur échappe. A tout les coup, elles s’imaginaient devoir affronter un client difficile. On passe donc le quart d’heure d’attente avant le départ à papoter. Alors que nous parlons voyages, j’en viens à fournir à la blonde les références du Phong Nha Farm Stay au Vietnam au cas ou elle souhaiterai postuler en tant que guide à vélo.

Nous sommes rejoint finalement par notre guide, Jerry, un grand cinquantenaire athlétique aux cheveux gris coupés court et à la voix calme et mesurée saupoudré de juste ce qu’il faut d’humour. Les quatre autres clients sont un couple d’américains de l’Oregon et un couple de mexicains de la Ciudad de Mexico. Nous montons tous dans un van avec les vélos et après un petit quart d’heure de route, sommes prêts, casques sur la tête (on n’est plus au tiers monde, ici) et vélos entre les jambes. Sans surprise, Jerry nous sert un petit discours sécuritaire sur le mode « faites attention aux voitures », bien loin de mes expériences en deux roues indo-vietnamiennes.

Ce petit groupe s’avère idéal pour ce genre de ballade. Chacun profite des explications de Jerry et peut l’interroger sans devoir s’imposer. Physiquement, c’est un rythme de ballade et cette partie de la vallée, au sud, s’avère peu vallonnée. Sous un franc soleil nous profitons donc agréablement de petites routes tranquilles et des larges chemins entre les vignes.

Je ne manque pas de noter quelques petites différences entre les vignobles de Bourgogne et ceux-ci. Les vignes y sont plus hautes, notamment. Il y a également de nombreux appareils et DSC_8551_DxOstratagèmes pour éloigner les oiseaux, la plaie de la région semble t’il. Néanmoins, je retrouve au fil des explications de notre guide la même ambiance et les mêmes rythmes saisonnier de toutes régions viticole. D’ailleurs, la région commence tout doucement à attaquer les vendanges, moment parfait pour effectuer la visite.

La vallée de Napa contient plusieurs terroirs du nord au sud. La haute vallée au nord possède le plus de relief alors que la basse vallée où nous sommes et assez sablonneuse. Au sommet DSC_8555_DxOd’une petite butte au milieu d’une parcelle, Jerry nous fait un rapide descriptif du panorama bordant la baie de San Pablo. Les rives sont marécageuses et abritent des oiseaux alors qu’à l’ouest elle est bordée par les montagnes côtières et notamment le mont Tamalpais, dans le comté de Marin, au nord du Golden Gate, où, selon la légende, les premiers VTT furent inventés et utilisés dans les années ’70.

DSC_8552_DxOEntre ces moment de pédalages, nous effectuons des arrêts dans des domaines, chacun avec une petite spécificité. Le premier, Bouchaine, est un grand domaine de la région (sans être un méga domaine propriété de grands groupes agro-alimentaires). Le deuxième, McKenzie-Mueller est beaucoup plus modeste et familiale alors que le dernier, Ceja, symbole de la réussite américaine, a été fondé il y a moins de quinze ans par une famille d’immigrés mexicains, venus à Napa comme de nombreux autres pour récolter le raisin.

A chacun des arrêts nous sommes accueillis avec le sourire et profitons de la dégustation d’une poignée de vins, blancs et rouges, chardonnay, merlot, pinot ou cabernet-sauvignon. D’ailleurs, je ne manque pas de faire remarquer, profitant d’une dégustation particulièrement chaleureuse et sans chi-chis avec la fille du domaine de McKenzie-Muller, cette particularité de nommer les vins en fonction du cépage. Chaque domaine propose son « merlot », son « cabernet-sauvignon » (ou « cab’ » comme ils disent ici) ou son « pinot » et c’est le cépage qui est mis en avant plutôt que le terroir, contrairement à la France ou l’Italie. Chaque domaine cherche à proposer une offre très large de vins rouges, blancs, sucrés ou secs. On est très loin des mono-cépages exclusifs bourguignons.

Ce qui fait chaud au cœur, et ces domaines n’ont sans doute pas été choisis au hasard, c’est de constater la passion qui anime ces viticulteurs. Vendange oblige, bien que la plupart entament une période de travail intense, ils ont quand même du plaisir à nous faire gouter leur vin (et à y gouter également). Entre la sympathique fille McKenzie-Mueller avec qui on rigole de son accent français (Cabeurnay sovïnionne) et qui nous fait visiter les pressoirs (avec une dégustation du délicieux premier jus) ou la fille d’Armando et Amélia Céja, les deux fondateurs, qui ne peut pas s’empêcher de boire avec nous chaque vin qu’elle nous sert, je dois dire que l’on ressort de là avec une belle image des gens de la région, beaucoup plus positive que les premières impressions industrielles glanées lors de ma reconnaissance en voiture.

En tout cas, bien que n’étant pas un fin spécialiste de la chose vinicole, je dois dire que ces vins de la Napa que l’on nous propose sont loin d’être désagréables. Ils sont même pour la plupart particulièrement bons. Je ne vous surprendrait pas en vous annonçant qu’ils sont également particulièrement chers, une bouteille se vendant rapidement entre 20 et 40 dollars. L’alcool aidant, je craque et achète une ou deux bouteilles de rouge pour Sam et Claire ainsi qu’un blanc particulièrement doux, à la limite du sirupeux pour les amis de Montréal.

Inutile de préciser qu’avec tout ce vin et cette convivialité, le déjeuner en plein soleil est l’occasion de discuter et de découvrir mes comparses. Jerry nous offre une salade composée et des wraps, le tout d’une bonne facture, que l’on déguste tranquillement en discutant. C’est avec une grande ouverture beaucoup moins réservée que lors de mes tours en Australie que chacun parle de son parcourt.

Commençons d’abord par notre guide qui nous énumère son parcourt de vie assez varié avec notamment un passage dans l’armée. Actuellement, en plus de faire des visites guidées à vélo il est également consultant indépendant dans le domaine de la formation, travaillant de chez lui. La belle vie en somme. Il habite une région agréable et alterne le travail en intérieur avec de jolis moment à l’extérieur au contact de gens variés.

Le couple de l’Oregon quand à eux, travaillent dans le milieu du vin dans la région de Willamette, au sud de Portland. Je découvre grâce à eux cette région qui semble t’il est également un terroir de qualité, bien que moins connu qu’ici. Paul, le mari, s’occupe de logistique dans le domaine.

Quand aux deux chilangos, Annah et Miguel, bien que plus réservés à l’origine, ils ne tardent pas à s’ouvrir un peu. Annah, avocate, et Miguel, écrivain, sont ici en vacances. Avec eux je ne tarde pas à parler un peu de Mexico et de cette affreuse coutume locale qui consiste à boire une bière accompagné d’un verre de mescal.

L’après midi s’achève tranquillement et nous retrouvons notre mini-bus pour nous ramener à Sonoma. C’est au cours du trajet que je discute avec Kayla, la petite brune du matin. Nous avons abandonné Jerry et je me retrouve dans le siège passager. A l’unanimité nous acceptons la proposition de notre chauffeur de rentrer par les petites routes. Elle nous fait découvrir l’aspect un peu moins joyeux de la région, ce prix astronomique de l’immobilier qui pousse les travailleurs modestes de la région a habiter loin où à se loger dans des appartements minuscules et de mauvaise qualité. Sous la pression combinée de l’industrie viticole qui achète des parcelles cultivables à prix d’or et les riches employés des industries high tech de la baie, une maison se négocie à partir d’un million de dollars. Sans surprise, de nombreux habitants de Sonoma et de Napa sont obligés de prendre deux emplois pour s’en sortir.

Avec tout ça, je fini l’après midi sous une lumière orangée en déambulant dans Sonoma. Histoire de cuver un peu.

Napa

Une journée plus tard, j’ai déjà quitté le nord de la Californie et les forêts de pins pour revenir dans la région de la baie de San Francisco. Je dois déjà rendre la voiture de location le surlendemain et me rapproche donc pour éviter toute course de dernière minute. C’est donc dans un motel glauque de Vallejo que je planifie les journées qui viennent. D’ailleurs, à ce propos, je me demande si le terme « glauque » n’est pas finalement indissociable du terme « motel ». Après le Motel 6 de Weed, l’America’s Best Value Inn de Vallejo et même le Quinta Inn d’Annaheim, je viens à conclure que nos Formule 1 français sont riants et joyeux à côté. Sans trop rentrer dans les détails, les chambres sont sombres, les fenêtres bloquées et surtout, une odeur prégnante et entêtante de déodorant bon marché, à défaut de rassurer, provoque l’effet contraire.

Pour commencer, je part explorer la vallée de Napa, non loin de là. C’est d’ailleurs le but de la région, les vallées viticoles de Napa & Sonoma au logement malheureusement inaccessible d’un point de vue financier. Suite à mon séjour de 3 ans en Bourgogne, je garde une affection particulière pour les régions à la forte tradition viticole. Je m’attaque donc en voiture à la Napa vallée avec un sentiment de forte curiosité et de joie. Je m’imagine emprunter des petites routes de campagnes bordées de vignes voir de me poser dans un champs pour pic-niquer, la baie de San Pablo et de San Francisco au loin. Oui, car pour ceux qui n’auraient pas la curiosité d’ouvrir leur atlas, les vallées de Napa et Sonoma sont directement au nord de la baie.

Tout d’abord, force est de constater que le commerce du vin a l’air d’être florissant par ici. Le meilleur indicateur est la taille des propriétés et l’aspect cossu des maisons (ou manoirs, par moment). Tout ceci respire les dollars à plein nez. Ce n’est d’ailleurs pas surprenant, ces deux vallées étant parmi les plus réputées des Etats-Unis. En Bourgogne ou dans le Bordelais, voir même dans les vallées viticoles autour d’Adélaïde en Australie, ce n’est pas si différent. Les maisons y sont également fort bien entretenu. La différence, par contre, c’est que cette richesse est ici beaucoup plus tape-à-l’oeil est ostentatoire.

De plus j’ai l’habitude de belles maisons anciennes accolées à des parcelles modestes. Ici, les parcelles sont relativement grandes et les maisons, plus loin, regroupées entre elles. A mon grand désespoir, la quasi-totalité des parcelles sont clôturées, et les chemins privés. Impossible d’aller se perdre dans des petits chemins montant dans les collines comme en Bourgogne. Tout est inaccessible. Mis bout à bout, tout ceci m’évoque une culture plus industrielle et moins artisanale du vin.

Je tente pendant quelque temps de trouver une route montant dans les collines boisées mais sans succès. Comme à chaque fois que je tente cette approche dans cette région, je constate qu’il y a une stricte séparation entre les zones habitées et les zones sauvages, contrairement à la France. C’est assez frustrant lorsqu’on n’est pas habitué.

Je me rabat donc vers la ville de Napa, centre de la région. Celle-ci porte également des marques de richesse et de haut embourgeoisement : voitures haut-de-gamme, bâtiments impeccables, restaurants chics à la clientèle portant lunettes de soleil et habits classes. L’architecture n’est pas particulièrement intéressante et hormis un jardin aromatique cultivé par un des chef fameux de la ville, bordant la mince rivière de Napa (ils ne se foulent pas trop pour les noms ici), je ne note rien de particulier. En désespoir de cause, je me gare à côté d’une DSC_8548_DxOhalle couverte à côté duquel se tient un autre « farmer’s market ». De nouveau, j’ai un sentiment de tendresse en constatant que les californiens redécouvrent les plaisirs simples du marché à l’ancienne. Je déambule donc à travers les quelques stands, toujours estampillés majoritairement « organic ». Un panneau d’interdiction d’accès au chien pour des raisons hygiéniques me fait de nouveau réfléchir au côté parfois DSC_8550_DxOtotalement irrationnelle des risques sanitaires. Aurait-on l’idée d’interdire aux mamies d’amener leur chien au marché du mercredi en France ?

Alors que je m’apprête à repartir après avoir acheté quelques pêches locales, un « hello » féminin m’interpelle. Je me tourne vers l’origine de cette interpellation, certes amicale, mais tout de même.

<Ralenti et musique genre « Take My Breath Away » de Top Gun>

Une femme sublime aux cheveux roux tirés en arrière et aux lumineux yeux verts me sourit chaleureusement d’un sourire étincelant digne d’une publicité de dentifrice. D’une voix exquise, elle m’invite à gouter un échantillon de son produit, une sorte de pain d’épice révolutionnaire que l’on peut toaster. Je lui répond « Glumpfxxsh rhreeuh, glups » et prend machinalement le morceau qu’elle me temps, hypnotisé par son regard. Je mâche toujours en mode automatique avec un grand sourire pendant qu’elle m’explique très très très loin, le son de sa voix richement nappée d’une réverbération cathédrale, les avantages de son produit fait artisanalement par elle même avec ses propres mains sublimes. Au prix d’un contrôle mental surhumain, je parvient à retrouver une syntaxe acceptable et un esprit plus clair.

<Fin du ralenti et de la musique>

Je l’écoute attentivement, toujours un sourire aux lèvres en l’encourageant à continuer pendant que je la regarde. Elle est vraiment magnifique et touchante car elle se lance manifestement toute seule dans cette aventure. Par contre, je tente de me concentrer sur le goût de son pain d’épice pour être un minimum sincère. Peine perdu. Je lui lance donc un banal « no, its good, really » un tantinet hypocrite. Totalement sous le charme, je m’arrache malgré tout à son stand en lui souhaitant bonne chance. Après quelques renseignements (internet fait des miracles, signe qu’il faut faire très attention à ce qu’on y met), je découvre que c’est une ancienne actrice d’Hollywood qui après quelques années de second rôles, a décidé de commercialiser une recette de pain d’épice qu’elle a elle même créée.

N’empêche que c’est fou, ce n’est pas au marché local de Lavaur, dans le Tarn, qu’on croiserait des actrices sublimes vantant les mérites des grattons de canard ! C’est aussi ça la Californie.