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La vie sur un lagon

Depuis quelques jours j’ai le privilège d’habiter à 50m d’un lagon. Que dis-je, cinquante mètres !? Si je n’avais pas un compas dans l’œil ce serait même peut être bien trente mètres. Mais peu importe, vous l’avez compris, contrairement au français moyen, j’ai à proximité une masse d’eau translucide astucieusement maintenue à 27°C, elle aussi, pour que l’on ne prenne pas froid. Comme je sais que peu d’entre vous ont eu cette chance, laissez moi vous expliquer mon quotidien à bord de ce lagon.

Commençons par éteindre la lumière, tirer l’écran et allumer le rétroprojecteur. Aujourd’hui, Le Laaaagon (si vous parvenez à le dire façon « The Laaaarch » des Monty Python, c’est encore plus savoureux). Diapo suivante. Un lagon c’est une masse d’eau océanique emprisonnée dans une barrière de corail. Diapo suivante. Sauf exception particulièrement paradisiaque, cette eau est régulièrement renouvelée en partie par le mouvement des marées soit par dessus la barrière soit par des ouvertures dans celle-ci. Diapo suivante. A ma connaissance (qui n’est pas infinie, je le constate), les lagons sont généralement peu profonds car les fonds se forment sur les générations précédentes de coraux morts. Diapo suivante. En conséquence, l’eau y est particulièrement agréable, aux alentours de 27°C quelque soit la température extérieure (je vous jure qu’ensuite j’arrête de le dire). Diapo suivante. Sur Rarontonga, la barrière de corail forme un anneau autour de l’île avec une poignée de passes maritimes connectant le lagon à l’océan. En son point le plus étroit, celui-ci doit bien faire 20m alors qu’en sont point le plus large (à Muri) DSC_8183_DxOil doit dépasser les 500m. Diapo suivante. Chose agréable pour les curieux, le lagon autour de Muri contient également quatre petites îles, de taille croissante du sud au nord. Le Muri Beach Resort se trouve à mi-chemin entre les deux plus petites. Vous pouvez rallumer.

Comme la vie est une série de déceptions uniquement interrompues par de voluptueuses siestes sous des chênes où viennent chantonner de lubriques cigales (je simplifie. En vérité c’est un poil plus complexe), attendez vous à une série de déconvenues lors de votre première exploration. Tout d’abord, avant de se lancer naïvement dans l’eau, il est important de se munir de chaussons de récifs, gratuitement disponibles avec les palmes et les tubas, sans chichi, dans une armoire à côté de l’accueil. Il y a certes de grandes zones sablonneuses sous l’eau mais dans la majorité des cas, et notamment en bord de plage, le fond marin est plutôt constitué de coraux morts très désagréables à la plante des pieds. On m’a également parlé de poissons munis de piquants acérés qui s’enfouissent dans le sable pour mieux se faire écraser. Tout ceci a beau être paradisiaque au premier coup d’œil, c’est un tantinet hostile.

Votre prochaine tâche consiste à traîner votre insubmersible kayak moulé en plastique orange jusqu’à l’eau. L’expérience est intéressante et permet de constater fort aisément que le sable, ça mériterait un coup de lubrifiant. Si le précédent utilisateur de l’insubmersible était particulièrement maladroit, il vous l’aura également laissé affectueusement rempli à moitié d’eau. Prenez donc cela comme un exercice de musculation.

Vous plongez donc les mollets dans l’eau tiède et tirez votre fier vaisseau hors de la plage. Ne soyez pas impatient de vous y installer. J’ai vérifié pour vous le principe d’Archimède et je vous affirme qu’il ne suffit pas à maintenir votre ligne de flottaison suffisamment haute pour que vous ne racliez pas lamentablement le fond rocailleux. En bord de plage, le lagon fait environ 20cm de profondeur. Deux solutions s’offrent à vous, tenter de vous frayer un chemin vers les hauts fonds de ridicules mouvements de bassins et de pagaie dans de sinistres raclements ou bien vous relever, agripper la cordelette et tirer votre kayak sur 30m vers des eaux plus clémentes, le tout sans se tordre la cheville sur le fond inégal. Notez que l’exercice consistant à s’extraire du kayak sans basculer d’un côté ou de l’autre dans la flotte est excellent pour travailler l’équilibre.

DSC_8207_DxOVous avez maintenant suffisamment de fond pour être navigable et êtes parvenu à vous rasseoir dignement dans votre kayak sans le faire basculer. Commence alors la partie la plus difficile physiquement : pagayer. Au début, on trouve cela facile puis, grisé par cette sensation de glisse, voir de vol que renforce une eau transparente, l’acide lactique commence à ronger vos épaules. La découverte d’un nouveau sport est toujours l’occasion de faire un point sur son anatomie en redécouvrant certains de ses muscles. Pour moi, ce fut donc avec joie que je repris connaissance avec les muscles de ma main après une heure de pagayage.

Il n’y a qu’à baisser le rythme, pense t-on, pour soulager son effort. Malheureusement, nouvelle déception, les lois de la navigation sont intransigeantes. Suivant l’heure de votre périple, vous devrez fournir un effort minimum si vous souhaitez réellement allez explorer ces rochers, là bas, à 100m, alors que la marée descendante provoque un courant puissant vous tirant dans l’autre sens. Je ne vous parle pas du vent.

Moi je trouve ça amusant car, encore et toujours, je suis toujours en train de lire les passionnantes (quoique répétitive) aventures du commodore Bolitho (il a une carrière fulgurante ce garçon), officier de la marine royale entre 1770 et 1815. Toutes ces histoires de marins, de hauts fonds et de navigabilité, ça me parle drôlement. Je suis en pleine empathie avec mes épaules qui brûlent.

Il n’empêche qu’au cours d’une exploration particulièrement poussée vers le nord, je suis parvenu à m’échouer. C’est sympathique ces lagons peu profonds où on peu marcher à l’aise sur 200m mais c’est un peu casse pied pour faire du kayak. On se retrouve rapidement à taper de la pagaie sur le fond quand ce n’est pas la coque du bateau (il me plaît de rêver que mon kayak est une frégate, j’ai le droit) qui vient se coincer mollement dans le sable. Avec dignité, je me lève pour tirer de nouveau sur la cordelette et passe une sorte de toute petite cascade en longueur. Elle a beau n’avoir que 10cm de chute, c’est tout de même intriguant. Traînant le kayak derrière moi, je me retrouve de nouveau avec 50cm d’eau et poursuit la route avec la facilité de l’habitude.

Enfin, c’est ce que je crois car en réalité en faisant demi-tour je ne tarde pas à constater que je n’avance quasiment pas. La douleur dans mes épaules ainsi que cette petite chute d’eau m’ouvrent alors les yeux. Je suis en train de remonter péniblement un puissant courant de marée basse s’échappant par une ouverture du lagon non loin de là. J’ai la sensation d’être un petit canard en plastique jaune (bien qu’ici, orange) essayant de lutter contre le tourbillon provoqué par l’ouverture du fond de la baignoire. Je comprend du coup beaucoup mieux pourquoi le chauffeur du bus nous avait indiqué à intervalles régulières les endroits où il était particulièrement dangereux d’aller se baigner. Ils coïncidaient très certainement avec ces passes vers l’océan.

Fort heureusement, ces menus désagréments ne sont rien face à la magie de ce lagon. Ils sont même amusants et puis, un peu d’effort physique, ça ne fait pas de mal. Quel plaisir d’accoster des rives rocheuses, d’y caler son kayak, d’enfiler son masque et son tuba pour ensuite plonger à la rencontre des coraux et des poissons. D’ailleurs, il s’agit ici surtout de poissons car les coraux forment de grands amas, comme des îles sous-marines, de couleur clair plutôt quelconques. On n’est pas ici devant la chatoyante multitude des documentaires. J’imagine que cela doit exister à l’extérieur du lagon. Par contre, côté poisson on est servi. Je suis très mauvais en ce qui concerne le nom de ceux-ci mais je crois bien avoir reconnu un gros mérou. Ensuite, je ne peut que vous décrire des animaux jaunes tigrés, ou bien tout en long argenté et bien d’autres formes dont je ne me souviens pas. Le comportement oscille suivant l’espèce entre l’indifférence (snob), la crainte ou la curiosité respectueuse.

Une fois que vous vous êtes lassé de cette revue piscicole, vous émergez de l’eau pour constater que votre kayak a gentiment dérivé sur 20m, l’imbécile. Ou plutôt c’est moi l’imbécile qui ne l’avait pas assez bien coincé sur les rochers. Une petite brasse plus tard, vous voilà de nouveau sur votre insubmersible à la recherche de nouveaux coins à explorer.

Je me demande si on peut être payé pour faire ça ?

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Marions sous la pluie

Avertissement : Le billet qui va suivre peut causer de graves troubles auprès d’un public enclin à la jalousie.

Petit rappel des évènements précédents. Alors que j’avais réservé une chambre avec kitchenette dans un hôtel proche du centre bourg d’Avarua, je me retrouve trimbalé sur un autre hôtel un quart de tour dans le sens horaire plus loin, le tout pour le même prix mais sans le troupeau de sympathiques apprentis instituteurs australiens fourni avec le premier hébergement. Y ai-je gagné au change ? Fondu au noir, fin du générique.

Oui. Et non.

Commençons par de bêtes considérations de confort matériel. Ayant réservé juste deux semaines à l’avance, le choix était mince et j’avais opté pour un endroit moyenne gamme. Avec tout ça, j’ai explosé le budget par rapport aux auberges de jeunesse, environ 75€ par nuit. Ceci dit, j’ai connu un motel à 90€ la nuit non loin de Melbourne qui était beaucoup moins sympathique.

DSC_8167_DxOC’est bien simple, et pour abréger le suspense envieux, ma chambre est un appartement. Pour tout vous avouer, il est même plus grand que mon F2 à Toulouse, qui lui, n’est pas situé à 50m d’un lagon bleu turquoise par temps ensoleillé et bleu gris clair par temps gris. Chambre agréable avec lit double, salle de bain également plus grande que la mienne avec douche ET bain / jacuzzi (que je n’ai pas utilisé, ne sachant pas trop quelle est ma température de cuisson), un grand salon / salle à manger muni de sa table ronde en verre et d’un canapé, télévision écran plat avec 4 chaînes (oui, bon, ça à la limite) et la sus-mentionnée kitchenette équipée de plaques vitro-céramiques, réfrigérateur et micro-onde. Devant, sous le patio, deux chaises longues et une autre table d’extérieur permettent de se prélasser au vue des voisins.

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Oui, car mon bungalow / appartement se situe à proximité de la piscine centrale (quasiment à jet de crachat) et du restaurant / bar (à un jet de pierre d’enfant). Si je part tout droit de ce qui est dorénavant mon nouveau chez moi pendant 8 jours et traverse une rase pelouse, je trébuche sur trois marches en rondins de bois et m’affale sur la plage de sable blanc sale. On a beau être sur une île paradisiaque, la marée, elle ramène toujours des saloperies, lagon ou pas. En définitif, je DSC_8184_DxOpeut donc conclure que j’y ai gagné au change. Pourtant, je n’ai pas l’impression que ce soit du grand luxe. Ah, si. Pardon. Je viens de regarder les tarifs sur internet. C’est plus du double. Elle est drôlement sympathique, la gérante du Paradise Inn, finalement.

Ce n’est pas tout, dans la cuisine je trouve quelques aliments de survie comme du café en poudre, du sucre et de l’huile de cuisson. Les placards sont remplis de vaisselle. Parfait. Il y a même un grille-pain ainsi qu’une bouilloire électrique . C’est donc ça le confort moderne ?

Côté activités, l’hôtel met à disposition gratuitement des palmes, tubas et chaussons de récifs pour faire du snorkeling (plus de détails là dessus dans un autre billet) et, encore plus sympathique, des kayaks de mer avec leur pagaies. Ça, c’est la classe. Le Muri Beach Resort, mon nouvel hôtel, est situé le long du lagon de Muri, l’endroit le plus large du lagon entourant toute l’île. Directement en face de l’hôtel, DSC_8185_DxOdeux petites îles à l’intérieur du lagon apportent un peu de variété et des pistes d’exploration pour le kayak. Un ton en dessous, trois vélos tout terrains en fin de vie et piquetés de rouilles, sont fournis à titre indicatif. L’île est truffé de loueurs de vélos (électriques ou pas), scooters ou voitures mais ça peut toujours dépanner.

Si on remonte l’allée centrale menant à la route principale, on tombe sur une supérette / station essence, idéale pour les petites courses (à un tarif toute de même assez élevé), comme on en trouve régulièrement le long de cette route circulaire. En la suivant à pied sur cent mètres dans le sens anti-horaire, après avoir passé un ou deux autres petits complexes hôteliers similaires au Muri Beach Resort, on trouve de part et d’autre de la route deux bars / snacks. L’un d’eux, hébergé dans une maison basse à l’aspect colonial propose des pâtisseries de bonne qualité et fait également office d’épicerie fine plutôt de luxe, le tout à des prix légèrement au dessus de la moyenne rarotongaise, déjà légèrement au dessus de la moyenne néo-zélandaise. Vu son nom, Le Bon Vivant, ça n’a rien de surprenant. Idéal, pour un goûté après une bonne séance de pagayage.

Pour résumé, question confort matériel et embourgeoisement, il n’y a rien à redire. J’y gagne drôlement au change. Seul point noir, il n’y a pas d’internet gratuit. Mais ça, j’en parlerai une autre fois.

Question ambiance, par contre, c’est un autre style. Mes voisins sont beaucoup moins dynamiques et ouverts qu’au Paradise Inn. Couples retraités, avec enfants ou simplement en amoureux, chacun reste un peu chez soi ou autour de la piscine. Sans parler que je passe la plupart de mon de temps à bosser dans mon salon ou à me balader sur le lagon en kayak. Seules exceptions mineures à la règle, la soirée « buffet » au restaurant et la retransmission du match de rugby Nouvelle-Zélande vs. Tonga.

Pour la première, c’est encore une fois l’occasion pour moi de constater qu’en ce qui concerne la nourriture, les réflexes naturelles et la peur du lendemain reprennent le dessus. Le buffet s’est retrouvé passablement dévalisé au moment de mon entrée en action tout ça par la faute de la serveuse qui avait carrément oublié de me servir mon cocktail. J’attendais patiemment son arrivée avant d’attaquer, ne voulant pas ruiné le goût subtil de fruits par des bouchés de crevettes épicées. Encore un véritable problème de riche, je le concède.

A l’occasion d’un test match entre les All Blacks et les Tongas, je suis allé au bar rejoindre les sept autres personnes présentes, pour l’essentiel des retraités, afin de bénéficier de l’écran géant. Tiens, si nous avions été dans une auberge de jeunesse, le public aurait été bien plus important et enthousiaste, j’en suis sur. Voilà ce que c’est que de proposer trop de confort. Les gens restent chez eux. Ou alors c’est qu’ils n’aiment pas le rugby, ce que j’ai du mal à croire vu la forte proportion de kiwis chez les clients de l’hôtel. En tout cas, l’ambiance pendant le match est polie mais distante, bien que crispée lorsque les tongiens aplatissent un premier essai après un quart de jeu. Finalement, les seules à vraiment s’emballer sont les deux serveuses du bar.

En vérité, je croise beaucoup plus de monde que cela au Muri Beach Resort. Je crois qu’en plus du tourisme, une des activités économiques principale de l’île est le mariage. En tout cas, ça a bien l’air d’être le cas pour mon hôtel qui accueille quasiment tout les deux jours une nouvelle cérémonie. Les conséquences ne sont pas bien désastreuses, fort heureusement. Hormis la privatisation du bar / restaurant et une ambiance légèrement plus festive que la moyenne le soir, elle se limite la plupart du temps qu’à des séances photos en costume sur la plage. Ça m’oblige à faire un détour pour accoster avec mon kayak et le trainer sur vingt mètres jusqu’à son emplacement de stockage tout en essayant de ne pas apparaître dans le cadre. Rien de bien méchant.

J’étaient à deux de doigts de m’énerver sur l’industrie du mariage sur carte postale (et sur une nouvelle marque du manque d’imagination des mes contemporains) lorsque je constate que les mariages auquel j’assiste de loin ont lieu entre rarotongiens. Je ne suis pas particulièrement physionomiste mais quand le marié ressemble à Jonah Lomu et la marié à une vahiné légèrement empâtée (oui, elles ne sont pas toutes comme sur les photos), ainsi que la majorité de l’assemblée, quelque chose me dit que ce sont des locaux. D’ailleurs, je vous parlerai plus tard de l’importance de la religion sur l’île, histoire d’ajouter du poids à mes dires.

Du coup, côté ambiance, il faut bien avouer que ce n’est pas aussi folichon qu’au Paradise Inn. Ceci dit, il ne tient qu’à moi d’aller sympathiser en bord de piscine. En même temps, j’avoue que ça fait du bien pendant quelques jours de juste vivre une petite routine, faite de courses, de préparation de repas, de pagayage, de snorkeling et de travail entre tout ça.

Le tout sous 27°C ? Oui. Même si, comme l’indique le titre de ce billet, il arrive parfois de pleuvoir. Au prix qu’on paye, tout de même, ils pourraient…