Bon assez esquivé, parlons bouffe. Il est grand temps que je vous raconte mes aventures culinaires dans la Nouvelle-France. Commençons par le petit-déjeuner.
Mon premier matin à Montréal, je me suis fait une joie d’expérimenter un copieux petit-déjeuner de pancakes dans un des nombreux petits cafés-restaurants de la rue Mont-Royal. Là, il n’y a pas à tergiverser, c’était impeccable. Généreux, varié, le tout accompagné d’un pichet de sirop d’érable à volonté que l’on peut utiliser pour gonfler les pancakes de sirop sucré jusqu’à ce qu’on ne puisse plus ouvrir la bouche sans produire d’épais filaments de salive caramélisée. Le plaisir ici est dans l’excès surtout que j’avais choisi l’assiette accompagné de petits beignets de pomme de terres. Par -20°C c’est indispensable. Ça commençait bien.
Mon premier midi, j’ai voulu goûter à ma première poutine, plat national québecois. Je me suis donc posé dans un petit restaurant fast-foodesque du centre ville de Montréal, légèrement après le rush de midi, pour être bien tranquille. J’ai pu donc commander en toute tranquillité une poutine « de base » auprès de la dame d’âge mur derrière le comptoir. Soyons clair, la poutine ne sera jamais au panthéon des mets fins et délicats. En cela elle est rejointe par la raclette, la tartiflette ou les patates au lard (et à vrai dire tous les plats basés exclusivement sur du cochon mort et des féculents). Laissez moi vous en expliciter la recette :
- Faites des frites.
- Coupez du fromage en petits dés (de la taille d’apéricubes).
- Couvrez les frites des petits dés de fromage sus-coupés.
- Nappez l’ensemble d’une épaisse sauce à la viande.
- Baffrez.
Je vous avez prévenu, il n’y aucun raffinement là dedans. C’est donc non sans une certaine déception que j’attaqua ma première poutine car s’il y a bien une chose facile à rater c’est bien ce plat. Utilisez des frites industrielles congelées, des dés d’ersatz de mozzarella et une sauce à la viande bon marché à base de viandox, le tout servi tiède et vous passerez un quart d’heure douloureux à tenter de combattre vos réflexes vomitifs. Moi, comme je suis poli, je fini mes plats. Ça m’en coûte, mais là, je représentait la France est la commerçante était fort sympathique. C’est bien simple, ça n’a aucun goût hormis un vague goût salé porté par la sauce à la viande bien grasse. Encore une fois, ce plat doit se déguster sans doute exclusivement sous -20°C. Echaudé par cette expérience, je me suis fait un soir suivant un pho (fa) dans un restaurant asiatique du petit chinatown montréalais, histoire de retrouver le plaisir du goût.
Comme je ne suis pas de ceux qui se forgent un avis sur une unique expérience (il m’en faut au moins trois), j’ai retenté le coup à trois nouvelles occasions. C’est presque de l’entêtement. Expérience numéro 2, un midi aux chutes de Montmorency dans une sorte de dinner sans âme. Nouvel échec. Expérience numéro 3, le midi de mon arrivée à La Malbaie dans le bar-billard-restaurant familial du centre ville, au Veilleux, institution du coin. Mention spéciale pour le lieux, situé en sous-sol dans une quasi-ambiance de bar miteux du middle-west américain. Des employés désabusés y servent des burgers et poutines à une clientèle peu gastronome. La qualité de la poutine est ici jugé au monticule de frites noyés sous une cascade de « gravy » quasiment aussi sirupeuse que du sirop d’érable, le sucre en moins. Pour m’éviter une catastrophe digestive j’y commande une petite mini-poutine comme accompagnement d’un cheeseburger. Troisième échec heureusement limité par la taille restreinte du plat. Comme je suis un peu con, je redonne une dernière chance au Québec en commandant, mon dernier soir avant de partir pour New-York, une ultime poutine dans les quartier des théâtres de Montréal. Certes, à chaque fois, je commande le plat dans des petits troquets bas de gammes. Peut-être que les vrais poutines se dégustent chez l’équivalent québecois de Fauchon. En tout cas, la dernière poutine a failli me faire vomir, frites tièdes sous fromage caoutchouteux froid et sauce tiède. L’infarctus me guette. Détrompez-vous si vous pensez que le plat est une vaste joke pour touriste parisien. A vrai dire, c’est plutôt l’inverse. J’avais même l’impression d’être le seul touriste à en commander contrairement aux autres consommateurs de la chose, québecois. Je serai donc clair, en ce qui me concerne, la poutine, c’est dégueulasse. D’ailleurs, un ami de Maxime, lors d’une soirée à déjeuner en comptoir d’une tartine bien grasse m’a fait découvrir le terme qui correspond parfaitement à cette cuisine : sale. Après une poutine, on se sent répugnant, collant de l’intérieur, les artères souillées de gras. Et en plus, ça n’a aucun goût.
Bon, fort heureusement, tout n’était pas aussi peu à mon goût. Je peux par exemple citer de mémoire le « Cochon Dingue » à Québec Ville, un des forts appréciables restaurants de la basse-ville, sans parler que son nom est en lui même une vaste blague. Ce n’est pas non plus un restaurant hyper bon marché mais comme partout en Amérique du nord, j’ai l’impression, les restaurants sont plus chers qu’en France. Tout ça mis bout à bout, je suis bien navré de devoir décerner à mon expérience québecoise la palme du pire séjour gastronomique. Pour des francophones, ça me coûte, mais qui aime bien, châtie bien.
Fort heureusement, si côté bouffe nos cousins ne m’ont pas laissé estomaqué de stupeur admirative, il en est autrement côté boisson. Je vais être d’ailleurs encore plus spécifique : côté bière, ils sont fortiches. C’est très simple, on dirait des belges. Il y a un très grand nombre de micro-brasseries dans la belle province, chacune produisant deux ou trois bières de personnalité différente, ambrée, blonde ou brune. Du coup, on leur pardonne cet immonde plat national.