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La faune et la flore de Hampi

Réjouissez-vous amoureux de la nature, voici venu le moment du billet animaux spécial Hampi, spécial Hampo (mais pas Hampa, c’est malsain).

Mon court séjour (mais au combien intense) me permit quelques rencontres intéressantes de ce côté-ci. Bien entendu, j’ai croisé moult vaches, toujours aussi placides et fourrageant dans les ordures à la recherche de restes végétaux. Les restes animaux sont quand à eux plutôt du domaine des chiens errants, toujours aussi présents et également toujours aussi sympathiques qu’à Mumbai. En Afrique, les animaux se retrouvent le matin autour d’un plan d’eau pour boire. En Inde, on se retrouve autour d’un tas d’ordure pour manger. Que bella la nature. Mais assez de ces animaux domestiques, exigeriez-vous. Soit. Parlons donc des animaux sauvages. Ceux qui ont planqué leurs enfants suite à l’épisode « Hampa » peuvent maintenant les ramener. Ça va être très mignon. En tout cas, pas pire qu’un documentaire animalier sur France 5.

DSC_5212_DxOEn premier lieu je vous présente, les seigneurs de Hampi, les maîtres des rochers, les cousins à la face expressive… les singes. Il y en a parait-il deux sortes l’un à face rouge (plutôt rose d’ailleurs) et l’autre à face noir. En ce qui me concerne, j’ai surtout côtoyé ceux à face rouge qui sont également pas très farouches. A vrai dire, la tenancière de ma guest house avait l’air de les considérer comme des nuisibles chapardeurs. J’ai pu sans problème m’approcher à moins d’un mètre de certains, suivant que c’était des femelles avec un petit, ou pas. Mais surtout ils peuvent très facilement passer en bande à côté de soi, à les toucher, juste en levant des yeux curieux vers vous. Ils ne sont pas bien gros (environ 50cm assis) quoique ceux à face noire me semble un poil plus costauds. Généralement, on les trouve sur les gros rochers autour du village, dans les DSC_5164_DxOgrandes tours du temple ou bien dans les arbres avoisinant. Au bout d’un certain temps cependant, j’ai appris à ne pas les regarder trop longuement. Ils me fixent alors de leurs yeux expressifs et j’y lit une profonde et millénaire tristesse. Ce doit être l’équivalent en singe de « 100 roupies, please? ».

Plus joyeux, je vais vous présenter l’extraordinaire acrobate du lieu : l’écureuil. Tout de suite, je sens comme une vague de déception chez vous. Il est où l’exotisme, il est où le dépaysement ? Un vulgaire écureuil, qui ressemble étrangement à ceux que l’on a chez nous, il DSC_5157_DxOfaut bien l’avouer. J’étais comme vous, je ne lui prêtait pas beaucoup d’attention. Mais je crois bien qu’ils cachent leur jeu. Je ne jurerai de rien, mais, pendant un moment d’observation plus attentif, j’en ai vu un effectuer un saut très étrange vers un arbre voisin. Je ne vous cacherai pas que j’ai fait quelques études de physique donc les corps en chute libre, ça me parle. Il est possible que j’ai mal vu, mais suite à ce saut, j’ai poussé un cri d’étonnement (heureusement, j’étais une nouvelle fois seul) : l’écureuil venait de contredire les lois de monsieur Newton (et non, ce n’était pas un saut relativiste. Blague de physicien). En clair, il avait sauté en ligne droite, sans aucune chute. J’ai donc la quasi conviction que ces petites bêtes déguisées en écureuils français sont dotées du pouvoir de vol. Ou alors ils sont drôlement doués pour planer.

En parlant de rochers (si, si, j’en ai parlé plus haut. Faut suivre), l’autre habitant des lieux avec le singe est le lézard. En catalogue, il y a le noir à bande rouge sur le dos, le noir à bande jaune et le gris marron standard. Je n’ai absolument aucune idée de ce que c’était mais j’ai comme dans l’idée que les deux colorés n’ont pas très bien observé leur environnement car leur camouflage est particulièrement raté. Joli, certes, mais peu efficace. Il me semble qu’ils seraient beaucoup plus adaptés à un match de foot.

Enfin, pour l’exotisme, j’ai en stock du serpent. Oui, j’ai vu un serpent de taille respectable que j’évaluerai à plus d’un mètre de long. Fort heureusement, il était très très pris à cet instant donc je n’étais pas son soucis principal (même s’il était le mien). Il essayait de se défendre contre une attaque aérienne menée par deux oiseaux de la taille de gros moineaux complètement fous-dingues qui pratiquaient l’attaque en piqué, façon Stuka. Il est parti à l’abri dans un fourré pendant que les deux volailles complètement remontés à bloc repartaient en direction de l’arbre le plus proche en piaillant comme des hystériques :

« Chef, chef, on l’a bien niqué ce salopard, hein ?

  • Et comment. On lui a bien foutu sa branlée.
  • Chef, chef, vous avez vu comment je lui ai bien défoncé sa tête à coup de bec, là ?
  • C’est bien, c’est bien petit. Tu es enfin prêt. Demain on attaque un crocodile. »

Mais pour les crocodiles je suis navré de vous décevoir. Je crois bien que c’était une blague pour touristes.

Le chaud et le froid à Hampi

Hampi est un petit village, même à l’échelle européenne. Au centre trône le temple. Un peu à l’écart on trouve le vaste terre-plein où les bus arrivent et où l’on peut trouver des marchands de bananes et autres légumes. Puis entre le temple et la rivière, on trouve le village proprement dit d’une cinquantaine de maisons. A côté de l’arrivée de bus se trouvent les plus grandes maisons toutes un peu carrées en parpaings peints (très joli à dire, ça) et donc les guest houses les plus cotées. C’est là que j’avais la mienne car je le vaut bien. N’aller pas imaginer des trucs. J’avais juste le droit à la climatisation dans la chambre fermée par une porte en contreplaqué et sécurisé par un gros verrou extérieur. Mais c’était propre et il y avait une douche.

Dans le village on trouve quelques autres guest houses ainsi que plein de restaurants « multi-cuisine » (comprendre cuisine indienne familiale et quelques trucs de base du reste du monde), le tout végétarien car la viande est interdite. Tout ça est relié par des routes et chemins en terre battue, d’un niveau de propreté à l’indienne et saupoudré de quelques mendiants, vaches, chèvres et chiens errants. L’éclairage public est limité mais la bonne nouvelle c’est que les auto-rickshaws n’arrivent que le matin et restent du côté de l’arrivée des bus. Voilà pour le décor.

Il m’est arrivé plusieurs choses à Hampi : du magique, du symptomatique, du casse-couille et du glauque. Mais commençons d’abord par le symptomatique. Parce que c’est moi qui décide.

On le sait, l’Inde est impitoyable pour le touriste. La légende raconte que c’est le seul pays au monde doté d’une cellule psychologique au sein de l’ambassade de France. J’ai rencontré une touriste au bout du rouleau. Elle était assise sur un rocher en bord de chemin, le bras dans le plâtre, entourée de trois indiens qui tentaient de la soutenir. Son bras, elle se l’était cassée deux semaines auparavant pendant son séjour de quelques mois en Inde. Fatiguée, ayant mal à son bras, avec un mal de tête naissant, elle a craqué. En pleur, elle attendait un auto-rickshaw pour l’amener voir un médecin en gémissant à intervalle régulière « j’veux rentrer en France ». Heureusement, les indiens en question était manifestement des amis et tentaient de la rassurer pour l’un, et de savoir ce que foutait l’auto-rickshaw pour l’autre avec son portable. Oui car les auto-rickshaws sont chiants jusqu’au bout. Toujours là quand on s’en fout mais jamais là quand on a besoin d’eux. En compatriote français, car c’était une française, j’ai vainement tenté de la rassuré en lui disant qu’elle devait avoir le droit à un rapatriement avec sa carte bleue (alors que j’en savais rien du tout) mais je sentais bien que j’arrivai après la bataille. Et d’autant plus que je ne me sentais pas plus légitime que trois autres indiens beaucoup plus moustachus que moi, quoique plus frêles. Je l’ai donc laissé à sont sort. A mon retour de ballade elle avait disparu, sans doute emportée par Shiva, le téléporteur (nom d’un dieu, mais c’était quoi son boulot à lui?).

Pour ce qui est du casse-couille, laissez moi vous dire que dans certaines contrées un peu reculées comme Hampi, et notamment en basse saison ou le touriste se fait plus rare, je suis régulièrement interpellé par des jeunes d’un « hello » invitant à la conversation. Il m’est donc arrivé plusieurs fois d’engager un gentil papotage avec des questions qui sont invariablement, dans cet ordre, d’où viens-je, comment m’appelle-je, quel âge ai-je, suis-je marié-je et comment ce faisse-je. L’indien est obsédé par le mariage et manifestement éberlué lorsqu’il ne survient pas après trente ans. Si c’est pas une société traditionnelle, ça. Tout ces échanges se font, bien entendu, en gesto-anglo-hindi mais généralement vu le niveau des questions, on se comprend et cela reste très bon enfant. Il m’est d’ailleurs arrivé plusieurs fois qu’on me demande de prendre les gens en photo pour pas un rond. Généralement, je montre le résultat sur le petit écran arrière de mon Nikon (en plein soleil, autant dire qu’on voit pas grand chose, et j’en suis navré) et les gens sont ravis. La grande majorité de ces petits curieux sont des adolescents de sexe mâle car manque de pot, je devais faire ma ballade après 16h, heure de fin de classe. Le problème avec les adolescents de sexe mâle, c’est qu’il y a parmi eux une forte proportion de connards, qu’on appelle généralement des « petits cons » à cet âge là. Je tombe donc sur un duo, un grand dégingandé et un plus petit moustachu, ou plutôt ils me tombent dessus d’un « ha-lo » que j’interprète comme une envie d’entamer le questionnaire classique (dont j’ai bien rodé les réponses maintenant). Ils enchaînent par une demande de photo et je précise bien que je ne paye pas. Pas de soucis, je mitraille leurs faces boutonneuses. Et paf, le petit moustachu me demande 100 roupies. Nan, nan. 50. Non plus mais avec le sourire (ne jamais se défaire de son sourire, c’est important). Du coup je repart en marchant en essayant de ne pas trop relancer la conversation. Mais tels des adolescents qui s’ennuient, ils se sentent obligé de me suivre pour me poser pleins de questions en pseudo anglais que je ne comprends pas, ce qui provoque des rires et commentaires entre eux. Des vrais ados petits cons. Moi je me dirige vers la rivière car je cherchai un endroit pour la traverser, un guet, des cailloux ou quelque chose (j’ai d’ailleurs vite abandonné l’idée au vue d’un panneau marqué « Attention, crocodiles »). Je m’arrête un peu pour essayer de repérer quelque chose avec mes deux sangsues à un mètre, toujours à me poser des questions incompréhensibles. Bref, ils commençaient sérieusement à m’échauffer les oreilles (et avec cette chaleur, il m’en fallait peu). Mon sourire était en train de fondre. Puis, je ne sais pas ce qui lui à pris, le petit con moustachu (celui qui avait la connerie) s’est saisi nonchalamment de mes lunettes de soleil que j’avais accroché à la pointe du col de mon polo. L’effet fut instantané. Mon reste de sourire c’est instantanément évaporé, je lui ai chopé le bras pour récupérer mes lunettes et l’ai bousculé violemment. Oui, car on ne me touche pas les lunettes comme ça. C’est privé. Et puis surtout il se croyait où, chez mémé ? Mais comme c’était un ado con, forcément ça l’a fait rire avec son pote étiré et j’ai du me les coltiner encore quelques minutes, à me suivre, en les ignorant pendant que, furibard, je révisait mentalement mes coups appris à l’armée pour les démolir discrètement à l’abri d’une colonne en ruine racontant le chapitre 25 du Ramayana. Malheureusement, ils se sont lassés et m’ont lâché le train. J’avais été à deux doigts de me friter avec un indien. Ça aurait fait une jolie anecdote.

Puisqu’on en est à parler des choses désagréables, enchaînons directement sur l’épisode glauque de mon séjour à Hampi. S’il y a des enfants qui lisent, je suggérerai de préserver leur innocence encore quelques chapitres en les mettant devant un excellent dessin animé Pixar. Sinon, pour les autres, mon serment tacite de tout vous raconter (et pour le coup, ici, sans exagération, sinon ça n’aurait aucun sens) m’oblige à ne pas vous épargner cette anecdote. Elle commence comme les précédentes : je me ballade dans Hampi, le long du vieux bazaar antique qui conduit du temple au pied de Munthaga Hill. C’est le soir et je profite un peu de ce moment pour déambuler mollement dans ce décor mystérieux. Comme d’habitude, je suis accosté par un jeune garçon de 11-13 ans qui me demande (devinez) mon pays d’origine, mon nom, etc. Mais ensuite, accroc, il dévie du script en me demandant de l’argent. Je sort ma réplique favorite : « No, no ». Il insiste, tel un petit mendiant roumain, mais en anglais. « No, no », réponds-je, toujours avec le sourire. J’effectue un rapide check-up discret de son anatomie : deux bras, deux jambes, une tête, des mains, des pieds, tout ça dans des angles standards. Non, ce n’était pas un éclopé. Nous marchons un peu, moi en l’ignorant. Puis il me demande « Hampa ? ». Je suis au regret de lui indiquer que je ne comprend pas sa question mais il se sent obligé de la répéter à l’identique : « Hampa ? ». Mon imagination cynique me susurrait qu’il s’agissait d’une proposition de drogue. Manque de pot, je ne la connaissait pas et en plus je suis pas trop porté sur la chose, encore moins en Inde ou rien que la nourriture peut te tuer, alors de la drogue… Je continu à marcher en évaluant la distance qui me reste jusqu’à la guest house. Le petit garnement, quelques instants plus tard recommence son cirque « Hampa ? ». Mais je ne comprend pas, mon petit bonhomme ?, lui dis-je en anglais. Le petit bonhomme, avec plein de sang froid et en toute discrétion me ressort une nouvelle fois son interrogation « Hampa ? » mais cette fois-ci accompagné d’une gestuelle qui ne laissait planer absolument aucun doute sur sa suggestion. Soyons cru, car il n’y a aucune raison que je vous épargne : le garçon me proposait une masturbation. « Incredible India ! », comme dirait le ministère du tourisme indien. Et pour ceux qui ne parle pas bien l’anglais, car entre temps mon cerveau avait fait la traduction, « hampa » signifiait « hand pump ».

Enlevons-nous tout de suite ce goût étrange et amèreDSC_5132_DxO dans la bouche en parlant du numéro 1 de ce top 50 : les moments magiques. Il y en a eu trois. On peut donc dire qu’ils équilibrent (mais est-ce aussi simple) les trois autres. Premièrement, en parlant de gens qui accostent et demandent des DSC_5126_DxOphotos, la première fois eu lieu dans un des plus grand temple en ruine. Une famille élargie d’indiens modestes (que j’arrive à repérer grâce aux habits des hommes. Les femmes ont invariablement des saris colorés et je me vois mal tâter la fabrique pour estimer leur niveau de revenu), complète avec enfants et grands parents, m’ont demandé de faire des photos d’eux.DSC_5127_DxO J’ai du faire une petite séance photo de cinq minutes avec profusion de sourires et rires au vue des photos. C’est eux qui insistait pour continuer et c’était super sympathique. Quelle est belle l’humanité dans ces cas là. Merci à eux. Accessoirement j’ai également pu photographier deux « religieux » en tenu complète, mais cette fois-ci moyennant un « don » généreux de 100 roupies. Mais comme c’était des religieux j’ai eu le droit à des petit tours de magie du plus vieux qui consistait essentiellement à cacher des objets plus ou moins importants dans sa gorge, sans s’étouffer, bien entendu. DSC_5238_DxOBravo l’artiste mais j’ai compris du coup pourquoi c’était toujours le même qui parlait (le plus grand): son comparse avait l’entièreté de l’arrière boutique du BHV planqué dans son œsophage.

Ensuite il y eu des soirées spéciales, chacune dans leur genre, dans des petits restaurants d’Hampi, avec moi comme seul client. La première eu lieu le premier soir de mon arrivé où je suis allé me restaurer après un long trajet en train et en bus dans un petit restaurant familiale aux chaises en plastique moulé (comme tous les restaurants d’Hampi). Dans ces cas là, je sens que je prend les gens par surprise. Merde, un client ! J’ai eu le doux plaisir d’être servi en terrasse pendant que quelques membres de la famille y regardait la télévision. J’avoue que je ne me souviens plus du plat mais le film d’action bollywoodien et le chant des insectes nocturnes, oui.

Mais l’instant le plus magique, ce petit moment de grâce imprévisible qui justifie à lui seul le voyage et tout ses emmerdements, eu lieu le deuxième soir, le même jour que la scabreuse suggestion enfantine. Le soleil se couche et une pluie fine arrive doucement. Je part dans le village à la recherche d’un petit restaurant pour le dîner, appréciant cette soudaine fraîcheur relative. Brutalement la pluie s’intensifie pour se transformer en véritable pluie de mousson. Je fait demi-tour pour me fixer sur un des premiers restaurants du village. Le déluge me trempe rapidement mais je m’en fout. Soudainement, le rare éclairage public et quelques lumières intérieures s’interrompent. Coupure de courant. Je hâte mon pas dans les ruelles de terre battue déjà trempées en essayant de deviner les flaques dans le noir. Je retrouve le restaurant dans l’obscurité, lui aussi touché par la coupure de courant. Je demande et on m’invite à venir manger malgré tout. Seul, on m’apporte un menu, une petite bougie et me retrouve pendant une demi-heure à savourer l’instant, à la lumière de la chandelle et d’une ampoule dans la cuisine, alimentée par une batterie. De grosses gouttes frappent le toit en tôle. La cuisinière fait rissoler quelque chose en écoutant la radio. Au son de musiques indiennes et de paroles dans une langue inconnue, j’observe deux jeunes filles assises à l’entrée du restaurant et discutant en regardant la pluie. Une toute petite fille vient jouer avec son frère puis son grand père à côté de moi. Je me sens comme un spectateur invisible. Une soirée de pluie de mousson.

Incredible India !

Hampi, de jour

Pour ceux qui ont perdu le fil de l’histoire à cause de mon précédent billet, je suis à Hampi, site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, situé dans l’état du Karnataka (plus ou moins au sud-est de Mumbai).

Le site classé englobe Hampi Bazaar (le village) ainsi que plusieurs autres villages dont les noms m’échappent comme la plupart des noms de villes indiennes de plus de deux syllabes. J’en suis navré mais je n’ai absolument pas la mémoire des noms. Je pourrai regarder sur une carte, mais, à l’instant où je vous écrit, vous avez sans doute plus d’internet que moi. DSC_5185_DxOCar ce qui est réellement important, c’est que le site englobe dans une vaste surface de 26km2 un nombre élevé de temples, en divers états de conservation, ainsi que des ruines d’un palais royal. Plus important encore, cette ancienne cité (maintenant réduit à quelques villages) est cité dans le Ramayana. Ce qui est d’au… Hein ? Comment ça vous ne connaissez pas le Ramayana ? Ramayana, enfin ? The Story of Rama, quoi ! Je disais donc que c’est d’autant plus incr… Quoi en-core ? Vous connaissez pas Rama ? Dis donc lecteur ignare va falloir songer à se renseigner un peu ! Sans rentrer dans les détails car j’ai prévu d’écrire un billet tout en profondeur abyssal là dessus, Rama c’est une des incarnations de Vishnu sur terre. Voilà. Ok ? C’est bon ? On peut continuer ?

DSC_5111_DxODonc, Hampi est, d’après les spécialistes, l’antique cité de Vijayanâgara où habitait Hanuaman, le dieu singe, que Rama est venu rencontrer pour demander son aide afin de pouvoir récupérer sa femme, Sita, lâchement kidnappée par Ravana. Un incroyable imbroglio vaudevillesque avec un dieu à la tête de singe dedans. En clair Hampi, ça doit résonner comme Bethléem pour les Juifs ou les Chrétiens, un truc qu’on a lu dans un vieux bouquin et qui remonte à des millénaires. Fort heureusement, il n’y a pas à Hampi de ferveur religieuse particulière. Ni plus, ni moins. Ah si. L’alcool y est interdit.

DSC_5155_DxOMais Hampi, c’était aussi la capitale d’une dynastie de rois dravidiens (attention, mot nouveau tout à fait apte à impressionner le quidam à ta prochaine soirée. Note, note) dont le grand Krishnadeva Raya. Si tu ne le connais pas c’est que ton inculture est au moins aussi grande que la méconnaissance du sujet par l’auteur de ces lignes. Et il n’y a vraiment pas de quoi être fier.

En clair, Hampi c’est du concentré de grands H : Histoire et Hindouisme.

Et pour faire bonne mesure, le cadre géographique est assez sympathique aussi. Au milieu coule une rivière, classique, et tout autour se trouve des petites collines de gros blocs granitiques rose beige. Entre tout cela, on trouve des plantations de bananiers et une végétation relativement importante. DSC_5217_DxOQuelques un des temples sont posés DSC_5226_DxOsur de grandes dalles de granite et des petites tours d’observations sont posées de temps en temps au sommet d’un gros bloc. Le site est donc un curieux mélange de minéral et de végétal. Pour les géologues, je précise que la région fut le siège d’une intense activité en la présence d’un gigantesque volcan. D’où les blocs granitiques.

Après ce rappel factuel, il doit vous cuire de savoir ce que j’en ai pensé de ce site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO (au même titre que le Vieux Lyon, pour situer ce classement un peu bizarre). En tant que français ayant le compliment mesuré, je dirai : « ouaih, c’est pas mal. C’est même pas mal du tout ». Mais laissez moi vous narrer les deux étapes de ma découverte de Hampi, patrimoine de l’humanité tout entière tel que l’a frappé l’UNESCO de son auguste sceau.

DSC_5113_DxOPremière phase, une première journée découverte patrimoniale en compagnie d’un guide officiel permettant d’avoir un aperçu des principaux sites avec le « background » historique et théologique adéquat. Accessoirement pour se la péter en société à mon retour à condition d’avoir pris des notes. Ce que je n’ai pas fait. Mais qu’ai-je vu, qu’ai-je entendu, qu’ai-je senti lors de cette journée ? J’ai pas mal senti le genou droit de mon guide, Veeresh, dans l’auto-rickshaw qui nous trimbalait de site en site. J’ai pas mal entendu le doux vent dans les arbres à côté des écuries d’éléphants (ça fait rêver ça, hein?). DSC_5140_DxOJ’ai pas mal vu de temples aux colonnes sculptées représentant des passages du Ramayana, le petit palais de la reine ou encore sa baignoire de la taille d’une piscine. Côté site archéologique c’était assez plaisant et varié, d’autant plus qu’ils étaient agrémentés des commentaires et explications de Veeresh, malheureusement dans un anglais légèrement approximatif. C’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai appris que l’Inde allait rencontrer le Pakistan dans un match de cricket décisif lors de l’International Cricket Competition le 15 juin. On était en plein dans la thématique Ramayana.

DSC_5143_DxOLe moment le plus plaisant de la journée fut l’ascension d’une immense plate-forme surplombant les ruines du palais du roi. Quelques instants auparavant, le guide m’expliquait qu’ici le roi recevez la visite et les doléances de ses sujets sous une immense toile tendue. Il ne m’en fallait pas plus pour, une fois arriver en haut, laissez mon imagination s’envoler. J’imaginai une vaste foule de sujets à mes pieds, aux drapés blancs, safrans ou à moitié nus et, les dominant, assis sur un fauteuil en rotin aux motifs intriqués direct de chez Pier-Import, un maharadja à l’allure noble et altière, à la fine barbe ciselée, vêtu d’un habit couleur perle souligné d’or se reposant à l’ombre tamisée d’une vaste toile de lin qu’une chaude brise des terres viendrait faire onduler. C’est beau et c’est long comme du Le Clezio. Et c’est pas fini. Des serviteurs pieds nus aux torses musclés et aux moustaches en guidon de Harley viendraient éventer leur seigneur et maître avec d’amples feuilles de bananiers achetés 30 roupies à la vieille en sari sale (et donc non souriante) au coin du bazaar, au son hypnotisant de ragas envoûtants joués par un ensemble tablas, sitars et flûtes pendant qu’une troupe de vingt danseuses à la divine souplesse et aux articulations non-contraintes s’emploieraient à distraire leur roi de ses tracas du boulot.DSC_5145_DxO Autour du royal personnage, des éléphants, lascivement assis sur leurs vastes popotins et répondant aux noms de Lakshmi, Lakshmi et Lakshmi viendraient parfaire ce somptueux tableau exotique pendant que les reines en saris multicolores et aux délicates chevilles parées de bijoux d’or sertis de pierres précieuses de lointaines contrées du nord, tenteraient vainement d’apercevoir la scène au travers des corpulents corps sacrés des pachydermes en effectuant de curieux mouvements oscillants de tête d’avec leur cou gracile. Et ensuite j’ai eu trop chaud donc je suis redescendu de la plate-forme. Comme quoi quelques Indiana Jones et films de Bollywood suffisent à se construire un imaginaire. Le voyage est sublime quand la réalité se mélange à la fiction, voilà ce que je dis.

DSC_5218_DxODonc, la deuxième phase de ma découverte de Hampi a eu lieu le lendemain. Je décide de ne pas prendre de guide et surtout pas d’auto-rickshaw mais plutôt de partir à pied randonner autour de Hampi Bazaar. Je supporte pas trop mal la chaleur maintenant (c’est à dire que j’arrive à marcher plus d’une heure sans que cela ne provoque une abrasion de l’intérieur des cuisses). C’est donc parfaitement jouable avec trois litres d’eau. Magnifique idée que j’ai eu. J’ai commencé la ballade par une montée sur Mathunga Hill, une des collines de blocs granitiques surplombant le village. Arrivé là haut je découvre un temple en ruine isolé, un petit vent frais et délicieux ainsi qu’une vue panoramique sur tout le site de Hampi. Il n’y a rien de mieux pour appréhender un endroit. En contrebas j’aperçois le vieux bazaar tout en ligne menant au temple encore en activité qui est le cœur du village de Hampi Bazaar. De l’autre côté je vois DSC_5223_DxOle temple de Vitthalya, en ruine mais dont la structure est pleinement visible de cette hauteur. J’en profite pour rester quelque temps à profiter de l’air frais, du calme et de la splendide vue. Je ne suis interrompu que par deux femmes en sari qui viennent de grimper la colline en claquettes. Encore plus amusant, je les voie redescendre les marches de l’autre côté les fesses par terre. Ça n’a pas l’air d’être très pratique le sari pour ce genre d’activité. Je fini la journée par un circuit longeant la rivière et revenant vers le village, le tout en croisant quelques autres temples en ruine et en lâchant quelques litrons de sueur.

DSC_5200_DxOVoilà, c’est tout pour aujourd’hui. Hari Krishna. Même si je ne sais pas ce que ça veut dire.

En prime, un frêle indien sympathique devant une grosse statue du gros Ganesh (dont je vous narrerai l’histoire bientôt). Le contraste est saisissant, comme le veut le cliché.

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L’arrivée à Hampi

Dans le précédent épisode notre héros volontaire affronte le froid sibérien des wagons 2AC-Tiers ainsi que les affres de la non-signalisation évidente des quais de départ de trains. Nous le retrouvons quelques heures plus tard, à la descente de son train, en gare d’Hospet, petite bourgade de 200 000 habitants de l’état du Karnataka. Car quand y a pas, ta cas aller en car. Vous verrez, c’est pas juste pour l’effet de style. Mais chut, trois coups de canne, rideaux…

Je me retrouve donc vers 19h32 sur le quai de la gare d’Hospet, mon dernier arrêt avant Hampi. Plus précisément mon dernier arrêt en train car comme convenu par mail, la dernière portion de route me séparant de Hampi (à peine une grosse dizaine de kilomètres) devrait être effectué en voiture grâce à une personne de la guest house venu me chercher. Ils sont bien sympa de proposer alors moi je saute sur l’occasion. A 19h30 le soleil s’est couché depuis une bonne demi heure et je sort donc du hall de la gare dans la touffeur habituelle de fin de journée. Une petite activité standard à base de pétaradement de deux roues et de vrombissements graves et gras de bus me confirme que je suis toujours en Inde. Je jette un œil aux alentours à la recherche d’un indien, frêle ou pas, moustachu ou pas, mais équipé d’un carton avec écrit «M. OLEEVER PRATH » ou quelque chose d’approchant. Rien de visible dans un rayon de 100m. Je repart sur le quai et effectue la même recherche. Même résultat. Je décide d’attendre un petit quart d’heure. Soupir.

C’est là que je me rends compte de l’incroyable chemin mental parcouru depuis une petite semaine. Hormis ce petit soupir de lassitude saupoudré de philosophie qui m’a échappé, je ne constate aucune hausse de tension artérielle ou de rythme cardiaque. Tout ceci est à peine surprenant et je me met à trouver des explications : le train est en retard d’une demi-heure et je n’avais fournis que l’horaire du train, pas son numéro. Allez, admettons. Bref, je me tourne vers les deux bus hors d’âge garés cinquante mètres plus loin, chacun déjà occupé par des passagers et apostrophe poliment le plus vieux des préposés que j’identifie grâce à leur uniforme caca d’oie maronnasse : « Bus to Hampi ? » Je pose la question une deuxième fois car je suis insatisfait de la qualité d’interprétation de la première réponse par mon cerveau . « Bus to bus station, 3 roupies. After bus to Hampi 15 roupies ». Il faut que je prenne un premier bus vers une station et ensuite un autre pour Hampi. Bon, ben allez, quand il faut… Je monte donc dans le bus en essayant de ne pas assommer des gens avec mon gros sac et paie diligemment mes trois roupies (une misère).

Après quelques courts instants, un des préposés monte dans le bus et pousse un coup de sifflet. Le chauffeur, dans un craquement inquiétant enclenche la première et démarre. Fenêtres ouvertes et moteur quasiment dans l’habitacle font qu’on est encore une fois submergé par le bruit du trafic, le rauque vrombissement du bus ainsi que le craquement de la boite de vitesse. Nous profitons tous également de la moindre subtilité du revêtement (ou de son absence) routier dans un couinement de suspension. Bref, tout ceci commence comme un joli tour de manège ou de temps en temps, profitant d’un ralentissement ou d’un signe de la main adressé au chauffeur, un passant vient s’accrocher à la barre extérieur pour sauter de manière experte dans le véhicule.

Le trajet jusqu’au terminus des bus est extrêmement rapide et me permet à peine d’entre-apercevoir Hospet de nuit. Ca ressemble à Santa Cruz (East) avec moins de grands immeubles et des bas côtés en terre. Rien de bien excitant donc. Au terminus, je repasse en mode recherche de mon nouveau bus en les passant un à un à l’inspection parmi les cris et klaxons des chauffeurs et préposés aux tickets, les bruits de diesels affolés (on le serait à moins) et les appels des passagers. La tâche s’annonce compliquée car hormis des numéros et des indications en hindi, il n’y a rien à quoi me raccrocher. Je repère un panneau marqué « Bureau of Enquiries » avec juste devant, quatre gars en uniforme caca d’oie marronnasse autour d’une petite table, occupés à consulter leurs machine enregistreuses portatives. Après quelques moments d’attente en espérant qu’un des préposés s’enquiert auprès de moi de mon éventuel besoin de m’enquérir, je me rends à l’évidence : c’est à moi de m’imposer. Je jette donc un «Excuse-me» sonore et demande en anglishe où je peux trouver le bus pour Hampi. Le plus vieux de la bande (celui qui est assis à la table, vous pensez bien) me réponds un truc que j’approxime plus ou moins comme « F600 ». D’acccoooord. « Thank yyyou », réponds-je à cette cryptique réponse et je refais le tour des bus en cherchant un F600. Que dalle. Putain, ils y mettent pas du leur, franchement.

A ce moment là, je repère un groupe de quatre jeunes touristes occidentaux (oui, ça se voit comme le nez au milieu de la figure à la présence de deux blonds). Je m’avance vers eux et leur demande dans un anglais châtié où je peux trouver le bus pour Hampi. Une des fille me réponds qu’il y en a régulièrement par là bas, pendant qu’une autre explique que si j’entends un « Hampi, hampi », c’est le bon bus. Cette dernière remarque aux allures de « private joke » fait sourire ses collègues. Super, bande de nazes. Je me dirige donc « là bas » en décidant d’aller faire chier tous les chauffeurs de bus un par un en leur demandant s’ils vont à Hampi. Coup de bol ou intuition venu de Vishnu, le premier me dit « Yes, yes » de manière passablement agacé puis se retourne pour répondre à la question de quelqu’un d’autre. Etant toujours en perpetuel doute quand à la réelle compréhension de mes interlocuteurs, je m’apprête à monter dans le bus en me soumettant au destin. Si je me retrouve de nuit, paumé au fin fond du Karnataka, c’est que Vishnu trois yeux veut que j’y soit. C’est à cet instant précis que, comme filmé au ralenti (c’est pour que vous vous sentiez captivé par le recit que je met des éléments de mise en scène), je lit la plaque d’immatriculation du bus. Elle se termine par « F600 ». Soupir. Oui. Certes. Une fois qu’on le sait c’est pas plus bête qu’autre chose comme moyen d’identification. Il n’avait qu’à me donner le numéro de sécurité social du chauffeur tant qu’il y était. Un peu dans le doute malgré tout (Non… ça peut pas être ça quand même ? Il aurait pas osé?), je me pose avec mes sacs.

Le bus part, toujours dans un mélange sonore de diesel agricole et autres craquements ou couinements mécaniques. Mes co-passagers me jettent des regards curieux (j’allais dire des petits regards, mais ce serait mentir) pendant que je jette un œil au paysage nocturne qui défile : petites échoppes sur terre battue, quelques vaches, des mobylettes, des saris puis un peu de campagne, un village de petites maisons en parpaings sur terre battue, une vache, des scooters qui klaxonnent (ah ok, c’est pas qu’à Mumbaï donc), le tout pendant vingt minutes. Et surtout, régulièrement, lorsque le bus s’arrête pour récupérer des passagers, le préposé au billets lance un « Hampi, Hampi » sonore. C’était donc ça la petite blague. Quelle bande de pourris. Aucune solidarité.

Puis soudainement, après avoir emprunté une route à gauche, j’aperçois un petit temple en ruine. Quelques instants plus tard, un gros bloc rocheux et un autre petit temple. Tout ceci est rassurant. Le bus s’engage au ralenti dans un virage à angle droit et j’ai le temps de découvrir à la lumière de ses phares un autre temple en ruine avec colonnades aux bas reliefs étranges sous cette lumière mouvante. Dans un nouveau craquement de boite de vitesse, le bus plonge alors dans une descente cerné de blocs rocheux et je devine en bas un vaste terre-plein bordé de quelques échoppes éclairées ainsi qu’un groupe de maison à étages à l’aspect carré.

Le bus vient se garer sur le terre-plein et je descends finalement à Hampi Bazaar. Assez rapidement, des gens qui me veulent du bien m’interpellent pour me proposer de m’héberger dans leur guest house. Je leur explique avec le sourire que j’ai déjà réservé à la Padma Guest House et après une mimique de déception ils m’indiquent le chemin. Un peu dans le doute (j’ai du mal à croire quelqu’un qui quelques secondes avant souhaitait me proposer une chambre dans son hôtel), je remonte une petite ruelle éclairée (la seule ruelle, en fait) et aperçoit au fond un petit panneau. J’étais arrivé et il était prêt de 21h.

Mumbai – Hampi par train et par bus : vingt quatre heures de trajet. Ça a intérêt à envoyer du lourd le patrimoine mondial de l’UNESCO.

Seul occidental

Musique par John William.

Je suis seul. Je suis entouré de millions de gens mais je suis seul. Je suis… le touriste occidental à Mumbai.

Fin du générique et par conséquence, fin de la musique.

C’est complètement fou. Le Lonely Planet m’avait prévenu dans l’avion « Je te préviens, pendant la saison des pluie, c’est la saison touristique basse » mais je n’imaginai pas à se point. Pensez qu’il m’a fallu plus de vingt quatre heures pour apercevoir un touriste en short manifestement européen dans Mumbai, alors que j’avais pourtant déjà arpenté un des coins les plus touristique de la ville. Et non ce n’était pas moi car je porte des pantalons pour faire couleur locale. Il m’en cuit d’ailleurs. Vivement un pays plus déluré pour que je puisse me ballader à poil et en tongs sous la chaleur tropicale (ce devrait être Darwin en Australie où il y a manifestement une plage de nudistes). Mais je m’égare.

Oui, je suis incroyablement surpris par le peu de touristes occidentaux en Inde en juin. C’est à la fois super mais à la fois surprenant. Il peut même parfois m’arriver de passer une journée entière sans apercevoir la moindre tête blonde. C’est particulièrement dépaysant. J’en suis au point de me demander si les expatriés occidents mettent les pieds dehors. On se sent tellement seul dans ce pays étranger qu’à chaque fois que j’aperçois une personne visiblement occidentale (ou même japonais, pour vous dire), j’affiche un petit sourire complice histoire d’établir un lien. A Mumbai on me retourne le sourire car on doit être dans le même état d’esprit : perdus, subjugués, assommés par la chaleur et sensoriellement abrutis (je crois que je viens d’inventer un mot, là). Sans mentir je pense avoir croisé pas plus d’une trentaine de touristes occidentaux depuis mon arrivée.

A Hampi, j’étais quasiment une proie ambulante pour les mendiants, chauffeurs de rickshaws et vendeurs de marchandises. J’ai tout de même croisé un couple âgé français au détour d’un temple dédié à Ganesh (mais si, Ganesh, le petit gros ventripotent à la tête d’éléphant) avec qui j’ai engagé la conversation. Enfin, c’est plus particulièrement le monsieur qui a engagé la conversation avec moi. Je m’étais contenté d’afficher un sourire complice (que j’alterne avec mon regard de Delta Force. Je peux vous dire que mon visage est particulièrement expressif ces temps-ci) en me préparant un petit « Hello ! » universel dans le coin de la bouche. Mais il m’a pris de vitesse en me balançant un « Bonjour », sauce Ménilmontant. Un peu vexé, je l’amène à l’écart en lui chuchotant : « Comment avais vous su que j’étais français ? »

  • Ah non je savais pas, je dis bonjour à tout le monde par principe.

Ouf, j’étais rassuré. Pendant un moment j’ai cru qu’un élément vestimentaire autre que mon sac à dos bourré de matériel photo, mes lunettes de soleil et ma casquette (mais toujours en pantalon et chemise, ça, c’est pour la rubrique mode) m’avait trahi. Bref, le monsieur, visiblement heureux d’échapper aux explications du guide sur la signification de la conche portée dans la main droite de Vishnu sur la troisième statue à droite en partant du bas (explication au demeurant fort intéressante mais que j’ai oublié entre-temps), m’apprend que lui et sa femme, agent de voyage à Paris, sont des amoureux fous de l’Inde et qu’ils y reviennent régulièrement. Bref on a papoté gentiment pendant quelques minutes le temps que je retrouve mon guide qui s’était planqué sous un arbre (pas fou).

Encore plus étonnant, je partageai la guest house avec deux jeunes américaines blondes (limites jumelles) se baladant en T-shirts, shorts et tongs (je me demande si je ne vais pas arrêter avec les pantalons, moi), comme à la plage, au mépris des conseils de décence de mon Lonely Planet, et à moto en plus (c’est des folles rebelles ici en Inde) avec qui j’ai vaguement tenté d’échanger des conseils de restaurants sympa sur Hampi. Ca a du durer trente secondes le temps que tout le monde se rende compte, premièrement, qu’on venait chacun d’arriver depuis moins de trois heures en ville et deuxièmement, qu’à défaut d’appeler ça une ville, Hampi mériterait plutôt le qualificatif de village. Sinon de loin en loin j’ai du apercevoir une poignée de touriste en scooter mais je peux vous dire qu’il y avait beaucoup plus de singes que de touristes occidentaux. Hampi, patrimoine mondial de l’UNESCO, tout de même.

Par contre à Pondicherry, je m’attendait à en voir des pelletées de mes congénères et bien pas vraiment. Alors pour être honnête il est vrai que je vois des touristes une fois pas jour sans problème, souvent en banc de deux, voir de six (mais c’est exceptionnel) ce qui est trèèès largement au dessus de ce que j’ai vu à Mumbai. La ville est plus petite ? C’est vrai. Sauf qu’ici, même avec un sourire complice, les gens détournent la tête et font mines de m’ignorer. Je vois deux explications : soit depuis deux semaines ici, j’ai une tête d’indien, soit chacun est dans son trip « seul en Inde, wah, l’aventure ! » et ne veux surtout pas se faire voir en compagnie d’un autre touriste. Ce serait un aveux de faiblesse. Sauf que Pondicherry, côté « Inde profonde », c’est pas l’endroit le plus approprié. Qu’est ce que ça doit être à Goa (blague de baroudeur connaissant l’Inde de fond en comble. Vous pouvez pas comprendre) ! Surtout que ces touristes j’ai plutôt tendance à les croiser du côté de la vieille ville française (ah ça, pour croiser un touriste marchant comme un con pendant une demi-heure à travers la partie tamoule jusqu’à la station centrale de bus, il y en a qu’un, hein ! C’est bibi!), ou du côté d’Auroville, LE endroit spirituo-new age à proximité de la ville (j’en parlerai dans un autre billet dédicacé à Emmanuel, de Chalon-sur-Saône).

Donc si vous souhaitez avoir des nouvelles de votre ami Robert, que j’ai du croiser en Inde parce qu’il est parti en même temps que moi, comptez pas trop là dessus. Nous sommes seuls, très seuls.

Générique de fin avec crédits et marque de la pellicule.

Lumière.