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Kakadu & Litchfield

C’est donc un matin très tôt, alors qu’il fait encore nuit, aux alentours de 6h, à la fraîche, les paupières encore un peu collantes, alors que j’attends devant mon hostel, qu’un gros camion blanc quatre roues motrices tirant une remorque s’arrête. Un grand gars sec d’une grosse quarantaine d’année en chemise bleu et pantalon de toile, cheveux ras, en bondit et s’approche de nous. Je n’étais pas seul avec mes bagages posés sur le trottoir. Un deuxième gars faisait de même. Le grand sec, c’est Adam, notre guide. Mon voisin, un trentenaire au type asiatique, c’est Phil, un américain de Melbourne. Mais ça, je l’apprendrai plus tard. Tout ça pour dire qu’aujourd’hui, je vous narre le tour guidé 3 jours / 2 nuits de Kakadu – Litchfield.

Comme souvent, l’aventure commence par un ramassage des différents acteurs, disséminés dans les différents hostels et hôtels de Darwin. A cette heure les gens sont encore un peu dans le pâté et la conversation s’en ressent. Rapidement nous nous retrouvons donc à 16 dans le camion et Adam, le guide, triture son micro-casque. C’est l’heure des présentations. Chacun notre tour nous divulguons notre nom et nationalité. Voici donc le casting. En sachant qu’il y aura peut être un meurtre, je vous suggère d’être attentifs.

  • Votre serviteur,
  • Adam, le guide australien de Bondi, Sydney
  • Phil, un américain, ayant habité la dernière année à Melbourne
  • Max, le deuxième américain, jeune trentenaire également, de Washington D.C.
  • Nick & Jane, un couple de néo-zélandais habitant également Bondi, Sydney
  • Martins & Aija, un jeune couple lettonien de Riga
  • Pierre & Sophie, encore un couple, français et lorrains de Nancy
  • Emilie et son copain, un autre couple français en fin de visa touriste-travail.
  • Un vieux couple de hollandais en voyage prolongé
  • Et finalement, un jeune bachelier hollandais et son père en vacances

Vous l’aurez compris, la France est en force et le groupe d’une taille respectable. Je suis néanmoins rassuré en voyant la moyenne d’âge, quand même plus proche de 35 ans que de 20. Quand à Adam, notre guide à l’accent typiquement australien, c’est un peu notre Crocodile Dundee à nous. Il faut dire qu’il a deux obsessions : l’eau et les crocodiles. Toutes les heures, il nous rappel de boire ce que je trouve particulièrement paternaliste. Bientôt ils vont nous avertir quand il faut inspirer puis expirer. L’explication : ils ont eu un cas d’une dame ayant souffert du manque d’eau dans un précédent tour. Si on ne peut même plus faire jouer la sélection naturelle, maintenant, pfff. Par contre, pour ce qui est des crocodiles, je vous en parlerai une autre fois.

La plupart du temps, on roule. Au début, tout va bien. L’asphalte est nickel et la route passablement rectiligne. La conversation s’engage un peu timidement parmi certains groupes, DSC_6461_DxOnotamment les hollandais qui papotent. Après un ou deux arrêts pipi, on commence à briser un peu la glace avec certaines personnes. Mais finalement, il faut attendre le repas du midi pour que la convivialité du déjeuner aidant, les présentations se fassent réellement. D’ailleurs, si vous voulez vraiment que les gens se parlent, prévoyez des sandwichs à faire soi même, les ingrédients posés sur un buffet, en quantité insuffisante. Par contre, on boit beaucoup sous le regard lourd et insistant de notre guide. Fort heureusement, l’Australie étant un pays civilisé, des toilettes sont habilement disséminés à chaque arrêt.

Les choses sérieuses commencent quand on s’engage sur les routes non asphaltés. Dans un décor de rallye automobile, le camion se met un peu plus à bringuebaler, la musique se fait plus forte (car musique il y a, les gens étant naturellement terrorisés par le silence) et Adam se met à adopter une conduite coulée tout en glissades contrôlées, le tout à plus de 80km/h. Voici d’ailleurs un extrait de l’ambiance à l’intérieur.

DSC_6367_DxODans ce fameux parc national de Litchfield, il y a des cascades. C’est très simple, pendant la saison humide, ce sont des trombes d’eau qui tombent sur cette vaste bande côtière quasiment totalement plate. DSC_6375_DxOAutant vous dire, que ça stagne pas mal. Néanmoins, il y a quelques plateaux et ce sont à leurs extrémités que l’on peut admirer quelques jolies chutes au débit variable suivant la saison du nom de Wangi Falls et Florence Falls. Ce sont d’ailleurs des occasions de petites baignades collectives que j’évite, le tibia gauche toujours en convalescence depuis le Vietnam. N’oubliez pas de boire.

Nous reprenons la route pour rejoindre une rivière et laissons le camion pour parcourir le cour d’eau pendant deux heures à bord d’un bateau à fond plat. Le soleil décline et nous profitons de l’ambiance paisible malgré la présence de quelques spécimens de crocodiles.

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De retour au camion, nous buvons et reprenons une nouvelle fois la route pour rejoindre notre premier camping pour la nuit. Effectivement, le bilan de la journée se limite à deux cascades et une ballade à bateau.

Pour ce qui est de l’hébergement, soyons honnête, il ne s’agit presque plus de camping dans la mesure où les tentes sont permanentes, équipées de moustiquaires, hautes de plafond et dotés de lits de camps forts confortables. De plus, au centre du campement se trouve une grande tente fermée de 20m de long et 5 de large abritant une grande table, des chaises, un frigidaire, un lavabo mais surtout un barbecue et des feux au gaz. Autant dire que côté confort, ça n’a rien à voir avec le camping de base. Le seul trait commun concerne la salle de bain et les toilettes, communs. Adam nous apprend d’ailleurs que la grande mode australienne est le camping « de luxe », appelé également « glamping », contraction de glamour et de camping. Les riches australiens aiment les grands espaces et la nature, mais faut quand même pas déconner avec le confort. Quand à Adam, il lui arrive pendant ses journées de repos de prendre son 4×4, son sac de couchage et sa glacière de bières (autrement appelé « esky » ici) pour partir seul s’isoler dans le bush ou dans un coin reculé et connu de lui seul de Kakadu. La vrai vie, en somme, toi sirotant bruyamment une bière seul sous l’insondable profondeur du cosmos. En ce qui nous concerne, après un repas collectif concocté par notre guide à base de saucisses au poulet, nous nous contentons de sonder le plafond de la tente collective tout en sirotant des bières achetées en groupe dans la journée.

Le lendemain matin, nous nous réveillons avant l’aurore à 5h30. C’est dur, très dur. La journée promet d’être longue car il nous faut déjà rejoindre le parc de Kakadu à 200km. Ça tombe bien, je me met à la place du copilote, place de choix pour papoter avec notre guide et pour admirer toute sa maestria de pilote de camion sur les pistes gravillonneuses. La lumière se lève tout doucement sur un paysage légèrement brumeux.

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DSC_6466_DxO Quelques heures plus tard, nous descendons pour rejoindre une nouvelle cascade, du nom de Twin Falls. Cette fois-ci, après une petite marche dans une forêt, nous empruntons un bateau à fond plat pour remonter une gorge. Au bout, une plage d’un sableDSC_6475_DxO blanc et deux cascades chutant d’un plateau dans une eau translucide, mais fraîche. Ce sont les Twin Falls. Moi je ne me baigne toujours pas. Après trois quart d’heure (Adam étant le garant du timing), nous rebroussons chemin par le bateau puis remontons dans le camion. Bien entendu, nous buvons.

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De nouveau de la piste, de la route et de la musique avec très probablement des passages de sieste. Un arrêt déjeuner plus tard, toujours à base de sandwichs, nous repartons. Finalement nous atteignons notre deuxième centre d’intérêt de la journée : une nouvelle cascade. Pour la DSC_6501_DxOrejoindre nous devons parcourir une poignée de kilomètres à pied le long d’un chemin longeant une rivière. Après un passage facile, nous crapahutons sur de gros cailloux. Encore une fois, notre guide nous enjoint d’être prudent. C’est vraiment très paternaliste. C’est certes plus technique que de marcher sur un sentier balisé mais c’est drôlement plus amusant. Finalement, nous débouchons de nouveau sur une plage de sable d’uDSC_6482_DxOn blanc éclatant et le groupe s’octroie une nouvelle baignade sous Jim Jim Falls. J’avoue, que là, ça commence à m’embêter d’attendre bêtement que tout le monde se lasse de se baigner. A l’heure dite, Adam fini par rassembler ses ouailles et nous repartons le long des rochers.

Au camion, nous buvons. On remonte dans l’engin et repartons une nouvelle fois pour quelques dizaines de kilomètres de piste afin de rallier notre coin camping pour la nuit. Oui, vous avez bien lu. Malgré une grosse journée, nous n’aurons finalement visité que deux cascades. Quand je vous dit que ce pays n’est pas très dense. De nouveau nous nous retrouvons à coucher dans des tentes confortables autour d’un grand espace clos pour la cuisine et le repas. D’ailleurs nous ne sommes pas les seuls et de nombreux autres tours opérateurs avec leurs gros camions tout terrains occupent les espaces avoisinants.

DSC_6503_DxOLe lendemain matin, de nouveau très tôt, autour de 6h30, nous sommes déjà tous dans le camion pour une dernière journée dans le parc national de Kakadu. Aujourd’hui nous attaquons les pistes les plus difficiles pour rejoindre une nouvelle cascade à Barramundi Gorge. Après une bonne heure bringuebalante nous nous arrêtons et entamons une marche en file indienne à travers une végétation de bush humide. Des grands arbres à l’écorce décollée appelés melaleuca pulullent dans ces zones riches en eau. Ils sont d’ailleurs assez agréables au touché car leur écorce a la texture de papier buvard. Adam nous affirme que les aborigènes les utilise comme pansement. Le chemin monte et devient plus rocailleux.

Finalement nous redescendons dans les rochers pour rejoindre une série de piscines naturelles formée dans la roche par un cour d’eau qui fini par se jeter en DSC_6519_DxOcascade plus bas. De nouveau nous faisons une pause baignade mais cette fois-ci, vu la fraîcheur de l’eau et l’heure matinale, je ne suis plus le seul à m’abstenir. Une nouvelle fois, une petite heure plus tard, nous repartons en sens inverse pour rejoindre le camion. Nous buvons puis reprenons la route.

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Nous effectuons quelques temps plus tard une nouvelle pause déjeuner où nous finissons les restes de sandwich. Nous buvons. Cette après midi nous allons voir le dernier lieu du tour, un site nommé Ubirr et a ma grande joie, il ne s’agit pas d’une cascade. Situé à l’extrême est du parc, le lieu est important pour les aborigènes. C’est d’ailleurs un des seuls endroits de la région ouvert et connu du public où se trouvent des peintures sur roches. Accessoirement, ce fut aussi le lieu de tournage de quelques fameuses scènes de Crocodile Dundee.

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Nous arrivons là bas en milieu d’après midi et suivons le chemin du parcours. Le long nous apercevons quelques zones de dessins sous des surplombs rocheux, agrémentés de panneaux DSC_6526_DxOexpliquant les histoires qui y sont racontés. Enfin, j’ai l’impression de rentrer dans la culture aborigène australienne et il me tardait un peu. Les panneaux parlent « d’art aborigène » mais Adam, un peu agacé, nous livre son opinion sur le sujet. D’après lui il ne s’agit pas d’art dans l’intention d’origine puisque ces fresques sont avant tout des livres d’histoire pour les jeunes aborigènes. Ce sont sous ces surplombs rocheux, là où les fresques étaient sur d’être préservées des intempéries, que les anciens racontaient les histoires ancestrales, dessins à l’appui. Il est donc aussi ridicule d’appeler ces fresques « art » que d’appeler les illustrations d’un livre scolaire « art ». J’avoue partager son opinion sur le sujet et nous comparons cela aux vitraux et sculptures des cathédrales du moyen-âge, avant tout destinées à l’apprentissage de la bible et non pas issu d’une volonté artistique.

DSC_6528_DxOLe chemin grimpe un peu et nous atteignons finalement une vaste plate-forme rocheuse surplombant un paysage qui semble courir à l’infini. Depuis maintenant trois jours nous avions toujours le nez au niveau du sol. Comme l’a si bien exprimé Phil, pour une fois, le paysage s’ouvre devant nous. Devant nous le paysage est plat et marécageux. Derrière nous il est à l’inverse, totalement rugueux, rocailleux et ponctué de crevasses. Nous sommes à la limite d’un vaste territoire contrôlé par les aborigènes, nommé Terre d’Arnhelm, aussi grand que la DSC_6535_DxOBelgique. Pour y pénétrer, un permis délivré par les Anciens est nécessaire. Du coup, je ressent un grand mystère en regardant dans cette direction, en sachant que ces espaces encore préservés d’exploitation minière, malgré la présence constaté d’un grand gisement d’uranium, vit à l’écart du monde occidental, selon un mode de vie vieux de 30 000 ans.

Finalement, nous redescendons de ce magnifique point de vue et reprenons une ultime fois la route. Cette fois-ci, le tour est fini et il ne nous reste plus que quelques heures de route pour rejoindre Darwin. Chacun son tour nous sommes déposés devant notre hôtel, moi avec Phil, et nous nous disons au revoir.

Une pensée admirative me vient pour Adam, notre guide, qui vient de se taper trois jours de conduite intensive. Fort heureusement, il enchaîne par une journée de repos. Trois jours, cinq cascades, des fresques et un panorama pour un petit millier de kilomètres de route sur un fond de bush. C’est quand même dingue comme c’est peu dense et varié, finalement.

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Voyager en Australie

Ce pays est grand. Ce pays est vaste. Ce pays est gigantesque. C’est un continent. Franchement, le français est une langue ambigu. Si vous relisez cette dernière phrase avec les bonnes liaisons « c’est un continent », vous constaterez qu’il est impossible de la différencier de « cet incontinent ». Ceci dit, il faut que j’arrête de me faire distraire par ma propre rédaction. Hors donc, l’Australie, c’est vachement grand. Non, il faut franchement que vous vous mettiez ça dans la tête car cela va avoir son importance dans quasiment tout les billets qui vont suivre. Multipliez les distances par un chiffre entre 5 et 10 et vous aurez un équivalent européen. Voici d’ailleurs une carte toujours fort instructive et metteuses d’idées en place :

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C’est bon ? Vous avez l’échelle en tête ? Menteurs. C’est tout simplement impossible de se représenter les choses. Moi d’ailleurs, je l’oublie constamment. Par exemple, moi qui suit actuellement à Darwin (comme je vous manipule, c’est fou), j’ai plusieurs options pour aller visiter le parc national de Kakadu, soit disant très réputé pour ses paysages somptueux : louer un véhicule, me raccrocher à des gens ayant un véhicule ou bien m’inscrire pour un tour organisé. Ces trois options implique un bon gros paquets de kilomètres à parcourir. On a beau me dire que Darwin est la porte d’entrée pour les parcs nationaux de Kakadu et Litchfield, gna gna gna, elle est loin, la porte. Il faut se taper 100km pour pénétrer dans le plus proche au sud, et 250 pour celui à l’est. Franchement, atterrir à Toulouse pour aller visiter les vignobles du Médoc, ça me ferait mal. Sans parler que ces parcs nationaux sont eux-mêmes relativement vastes. Kakadu, c’est aussi grand que le Limousin (enfin, d’après Wikipedia).

Je crois que le plus extrême est le célèbre « Ayer’s Rock » (Uluru pour les aborigènes), ce gigantesque caillou rouge au milieu de nul part. Toutes les brochures vous explique que c’est à côté de la ville d’Alice Springs, en plein centre du continent. Mensongeries ! Le rocher est à 400 bornes de là! L’agent de voyage qui me fait atterrir à Paris pour aller visiter Lyon, je lui arrache sa certification. Bon certes, il n’y a pas d’autre ville aux alentours, mais quand même, on pourrait nous prévenir.

Résultat des courses, la plupart des touristes en Australie louent un véhicule, de préférence un gros 4×4 bien rustique avec tout ce qu’il faut pour survivre à trois jours d’autonomie totale. Parce qu’il faut également bien comprendre que là bas, dans ce continent rouge, le réseau routier se résume aux plus vitales liaisons inter-villes. Pour être plus précis, je devrais parler du réseau routier asphalté. Dans les Territoires du Nord, notamment, les trois quarts des routes sont en terre battue, légèrement gravillonneuse. Il est donc inutile espérer pouvoir les emprunter plus d’une demi-heure en véhicule de tourisme sans piquer une crise de frustration ou risquer une casse mécanique. Vous constaterez d’ailleurs la clause d’interdiction formel de les emprunter stipulé dans votre contrat de location.

Malheureusement, lorsqu’on jette un œil à la carte des parcs nationaux de Kakadu et Litchfield, on constate amèrement le très faible kilométrage de routes asphaltés. On s’interroge donc rapidement sur l’intérêt de louer une voiture si cela implique de ne pouvoir accéder qu’à la porte d’entrée du parc. Quand à louer un 4×4, le prix explose, le risque augmente, l’excitation et l’amusement aussi, certes, sans parler de la fatigue et de l’essence. Bref, j’en arrive vite à la conclusion qu’il n’y a pas d’autre options raisonnables pour entre-apercevoir ces paysages que de passer par un tour organisé.

Le seul soucis, et il est de taille, c’est que le tarif est darwinien, environ 650€ par personne pour trois jours / deux nuits. A ce rythme là, l’Australie va me ruiner. Bon pour être parfaitement honnête, à ce prix là, le transport, le guide, la nourriture et le logement en tente ou sac de couchage est compris. Il faut également que j’arrive à me convaincre que trois jours et deux nuits avec un groupe d’une quinzaine de personnes ne finira pas nécessairement en bain de sang.

Car ceci est également un point d’interrogation. L’Australie délivre des visas particuliers tout à la fois touristique et travail. D’une durée d’un an maximum, il est limité en âge, 35 ans si je ne dis pas de bêtises. Il y a donc un grand nombre de voyageurs étrangers d’une moyenne d’âge relativement jeune (autour de 23 ans) circulant à travers le pays en mode routard. Mon soucis est que je souhaite à tout prix éviter des tours organisés ambiance « spring break » principalement accès sur la fête et la picole avec une grosse quinzaine de jeunes en mode délire. Il y a un temps pour tout. Et surtout pas pendant trois jours de suite. Mon inquiétude s’est trouvé renforcé à la vu des brochures vantant ces tours, la plupart du temps arborant de superbes photos au grand angle de bandes de djeunes hilares pointant leurs mains vers l’objectif, l’index et l’auriculaire en l’air pour montrer au photographe à quel point tout ceci est vraiment trop cool. Accessoirement on aperçoit un peu de bush en arrière plan. Ça se trouve la photo a été prise sur fond vert et est vendu pour les tours opérateurs à Ibiza, Acapulco et Darwin.

C’est donc en marchant dans les rues du CBD en train de me triturer le cerveau pour trouver un moyen de visiter l’Australie sans me ruiner (il faut dire que je conserve encore de malheureux réflexes indo-vietnamiens qui consistent à manger tout les midis et soirs au restaurant, aussi petits soit-ils), que j’aperçois par hasard un panneau vantant une promotion sur un tour Kakadu-Litchfield. Pour 440€ les deux, voilà qui est potentiellement intéressant. Je rentre donc dans l’agence (car le panneau avait été fort astucieusement placé devant une agence de voyage) et m’enquiers des détails.

Une heure plus tard je ressort avec un billet pour la susmentionnée promotion. La jeune fille de l’agence m’avait certifié qu’il n’y avait pas que des jeunes défoncés et débauchés (pouaahh, l’infâme jeunesse décadente!) dans ces tours et qu’elle même l’avait particulièrement adoooorée. Oui, mais elle a à peine 30 ans, elle. Et en plus elle était particulièrement hyperactive et écoutait sa musique à fond en se trémoussant légèrement (au point ou, bien qu’étant assis en face d’elle à son bureau, je n’entendais pas ce qu’elle disait), en tétant continuellement un bidon de soda (sans doute du whisky-coca, la dépravée). Mais bon, à un moment, il faut faire confiance aux gens. J’ai tellement fait confiance que j’ai également acheté un autre tour pour « Ayer’s Rock » départ d’Alice Springs, également trois jours / deux nuits et une location de voiture pour rallier Melbourne d’Alice Springs. C’est pour vous dire comme je suis bon client.

Je crois bien que c’est à partir de ce moment là que ma carte bleue a commencé à déconner.

Darwin

Darwin n’est pas une ville typique d’Australie bien que Darwin soit une ville typiquement Australienne. Je manie la contradiction comme Zidane un ballon de foot. Je me permet d’affirmer tout et son contraire car Darwin est les deux à la fois, mais également pour trouver encore et toujours une façon originale de commencer un billet, ce qui est toujours le plus dur. Petite astuce d’ailleurs, si vous vous retrouvez en face d’une page blanche sans inspiration, écrivez n’importe quoi genre « prout, caca boudin, pouet » et enchaînez. Grâce aux outils modernes de l’informatique, il sera toujours temps d’y revenir et de trouver un début adéquat et seyant. Là, par exemple, vous n’en savez rien mais j’ai commencé par « foutus ricains de merde », ce qui a un sens pour moi présentement mais aucun dans le contexte de ce billet. Fin de la digression.

Darwin est un peu à part en Australie pour plusieurs raison. Tout d’abord, géographiquement, c’est la ville la plus isolée du pays, et c’est beaucoup dire. En vérité, l’agglomération la plus proche doit se trouver quelque part dans l’île du Timor, au nord, de l’autre côté du détroit, c’est à dire en pays étranger. Ensuite, c’est la seule agglomération Australienne ayant subit des bombardements lors de la seconde guerre mondiale. Voilà ce que c’est que d’aller s’isoler tout seul dans un coin. On se fait taper dessus par des plus forts que soit. Troisièmement, c’est la seule ville Australienne à avoir été frappé par un typhon et quasiment entièrement détruite dans le processus. Pour votre culture générale, cela a eu lieu en 1974. Quatrièmement, c’est la seule capitale d’un des états australien qui n’en ai pas vraiment une. Mais là, je tire un peu sur vos cheveux car en réalité, bien qu’hébergeant le parlement des Territoires du Nord, elle n’est pas techniquement une capitale d’état dans la mesure ou les Territoires du Nord ne sont pas un état. Si vous étiez attentifs vous comprendrez que ce sont des territoires. C’est marqué dessus, bon sang. Ils dépendent administrativement de l’état fédéral à Canberra. Autant dire que, là haut, c’est le far west.

Avec tout ces malheurs et contre-indications on se demande ce qui a bien pu pousser les anglais à créer une ville là haut, toute seule au milieu de nulle part. La raison en est fort pragmatique car il s’agit du point d’arrivé de la ligne de télégraphe reliant l’Australie à la Grande-Bretagne. Oui, à un moment donné de l’histoire, le gouvernement britannique en a eu assez d’attendre six mois pour avoir des nouvelles de là bas. Déjà qu’on trouve cela pénible d’avoir des discussions sur internet avec un retard de plus d’une seconde, imaginez quand il faut attendre six mois après chaque question :

« Salut Robert, comment ça se passe là bas depuis la dernière fois ?

  • Salut Victoria, ici ça se passe plutôt bien mais pourriez-vous nous envoyer du boeuf, STP ?
  • Salut Robert, désolé mais Victoria vient de nous quitter. Maintenant c’est George qui te parle.
  • Ah bonjour George, ici c’est James. Robert a été bouffé par un requin. C’est gentil d’avoir pensé au bœuf mais on s’est mis à bouffer du kangourou entre-temps.

Depuis, malgré les deux destructions successives du vingtième siècle, la ville a légèrement grossi. On ne peut pas vraiment dire que ce soit une cité car la population est certainement de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de personnes, légèrement plus pendant la saison touristique. Par contre, les australiens étant un peu comme tout le monde, ils se sont un peu étalés. Faut dire qu’ils ont de la place, là bas, et le relief inexistant réduit considérablement les prises de têtes pour ce qui est de l’aménagement du territoire. C’est donc essentiellement un joli quadrillage de grandes rues avec un centre dédié à la restauration, au divertissement et au tertiaire. Tout autour se trouve des quartiers résidentiels de maisons individuelles. Bien entendu, il y a quelques exceptions et on peut tomber de temps en temps sur des immeubles d’habitations luxueux en dehors du CBD ainsi que quelques magasins. Néanmoins, ne comptez pas trop sur une quelconque vie de quartier.

La ville vit essentiellement du tourisme du fait de sa situation très au nord du pays qui lui octroi une météo tropicale quasiment toute l’année. En réalité, l’année se divise en deux saisons, une sèche et une humide. La sèche, pendant l’hiver australe, bénéficie de températures clémentes autour de 30°C la journée et 22°C le soir ainsi qu’une absence totale d’humidité. C’est la pleine saison touristique. Pendant la saison humide, les températures montent à 40°C le jour et 30°C la nuit avec une humidité et des précipitations extrêmes. C’est la saison morte.

L’autre activité économique de la ville provient de son port, point d’exportation des produits miniers de l’intérieur du pays. Tout ce petit monde est relié au reste du pays par un va et vient de road-trains, les fameux camions tirant plusieurs remorques.

Trois facteurs expliquent un niveau de prix relativement élevé à Darwin. Tout d’abord, j’y suis pendant la haute saison touristique. Ensuite, elle est isolé donc la majorité des biens sont « importés » par road-train. Et finalement, de nombreux habitants travaillent pour les industries minières, très généreuses en salaire. Voilà, avec tout ça, vous en savez autant que moi sur cette ville, et ça me permet de cesser ce désagréable ton doctoral.

Fatalement, vous devez vous demander quel est l’intérêt d’y foutre les pieds. Tout d’abord, moi je ne vois pas pourquoi lorsqu’on visite un pays on devrait forcément se cantonner aux belles architectures et au musée. Si la majorité du pays est moche, il faut s’y plonger. En plus, moi je trouve ça amusant de débarquer dans une petite ville plutôt que d’aller vers la facilité en atterrissant à Sydney, comme n’importe quel lambda. Troisièmement, c’est le point d’accès aux parcs nationaux de Litchfield, au sud, et Kakadu (nom ridicule, je le concède), à l’est. Finalement (ce billet sera décidément truffé d’énumérations), si vous n’êtes toujours pas convaincu, c’est aussi l’occasion de prendre un peu le soleil et la chaleur en plein hiver australe et profiter de la plage. Car plage il y a, chers amis, cocotiers et eucalyptus compris.

DSC_6330_DxOA Darwin, une fois avoir déambulé dans le CBD, pris un café à 3€ en terrasse et profité du petit parc surplombant une mer turquoise, qu’est ce qu’on peut bien voir ? Vous pouvez visiter l’unique bâtiment administratif survivant du typhon, un magnifique petit bâtiment du 19ème siècle de plein pied aux briquettes peintes en blanc. Pardon, je m’emballe : un petit bâtiment de plein pied aux briquettes peintes en blanc. Il semble chéri ici comme si c’était le château de Chambord.

DSC_6345_DxOBon, ensuite, qu’est ce que je peux vous proposer de bien ? Ah oui, vous pouvez aller faire un tour au musée de la ville, fort sympathique (et je suis sincère). Au passage, y aller suppose une longue marche à pied le long de la baie extrêmement agréable (quand je vous dit qu’ils se sont étalés, ces cochons). Le musée propose des expositions sur la faune locale, notamment un crocodile de 4m de long empaillé, une collection de bateaux, y compris un véritable vaisseau emprunté par des boat-peoples (le lien avec le Vietnam) et aussi une section aborigène.

DSC_6348_DxOEnsuite, ensuite. Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire ? On peut se baigner. Oui, oui, oui. Voilà. C’est sur, il y a la mer. Ensuite. Bennnn, on peut regarder un ponton de la deuxième guerre mondiale. Ça, c’est fait. Après, euh, on peut se jeter une bière à 6€ (¾ de pinte). Si on est vraiment hyperactif, on peut aller admirer le bâtiment moderne abritant le parlement. Oooh, c’est bô. Okaaaay. Comme on est des fous de culture locale, on peut également aller faire un petit tour aux supermarchés Coles ou Woolworth admirer les prix. Accessoirement, ça permet de profiter d’une petite climatisation fort agréable. Si le cœur vous en dit, vous pouvez aller faire une petite marche dans les quartiers résidentiels pour faire semblant d’être dans un épisode des « Desperate Housewives », version Aussie. Ensuite, bon, ben, ensuite, j’veux dire, heuu, on peut aller se manger un petit steak frite à 20€, ma foi. Pfffiouu, belle journée, dites donc.

Ouaih, ouaih, ouaih.

DSC_6337_DxOLa journée commence à décliner (sous les tropiques, la nuit tombe sans prévenir) et un sourire de joie se dresse sur nos visages. Maintenant, enfin, il y a un truc vraiment différent à faire. Le petit bijoux de Darwin, cette petite bulle de culture grand public parmi un océan de consumérisme, se trouve au bord de la baie, au pied des falaises bordant le CBD. Je vais être franc, j’y suis allé deux fois de suite. Tous les soirs à 19h, le Deckchair Cinema, cinéma en plein air, vous propose une séance à un prix raisonnable (12€, c’est donné) dans un environnement original avec une programmation à l’éclectisme digne de l’Utopia (référence Toulousaine).

Parmi les eucalyptus et quelques cocotiers, vous vous asseyez dans une chaise longue face à l’écran. Des coussins sont disponibles gratuitement pour vous ajuster au mieux et si vous avez faim, un plat du jour peut même être consommé sur place. Lors de ce début de soirée fraîchissant (se munir à ce propos d’une petite laine et d’un répulsif anti-moustique), en attendant la projection et pendant que les chaises se remplissent tranquillement, observez l’écran se détachant sur un ciel crépusculaire. Une petite brise fait onduler les feuilles au-dessus et de temps en temps, une chauve souris traverse votre champs de vision. Dans les arbres, quelques cacatoès blancs à crêtes jaunes attestent votre présence hors d’Europe. Puis soudainement, un possum entame la périlleuse traversée de l’écran en s’agrippant au sommet. Les insectes grésillent. Lorsque la nuit est parfaitement tombée et que la Croix du Sud apparaît au dessus de vous, la séance peut commencer.

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La douche froide

Il y a des choses qu’il ne faut absolument pas enchaîner car elles sont potentiellement dangereuses dans cet ordre. Notamment, il est fortement déconseillé de tremper ses dents dans un potage brûlant après avoir fait la même chose dans un soda glacé. Ou encore, plonger dans une rivière de montagne après avoir avalé un plantureux repas. Mais surtout, passer quelques jours à Darwin, Territoire du Nord, Australie, après avoir séjourné les deux précédents mois dans des pays surpeuplés peut provoquer des crises d’angoisses et une dépression aigu. Le même risque existe si vous enchaînez directement par Chalon-sur-Saône après Mumbaï, Chennaï ou Ho Chi Minh City. Prenez vos précautions. Dans le cas de Chalon, vous êtes plutôt tranquille tant qu’il n’y aura pas d’aéroport international en Bresse.

Je suis arrivé sur le sol australien un soir vers minuit après une rapide escale au 22ème siècle à Singapour. Instantanément je suis frappé par la taille de mes compagnons de voyages en train de faire la queue aux trois guichets de l’immigration. Me voici de nouveau de taille moyenne. Mince. Je ne suis plus, non plus, entouré par un brouhaha incompréhensible, finalement incroyablement reposant pour mes facultés cognitives. Tout le monde parle anglais et je comprends ce qu’ils disent. Ça fait donc quasiment deux mois que ça ne m’était pas arrivé. Pour le moment, tout le monde tire une tronche d’usager de métro, mais vu l’heure, ça n’a rien d’étonnant.

Finalement, je récupère mon gros sac à dos et me dirige vers la sortie pour emprunter une navette collective que j’avais habilement réservé par internet, vu l’heure tardive : il est quasiment deux heures du matin. Il fait un petit peu frisquet dehors, dites moi ! Un vieux monsieur en short, chemise et grosses godasses de chantier descend du véhicule et m’ouvre la petite remorque pour le bagage. Au passage, je lui donne mon nom et celui de l’hôtel. Pas de problème, il connaît et m’invite à monter avec un sourire et une politesse bien anglo-saxonne. Quelques autres personnes montent à bord et nous partons dans la nuit.

Dans le silence du véhicule, les faubourgs de Darwin défilent. Je devine vaguement de grandes avenues et quelques bâtiments commerciaux en tôle ondulée. Après un bon quart d’heure de route, la navette s’arrête et je repère mon hôtel. C’est en réalité une auberge de jeunesse, ou plutôt un « hostel » comme ils disent ici. J’ai réservé une nuit dans une chambre simple et les trois autres nuits dans un dortoir de 3 lits. Ici, à Darwin, c’est la pleine saison touristique et le moindre hébergement est pris d’assaut à des tarifs qui font frémir, même lorsqu’on ne débarque pas d’un pays en voie de développement comme moi : une chambre dans un hôtel est à 100€ minimum et un lit dans un dortoir avec salle de bain collective autour de 25€ par nuit.

La navette s’en va et je me retrouve seul sur le trottoir, dans un silence nocturne peuplé d’insectes. En face on dirait un parc, mais sinon, je suis surpris pour la faible densité d’habitations. A cette heure-ci tout le monde dort, même à l’accueil. Je me dirige donc, comme convenu par mail, à la porte numéro 6, ouverte, où m’attend ma chambre : une petite pièce de trois mètres sur 1.5m aux murs de parpaings peint en blanc avec un lit simple et un petit lavabo. Côté décoration c’est inexistant. Je paye 50€ pour ça et cela fait drôlement mal à l’arrière train. Surtout qu’à ce prix là, il n’y a pas d’internet. Vaut mieux se coucher ou repartir en Asie du sud-est.

DSC_6342_DxOLe lendemain matin, je prépare mes affaires pour me transférer à l’autre hostel pour mes prochaines nuits. C’est aussi l’occasion de marcher un peu à travers Darwin et de tâter le pouls de la ville. Je suit donc la rue suivant l’itinéraire noté. Pas un chat. Ah si, tiens. Ne serait-ce pas une joggeuse là au loin dans le parc ? La bonne nouvelle c’est qu’il fait un grand ciel bleu, un magnifique soleil et la température est parfaite.

DSC_6341_DxOAprès quelques centaines de mètres je retrouve un urbanisme à l’américaine faite de larges rues perpendiculaires. Quelques voitures les empruntent. J’entends les oiseaux et le vent en pleine ville. C’est complètement flippant. Un ou deux passants suivent les trottoirs. Des petits immeubles d’habitation et des locaux commerciaux, voilà en quoi consiste les constructions. Non, c’est vraiment très étrange. J’ai l’impression d’être dans une ville fantôme.

Finalement, je tombe sur mon hostel. Il est encore tôt mais la jeune à l’accueil accepte de garder mes affaires dans un local en attendant l’heure d’enregistrement, le fameux « check in time ». J’en profite pour aller dans la direction du « centre ville » pour un petit déjeuner.

DSC_6334_DxOA l’approche du CBD, comme ils disent ici (j’ai enfin appris quelques jours plus tard que cela voulait dire Central Business District), les magasins deviennent plus rapprochés. Rapidement, je croise un choix plus important de restaurants ou cafés proposant de quoi se restaurer. Les prix me font pleurer. J’ai complètement perdu l’habitude de payer 10€ pour deux tartines, de la confiture et un café. Sinon, côté foule, ce n’est toujours pas ça. Mais bon sang, ils sont où les gens ?

DSC_6339_DxORestauré, je décide de continuer mon petit tour. Je parvient enfin à mettre un doigt sur une gêne ressenti depuis ce matin : tout est trop propre, trop organisé, déshumanisé presque. Pour vous dire, les gens attendent que le petit bonhomme passe au vert avant de traverser les rues. Ils sont décérébrés ou quoi? Il n’y a aucun véhicule, ou presque! C’en est presque angoissant, artificiel, comme une impression d’avoir débarqué dans un quartier de riches retraités bourgeois. Il faut dire que les rares personnes aperçues sont nettement moins souriantes. Sans parler des hommes hyper-baraqués que l’on croise et ces femmes qui font du sport!

Ils sont bien loins mes frêles indiens et l’hyper activité asiatique. Mais pour tout vous avouer, je suis pris d’une terrible nostalgie et, bizarrement, d’un malaise.