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Les hostels

Cela fait maintenant plus de trois semaines que je suis en Australie et, pendant ce laps de temps, j’ai pu tester trois hostels différents. Pour vous resituer le débat, un hostel, parfois appelé « backpacker’s », est l’équivalent des auberges de jeunesse en France. Enfin, c’est ce que je suppose, n’ayant jamais dormi en auberge de jeunesse dans notre pays. Ma seule autre expérience se limite à Dublin et Londres mais pour des durées plus limitées et sans le statut de voyageur solo.

Sachez déjà, que ces hostels ont en commun de proposer des logements en dortoir, de 2 à 4 lits superposés (soit pour 4 à 8 personnes), suivant l’endroit, mixtes ou pas, parfois des chambres simples ou pour deux, mais surtout des espaces partagés comme les salles de bains, toilettes, douches, buanderie, cuisine et salle de télévision. L’accès internet étant maintenant une denrée de base pour le voyageur, il est fourni soit sous forme d’ordinateurs en libre accès, soit, luxe suprême via un réseau WiFi accessible de partout. Le plus commun, malheureusement, est de proposer un accès internet sans fil payant (de l’ordre de quelques dollars pour 24h), parfois seulement accessible dans les espaces partagés.

Le terme « auberge de jeunesse » est d’ailleurs vraiment très inapproprié pour traduire « hostel », ici en Australie. On y trouve également des gens d’âge « non jeune » (soit plus de 25 ans, suivant la classification SNCF) voir plus vieux (plus de 40 ans), qui sont soit des voyageurs à la recherche d’une compression de budget (Hey ! C’est moi ça!), soit à la recherche de plus de convivialité (ouaih, c’est moi aussi, à un degré moindre), soit des travailleurs saisonniers à la recherche du premier voir du deuxième. Par exemple, à Alice Springs, un ou deux guides de ces fameux trois jours et deux nuits Kakadu – Litchfield (mais pas le mien, Adam, qui dormait dans son 4×4) avaient leur piaule au Haven’s Backpacker où je logeait.

Du fait du succès du visa touriste-travail (ou l’inverse), de nombreuses personnes de moins de 35 ans de tout les coins du globe circulent dans ces hostels. Souvent, l’arrivée dans une nouvelle chambrée s’accompagne d’une rapide présentation des pays d’origine. Encore une fois, l’Allemagne arrive en tête. Pour vous dire, j’ai commencé par un dortoir de trois lits à Darwin que j’ai partagé avec trois types (ça a tourné par mal car de nombreuses personnes ne restent qu’une nuit ou deux) de 45-50 ans que j’ai à peine vu. Ensuite à Alice Springs, j’ai fait un premier séjour dans un grand dortoir de 4 où j’étais seul pour ensuite me retrouver avec deux autres allemands, dont Timo rencontré lors de la visite Uluru – Kata Tjuta – Kings Canyon. Enfin isolé du reste de sa bande de germains, j’ai pu un peu mieux faire connaissance. Ce grand gaillard de 30-35 ans à la queue de cheval et barbichette était en plein voyage de 8 mois. Salopard. J’ai horreur de croiser des gens qui voyagent plus longtemps que moi. Ca me fait passer pour un petit joueur. Ceci dit, lorsqu’il m’a appris que son employeur avait accepté qu’il parte si longtemps car ça faisait cinq ans qu’il n’avait pas pris de vacances de son boulot d’informaticien, ma jalousie s’est brutalement dissipée.

C’est d’ailleurs également au backpackers d’Alice Springs que j’ai commencé réellement à faire des rencontres. A peine mes sacs posés dans mon dortoir vide, une jeune femme blonde est arrivée avec des draps pour préparer les lits. Elle me demande d’où je viens et nous entamons la discussion. C’est grâce à cette jeune hollandaise que je découvre un autre aspect du logement en hostel assez commun, la possibilité de travailler pour payer ses nuitées. La grande majorité des fois, cela consiste à préparer les lits le matin pour l’arrivée des suivants l’après midi. Moi, je ne l’ai pas fait, j’étais trop occupé. Dans le même thème, elle m’apprend que le travail au black est assez commun en Australie ce que l’on m’a infirmé plus tard. C’est sans doute plus facile pour une jolie jeune blonde de faire sa naïve en demandant un travail au black sans se faire dénoncer au service de l’immigration. Un temps intéressé (je rêve de faire barman un jour), j’ai depuis abandonné l’idée.

On peut très facilement passer son temps libre dans son dortoir, sur son lit, mais le plus intéressant et convivial est de se fourrer dans les espaces communs. A l’heure des repas, notamment, prendre son petit déjeuner à la cuisine commune est toujours amusant. On repère assez facilement les gens résidents qui ont des réserves de nourriture étiquetés dans le frigidaire ou les étagères, en train de se préparer des plats compliqués impliquant autre chose que de faire bouillir de l’eau pour les pâtes. A ce petit jeu là, les asiatiques sont les plus forts, notamment les rares indiens que j’ai croisé. Eux, ils ne savent pas se contenter d’un sandwich fromage et tomate. Le matin, chacun prépare ses affaires dans un silence respectueux, quand ce n’est pas l’hostel qui fournit gratuitement café, thé, tartines, beurre, confiture et beurre de cacahuètes. Dans tout les cas, les couverts et la vaisselle étant fournis, un peu de nettoyage et de vaisselle s’impose si l’on souhaite respecter l’étiquette de ce genre de lieu.

C’est en trainant un après midi sur le balcon commun du Haven Backpacker, à Alice Springs, que je fit connaissance avec Judith, une allemande (décidément) en vacance. Comme elle était en train de se plaindre de son guide et que je venais de passer trois jours mitigés autour d’Uluru, j’étais curieux de connaître le nom de l’entreprise qu’elle avait utilisé. Finalement, nous sommes allé passer la soirée accompagnée d’une jeune française, Fanny, au lieu le plus sympa d’Alice Springs, qui plus est recommandé par Bob, Monte’s, une sorte de restaurant bar musical en grande partie à l’extérieur. Comme je m’intéresse toujours à ce que font les gens, je peux vous informer que Judith s’occupait d’organiser des festivals et que Fanny venait de finir sa thèse en biologie avec dans l’idée de quitter le monde de la recherche. On a ensuite passé le reste de la soirée à manger des saucisses et du fromage, à boire des bières et à parler de tout.

Sinon, parlons quand même du Greenhouse Backpacker de Melbourne, car c’est le dernier en date. Situé dans un immeuble de l’hyper CBD (il est quasiment à 200m de la gare de Flinders Street et de Federation Square), il occupe les quatre derniers étages de l’immeuble. Les espaces communs (hors salles de bains, situé à tout les étages) et l’accueil occupent le dernier. Le toit est accessible et on peut s’y prélasser sur des chaises et des tables. Les chambres sont regroupées ensuite à chaque étage au dessous. Bien que je vous sais curieux, je me doute que la configuration de l’auberge de jeunesse ne vous intéresse pas plus que ça. J’essai de planter un décor, voyez vous.

Le côté franchement agréable du Greenhouse et ses activités proposées par l’équipe de l’auberge. Chaque soir de la semaine, une différente activité est proposée et contrairement au Club Med, ne vous est absolument pas imposée. La première journée où j’y étais, c’était la soirée « pasta ». Un grand plat de pâtes bolognaises ou végétarienne nous étaient proposées gratuitement. J’en ai pris. La deuxième soirée, c’était soirée loto avec comme prix des packs de bière. Le jeudi matin on vous propose une visite guidée et légèrement hors des sentiers battus du centre ville, gratuite. La soirée suivante, c’était le Pub Crawl, autrement dit une fois traduit, la tournée des bars. Puis lors de mon dernier soir on avait la possibilité d’assister au stade à un match de football australien à un prix sympathique. Ce genre de démarche, bien que non systématique n’est pas unique et je l’ai retrouvé dans d’autres auberges. Le côté agréable est que ce n’est pas du tout invasif. Si vous souhaitez participer, il suffit de s’inscrire le matin. En plus, j’ai vraiment eu la sensation que chaque personne de l’auberge responsable d’une de ces activités le faisait car il était passionné par sa ville, ce qui ajoute une touche d’authenticité.

Dans tout ce fatras d’activités, j’ai testé pour vous la visite guidée, le pub crawl et le match de foot australien. Je vous parlerai donc prochainement de Molly et de Sanjin.

Une nuit infiniment droite

Avertissement préalable pour les personnes malentendantes ou dénuées de hauts-parleurs: ce billet est sonore. Ne vous inquiétez donc pas si une musique parvient jusqu’à votre cortex cérébral.

Pour rejoindre Alice Springs, au centre du Red Center, l’immensité rouge au cœur de l’Australie, je suis dans un bus de la compagnie Greyhound. Je suis parti de Darwin en début d’après midi et l’arrivée est prévu au matin. Seules deux autres destinations sont desservies, Katherine et Tenant Creek, deux villes au parfum de far west. Heureusement, régulièrement nous faisons des pauses dans des relais, souvent attenant aux bâtiments d’immenses cattle ranches.

Mes compagnons de voyage sont rares, une grosse poignée. Quelques blancs mais surtout des aborigènes trimbalant leurs affaires dans une armée de grands cabas de supermarché. Tout le monde se met à distance les uns des autres, peut être pour reproduire la distance du pays à l’intérieur de la cabine. Le chauffeur, un vieux monsieur de soixante ans, nous annonce les arrêts d’une voix douce. Tout est feutré.

Le paysage défile. Le bush.

Encore du bush.

Je dort.

Toujours du bush.

Je lit.

Du bush mais d’une couleur légèrement différente.

C’est fou ce que ce pays est monotone. Ces chauffeurs sont des surhommes ou sont défoncés aux amphétamines pour pouvoir tenir des heures sur ces longues lignes droites de décor répétitif. Progressivement le ciel décline, puis se retire dans un fondu de dégradés tous aussi pures et magnifiques les uns que les autres. La magnificence du ciel compense la phénoménale insipidité du paysage. Comment ne pas éviter de développer une spiritualité dans ce genre d’endroit où le seul espace changeant est au delà ?

Du bush.

Il fait nuit et un vague défilement flou de bush témoigne encore de notre mouvement. Le ciel étoilé est extraordinaire de pureté mais les timides éclairages de l’intérieur du bus se reflétant sur les vitres suffisent à nous en isoler. Toujours des lignes droites. Des images de « Lost Highway » de David Lynch me viennent à l’esprit alors que je vous écrit. Bande son :

De nuit, cette route, infini quasi-parfait de rectitude, est le territoire des uniques road trains et quelques fous sous stimulants. Les stations services deviennent surréalistes, uniques puits de lumière et de modernité dans une étendue millénaire sous immensité cosmique, de minuscules relais le long de cette mince ligne de perfusion entre Darwin et la civilisation.

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Sens engourdis. Je rêve.

Les gens

L’intérêt des tours guidés est multiple. Premièrement, il évite de devoir se coltiner des tonnes de lecture car un autre être humain doté d’une connaissance à priori supérieure à la vôtre sur le sujet de votre tour est spécialement présent pour vous la déverser dans le cerveau. Souvent ça déborde, en plus. Deuxièmement, la plupart du temps, vous n’avez pas à conduire / pédaler / ramer / marcher ou alors c’est que vous êtes particulièrement malchanceux ou consentant. Toute votre énergie est donc concentrée sur l’absorption de cette information vous arrivant dessus par courts jets haute pression mais également sur la contemplation du paysage, la nuque en arrière, la bouche ouverte et les paupières closes. Malheureusement, comme la vie est injuste, pour des questions budgétaires, vous êtes fréquemment contraint de partager le dit guide et le dit moyen de transport avec un certain nombre d’autres individus (je part du principe que mon lectorat est de classe moyenne. Si vous vous sentez plutôt de classe supérieure, envoyez moi un chèque et je vous écrirai une version spécialement adaptée pour vous, de ce billet). La bonne nouvelle est que vous pouvez du coup rencontrer des gens. La mauvaise nouvelle est que vous devez supporter leur présence pendant la durée du tour.

Si je devais comparer ce tour Kakadu – Litchfield avec celui, similaire dans la durée, de Ba Tu Long – Ha Long, il me vient deux différences majeures qui me sautent aux yeux. C’est reparti pour une nouvelle énumération. Déjà, mon guide est un guide alors qu’au Vietnam, ma guide était une guide. Ça change pas mal de choses, figurez-vous. Entre une jolie petite femme aux lunettes de soleils à la Brigite Bardot et un grand quasi-quinquagénaire sec à la coiffure ras, je choisi la première, même si le deuxième m’a permis de me découvrir un certain goût pour le léchage de cul d’insecte. Mais surtout, et là ça dépend vraiment de la compagnie qui organise et de la mentalité du pays, au Vietnam l’accent était mis sur les activités et les paysages alors qu’à Darwin, Adam nous a fait tout un discours sur la nécessité que chacun discute avec chacun pour qu’il y ait une bonne osmose de groupe, lui n’étant pas disponible en permanence pour que les gens fassent connaissance. En même temps, je ne lui avais rien demandé de ce côté là, moi.

Fort heureusement, l’incitation à la sociabilisation s’est arrêté là mais ce que j’en déduis est que notre guide australien attachait beaucoup d’importance à cette ambiance de groupe afin d’en faire partie et d’en profiter. En clair, une partie de son plaisir dépendait des rencontres que lui allait faire. Pi Lu, aussi sympathique soit-elle n’avait pas forcément un désir aussi féroce de nous connaître. En plus de nous inciter à parler entre nous et de boire, Adam demandait également régulièrement que chacun change de place dans le camion afin de se mélanger. La place de choix, d’après moi, était bien entendu le poste de copilote, à l’avant à côté d’Adam. Les gens étant ce qu’ils sont (et surtout comme ils sont éduqués), une bonne moitié restaient accrochés à leur siège et peu de monde osait monter à l’avant. Moi, je crois bien avoir fait tout les sièges possibles, hormis ceux occupés en permanence.

Je confirme, le plus amusant est à l’avant surtout qu’il permet de bavarder avec un grand australien pilotant un haut camion de plusieurs tonnes à 80km/h sur des pistes gravillonneuses. De manière assez surprenante, on arrive à avoir une conversation assez large avec lui, y compris sur des sujets plus personnels. La plupart des guides gardent une distance professionnelle. Adam, non. Il faut dire que le gars a de la bouteille et, ce qui ne fini jamais de m’étonner, moi, a changé de métier plusieurs fois. Pour tout vous dire, puisque je vous sait curieux de la vie des autres, il s’est marié, il a divorcé, il a deux petits garçons qui font du motocross, il a rencontré sa copine lors d’un tour, il a une maison à Bondi qu’il a construit lui même mais qui est maintenant à son ex, c’est un fan de sports mécaniques, il a un 4×4 tout équipé avec téléphone satellitaire pour passer des jours dans le bush, c’est un audiophile qui a tendu des câbles en or dans sa maison (maintenant à son ex), il a visité une partie de la France, adore les Gorges du Verdon et il bosse six mois de l’année en tant que guide et l’autre partie du temps aide son père qui est dans la construction immobilière.

Avec tout cette sociabilisation, il s’est rapidement dégagé pendant ces trois jours un groupe de gens que j’appellerai les « couche tard », non pas que ce soient de gros fêtards (on se lève quand même avant l’aurore) mais parce que lors des soirées glamping, c’étaient les seuls à rester autour des tables à discuter pendant quelques heures en sirotant des bières, moi compris. En voici donc les membres et fort agréablement, Adam en faisait parti, malgré les tâches ménagères qu’il prenait en charge.

Mon collègue d’hostel, Phil, le jeune ORL américain, occupait le rôle d’électron libre, papotant plus ou moins avec tout le monde. On a plutôt bien sympathisé, au point de partager un dernier petit-déjeuner au soleil sur la marina de Darwin, le lendemain de notre retour. Son histoire récente consistait en une année de post-doc à Melbourne en charge d’étudier les différents grands systèmes de santé mondiaux. Avant de commencer son premier boulot dans un hôpital du Texas, il s’est payé un petit mois de vacances.

Max, le troisième célibataire, un peu plus discret et réservé initialement, s’est avéré assez passionnant lorsque j’ai découvert son métier, lobbyiste à Washington D.C. Tout d’abord, ce n’est pas commun d’en croiser un mais surtout un de 35 ans dirigeant une équipe de plusieurs personnes au sein d’une organisation a but non lucratif qu’il a lui-même créé. J’étais un peu méfiant initialement car j’imaginais que son activité de lobbying portait sur le pétrole ou les armes à feu, mais nous avons pu rapidement engager la conversation sur des sujets plus neutres lorsqu’il m’a appris qu’il s’agissait du domaine de la santé. Toute la majeure partie de son activité de l’année passé portait sur la réforme de santé d’Obama que son organisme tentait de soutenir. Il y a quelque chose d’incroyablement passionnant de discuter avec quelqu’un fréquentant d’aussi près les arcanes du pouvoir et habitué aux basses tractations politiciennes. Comme il a conclut lui-même, y compris pour un domaine comme la santé : « it’s all about jobs ». Convainquez un député que votre idée lui apportera des emplois dans sa circonscription, et vous l’aurez dans votre poche. C’est quasiment aussi simple que ça. Autant dire que ça ne se prête pas forcément à des réformes sur le long terme. Bref, Max après une période assez intensive a décidé de quitter son boulot, de lâcher son appartement et de partir un an en voyage.

Martins et Aija, le couple lituanien, qui se trouvent être de jeunes économistes furent également présent lors de ces longues discussions nocturnes. Parlant un excellent anglais à l’accent américain, ils étaient particulièrement agréables et souriants. Il était d’ailleurs surprenant et rigolo de les entendre parfois soutenir des thèses économiques assez libérales, pour des citoyens d’un ancien pays communiste. Il faut dire que le rejet anti-russe doit jouer un rôle dans cette affaire. A côté de cela, ces opinions étaient contrebalancés par un regard positif sur les pays scandinaves, notamment sur leur couverture sociale, abordé lorsque Phil, selon la caricature américaine, c’est insurgé contre le taux astronomique d’impôts en Suède. Venant d’un citoyen du pays qui s’est révolté parce que l’impôt sur le thé était trop élevé, ça n’a rien d’étonnant. Du coup, c’était agréable de constater comme certains pays restent historiquement et culturellement proches malgré des années de séparation lors de la guerre froide. En discutant avec Martins et Aija, je découvre à quel point la Lituanie et les états baltes sont notamment tournés vers la Suède. Au passage, pour les plus intéressés d’entre vous, j’apprend que les derniers calculs de PIB incluent le secteur public. C’est fou, non?

Pour finir sur les « couche tards », parlons de Nick et Jane, un couple de néo-zélandais installés à Sydney dans le quartier de Bondi. Soyons honnête, mon premier contact, timide, avec Nick s’est fait autour du rugby, fatalement. A l’évocation de Toulouse, il m’a tout de suite parlé des deux ou trois All Blacks jouant dans le championnat français. Manque de bol, moi, le championnat français de rugby, je le suis de loin. La conversation c’est donc arrêtée un peu tôt. Fort heureusement, lors de nos discussions du soir nous avons pu continuer un peu à faire connaissance. Le garçon est banquier dans la haute finance. Ah. Mince. Personne n’est parfait. C’est con, pour une fois, voilà un métier pour lequel je n’ai pas particulièrement de curiosité, ou alors pour poser des questions délicates et joyeusement provocantes (Non mais pourquoi t’as choisi ce métier, dis moi ? J’veux dire à part pour l’argent?). Quand à sa femme, Jane, elle met au point des recettes de yaourts pour un gros fabricant. Ah. Mince. Décidément, l’un bosse dans la haute finance et l’autre dans l’industrie agro-alimentaire. Voilà qui n’est pas très « paix et amour ». A part ça, ils sont assez sympathiques et parlent assez lentement avec un accent néo-zélandais que je découvre pour la première fois de près. Quoique, Nick mais un peu moins sympathique lorsque lors d’une dernière soirée (voir plus bas) il nous montre fièrement une photo de sa voiture, une Ferrari des années 80. Il a de la chance que je n’avais pas de smartphone. J’aurais pu lui montrer en retour une photo de mon Opel Astra bringuebalante.

Au final tout ce petit monde est fort agréable même si les liens se tissent plus entre la bande d’anglo-saxons, et notamment entre l’australien et les néo-zélandais. La preuve, ils sont tout le temps à l’avant du camion ou à côté de lui lorsqu’on marche, à papoter avec notre guide. Résultat, vers la fin du tour, j’avais presque peur de les déranger en posant une question à Adam.

Le soir de notre retour à Darwin, après ce lamentable épisode de ratage d’avion, toute cette bande c’est retrouvée dans un restaurant asiatique recommandé par Adam. Les hollandais étaient restés entre eux et les français étaient fâchés (bizarrement, je m’exclus du terme français). Notre guide nous rejoint sur le tard, après avoir du ranger et vider le camion puis essuyer quelques foudres de son employeur, rapport à l’incident franco-aéronautique. C’est donc légèrement sur les nerfs et en demande de bière qu’il s’est lâché gentiment et sauf mon respect sur l’attitude « typiquement frenchie ». Que pouvais-je répondre à cela? J’étais même particulièrement gêné et tentait de prendre timidement la défense d’Emilie et Gustave. Peine perdue.

Vous devez vous dire que tout ceci est vraiment fort gentil et vous devez vous réjouir que je vous décrive mes copains de vacances. En vérité, je garde un souvenir humain de ce tour et notamment de cette dernière soirée légèrement teinté de quelque chose de désagréable. Je crois que c’est du en partie à l’incident de l’avion, mais aussi par un « je ne sais quoi » (en français dans le texte) de malaise dans ma perception du niveau d’intimité entre ces gens. Les deux lituaniens et Phil exclus, que je trouvais vraiment sympathiques et dotés d’un sourire franc, je ne savais toujours pas après ces trois jours et trois nuits (avec le restaurant) si c’était devenu des gens qui m’appréciait et que j’appréciai. Mettez cela sur la soi-disante « hypocrisie » anglo-saxonne, mais il y avait toujours une retenue ou quelque chose de forcé dans nos relations. J’espère pas que c’était du à ma nationalité.

Rater l’avion

A quoi ça tient les souvenirs d’une jolie expérience touristique, je vous le demande ? Malgré cette sagacité aiguë qui vous caractérise, car j’ai une haute opinion de mon lectorat, vous, rares lecteurs de ce blog (mon ego est malgré tout doté d’un esprit réaliste), vous devez néanmoins vous demander où je veux bien en venir avec cette phrase d’introduction fortement générale, hormis de vouloir placer une nouvelle digression verbeuse, à croire que quelqu’un me rémunère au mot. Là où je veux en venir, c’est évoquer à quel point le souvenir d’une expérience riche et positive peut soudainement virer au cauchemar traumatique du fait d’une conclusion malheureuse, de ces cauchemars qui, à notre retour, l’on narre aux assemblées attentives (consentantes ou pas) empli d’un concentré maximal de colère et d’outrage jusqu’à en oublier les 90% autres anecdotes positives qui constituent la dite riche expérience. Ce billet sera écrit dans un style proustien ou ne sera pas. Tout ça pour dire, impatient lecteur pressé de retourner à ses activités normatives, qu’il suffit d’une conclusion malheureuse pour que les trois jours deux nuits Kakadu-Litchfield partent en eau de boudin.

Rassurez-vous, je ne suis pas la victime de cette histoire. Mon karma positif accumulé en Inde puis au Vietnam, bien que s’étiolant de nouveau au contact de la société occidentale bourgeoiso-consumériste, me prémuni de ce genre de choses. Non, les acteurs principaux de cette terrible farce touristique sont deux de mes concitoyens, et pas des moins sympathiques puisqu’il s’agit en l’occurrence (comme le veut l’expression logique dans ces cas là) du jeune couple Émilie et son copain. C’est dramatique, mais j’ai complètement oublié son prénom. Nous allons donc le prénommer Gustave, dans un soucis de lubrification narratif. Gustave, c’est plutôt classe comme prénom et en plus ça sonne complètement 19ème siècle, époque proustienne. J’aurai pu tout aussi bien le prénommer Lucien ou Émile, mais avec Émilie comme partenaire, ça aurait été trop facile. Arrêtez de vous attacher à des détails, enfin.

Il se trouve que les jeunes Émilie et Gustave ont eu la sotte idée de réserver des billets d’avion, le dernier jour des fameux 3 jours et 2 nuit, et ceci pour 20h à Darwin. Les sots. La brochure spécifiait un retour en ville pour 17h le dernier soir mais seul des bisounours ou à la rigueur des schtroumpfs y aurait prêté foi. Mais en disant cela, je dévoile déjà en partie le dénouement de cette passionnante histoire que j’espère captivante en misant très fort sur votre taux présent d’alcoolémie ou de THC dans le sang.

Le matin donc de cette troisième journée, nous nous levons de bonne heure. Pour l’anecdote, je dort dans la même tente que Phil, l’ORL américain, bien que dans des lits séparés afin de couper court à toute forme de commérage. Ceci n’a quasiment aucune incidence sur le court de l’histoire, mais avec l’effet papillon, comment en être sur ? Adam, dans un soucis de timing nous avait enjoint hier soir de nous lever si possible autour de 5h du matin. La vie dans un milieu rustique tel qu’un glamping australien ne pardonne pas. Était-ce la dure journée riche en émotion de la journée précédente (nous y avions léché du cul riche en vitamine C), les kilomètres avalés dans un camion tressautant sous une bande son aléatoire ou bien plus simplement la soirée animée de passionnants échanges intellectuelles stimulés par des bières australiennes bon marché ? Je ne saurez conclure mais toujours est-il que le réveil fut difficile pour moi et mon collègue de chambrée. De plus, les autres avaient pris bien soin d’opérer leur réveil en mode furtif, tels des Delta Force intervenant au Pakistan.

C’est donc plutôt vers les 5h30 que je me suis extrait du lit pour aller prendre le petit déjeuner dans la tente centrale permanente prévu à cet effet. Autant vous dire que je me suis battu jusqu’à notre départ avec cette fatale demi-heure de retard, essayant de caser un petit déjeuner, une douche, un habillage et un rangeage dans une petite heure. En vérité, j’étais plutôt dans un timing normal jusqu’à ce que Phil vienne me voir dans ma tente, que j’étais patiemment en train de balayer, pour m’annoncer que tout le monde était casé dans le camion, moteur tournant, Adam au volant, n’attendant que moi. J’aime la lumière mais là, c’était pas forcément la meilleure situation. C’est donc avec une toute petite demi-heure de retard sur son planning d’origine que notre guide prend la route. Hormis quelques quolibets et regards ironiques, l’affaire ne prêtait à aucune conséquence.

En route, c’est là que j’apprend en discutant avec eux qu’Émilie et Gustave ont un avion à prendre le soir même à Darwin et qu’ils ont laissé leurs bagages à l’hôtel. Moi, je suis un angoissé des horaires d’avions. Quand j’ai un vol j’arrive entre 2h et 3h avant à l’aéroport. Pour avoir eu quelques ratages de vol, je connais la terrible humiliation et frustration qui en découle et fait tout pour ne plus me retrouver dans ce genre de situations. En entendant leur planning, je lève donc un sourcil d’étonnement et pense en mon fort intérieur qu’ils doivent être tout les deux sérieusement zens pour tenter pareil expérience. Après, chacun ses angoisses, les peurs et les risques étant deux choses différentes.

La matinée passe, la plupart du temps sous forme de somnolence ou de contemplation dans un véhicule en vibration. Lors d’un nouvelle arrêt pipi (normal, vu tout ce qu’on nous force à ingérer comme liquide) Emilie et Gustave informent Adam de leur contrainte horaire. Nous reprenons la route.

Quelques heures plus tard, face à l’immensité plate et mystérieuse de la plaine d’Arnhelm, sur le site aborigène d’Ubirr, nous méditons sur 30000 ans de culture indigène inchangée. Il est autour de 15h et des nuages poussés par un vent régulier viennent ponctuer ce paysage intemporel de ronds sombres. Accessoirement, nous sommes à 300km de Darwin. Je contemple, je contemple mais je médite pas mal également sur l’incroyable défi lancé à la science moderne pour combler 300 bornes de distance sur des pistes et des routes en moins de quatre heures si possible. Après, ce n’est pas moi le pilote.

Finalement, Adam sonne le rappel en rappelant à tout le monde qu’il y a un couple de frenchies à déposer à l’aéroport, couple qui commence tout doucement à se tendre. L’heure n’est plus à la rigolade. Maintenant il s’agit de bouffer de l’hectomètre en pelletées. Nous montons tous dans le camion et par un curieux hasard, je me retrouve à l’arrière en compagnie des deux couples français, Émilie et Gustave ainsi que Pierre et Sophie. Devant, à côté et autour d’Adam se regroupent les deux néo-zélandais, un américain et les deux lettoniens. Phil est juste devant moi et à nous deux, nous opérons une sorte de cordon de communication entre l’arrière du véhicule et le poste de pilotage.

Car voici la situation : le temps filant comme vous le savez comme du sable entre les doigts, le gros camion quatre-roues motrices en tôle faisant un boucan métallique, les frenchies parlant anglais avec un accent à couper à la truelle, il devient vite pénible et compliqué pour Adam et le couple Gustavo-Emilien de se synchroniser sur le plan A ou l’éventuel plan B. Il faut dire que pendant le trajet, Adam continu à parler tranquillement dans son micro, nous déversant de nouvelles anecdotes soit touristiques soit culturelles. Dans ces moments de tension croissante, on a souvent envie de sentir que l’on est le centre d’intérêt du moment. Pour communiquer avec Adam, ils commencent donc à écrire des petits mots sur des papiers que nous sommes chargés, Phil et moi, comme à l’école, de faire passer à l’avant, retour compris. Tout naturellement, il est difficile de maintenir une conversation de fond de cette manière et la chose doit s’avérer frustrante pour tout le monde. Pour ne rien arranger, Émilie parle très mal anglais et Gustave, malgré son année à Melbourne, le parle à peine mieux.

Rapidement, nos deux héros commencent à s’épancher sur l’autre couple français. Nous sommes tous d’accord pour conclure que le timing sera très certainement chaud bouillantissime, voir au-delà. Les demi-heures passent et le temps continue de filer. Depuis lors, la bande de français s’acharnent à coup de smartphones pour trouver un plan B. Parce que les désagréments n’arrivent jamais seuls, ces jeunes gens plein d’optimisme ont déjà réservé un autre tour guidé de quelques jours le lendemain, à Cairns. Rater leur avion ce soir signifie donc pour eux perdre l’argent du vol ainsi que l’argent du tour. J’en ai mal à la bourse pour eux. Bien entendu, il est inutile de préciser que la température monte également très légèrement entre Émilie et Gustave. Avec plein de sagesse et d’ironie, un des vieux hollandais se penche vers Phil et moi en glissant « si leur couple survit à ça, ils sont bons pour durer ». De manière assez amusante, la tension monte également très légèrement au sein de l’autre couple. Les deux ne sont pas d’accord sur le plan B à adopter. Quand à moi, le dernier frenchie du lot, je balance entre tenter de les convaincre de prendre ça avec philosophie (échec), de donner mon avis (mauvais idée, je l’abandonne rapidement) et de les aider. De ce côté là, à part les flatter dans leur outrage (ah oui, non mais je vous jure, c’est n’importe quoi ces brochures qui vous certifie que vous serez rentré à 17h pétante à l’heure pour Stade 2) je ne voyais pas trop ce que je pouvais faire. Une oreille compatissante, éventuellement.

Alors que pour tout le monde il est dorénavant clair que les carottes sont carbonisées (un appel à l’aéroport les convainc qu’ils ne pourront pas faire attendre le vol), Émilie et Gustave en sont maintenant au point où, vexés, ils cherchent à s’auto-convaincre (avec un peu d’aide de l’autre couple) qu’ils sont dans leur bon droit pour demander réparation auprès de l’agence gérant notre expédition. Il n’y a jamais très loin entre la victime et le mauvais perdant. Dans ce cas là, notre honnêteté voudrait qu’on leur dise « non mais vous vous êtes plantés les gars, assumez » mais notre patriotisme et notre humanité milite pour un plus doux mais parfaitement hypocrite « rhalala, mais complètement, c’est des salauds ces agences. Ça va pas être simple, mais vous avez raison de vouloir les émasculer ». Moi j’opte pour une action totalement machiavélique et fielleuse : je leur passe ma copie de mon contrat signé avec mon agence pour qu’ils puissent à loisir lire les petites clauses en corps 8 listant les cas possibles de réclamation. Il faut dire que je commence légèrement à me sentir coupable pour ma demi-heure de retard matinal.

C’est donc de nuit, autour de 19h30, que nous déposons Émilie et Gustave devant leur hôtel. La tension entre eux et Adam est palpable, lui étant particulièrement agacé par leur attitude, sachant qu’il vient de se taper un bon paquet d’heures de conduite sans mollir. Il a du vouloir jongler entre les souhaits de la majorité qui était de prendre son temps et les impératifs de deux frenchies un peu maladroits dans leur planning. Un peu plus tard, j’apprendrai que l’incompréhension était également de son côté sachant qu’il avait suggéré d’appeler un taxi pour les amener plus tôt à Darwin. Mais dans ces cas là, une réaction normale quand on a un budget tendu, comme ce devait être leur cas, est de vouloir tenter l’option la moins chère, quitte à tout perdre.

Tout ceci serait presque anecdotique si, encore une fois plus tard, Adam m’avouera qu’il avait trouvé la réaction et la gestion des choses par Émilie et Gustave « typiquement française » c’est à dire, distante, peu expansive. Il faut bien admettre que les deux couples français ont passé la plupart de leur temps ensemble et que l’épisode des petits billets en papier a du lui laisser cette impression.

Mais pourquoi donc est-ce que je vous raconte tout ça, me demanderiez-vous ? Et bien tout simplement car je la trouve symptomatique d’une certaine façon française de gérer les aléas, toujours à chercher à blâmer les autres pour ses propres bêtises (Peut-être est-ce un trait commun à toutes les cultures, après tout). Mais aussi, car cet épisode avec d’autres anecdotes m’amènent à penser qu’il y a fondamentalement une incompatibilité culturelle entre les français et les anglo-saxons sur certains points.

Pour conclure, l’histoire ne dit pas si Émilie et Gustave sont toujours en Australie et encore moins ensemble. Et en plus, ce billet n’était pas plus proustien que ça.

Animaux Australiens

C’est le diable si dans ces trois jours à travers l’outback je n’avais point croisé une quelconque faune autochtone. Fort heureusement, l’Australie en est fort pourvue et j’ai de quoi écrire un billet sur le sujet. Attention, je vous préviens, ça va finir bizarrement. Il vaudrait mieux que vous vous preniez un petit verre d’alcool au préalable car cela risque de s’achever dans le surréalisme.

Commençons doucement. A Darwin et du coup dans tout ces territoires du nord, le gouvernement Australien, car en bon français je ne peut imaginer qu’une telle initiative ne soit pas du à une grandiose décision ministérielle, les pigeons sont absents. A leur place, on a substitué de mignons cacatoès blancs à crête jaune. C’est autrement plus classe. On ne peut pas dire autant de leur cri, malheureusement. On en vient presque à regretter le doux « prrrou, prrrouuu » du pigeon urbain car cet esthétique animal enroué ne parvient qu’à extraire d’horribles « SQQQWWWAAAAAKK » de son jabot. Ce n’est pas très romantique et Paris aurait été bien différent si la substitution y avait été opéré.

DSC_6439_DxOPuisque je vous parle d’oiseaux, j’ai été abreuvé de milles anecdotes sur divers volatiles que j’ai parfaitement oublié. Lorsque nous flottions mollement sur notre barcasse métallique à fond plat, heureusement motorisée, le long de la rivière entouré de crocodiles, dont je parlerai plus tard, notre guide ne ratait pas une occasion pour nous pointer quoi un aigle, quoi un canard, quoi un autre machin à plume s’envolant plus ou moins gracieusement. Il m’est resté, malgré tout, une tendre anecdote marshmallowesque qui fera fondre DSC_6409_DxOmême les plus bûcherons d’entre vous. Il s’agit d’une race d’oiseaux (dont j’ai oublié le nom, faut il encore que je le précise) qui se mettent en couple pour la vie. L’incroyable et le surprenant dans cette histoire n’est pas l’absence totale de paperasserie administrative en rapport à ce lien indéfectible, mais de la conséquence funeste qui en découle. Si l’un des deux partenaire meurt, l’autre le suit, accablé par le chagrin. On est en plein Goethe et c’est à vous arracher une larme… de crocodile. Non, je parlerai des crocodiles plus tard.

DSC_6360_DxOSans transition, car la seule que j’ai trouvé était particulièrement capillo-tractée et je préfère m’abstenir, j’ai eu la joie de voir des termitières géantes. A vrai dire, j’ai même eu l’embarras du choix car aux environs du parc national de Litchfield, le bush en est rempli. Je vois joint une photo car je suis sur que vous allez me prendre pour un Marseillais, mais ces termitières font plus de 3m de haut pour la plupart. C’est véritablement impressionnant. Autant vous dire qu’à Darwin, quand ils ne sont pas accablés par la chaleur, frappés par un typhon ou torturés par l’ennui, les habitants doivent encore se protéger de ces petites bêtes particulièrement voraces. Pour l’anecdote, la matière constituant ces termitières, que j’imagine être une sorte de sable régurgité (beurk!), est aussi dure que du béton. D’ailleurs, techniquement, ça s’en rapproche.

DSC_6454_DxOJe ne vous parlerai toujours pas des crocodiles car, présentement, j’ai plutôt envie de vous parler de cheval. Je ne vous ferai pas l’affront de vous expliquer en quoi consiste ce quadrupède. Non, ce qui m’intéresse ici, c’est de vous expliquer que dans ces territoires sauvages, on croise des chevaux de même nature, sauvages. Vous ne serez pas surpris si je vous explique que ce sont des descendants des premiers chevaux importés par les occidentaux puis relâchés dans la nature. Comme il n’y a pas beaucoup de prédateurs dans ce continent, la population a plutôt augmentée. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, les seuls prédateurs sont les crocodiles. C’est donc le moment d’en parler.

Alors pour faire simple, mais néanmoins précis, il y a deux types de crocodiles dans le nord de l’Australie, et plus particulièrement dans la grande région autour de Darwin, la plus riche dans le domaine. Les plus petits ne se trouvent que dans des eaux douces, c’est à dire les rivières et les billabongs. Au fait, mais qu’est-ce donc qu’un billabong ? C’est bien beau d’avoir ça sur son t-shirt, encore faut-il en comprendre la signification. Un billabong est le terme aborigène pour désigner une poche d’eau douce restant d’une zone inondée par une rivière. A la saison humide, les billabongs se retrouvent de nouveau connectés aux cours d’eau tandis qu’à la saison sèche, ils ressemblent à des lacs, des étangs ou des mares. Ces petits crocodiles d’eau douce ne sont pas très dangereux ni agressifs même si leur morsure peut faire des dégâts.

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DSC_6399_DxOLa deuxième espèce est quand à elle beaucoup plus létale. Il s’agit des crocodiles marins, ou d’eaux salés, affectueusement surnommés « salties » par les australiens, qui en plus de vivre sur la côte (et donc de chasser un peu au large des plages) remontent également les cours d’eaux douce et s’installent dans les billabongs. Ces bestiaux là peuvent atteindre facilement les 3 à 4m de long avec des individus records d’environ 7m. En sachant qu’un animal de cette taille peut sprinter pendant un court moment beaucoup, beaucoup plus vite que vous, vous imaginez l’angoisse. Accessoirement, lorsqu’ils sont motivés, par exemple par un poulet mort tendu au bout d’une perche tenu par un guide retors, ils peuvent également jaillir à la vertical hors de l’eau de toute la hauteur de leur corps. Fort heureusement, ils sont territoriaux, on peut donc facilement les retrouver, s’inquiéter s’ils sont absent, et étant à sang froid, plutôt léthargiques le matin.

Adam nous fait donc un rapide topo sur ces bêtes et les consignes de sécurité à respecter, qui consiste pour l’essentiel à ne pas s’approcher d’un DSC_6427_DxOquelconque plan d’eau. Pour enfoncer le clou, il nous narre quelques anecdotes de touristes allemands emportés par des crocos de 4m ou bien sauvés par la police de Kakadu alors qu’ils avaient noyé leur 4×4 en plein milieu d’un billabong plus profond qu’ils n’imaginaient. Oui, bizarrement, l’Allemagne paye le plus lourd tribut en ce qui concerne les décès par morsure de crocodile. La seule explication un peu sérieuse (excluant donc toute anecdote en rapport à la bière ou un passé fasciste douteux) est uniquement statistique : les allemands ne seraient-ils pas les touristes les plus représentés en Australie ? Mais je préfère vous laissez écouter Adam parler des consignes de sécurité. En prime, vous aurez le droit à une blague, que moi, personnellement, je n’ai pas entièrement saisie.

Maintenant, pour revenir au bizarre et surréaliste, et puisque j’évoque notre guide Adam, j’ai fait quelque chose que je ne suis pas peu fier. Alors que nous étions tous dehors au milieu du bush, à côté d’un billabong pour une pause pipi, Adam nous appelle pour nous montrer quelque chose. J’étais déjà un peu stressé par toutes ces consignes de sécurité en rapport aux crocodiles. Je me suis approché de l’eau pour uriner « Non ! Pas prêt de l’eau », je suis parti dans l’autre sens vers les arbres « Attention, parfois ils remontent jusqu’à 30m à l’intérieur ! », j’ai fait super attention où j’arrosais « Faites attention, ils ressemblent à des troncs d’arbres » et tout ça en gardant en tête que si un de ces gros reptile décidait de me sauter dessus, je n’avais aucune chance au sprint. Surtout avec une main prise et la braguette ouverte. Bref, je m’attendais à un truc hyper-dangereux et je n’aurais pas été surpris s’il nous avait ramené un bestiaux de 4m sur son épaule, occis à l’aide d’un couteau en plastique. Pour entretenir la confusion voilà qu’il nous demande « Vous voulez lécher du cul ? ».

Il nous fait signe de nous approcher de lui en tendant sa main vers nous, tout en étant pris de petit gigotement, comme subissant une démangeaison irrépressible. J’imagine déjà un dangereux dérapage scabreux. « Dépêchez-vous, elles sont en train de me mordre ! », dit-il. Complètement intrigué, je jette un œil à sa main tendu pour y apercevoir de grosses fourmis. Avant qu’on ai pu l’arrêter, ce rustre dégénéré, il se saisit délicatement d’un insecte entre deux doigts et se l’amène à hauteur de bouche pour lui lécher l’arrière train. Je crois bien que la surprise l’a emporté sur le dégoût. Pris d’un grand frisson, il repose la fourmi et arbore un gigantesque sourire. « Vous voulez essayer ? ». De plus prêt, on constate que chaque insecte, hormis celui qui s’est fait lécher le cul, possède une poche verte vif à l’arrière train. Notre guide nous explique qu’il s’agit d’une réserve d’acide ascorbique, autrement dit, de vitamine C. Moi, j’ai pour principe de goûter à tout du moment que quelqu’un y a déjà survécu. Je me saisit donc également d’une fourmi vierge (si on peut dire comme ça) et d’un petit mouvement de langue lui donne un rapide coup de langue sur les fesses, qu’elle a toute verte. Effectivement, c’est puissamment acide, comme un jus de citron hyper-concentré mais c’est loin d’être désagréable. C’est même aussi amusant que de sucer des bonbons acidulés.

Pour finir, on a remis les fourmis sur le sol. Et puis d’abord, si ça se trouve, elles aiment ça aussi qu’on leur lèche le cul.