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Un ballet d’acier

Le romantisme est mort écrasé par la révolution industrielle laissant la place au pragmatisme et à l’optimisation forcenée. On pourrait le regretter – et d’ailleurs je ne m’en prive pas – mais force est de constater que c’est tout de même bien pratique tout ce pragmatisme. Ce n’est pas nous qui allons nous plaindre de bénéficier de tout ces petits objets plus ou moins électroniques fabriqués à l’autre bout de la planète tout en étant conçu du côté opposé. C’est notamment pas moi. Quoique. Et bien, s’il y a un domaine ou le romantisme a été consciencieusement éliminé et la rationalisation poussée à l’extrême tel un vieux tube de dentifrice usagé, c’est bien le transport de marchandise par voie maritime.

Oui. C’est là que je voulais z’en venir.

EuroFos 1Le transport maritime, ce n’est plus ce que c’était. Là, présentement, j’assiste depuis bientôt cinq heures au ballet incessant de grues gigantesques arrachant et empilant des conteneurs d’aciers de 27t dans un fracas métallique. Plus d’odeurs maritimes, de goudron, de chanvre, de poisson pourri. Plus de cris, d’interpellations ou de mouettes rieuses. Le port industriel moderne, froid et efficace n’est plus là pour plaisanter. Et pour cause : l’économie mondiale globalisée repose en grande partie sur ce mode de transport et tout est fait pour aller le plus vite possible, notamment parce qu’on a bien envie que notre nouvelle batterie commandée 2€ sur eBay auprès d’un marchand chinois (non déclarée à la douane, bouh les vilains) arrive chez soi dans moins d’un mois et idéalement hier, bien sur (même si cette sus-mentionnée batterie prend très certainement le dernier vol pour Paris pour nous parvenir).

Au cœur du système, le conteneur est un peu le globule rouge de ce vaste réseau d’échange de marchandise. Sans lui et ses dimensions standards, le transport moderne ne serait pas possible à ce niveau d’efficience. J’ai ouïe dire, d’ailleurs, qu’il a été inventé par les américains pendant la seconde guerre mondiale pour rationaliser le ravitaillement de la Grande Bretagne. Et oui, on n’est jamais à l’abri d’une anecdote qui croustille.

Euro Fos 5Pour un porte conteneur de 300m de long et 40-50m de large, trois grues géantes sont chargées de transvaser ces cubes dans un ballet impressionnant de dextérité. Un homme dans chaque grue, une petite dizaine conduisant des véhicules porteurs pour les alimenter et une poignée de coordinateurs, c’est tout ce qu’il faut en main d’œuvre pour cette tâche titanesque. Alors certes, il faut quelques autres dockers pour boulonner régulièrement des colonnes de conteneurs une fois à bord (et encore, j’ai la forte impression qu’ils ne sont pas tous boulonnés) mais le nombre dérisoire de main d’œuvre face au tonnage de marchandise transbahuté est proprement hallucinant.

EuroFos 3Pour vous donner une idée : extraire du navire un conteneur ne nécessite qu’une dizaine de secondes une fois attrapé par la grue avant de le replacer sur le quai où un autre véhicule vient l’attraper et prestement le ranger ailleurs. Ceci dit, il faut être fin dextre pour manipuler ces trucs ! Ça se balance, ça redescend pas pile poil au bon endroit, etc. Il en faut de la patience. On est bien loin du déchargement à dos de manutentionnaire. D’ailleurs on se demande si l’être humain a encore sa place dans ce grand ballet mécanisé. Mais faut-il s’en plaindre.

American conclusion

C’est bientôt la fin. Je ne vous cacherai pas que je suis très en retard sur la rédaction de ce blog. Ça fait maintenant un an que je suis parti et plus de six mois que je suis revenu. J’ai épuisé mon stock de photos à vous montrer et il ne me reste que très peu d’anecdotes dignes d’intérêts qui n’ont pas été dilués par le temps. Il est temps de conclure sur les Etats-Unis et New-York. Commencez donc par vous plonger dans l’ambiance du métro, ça ne fait pas de mal.

Commençons par mes remarques spécifiquement nouvelle-yorkaises. La ville est toujours aussi fascinante. Par contre, ses habitants le sont moins. Oui, j’ai un petit reproche à faire aux new-yorkais : je les trouve souvent un peu désagréables. C’est bien simple, on dirait des serveurs parisiens. Oui, je pense à toi la dame de l’accueil aux YMCA (j’ai effectivement passé mes dernières nuits dans une chambre monastique et déprimante du YMCA de Vanderbilt, à deux pas des Nations Unies, pour environ 80€ la nuit. Une expérience que je ne conseille à personne) lorsque je suis descendu t’annoncer que j’avais refermé la porte de ma chambre en laissant ma clé magnétique à l’intérieur. Je pense à toi la serveuse qui tirait la tronche au petit déjeuner. Je pense surtout à vous, le portier et la préposée au lecteurs multimédias du musée Guggenheim, désagréables que vous êtes. Certes la vie ne doit pas être simple et réjouissante lorsqu’on vit d’un petit boulot dans cette mégalopole hors de prix, je le concède. Ceci dit, le vieux serveur du fast-food de Philadelphie où j’ai commandé mon seul (et unique) Phillie’s cheese steak n’était pas non plus hilare.

C’est d’autant plus marquant que dans mes périples californiens, les vendeurs étaient plutôt très souriants voir obséquieux, ce que je ne trouve pas non plus forcément plus appréciable. A San Francisco, en général, les gens sont plutôt cools.

Mais concluons. Pour tout vous dire (et je pense que c’est maintenant ou jamais), San Francisco ou New York, ce n’est plus ce que c’était. Plus spécifiquement, parce que je sens bien que je m’emballe en sortant une telle généralité, une bonne partie des US ont perdu de leur spécificité et ne sont plus aussi dépaysants qu’il y a encore trente ans. On croise les mêmes voitures dans les rues, on regarde parfois les mêmes émissions, on mange la même chose et de la même manière et finalement, nos modes de vies sont très semblables. Le comble, il y a maintenant des systèmes de location de vélo rapides, à la manière des Vélov’ et Vélib, à NYC et San Francisco. Ils nous piquent tout ! On est en train de les envahir culturellement !

Comme souvent, la vision des US que l’on a quand on y séjourne est beaucoup moins agressive que celle retransmise par les médias en France. Comme disait Phil, l’ORL américain croisé en Australie, réagissant à ma remarque sur la propension de pays comme la France à adopter certains choses négatives venant des Etats-Unis, notamment au niveau des comportements : « J’entends souvent dire ça, mais pourquoi faut-il toujours que vous ne preniez que nos choses négatives ? ». Mmmmh, c’est pas faux.

Venus à la Fourrure

Après la nourriture du corps, laissez moi évoquer la nourriture de l’âme. Je m’étais laissé dire (je ne sais plus par qui ou par quoi) que Montréal était extrêmement dynamique culturellement. Ce n’est pas forcément en quelques jours hors de toute période festivalière que l’on peut véritablement confirmer ou infirmer ceci. Néanmoins, voici deux anecdotes qui me permettent, d’une moue plutôt conciliante, de ne pas contredire cela.

Commençons par l’incident le plus mineur. Lors de mon séjour montréalais, j’ai pu découvrir en deux occasions des pianos laissés gratuitement à la disposition des passants en des lieux de passage (qui sont généralement considérés comme les lieux de prédilection pour les passants). Permettez moi de balayer de suite toutes les petites remarques mesquino-cyniques de certains d’entre vous concernant l’impossibilité de voler un piano. Certes, néanmoins ils étaient attachés. On a beau être en général plus souriant qu’un français, un québecois n’est après tout qu’un homme et lui aussi peut être tenter de s’embarquer un piano, gratuitement pour chez lui. Devant cette démonstration de tant de confiance en son prochain, je n’ai pu m’empêcher de demander à la première passante croisée la raison de ces pianos publics. Il se trouve, que cette passante était une policière et au lieu de me regarder de haut en me répondant de manière glacée (comme on peut être habitué lorsque l’on vient d’hexagone), elle m’a gentiment répondu en souriant qu’il s’agissait d’une chouette initiative de la mairie. Un peuple qui donne gratuitement des pianos à disposition et dont les policières sont urbaines ne peut pas être foncièrement mauvais. Depuis, j’ai constaté en gare de Toulouse Matabiau une initiative similaire proposée par la SNCF. Bizarrement, ça n’a pas la même saveur.

Mais surtout, en ce qui concerne l’atmosphère culturelle de Montréal, voici un rapide résumé de ma dernière soirée en ville, après mon retour de La Malbaie. Comme un fou, je décide d’aller la passer dans le quartier des spectacles, là où, comme son nom le laisse supposé à l’esprit vif et logique qui caractérise mon lectorat, se concentrent la majorité des théâtres et salles de spectacles de la ville. Peu avant 20h, le long de la rue Sainte-Catherine à l’ouest de Berry-UQAM, se presse une quantité de gens recouvrant tout le spectre d’élégance, sortant des restaurants ou minables fast-foods servant d’atroces poutines hypo-lipidiques, pour aller se divertir d’une des nombreuses pièces, films, concerts, comédies-musicales ou boites de nuit des environs. En ce qui me concerne, j’hésite à tenter un bar lounge.

En remontant la rue encore plus à l’ouest, on arrive au cœur de ce quartier bordé au nord par la rue Sherbrooke et au sud par le boulevard René-Lévesque. La Place des Arts centralise en un lieu extérieur et couvert plusieurs salles de spectacles. Ici la foule est encore plus concentrée. Une envie subite me prend d’aller voir une pièce de théâtre et sans trop y croire, je commence à faire la queue à la billetterie dans le brouhaha du hall. Je feuillette rapidement le programme du soir et mon tour arrivé, demande d’un air goguenard s’il reste encore des places pour des spectacles. En sous-titre je tente de faire passer le message corporel que je ne suis pas né de la dernière pluie et que je sais qu’il est totalement illusoire (voir emprunt d’une grande et touchante naïveté) d’espérer (ne serait-ce que) avoir une place une demi-heure avant le début de la représentation alors qu’à Paris, ville lumière et phare culturel pour l’élite de l’humanité, il faut être provincial mongoloïde pour oser le penser.

« Oui, il nous en reste, me répond la guichetière avec un sourire.

  • Ah ?

<silence>

  • Ben euh, et pour la « Venus à la Fourrure », c’est combien ?
  • 35$.
  • Euh ben, d’accord, j’en prend une.

Si c’est pas un signe évident de dynamisme culturel, ça ? Parce qu’attention, là. Je ne vous parle pas d’un obscur spectacle de chant atonal d’une peuplade oublié de Sibérie oriental, mais d’une très ambitieuse et divertissante adaptation en français d’une pièce de l’auteur new-yorkais David Ives, elle même inspirée de l’oeuvre sulfureuse de Leopold Sacher-Masoch, qui fut à l’origine du terme « masochiste », que Roman Polanski, pour vous dire si ce n’est pas de l’étron faisandé, a lui même adapté au cinéma pas plus tard qu’il y a quelques mois !

Je me retrouve donc assis au cinquième rang de l’allée centrale, dans une salle quasiment comble, a suivre pendant deux heures un huis-clos entre deux excellents acteurs au doux accent québecois. C’est autre chose que le monologue ampoulé et emmerdant de ma dernière tentative théâtrale à Lyon, spectacle que j’avais du réserver trois mois à l’avance. Je ne vous raconte pas le sujet de la pièce, de peur de vous « spoiler » le film de Polanski mais sachez que c’était frais, amusant et pétillant, alternant entre des passages contemporains et des ambiances 19ème siècle où les acteurs basculaient sur l’accent français hexagonale pour se donner un genre aristocratique. Je ne sais pas s’il faut se vexer.

Donc, je ne sais pas si vous êtes d’accord avec moi mais une ville où l’on peut se payer une place de théâtre de bonne qualité, à un prix raisonnable, à la dernière minute ne peut pas être totalement provinciale. C’est même le contraire.

Santa Anna

Pour la suite de mon séjour, je m’en vais passer deux semaines du côté de San Francisco. Après un grand bond au dessus du Pacifique, me voici pourtant à Los Angeles, quelques centaines de kilomètres plus au sud. Ne vous inquiétez pas, il ne s’agit pas d’une erreur d’aiguillage mais juste d’une petite optimisation tarifaire mitonnée, avec mon consentement, par mon agence de voyage. Je repart demain de l’aéroport John Wayne d’Orange County. Avec le recul, il aurait été plus malin de prendre un transport terrestre pour remonter jusqu’à San Francisco mais, convaincu par mon agente de voyage « Vous pourrez passer une soirée pour visiter Los Angeles, comme ça », j’ai cédé.

Le problème avec Los Angeles, c’est d’abord sa taille. La ville fait environ 30 km d’est en ouest et 100km du nord au sud. Si on y ajoute l’ensemble des villes y attenante qui forment l’agglomération c’est facilement le double ou le triple. Ensuite, cette taille est totalement inaccessible en l’absence de véhicule personnel car la ville possède un système de transport en commun totalement anémique. Los Angeles, c’est LA ville construite uniquement pour la bagnole. En dehors d’elle, point de salut. Pour limiter le stress, j’ai donc pris, naïvement, une chambre d’hôtel non loin de l’aéroport John Wayne, à proximité d’Annaheim, ville uniquement célèbre pour abriter Disneyland.

Visiter Los Angeles en « une soirée » sans véhicule, c’est à peu prêt aussi illusoire que de visiter l’Australie en trois jours. J’ai beau regarder attentivement le petit clip vidéo dédié à la ville sur le système de divertissement embarqué d’Air New Zealand, il n’y a rien qui me tente par son accès facile et son intérêt. Il faut dire que j’ai un très mauvais à priori sur cette ville artificielle au premier abord, vaste chape de béton de 1300km2 posée sur un désert entre des montagnes et la mer au dessus duquel transite des flots de véhicules motorisées sur un entrelacs d’autoroutes de deux fois 4 à 8 voies.

A l’aéroport international de Los Angeles, où j’arrive, suite à la recommandation du sympathique employé du centre d’accueil, je prend donc un taxi partagé pour rejoindre mon hôtel. Dans un gros van, on se retrouve à cinq avec le chauffeur, en partance pour le sud sur une six voies. L’agglomération ne recèle finalement pas énormément de haut immeubles en dehors du petit centre ville de LA ce qui accentue encore plus cette impression de ville hyper-extensive et hyper-décentralisée. Finalement, au niveau planification urbaine, cette ville doit être dans une classe à part. Le contraste avec la petite taille et la modestie de Rarotonga est gigantesque.

Un part un, le chauffeur dépose ses clients à sa destination. Je me retrouve alors seul avec lui pendant que nous reprenons la route, plus d’une heure après notre départ de l’aéroport, pour l’essentiel passé sur autoroute. Finalement, il s’arrête devant l’hôtel La Quinta Inn de Santa Anna, où j’ai choisi de passer la nuit. Pour ce qui est d’espérer attraper un bus pour le centre ville, ça me paraît drôlement compromis.

Parfois on visite pour voir de belles choses et parfois pas. Dans un bâtiment couvert d’un crépi jaune orange entourant une piscine, le La Quinta Inn (ou La Quinta Inn tout court) de Santa Anna ressemble à un décor de cinéma, faux et temporaire. De l’extérieur on ne peut pas dire que ce soit moche, dans une sorte de style néo-hispanique commun à la région, mais en s’approchant on est surpris par le manque de qualité des matériaux. Les chambres sont spacieuses, propres et bien équipées mais sombres, glauques et à l’odeur persistant de déodorant bas de gamme. Tout ceci contraste avec l’accueil professionnel, la gentillesse du personnel et la clientèle croisée. L’ensemble vient renforcer cette impression de primeur à l’apparence.

Ne croyez pas que je veuille faire un billet entier sur cet hôtel mais c’est juste que, bizarrement, il cadre exactement avec l’image que je me faisais de Los Angeles, là ville du cinéma et du paraître. De plus, les quelques clients que je croise ont l’air d’approcher voir de dépasser l’âge de la retraite. J’ai même l’impression que ce sont des résidents permanents, impression confirmée à la vue d’un siège accroché au bout d’un bras télescopique permettant de descendre doucement dans la piscine et du défibrillateur placé à l’entrée de celle-ci.

Après avoir posé mes bagages, je retourne à l’accueil et demande s’ils n’ont pas un adaptateur pour mes prises électriques françaises. C’est un grand classique à chaque arrivée dans un nouveau pays. Malheureusement, ce n’est pas le cas et leur demande s’il y a un magasin non loin où je pourrai en trouver. Cette petite question anodine me vaut alors un dialogue qui en dit plus long sur la géographie de cette région que n’importe quel guide touristique : « Ah oui, bien sur, au supermarché Target à côté »

  • Parfait, c’est dans quelle direction ?
  • Euh, par là mais vous comptez y aller à pied ?
  • Oui, pourquoi, c’est loin ?
  • Cinq minutes en voiture mais on vous y amène si vous voulez.

C’est donc quelques minutes plus tard que je me trouve à l’arrière du mini-van de l’hôtel conduit par un jeune homme au fort accent hispanique. D’ailleurs, ne vous y trompez pas, l’espagnol est aussi officiel que l’anglais, ici. Après quelques minutes de conversation aimable sur la ville, je lui demande s’il est né ici. Affirmatif. J’avoue avoir levé un sourcil devant son anglais à l’accent peu académique.

Il me dépose devant le supermarché en question où je part à la recherche de mon adaptateur. Cette histoire d’adaptateur est d’un intérêt mineur mais sachez que ce fut un échec. Néanmoins, j’en profite pour passer un peu de temps dans la zone commerciale. Son petit supermarché du coin s’avère en fait être un hypermarché au milieu d’une zone commerciale à la surface majoritairement constituée de parkings. Au cœur de la zone, un mall à ciel ouvert typiquement américain propose toute la panoplie des franchises multinationales. J’en profite pour y manger mon premier burger (mais ce sera l’occasion d’un futur billet).

Les centres commerciaux ont tendance à me mettre mal à l’aise voir à me remplir d’un vague dégoût après un certain temps. Heureusement, le fait d’être en plein air atténue cette sensation. Malgré tout, je décide d’abandonner ma quête après avoir ratissé toutes les enseignes qui me semblaient pouvoir proposer mon fameux adaptateur. Comme je suis un fou, je décide de rentrer à pied à l’hôtel.

Des personnes bien intentionnées de ma connaissance qui avaient précédemment visitées l’agglomération de Los Angeles m’avaient affirmé que les gens d’ici regardaient bizarrement les piétons. Je trouvait cela un peu extrême. Rétrospectivement, ils avaient totalement raison. Le piéton est minoritaire dans cette ville. Il m’a fallu plus d’une demi-heure pour retourner à l’hôtel (avec un ultime arrêt plein d’espoir dans un autre magasin) et ce furent la demi-heure de marche urbaine la moins intéressante que j’ai faite depuis des mois. Certes, il y a des trottoirs le long des deux fois trois voies qui servent de rues principales mais chaque croisement est un supplice d’attente. Ici, point de bouton pour signaler son désir de traverser. On est condamner en tant que piéton à attendre que le feu devienne rouge et cela peut durer dix minutes. Je doit être en plus en plein dans un quartier vide de commerces ou d’habitations

Je vous rassure, après le troisième croisement, j’ai fraudé. J’ai profité d’un moment de calme pour tranquillement traverser au mépris de la loi. Mais je ne me fait pas d’illusion. Si un policier passe par là, je suis bon pour une amende salée. Aucune chance en plus d’espérer me noyer dans l’anonymat, je suis le seul piéton. Tout ça me donne une impression de déshumanisation très désagréable.

Je retrouve finalement mon hôtel et rentre à l’accueil. J’annonce mon échec. A côté de moi, une cliente âgée très menue, cheveux courts, habillée d’un pantalon seyant et de quelques bijoux, me regarde. Sans sourire, elle me dit :

« You look stunning with that T-Shirt »

Ce qui peut se traduire approximativement par « Vous êtes ravissant avec ce T-Shirt ».

Je bredouille un remerciement et repart dans ma chambre. Je crois que c’est trop pour moi. Cette ville est vraiment trop bizarre.

Le petit écran

Ça fait quelque temps que je souhaite vous parler de ce curieux phénomène constaté depuis l’Inde. Aussi bien en Inde, au Vietnam, en Australie et en Nouvelle-Zélande je constate que les émissions de télévision se ressemblent toutes. Pour les deux derniers pays, cela n’a rien d’étonnant du fait de leur proximité mais pour les deux autres, je ne m’attendait pas à cela.

Je ne passe pas mon temps à regarder le petit écran, c’est même d’ailleurs exceptionnel, mais à chaque fois que j’effectue un petit zapping, je remarque les mêmes similitudes. Tout d’abord, je ne sais pas pour vous, mais j’ai les yeux qui pleurent à force d’être hyper stimulé par les éclairages violents et plats des plateaux de journal télévisé ou talk-shows, à croire qu’il n’y a qu’une seule façon d’éclairer ces émissions, sans subtilité de préférence. J’ai l’impression que c’est la chasse à l’ombre. Ah non de dieu, Robert, il y a une petite ombre sous le menton de Jennifer ! Attends, bouge pas, je lui rajoute un quinzième projecteur par en dessous. C’est d’un triste. Pour ne rien arranger, le chefs décorateurs sont tous portés sur les couleurs vives ce qui n’arrange rien sous les éclairage massifs des plateaux. Bon sang, mais qui a lancé cette mode et surtout pourquoi a t-elle était reprise partout dans le monde ?

Je ne vous parle même pas du standard qu’est devenu la pose raide comme un piquet du présentateur de journal. Ils sont d’ailleurs tous recruté chez Elite, surtout les femmes, à voir leur plastique étrangement haut dessus de la moyenne, y compris en Inde. Mince, où est passé le sympathique moustachu bedonnant ? N’y a t’il plus de place nul part pour le ou la présentatrice au strabisme divergent ?

Bon, ça encore, je m’énerve juste pour m’énerver car le plus triste dans toute cette histoire d’uniformisation et que l’on retrouve quasiment les mêmes émissions partout, la faute à Endemol, la titanesque société de production hollandaise. J’ai l’impression que l’émission de télévision calibrée est devenu le premier produit d’exportation des Pays-Bas (même si je vient de découvrir grâce à Wikipédia que l’entreprise a été racheté par Telefonica, société espagnole). Que ce soit « Qui Veut Gagner des Millions » (moi, pour commencer), « Star Academy », « Big Brother » ou d’autres, chaque émission est produite dans tout ces pays avec absolument tout similaire que ce soit la musique, les décors, l’éclairage et le concept. Tu parles d’un dépaysement.

Lorsque l’on va sur le site d’Endemol France, on découvre d’ailleurs ce magnifique slogan sans fard et d’une touchante sincérité : « Endemol, producteur de flux ». Tout est dit. On n’est pas là pour faire des émissions les gars, on est là pour remplir les tuyaux.