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Encore du transport

Là, rapidement avant que j’oublie parce que j’ai une mémoire hyper sélective, rappelez moi de vous parler de transport. Je vous en avais parlé dans un billet précédent, en plus. Maintenant, je me sens drôlement obligé. Bon en même temps, ça va être extrêmement bref.

Je pourrai vous parler du métro montréalais mais en fin de compte il n’y a pas grand chose de particulier à évoquer à son sujet. Il est efficace, spacieux et surchauffé. A bien voilà, effectivement, il est particulièrement surchauffé et hormis les annonces au délicieux accent québécois, il n’y a rien d’autre à ajouter.

Pour transiter de Montréal à Québec puis au-delà vers La Malbaie, j’ai eu le plaisir d’utiliser le bus. Je parle de plaisir car hormis un prix raisonnable il propose d’office un accès WiFi gratuit (bien qu’erratique) ainsi que des prises électriques. L’avantage est qu’il est possible de travailler. Le désavantage est qu’on garde le nez devant son ordinateur alors que le paysage extérieur est superbe. A vrai dire, entre Montréal et Québec, le paysage est loin de l’être. Entre Québec et La Malbaie, ça commence à être un peu plus intéressant.

Pour ce qui est du train, les choses sont beaucoup moins évidentes. Il existe un train qui remonte le Sain-Laurent au départ de Québec en s’arrêtant régulièrement (notamment à La Malbaie) mais, comme le Great Khan Railway en Australie, son but est essentiellement touristique voir luxueux, façon Orient-Express. Les billets y sont d’ailleurs beaucoup plus onéreux que le bus.

La gare routière de Montréal (arrêt de métro Berry-UQAM) est donc le nœud central des transports régionaux. Différentes compagnies, notamment Greyhound, proposent des liaisons vers les villes voisines canadiennes et américaines. Je prend donc un billet pour New-York départ 11h arrivée 20h. Oui, on ne dirait pas mais il faut bien ses 9h de route pour rejoindre la grosse pomme en prenant les voies les plus rapides. Fort heureusement, et il semblerait que ce soit la norme Amérique du Nord, le WiFi est également en accès gratuit (mais toujours aussi erratique) et des prises électriques disponibles à chaque siège.

Prendre le Greyhound pour New York au départ de Montréal, c’est un peu un choc culturel. Attention, je m’apprête à partir d’une unique expérience (enfin… quoique, peut être deux) à généraliser. C’est moche. Alors que la quasi-totalité des montréalais croisés étaient souriants (même timidement) et d’un abord agréable, la conductrice de notre bus arbore la face neutre et sans émotion de la new-yorkaise à qui on ne la fait plus. On n’est pas ici pour se fendre la poire. Imaginez une Whoopee Goldberg en surcharge pondérale (nouvelle indice que nous nous apprêtons à refouler le sol américain) effectuant ses annonces en gueulant comme une gardienne de prison, sans l’aide de la sonorisation interne prévue à cette effet. Elle va vite nous faire regretter la douceur canadienne.

Le trajet commence par un court tronçon jusqu’au poste frontière où nous descendons tous du bus et effectuons un passage devant le service d’immigration. C’est sans doute dans ma tête mais je trouve qu’il y a quelque chose de nettement plus sombre et déprimant aux États-Unis. Une demi-heure plus tard, notre chef de prison nous gueule dessus et nous remontons dans le bus comme des taulards, tout ça, bien entendu sans un soupçon d’ombre de sourire.

A partir de là, la route traverse les douces collines du Vermont, légèrement colorées. Le temps est maussade et ajoute au caractère froid et sans saveur de ce trajet. Nous suivons l’autoroute et rapidement, j’alterne sommeil, lecture et rédaction de ce même blog. Une seule fois nous effectuons un autre arrêt dans une zone insipide pour que notre matrone se repose. Nous repartons. Le jour décline puis à la tombée de la nuit, entrons dans une zone nettement plus urbaine. Des néons des grandes enseignes commerciales parsèment le paysage. Les panneaux indiquant les sorties se multiplient. Des noms deviennent de plus en plus familiers, New Rochelle, Pelham. Pas de doute, nous approchons de notre destination.

Finalement le bus s’engage sur un pont et chacun peut admirer la skyline inimitable de New-York, parée de ses guirlandes nocturnes qui se mirent sur l’Hudson (la poésie, c’est gratuit aujourd’hui). Un début d’excitation se fait ressentir. Après quelques méandres dans Manhattan, notre véhicule pénètre dans un sous-terrain et vient se garer à côté d’autres bus estampillés Greyhound. « New-York Citttyyyy, New-York Citttyyy final stop. Everybody must get OUT. » Toujours aussi agréable cette conductrice. Bienvenue.

Une fois mes sacs-à-dos récupérés je pénètre dans la gare routière du Port Authority de New York. Ma mission consiste à rejoindre l’intersection de Lexington Avenue et de la 100ème rue en métro, où Christine, la new-yorkaise croisée à Arcata, me sous-louera son appartement pour quelques jours. Quelques moments de flottements plus tard où j’essaye de comprendre le système de ticket de la MTA (Metropolitan Transport Authority), je m’engouffre à la suite d’autres commuters dans les tunnels moites vers la plateforme de mon premier métro. Je retrouve cette ambiance anonyme, frénétique, presque agressive de grande ville blasée. New-York début octobre est chaude et humide, encore plus dans ses boyaux. Je me retrouve rapidement en sueur parmi les habitués en T-Shirts ce qui provoque le sourire d’une usager. Finalement, après une correspondance à Grand Central Station, et une longue remontée vers le nord dans les sous-sols cahotants et grinçants de Manhattan, j’émerge dehors, dans une douce soirée au sud de East Harlem.

Weta

Pour ceux qui ne sont pas très au fait des choses cinématographiques, un certain Peter Jackson, réalisateur de films de son état, a travaillé, lui et environ 1000 autres personnes que je ne pourrais pas citer de mémoire, sur une trilogie de films basée sur l’oeuvre de Tolkien. Comme je vous l’ai expliqué dans un billet précédent, par volonté, la quasi totalité de la production et post-production des films ont eu lieu en Nouvelle Zélande. N’allez pas croire qu’il n’y avait rien du tout côté cinématographique là bas avant. C’est juste que c’était essentiellement pour des projets de moindre ampleur, notamment Xena la Guerrière, série télévisée fantastique de série…euh… B.

Le sieur Peter Jackson a créé des studios de post-production (et de production d’ailleurs puisqu’il y a également des plateaux de tournage) à Wellington au milieu des années 80 (d’après Wikipédia). Il se trouve que depuis le Seigneur des Anneaux c’est devenu un des très grand complexe du monde par la compétence. Moi, je suis féru de cinéma et d’effets spéciaux. J’ai donc coché cela en premier dans ma liste des choses à voir à Wellington. A vrai dire, c’est même pour cela que j’y suis descendu. J’ai même envie d’aller voir à quoi ça ressemble, histoire de potentiellement y postuler pour un job.

Un matin, je part donc prendre le bus de ligne la 2, qui passe non loin de mon auberge. La veille j’ai réservé sur le site internet de Weta pour une visite guidé accompagnée du Workshop à 12h00 mais il y a également une partie publique à visiter. Mais c’est-ce quoi ce Weta, hein, vous demandez-vous ? Et bien, toujours d’après Wikipédia, c’est le plus gros insecte au monde, de la taille d’une souris et que l’on trouve uniquement en Nouvelle Zélande. Ça c’est pour votre culture générale car ce qui nous intéresse aujourd’hui c’est que c’est également le nom choisi par Peter Jackson pour ses studios. Wikipédia a une très joli anecdote à ce sujet. Si on en croit le site, c’est un insecte dont le réalisateur a en horreur. On le comprend. La taille du bestiau ! Accessoirement, WETA est également un acronyme pour Wingnut Entertainment Technical Allusions, Wingnut Films étant la société de production de film de sir Peter. Tout cela se tient. C’est quasi mystique.

Il y a d’ailleurs deux entreprises WETA : Weta Workshops et Weta Digital. La première regroupe toutes les compétences de fabrication de maquettes, costumes et armes alors que la seconde est la boite d’effets spéciaux numériques avec plein d’ordinateurs dedans et une armée d’infographistes à l’aspect pâle et mal nourris parqués dans des petits blocs de 2m sur 2m remplissant un open-space de 500 mètres carré éclairés par de grands néons clignotants. Enfin, c’est l’idée que je m’en fais. Quand je ne suis pas écoeuré par avoir passé 8h assis devant un écran d’ordinateur, j’imagine cela de façon un peu plus joyeuse et primesautière.

Je me trouve donc actuellement à l’arrêt du bus et, ça tombe bien pour la narration, voilà t’y pas qu’il arrive. Je monte à l’avant et demande un ticket, un billet, un abonnement, une carte, enfin n’importe quel système utilisé dans ces contrées, ayant maintenant perdu la conviction que le ticket de bus est toujours la norme mondiale. Le chauffeur me répond quelque chose que je ne comprends pas. La vache. Ça ne m’était plus arrivé depuis l’Inde. Il faut dire qu’il a un énorme accent indéterminé dont je ne saisi pas la matrice de décalage des voyelles et qui n’est certainement pas néo-zélandais. Il répète et je parvient au prix d’un effort conséquent de concentration (et aussi en recoupant toutes les possibilités de questions classiques lorsqu’on monte à bord d’un bus) à comprendre qu’il me demande ma destination. « Camperdown Road », lui dis-je, répétant les indications mémorisées du site web. Il me regarde bizarrement et marmonne un truc. Au final, j’arrive à payer miraculeusement la somme du et m’en vais m’asseoir.

A ce propos, je constate une nouvelle fois un comportement nouveau pour moi en ce qui concerne les chauffeurs de bus, chose que j’avais déjà constaté à Melbourne et Sydney. Ils attendent que vous soyez complètement assis avant de repartir. Moi, habitué aux chauffeurs français qui accélèrent et freinent quasiment sans considération particulière pour les passagers (je ne leur en veut pas du tout, je ferai pareil à leur place), je prend mon temps et range mon portefeuille en restant debout. J’aperçois son regard agacé et m’assois rapidement avec un sourir d’excuse. Il m’a l’air drôlement chaleureux, lui.

Le complexe cinématographique se trouve dans le quartier de Miramar, situé à l’est du centre ville sur une presqu’île après l’aéroport. Je vous ferai un topo plus complet sur Wellington dans le billet suivant mais sachez qu’en quittant le centre ville, on passe tout de suite par dessus une haute colline. De l’autre côté, la ville devient extrêmement résidentielle, quasiment uniquement couverte de maisons ou de petits bâtiments avec très peu de commerces. C’est tout à fait ce que je déteste.

Je lève la tête pour trouver un plan de la ligne avec le nom des arrêts, histoire de savoir lorsqu’il faut appuyer pour signaler sa volonté de descendre. Bizarrement, je ne trouve pas le nom de mon arrêt « Camperdown Road ». Mince, me serais-je gourré ? Je repère quand même quelques arrêts portant le nom « Miramar » pour me repérer. Arrivé à ces arrêts je me rapproche un peu du chauffeur et je lui demande s’il pourrait m’avertir lorsqu’on arrive à Camperdown Road. « Grrruuumpf », me répond-il. Je reste interloqué quelques secondes.

  • Euh, c’est un oui ou c’est un nom, lui demande-je avec le sourire.

Silence.

Et bien en voilà un bon connard ou bien il est en train de vivre une journée particulièrement difficile.

Quelques minutes plus tard, le bus s’arrête à un croisement, le chauffeur ouvre les portes et me fait signe de descendre. Je sort sans le remercier et lâche même un discret « fucking driver » alors que le bus repart. Un bien beau spécimen celui-là. Le jeune homme barbu sorti devant moi se retourne et, un peu surpris, me lance un « Pardon ? ».

  • Non, pardon, c’est le chauffeur qui était particulièrement désagréable.
  • Oui, ça arrive parfois. Vous êtes ici pour visiter les studios Weta ?
  • Oui.
  • Ah et bien suivez-moi, c’est par là.

La vie est amusante, tout de même, pleine de chaud et froid, de sucré et de salé ou de connards et de sympathiques jeunes hommes près à aider leurs prochains, le tout dans la même minute. Je marche donc à côté de lui et lui demande s’il est venu ici également pour la visite.

  • Non, non. J’y travaille.

Ah ben ça c’est dingue, super, même. Du coup je ne résiste pas à la curiosité de lui demander ce qu’il y fait. Et bien figurer vous qu’il est sculpteur là bas depuis quelques années. En voilà un bien beau métier. A part ça, il faut bien avouer que le quartier n’est pas particulièrement intéressant. DSC_8014_DxOC’est essentiellement des maisons de plein pied en bois avec jardins et quelques entrepôts, le tout désert et sans personne dans les rues. Ce n’est pas un cadre de travail qui fait particulièrement envie. C’est d’ailleurs vers l’un de ces bâtiments à l’aspect d’entrepôt qu’on se dirige et je ne tarde pas à apercevoir un grand logo « Weta Cave » au dessus d’une entrée. Moins commun, à côté se tient un immense troll.

DSC_8011_DxOMon bon samaritain me quitte alors en m’ayant indiqué l’entrée et je le remercie chaleureusement. Effectivement, deux grandes « statues » de trolls sont posées dans le petit jardinet jouxtant l’entrée. Ils sont saisissants de réalismes et même légèrement poilus par endroit. Un petit signe à côté de l’un d’eux porte l’inscription « Please, do not climb on the trolls ». Amusant.

A l’intérieur, je découvre une atmosphère de magasins de souvenirs. Quelques autres personnes déjà présentes observent les objets en vitrines. Je me dirige vers la caisse et me présente. Ça tombe bien, il est 10h30 et on me propose de me greffer à la visite guidée qui va bientôt commencer plutôt que d’attendre celle de midi. En attendant je flâne et jette un œil à l’exposition.

La Weta Cave est finalement la boutique pour geek de tout ce qui touche aux films tournés ici. On trouve énormément d’objets liés au Seigneur des Anneaux et au Hobbit comme des livres, des cartes postales, posters, peintures ou parchemins mais également des choses plus originales telles que des répliques d’épées et de cotte de mailles à des tarifs plus élevés. Si vous êtes vraiment fans (facile) mais également dotés d’une grosse valise et d’un fort pouvoir de persuasion sur les officiers de douane et de sécurité (moins facile), vous pouvez acheter une réplique à la lame effilée des épées Orcrist et Sting, la dernière étant celle utilisée par Frodo. Pour le prix, comptez environ 300$ néo-zélandais. Bien entendu, vous pouvez également vous offrir un petit anneau doré, dont je doute qu’il soit unique. En dehors de la thématique Tolkien, on peut également observer des éléments tirés des films District 9 ou Elysium, beaucoup plus dans une veine science-fiction.

Finalement, on m’appelle et je me retrouve avec cinq autres personnes guidé par un jeune homme de taille moyenne vers l’extérieur. Nous pénétrons par une petite porte dans une sorte d’antichambre couverte de dessins, plans et illustrations en rapport aux films tournés ici. Notre guide se présente, Paul, sud-africain venu ici il y a deux ans au début du tournage du Hobbit pour travailler dans le département sculpture de Weta Workshop. Voilà qui est plutôt chouette de se faire guider par un employé. Il nous fait un rapide topo des consignes à l’intérieur consistant surtout en des interdits de photographier ou filmer et de s’éloigner avec quelque chose qui s’y trouve. D’après lui, nous aurons l’occasion d’observer quelques employés au travail sur un projet en cours. Yeeessss !!

Il est plutôt doué pour ça le Paul et ça se voit rapidement. Plein d’humour pince sans rire, il nous met tout de suite à l’aise en se saisissant d’une épée de samouraï sous prétexte de se défendre contre une attaque de zombies mais accessoirement, pour s’en servir comme outil de pointage. On pénètre finalement dans le lieu dit qui ressemble à un atelier blanc couvert de dessins, statues, moules, armures et armes. Un ordinateur est allumé à côté avec un logiciel de 3D qui tourne. Ça, je connais. C’est Maya. Pas l’abeille, c’est le nom du logiciel. J’ai quasiment le même à la maison.

Il nous fait donc une rapide introduction sur le processus de création d’un accessoire, partant de la modélisation 3D sur ordinateur, de la création d’un moule, de l’ajout de détails, de la peinture, etc. C’est vraiment passionnant de voir à quel point les choses sont à la fois extrêmement minutieuses mais également sommaires, le but étant de trouver l’équilibre entre le détail nécessaire à ce que l’objet rende parfaitement à l’écran aussi bien d’un point de vue visuel que mécanique (il faut par exemple qu’une épée ou un fusil paraisse « lourd » sous peine de trahir sa nature fausse) mais sans pour autant y passer des mois et des milliers de dollars à le fabriquer. Certains objets sont fabriqués à la main et d’autres, utilisés en masse (on pense aux scène de combats massifs qui nécessitent une grande quantité d’épées), moulés ou usinés.

On poursuit la visite et on discute des armes utilisées dans le Seigneur des Anneaux. Chaque arme des héros principaux ont été réalisées en plusieurs exemplaires (l’usure, l’usure) en métal et en plastique. D’ailleurs la plupart des éléments sont réalisés en polyuréthane, facile à travailler et léger. Les armes en métal ont été forgés par l’un des derniers armuriers existant qui se trouve avoir été honoré du titre officiel de « Master Swordsman » par la reine d’Angleterre. Il faut dire qu’en dehors des armes honorifiques et l’industrie cinématographique, la demande d’épées doit être faible. Les armes en plastique ont été utilisées pour les scènes de combat car plus légères et donc moins fatigantes pour les acteurs. Le seul ayant refusé cet artifice fut Vigo Mortensen, Aragorn dans les films, afin d’être au plus juste dans son jeu. Paul lui voue depuis une vénération sans borne.

Nous poursuivons un peu plus loin en passant devant la haute stature de Sauron, dans son armure noire. Impressionnant. De nuit avec deux petites diodes dans les yeux, je part en courant. Quelques coups sur son torse nous prouvent que tout est en plastique. D’ici, c’est pourtant criant de vérité. Paul nous explique la technique utilisé pour fabriqué les multiples cottes de mailles nécessaires au tournage. Travail extrêmement fastidieux, ils ont quand même réussi à accélérer le processus en fabriquant les anneaux à la chaine dans des moules en plastique. Initialement, ils les découpaient à la main dans des sections de tubes. Ensuite, il n’y a plus que les assembler en tricotant patiemment la maille. D’après lui, un peu entrainé on peut en faire deux ou trois par jour. En y perdant la santé mentale, oui ! Pour les plans serrés, ils ont été obligé d’en faire quelques une en métal véritable. Encore une fois, pour Vigo, se serra une vraie, s’iouplait.

Dans un coin trône une maquette de deux mètres de haut de Minas Tirith, utilisée pour les plans larges. Encore une magnifique idée de décoration intérieure.

Un peu plus loin, il nous montre des masques moulés de visages et nous invite à les toucher. Chacun a été réalisé dans une substance différente représentant les différentes étapes et recherches menant au prototype final. J’avoue que c’est extrêmement perturbant de triturer le nez d’un homme dont la peau est si réaliste au touché. C’est comme s’amuser sur un cadavre. Bizarre. D’ailleurs il nous parle des différentes prothèses portées par les acteurs et notamment celles conçus pour l’acteur interprétant le grand chef des Uruk-hai, ces grands balaises aux cheveux filasses croisés dans le deuxième et troisième volet de la trilogie. Pour lui donner cet aspect incroyablement musclé et laid, l’interprète a du endurer dix heures de maquillage et de collage minutieux à chaque fois qu’il fallait tourner une scène. Je crois que ces gens sont fous.

En continuant nous apercevons une petite réplique de King Kong au réalisme frappant, hormis la taille. Paul nous apprend que tout ces poils sont du poil de yak, plantés un par un. Faut-il en avoir de la patience. En face, en se retournant, deux personnes, vivantes je précise, sont en train de travailler sur une sorte de petite estrade. Paul nous les présente et chacun s’envoie des « Hi » timides. Il s’agit de deux sculpteurs qui travaillent sur des petites marionnettes qui seront utilisées pour un petit film pour enfants. On papote avec eux pendant cinq minutes chacun posant des questions plus ou moins banales. La question de la formation nécessaire à ces métiers arrive forcément sur la table. Finalement il n’y a pas de chemin unique, seul compte son envie, son talent (mais encore une fois, c’est souvent lié) et sa créativité. Paul nous parle, par exemple, d’une collègue dyslexique, rejeté par le système éducatif mais au talent et au génie hors-norme qui a trouvé ici un métier qui l’épanouie.

Sur ce, notre guide clôt la visite et nous raccompagne à l’accueil alors que nous le remercions. Voilà une visite vraiment passionnante et amusante, même si beaucoup de choses ne m’était pas inconnues. Par contre, je ne suis pas certain que l’on ai vraiment visité le Workshop, juste un petit espace réservé pour les visites avec quelques employés désignés pour aller l’animer. On ne peut pas tout avoir et si plus d’entreprises faisaient la même chose et aussi bien, se serait peut-être pas mal. J’imagine déjà la visite guidé d’une usine de cassoulet en boite. Non. En fait, je crois que je vais vomir. Certaines choses doivent rester dans l’ombre.

Après avoir acheté une petite carte postale en cotte de maille, je claque la bise aux trolls qui ont été bien gentils et patients, et repart à pied vers le centre ville. Tiens, j’aurais du m’offrir une épée pour me faire respecter des chauffeurs de bus.

Premier contact avec Melbourne

Actuellement, je suis en train de mâchonner un sandwich fromage et tomate dans un quartier résidentiel d’une des banlieues sud-est de Melbourne. Je dois rendre la voiture avant 15h à l’agence Wicked, mon loueur de voiture. Wicked, c’est l’agence de location de camping la plus voyante d’Australie. Un employé fou de leur service marketing a eu l’idée original de peindre tout leurs véhicules avec des graffitis ou au minimum des slogans provocants, histoire qu’on les remarque. La mienne de voiture est plutôt gentillette car elle ne porte sur elle que deux citations, l’une de Johnny Cash et l’autre de John Lennon. Parfois, c’est plus trash. Je m’estime donc chanceux.

En tout cas, je suis bien embêté car je n’ai pas de carte très détaillée de Melbourne. Inutile de dire que je n’ai pas pris l’option GPS. Ca coute horriblement cher, et puis c’est totalement tricher. Je fais donc un truc complètement incroyable et surprenant que la plupart d’entre nous avons oublié : je demande mon chemin à un être humain, autochtone de préférence.

Ca tombe bien, juste en face de la rue, un vieux monsieur est en train de tondre la pelouse sur son trottoir. Je m’approche de lui avec un grand sourire pour ne point l’effrayer et l’apostrophe d’un « excuse-me ». Je lui explique donc ma situation et mon but, en l’aidant un peu car j’avais au préalable noté grossièrement où se trouvait l’endroit grâce à une consultation internet. Pendant dix minutes il tente donc de m’expliquer le chemin à prendre, hésitant entre deux solutions, revenant sur la première puis l’abandonnant pour tenter de me détailler de nouveau la seconde.

Son dilemme provient de son hésitation à me faire emprunter la voie rapide à péage, n’ayant pas d’abonnement. Les cinq premières minutes, d’après ces dires, je suis convaincu que cette autoroute est inaccessible sans cet abonnement. Ensuite, je crois comprendre que c’est faisable, mais à un prix plus élevé. Bref, tout ça n’est pas très clair. Finalement, je valide la voie rapide, et commence à noter ses indications. Left, right, tout droit pendant plusieurs kilomètres jusqu’à Dandenong, puis prendre la M3 puis enfin la Monash Highway, à gauche direction centre ville. « Vous ne pouvez pas vous tromper, » qu’il me dit. Misère, la phrase maudite.

Je le remercie chaleureusement et reprend la route. Vingt minutes plus tard, je suis bien sur la M3 mais pour ce qui est de la Monash Highway, je ne vois pas d’indications. Je tente des choses à l’intuition, me repérant à la hauteur du soleil, mais rien à faire. Je suis paumé. Ils sont gentils les locaux mais c’est pas encore ça pour les indications. Fort heureusement, je suis non loin d’une station de train local. Pour l’anecdote, je suis en plein quartier Indien. Je m’arrête donc temporairement et m’approche de deux chauffeurs de taxis qui papotent.

Après les présentations d’usage, je leur demande le chemin de cette foutue « Monash Highway ». Comme par hasard, j’ai un peu de mal à les comprendre avec leur accent. Malgré tout, je parvient à noter leurs indications et reprend la route. Je suis à la lettre les instructions pendant dix minutes puis aperçoit une autoroute ayant une direction est-ouest qui me semble correspondre à ce que devrait emprunter cette fameuse highway. Par contre, aucune indication particulière m’indique si c’est la bonne hormis un numéro, M1. Je vois néanmoins des directions « Melbourne Center » et « Toll » ce qui veut dire « péage ». Je décide donc de tenter le coup et emprunte la bretelle d’accès. Cinq minutes plus tard, je double un petit panneau à gauche indiquant « M1 – Monash Highway ». P**tain, mais ils sont pas possibles ces gens. Pourquoi est-ce que tout le monde me parle de « Monash machin » alors que tout les panneaux indiquent M1 ? Ils sont tordus ou quoi ?

Je ne tarde pas à emprunter un pont, signe, d’après le vieux, que je dois bientôt sortir. Par contre, je n’ai toujours pas croisé de péage. Etrange. J’emprunte la sortie indiqué. Toujours pas de péage. Mais alors pourquoi tout ce cirque ? Ce n’est quand même pas basé juste sur la bonne fois des gens ? Les plus circonspects d’entre vous auront compris qu’il s’agit d’un système de péage vidéo, système qui enregistre la plaque d’immatriculation et en averti le propriétaire. Je vais donc sans doute me faire débiter une somme égale au PIB d’un pays du sud sahel via l’agence de location. Ce sera la surprise.

Fort heureusement, je parviens après un va et vient, à repérer l’agence en question et gare la voiture. Avec très peu de formalités, je rends les clés et un peu gêné, hésite à faire la bise à cette voiture avec qui j’ai quand même traversé la moitié de l’Australie dans sa hauteur. La prochaine étape consiste à rejoindre le CBD de Melbourne et y trouver le hostel où je vais passer les quatre prochaines nuits. Le gars de l’agence Wicked me rencarde sur le bus à prendre afin de rejoindre la station de train local. Ca tombe bien, l’arrêt est juste devant l’agence.

Je me retrouve donc de nouveau seul avec mes deux sacs à dos, de retour à l’état de routard. Assez rapidement, un bus arrive et je monte à l’avant pour demander un ticket jusqu’à la station de train.

« On ne vend pas de ticket dans le bus, monsieur, me fait le chauffeur.

  • Ah. C’est un problème parce que je n’en ai pas.
  • Il faut que vous achetiez une carte mailleki et que vous la topiez.
  • Pardon ? Une quoi ?
  • Une carte myki, me dit-il en me montrant une affiche.
  • Ah ben euh d’accord. J’en prend une.
  • Vous voulez topper pour combien ?

Un peu désorienté par tout ces nouveaux termes et surtout par le peu d’empressement du chauffeur à me sourire et à m’expliquer exactement le système, je comprend malgré tout, grâce aux nombreuses publicité accrochées dans le bus, que « toper » veut dire recharger la carte.

« Euh ben je sais pas, ce qu’il faut pour aller jusqu’au CBD, quoi.

  • C’est 4$ minimum et jusqu’à 20$.
  • Mais j’en sais rien moi !, répond-je commençant un peu à m’énerver. Mettez moi 10$, tiens.

Sans un mot il me tend la carte et encaisse mon argent. Sale con. Voilà ce que j’en pense. Et surtout, je me dit que c’était plus simple de prendre le bus en Inde ou Vietnam, pour le coup.

Un peu plus tard, nous arrivons à la station de train, qui se trouve être le terminus. Alors que je descend avec mes sacs à dos, sans remercier le chauffeur, je suis abordé par un homme à la cinquantaine à l’aspect défraichi, mais souriant. « Je peux vous aider ?, me demande-t-il.

Avec plaisir monsieur. Je lui explique donc que je souhaite aller au CBD et lui en retour, le fonctionnement de la fameuse carte MyKi, que j’avais déjà bien commencé à comprendre. Ca n’a rien de révolutionnaire puisqu’on peut emprunter tout le réseau de transport avec cela. Par contre, il faut déjà avoir une idée du prix d’un trajet (variable) pour avoir une idée de l’argent à mettre dedans. Lorsqu’on arrive pour la première fois, ce n’est pas évident. Du coup, pendant tout mon séjour à Melbourne, je n’aurais utilisé que 4$ sur les 10 de ma carte. Je le retient ce chauffeur. Heureusement qu’il y a de sympathiques australiens pour contrebalancer la sale impression qu’il laisse. D’ailleurs, loquace, il va même jusqu’à m’indiquer le numéro du quai pour le train allant à la gare de Flinders Street Station et se plaindre des travaux effectués partout autour de Melbourne dans les stations de train. Je compatis.

Pendant donc une demi-heure, j’observe la ville qui défile tranquillement à travers les fenêtres du train (équivalent à un RER) ne notant rien d’exceptionnel sous un ciel bien morne. Finalement nous arrivons au terminus. Une fois dehors, je me retourne pour me repérer et observe la façade. Cette gare de Flinders Street Station est vraiment très jolie, dans les tons saumons, ocres, vraisemblablement construite au 19ème siècle dans un style vaguement néo-classique. Un dôme de cuivre oxydé domine le coin donnant sur Flinders Street, une des rues principales du CBD. En face, on retrouve un quadrillage de rues à l’américaine avec de grands immeubles en verre encadrant un vieux bâtiment abritant un pub et la cathédrale légèrement gothique de l’autre côté de la rue.

Je me met donc en marche sur Flinders Street, à la recherche du numéro de mon hostel. Je longe la gare et les voix de chemin de fer. Bizarrement, je ne vois pas d’hostel au numéro. Je sort mon carnet et… ah oui. Autant pour moi, c’est sur Flinders Lane et pas Street. Je me demande bien qui est ce Flinders pour qu’on le voit partout, tout de même.

Finalement, je repère Flinders Lane, qui se trouve être une rue parallèle. Après cinq minutes de marche en sens inverse, je m’arrête au numéro indiqué et aperçoit des panneaux « Greenhouse Backpackers ». C’est bien ici. De manière assez amusante le petit hall donne sur un petit commissariat de police. Un ascenseur permet de monter jusqu’à l’auberge de jeunesse proprement dite sur les quatre derniers étages de l’immeuble.

Un peu plus tard, je me retrouve à poser mon sac à dos à côté d’un lit d’un petit dortoir de six, déjà occupé par deux anglais, un suédois et une suédoise. Fini le camping solitaire, me voici de retour en auberge espagnole.

Une nuit infiniment droite

Avertissement préalable pour les personnes malentendantes ou dénuées de hauts-parleurs: ce billet est sonore. Ne vous inquiétez donc pas si une musique parvient jusqu’à votre cortex cérébral.

Pour rejoindre Alice Springs, au centre du Red Center, l’immensité rouge au cœur de l’Australie, je suis dans un bus de la compagnie Greyhound. Je suis parti de Darwin en début d’après midi et l’arrivée est prévu au matin. Seules deux autres destinations sont desservies, Katherine et Tenant Creek, deux villes au parfum de far west. Heureusement, régulièrement nous faisons des pauses dans des relais, souvent attenant aux bâtiments d’immenses cattle ranches.

Mes compagnons de voyage sont rares, une grosse poignée. Quelques blancs mais surtout des aborigènes trimbalant leurs affaires dans une armée de grands cabas de supermarché. Tout le monde se met à distance les uns des autres, peut être pour reproduire la distance du pays à l’intérieur de la cabine. Le chauffeur, un vieux monsieur de soixante ans, nous annonce les arrêts d’une voix douce. Tout est feutré.

Le paysage défile. Le bush.

Encore du bush.

Je dort.

Toujours du bush.

Je lit.

Du bush mais d’une couleur légèrement différente.

C’est fou ce que ce pays est monotone. Ces chauffeurs sont des surhommes ou sont défoncés aux amphétamines pour pouvoir tenir des heures sur ces longues lignes droites de décor répétitif. Progressivement le ciel décline, puis se retire dans un fondu de dégradés tous aussi pures et magnifiques les uns que les autres. La magnificence du ciel compense la phénoménale insipidité du paysage. Comment ne pas éviter de développer une spiritualité dans ce genre d’endroit où le seul espace changeant est au delà ?

Du bush.

Il fait nuit et un vague défilement flou de bush témoigne encore de notre mouvement. Le ciel étoilé est extraordinaire de pureté mais les timides éclairages de l’intérieur du bus se reflétant sur les vitres suffisent à nous en isoler. Toujours des lignes droites. Des images de « Lost Highway » de David Lynch me viennent à l’esprit alors que je vous écrit. Bande son :

De nuit, cette route, infini quasi-parfait de rectitude, est le territoire des uniques road trains et quelques fous sous stimulants. Les stations services deviennent surréalistes, uniques puits de lumière et de modernité dans une étendue millénaire sous immensité cosmique, de minuscules relais le long de cette mince ligne de perfusion entre Darwin et la civilisation.

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Sens engourdis. Je rêve.

L’arrivée à Hoi An

Entre Hué et Hoi An, deux villes sur la côte, se trouve un très joli relief montagneux et notamment un col, le « col des Nuages », qui marque une frontière aussi bien culturelle que météorologique entre le nord et le sud du Vietnam. Au sud on dit Viet congs et il fait beau alors qu’au nord on dit Viet cons et il pleut. Il fallait bien la faire un jour ou l’autre, celle là, et il me semble que c’était le parfait moment.

M. Tranh de Saint Cloud, Hauts-de-Seine, mon référent pour tout ce qui a trait au Vietnam (car il était particulièrement peu loquace sur l’Inde), m’avait décrit la route comme « valant le détour » avec cet enthousiasme qui caractérise tout les habitants du petit bassin Parisien. Non, là je suis mauvaise langue. On sortait d’un déjeuner de pho (fa) à Toulouse. Il était donc de très bonne humeur et il avait les yeux qui brillaient à l’évocation de cette route malgré une absence, à ma connaissance, d’alcool dans son système sanguin.

J’avais donc décidé de faire le chemin entre Hué et Hoi An par la route, initialement par le bus, pour profiter de ce magnifique spectacle naturel. A l’accueil de l’hôtel Valentine, le réceptionniste m’avait presque convaincu de louer une moto pour le faire mais c’était un malheureux quiproquo. En vérité la proposition consistait à faire le trajet en moto, mais avec moi comme passager. Absolument ridicule. Faire 100 km à deux roues avec un pilote tenant mon gros sac à dos de 45 litres entre ses genoux et moi accroché à l’arrière avec dix kilos de matériel photo au dos, c’était parfaitement impensable.

Vint donc le moment de prendre le bus à Hué pour quitter la ville impériale, un matin vers neuf heures. Je vous évite la narration de l’indispensable transfert en xe om jusqu’au point de récupération du bus mais avec mon gros sac à dos, c’était une nouvelle première. Surtout que je l’avais gardé sur le dos et donné le petit au pilote. C’est une terrible erreur car j’avais du coup les abdominaux terriblement contractés pour éviter de ne pas basculer vers l’arrière. Je me retrouve donc déposé devant une agence de voyage en compagnie d’une grosse poignée d’autres routards.

DSC_5885_DxOAssez rapidement le bus arrive et en montant je constate qu’il s’agit d’un bus couchettes malgré le trajet entièrement diurne. On nous ordonne d’enlever nos chaussures et je progresse dans une des étroites allées nu pied jusqu’à une couchette supérieure qui me semble idéalement placée. Je m’installe comme je peux car, encore une fois, les dimensions ne sont pas idéales pour un européen, aussi moyen soit-il, surtout avec un petit sac à dos à caser quelque part. A part ça c’est assez confortable.

Nous récupérons un peu plus loin un nouveau paquet de gens vietnamiens ou touristes dont une bande de jeunes français du sud-ouest assez vocaux qui ont manifestement la gueule de bois et les intestins en purée. Ça promet. Des fois, on regrette de comprendre la conversation de nos voisins.

Le bus entame le trajet qui devrait durer quelques heures et je commence à observer le paysage, à l’affût dés que la route s’élève. Pour le moment on se contente de traverser les faubourgs de Hué donc ça ne s’élève pas des masses. Je transfert donc mon attention au bout d’une petite heure sur la suite des aventures de Dick Bolitho, maintenant capitaine d’un deux ponts (c’est qu’il n’arrête pas d’être promu le garçon). Encore une fois, la climatisation est mon ennemie. La température de la cabine chute et nombreux sont mes voisins qui comme moi tentent de se protéger du froid. Ça devient vraiment n’importe quoi surtout que je commence à avoir sérieusement mal aux fesses à cause de ma position un peu raccourcie. Bref, pour le confort, on repassera. Pour que l’ambiance soit encore plus parfaite, une de mes voisines écoute de la pop sirupeuse avec son téléphone portable.

Environ deux heures plus tard, où je tente de soulager mes fessiers, j’aperçois des reliefs côté terre et commence à recentrer mon attention sur le paysage. Je sens que ça va être de toute beauté d’autant plus que nous ne sommes pas très loin de la mer que nous apercevons par moment de l’autre côté. Je note avec un peu d’appréhension de gros nuages au dessus des montagnes et malheureusement assez rapidement le temps devient gris. La route s’élève mais le plafond est un peu bas. Néanmoins après un virage à droite, on aperçoit la ville de Da Nang en contrebas, sous les nuages et un petit crachin. C’est déjà pas mal surtout qu’elle est adossée aux montagnes, coupées en deux par les nuages bas, mais je sens que ce n’est pas les conditions idéales.

Nous redescendons donc dans la ville, un des ports principaux du Vietnam, et effectuons un arrêt pour déposer des gens. La pluie s’installe pour de bon. On repart et alors que nous sommes encore dans les faubourgs de la ville, les précipitations s’intensifient pour atteindre un régime tropical. Avec la climatisation à la température arctique, j’ai l’impression d’être un couillon en short et claquettes/ tongues / schlappe / slache / gougoune en plein automne écossais.

La dernière heure de trajet se fait dans les mêmes conditions météorologiques et je commence à me dire que ça ne va pas être simple d’effectuer les deux kilomètres de marche prévu entre l’arrêt de bus et mon hôtel. Ceci dit, ce sera l’occasion idéale de tester la fiabilité de mes sacs étanches. J’hésite.

Finalement, le bus pénètre dans Hoi An et nous lâche sur un terrain vague. Les conducteurs se précipitent dehors sous le déluge pour sortir les bagages de la soute pendant que chacun sort en remettant ses chaussures. Je récupère mon gros sac à dos maintenant plein de boue vu qu’il a été négligemment jeté à même le terrain vague et me le jette sur le dos. Ma décision est prise et je sens que je prend un risque vital.

Je me dirige hâtivement vers un groupe de xe oms sous le relatif abris d’un arbre. L’un des deux s’avance vers moi : « Motobaïque ? ».
– Yes, yes. How much for this hotel ?, lui demande-je en montrant l’adresse.
– 40.
– What ?!
– Yes, rain, dangerous.
– Ok, ok. Go.

Oui, je me sens pas trop de négocier car chaque minute d’attente ajoute environ un kilo d’eau à mon barda. Je lui donne donc mon gros sac à dos de 45 litres pour qu’il puisse se le mettre où il veut et m’éviter une deuxième session de crunchs abdominaux. Je m’installe rapidement à l’arrière, met le casque fourni et lui lance le « Go ! » pour lui signifier qu’il peut envoyer les gaz quand il veut.

Franchement, je crois qu’il y a rien de tel qu’un danger mortel pour se sentir incroyablement vivant. Zigzaguer dans le trafic, certes réduit, mais présent de Hoi An sous un déluge de pluie qui vous gifle le visage, en s’agrippant à une petite poignée métallique, ça a quelque chose de vraiment intense. A vrai dire je n’ai pas remarqué de différence notable entre la conduite de xe om sur la pluie ou sur le sec. En plus je crois bien que j’ai rigolé à un moment donné quand une autre mobylette était à notre hauteur, le pilote également crispé et penché en avant pour s’éviter un maximum de pluie. On s’est regardé tout les deux et on s’est bien marré. Qui plus est, j’ai atteint mon hôtel vivant, mais trempé jusqu’à l’os.

Pour le col des Nuages s’est un peu raté mais je ne regrette absolument pas de ne pas l’avoir fait en moto. Et je vous laisse avec cette superbe double négation.