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Un tour de l’île

Il faut que je vous avoue un truc, j’ai eu le privilège quand j’étais petit de séjourner dans des îles paradisiaques. Je vous fait croire que je découvre cette expérience, alors qu’il n’en est absolument rien. A l’époque où je fréquentais les filles de consuls de pays moyennement orientaux, mes parents avaient pour habitude de revenir mollement vers la France pour les fêtes de fin d’année. Je dit mollement car nous en profitions généralement pour faire quelques escales et découvrir de nouveaux pays. C’est lors de deux de ces occasions que j’ai pu passer quelques temps aux Seychelles (Océan Indien) et à Hawaï (Océan Pacifique pour les personnes atteintes de déficiences géographique). Donc, côté île paradisiaque, ça va, ha ha ha, j’commence à connaître.

L’île de Rarotonga, et bien, elle est beaucoup plus modeste. A l’origine, lorsque je planifiai mon tour du monde, je souhaitai m’arrêter aux îles Samoa, histoire de profiter d’une île polynésienne loin des sentiers hyper touristiques, tel que je les imagine à Tahiti ou Bora Bora. Malheureusement, les Samoas, c’est tellement en dehors des sentiers hyper touristiques que c’est extrêmement cher pour y aller, à moins d’y aller à la nage ou à la rame. C’est donc Elodie de l’agence de voyage à Londres qui m’a suggéré plutôt les îles Cook. J’ai du lui répondre un truc du genre « C’est où ça ? ».

L’archipel des îles Cook est vaste. Il est constitué de deux grosses poignées d’îles formant en réalité deux archipels, nord et sud, distants de 600 km entre l’île la plus au nord de l’archipel sud et l’île la plus au sud de l’archipel nord. Je vous laisse quelques secondes pour bien comprendre cette phrase. Chaque archipel est lui même extrêmement vaste, au moins 1000km d’est en ouest. Ce doit être un casse-tête administratif car la capitale du pays, Avarua, se trouve sur l’île de Rarontonga (ta-tsoin, là où je me trouve) grossièrement quasiment au sud de l’archipel du sud. Je vous donne encore quelques secondes.

DSC_8189_DxOAfin de vous éviter de pénibles lectures de Wikipédia, sachez que l’île fait une trentaine de kilomètres de circonférence. Ce n’est pas énorme. Dis autrement, pour les moins calés en mathématiques niveau 4ème, son diamètre est d’à peu près 10 km. Ce n’est pas l’Australie. C’est une île volcanique, comme il est très aisé de le constater en tournant le dos à la mer. Des très jolis monts acérés couverts de jungle accrochent les nuages, le plus haut culminant à 650m. Vous pensez bien que la quasi-totalité de la population vit sur le mince anneau côtier.

En ce qui concerne cette capitale, Avarua, je n’ose employer le mot « ville » pour cette bourgade qui regroupe, à tout casser, à peine 5500 habitants pour la plupart dispersés dans des maisons. Le centre ville est assimilable au kilomètre et demi de route circulaire qui la traverse ajouté de deux ou trois petites rues perpendiculaires.

DSC_8186_DxOEn dehors de cette agglomération, quelques villages sans aucun centre se dispersent tout autour de l’île. Qu’y a t’il entre, alors ? Et bien la même chose. Lorsqu’on parcourt cette route circulaire en bus, en vélo ou en scooter (votre serviteur n’ayant utilisé que les deux premiers) il est très difficile de savoir où commence un village ni où il se termine. Des maisons, magasins, églises ou écoles se rangent gentiment de part et d’autre avec de larges espaces entre chacun. A certains endroits, le côté maritime est dénué de toute habitation et la route longe alors directement la plage.

DSC_8237_DxOA intervalles réguliers, des petites routes perpendiculaires s’enfoncent dans les terre et mènent à une série de routes parallèles à la côte forment une deuxième voie de circulation secondaire autour de l’île. Pour m’y être enfoncé à vélo, c’est par là que l’on trouve les quelques plantations, vergers et exploitations agricoles de l’île. Mais c’est surtout dans cette bande de terre que se logent les habitants dans des maisons de divers tailles et qualité munies d’un jardin.

Comme vous vous en doutez, la côte est réservée principalement aux hôtels et restaurants. En disant cela, je ne voudrais surtout pas vous donner une fausse image de l’île. Elle est très loin d’être surexploitée touristiquement parlant. Il y a certes un grand nombre d’établissements mais ils sont relativement espacés, modestes et discrets (tout étant relatif, bien entendu). D’ailleurs en de DSC_8205_DxOnombreux endroits, la plage est accessible sans soucis directement de la route et n’est jamais privatisée. Voilà un bon point pour les rarotongiens.

Comme je suis un peu masochiste, je suis allé fouiner avec mon vélo rouillé gracieusement offert par le Muri Beach Resort vers l’intérieur de l’île. Assez rapidement les routes s’élèvent. Je réitère d’ailleurs mon avertissement. La route principale de l’île a la taille d’une départementale donc toute route secondaire est du niveau cantonal. Celles-ci serpentent tranquillement au fond d’étroits vallons à la dense végétation, avant de se transformer en larges chemins de terre. On y croise d’ailleurs toujours des habitations mais aussi des ruisseaux qui alimentent l’île en eau potable. Bien entendu, ces petites routes se terminent en cul de sac. Au delà, c’est la jungle.

Revenons sur la côte. L’air est plus vif, 27°C au lieu de 27,5°C. On ne tarde pas à constater, surtout si on se tape l’heure de bus circum-insulaire, qu’en plus de ses nombreux hôtels, DSC_8161_DxORarotonga héberge quasiment une égale quantité d’églises de toutes sortes et de toute foi, à condition qu’elle soit chrétienne. Une discussion que j’aurai plus tard avec un insulaire (je vous narrerai cela dans un prochain billet) m’apprend que les habitants sont extrêmement croyants et ouverts aux religions. Ceci dit, encore une fois, il s’agit pour l’essentiel de religions chrétiennes (y compris baptistes, pentecôtistes et même mormons). Pour une population totale de 15000, ça fait une sacré offre religieuse. Le dimanche, c’est donc l’occasion d’assister au sublime clash esthétique entre des rarotongiens qui ont troqués leurs tongues / schlappes / gougounes / claquettes, t-shirt et shorts pour des habits de villes en blanc et noir, et les quelques touristes en couleurs criardes doigts de pieds et jambes à l’air venu regarder de loin.

Fort heureusement, le rarotongien, pour peu que j’ai pu l’étudier, est bien sympathique. Voilà une belle généralité, me direz vous. C’est vrai mais il faut bien l’avouer, la plupart des gens sont souriants (pas autant que mes vietnamiens, tout de même), nonchalants et particulièrement biens nourris. Ça, question bouffe, on ne doit pas mourir de faim là bas. D’ailleurs, en parlant des habitants, je viens d’être frappé par un fait étonnant. On y rencontre très peu de commerçants indiens, pourtant promptes à s’installer partout, ou de kebabs turques. C’est pour vous dire comme ce n’est pas non plus hyper connu. J’ai juste croisé trois personnes d’origine d’Asie du sud est (Chine ou Vietnam, je ne saurai conclure) qui tenaient la petite échoppe de tailleur où j’ai fait retailler un pantalon acheté à l’arrache à Auckland.

Tout ça pour conclure que Rarontonga, bien que touristique, surtout vis à vis des néo-zélandais et dans une moindre mesure vis à vis des australiens, l’île reste sympathique. J’appellerai ça du tourisme de masse nonchalant, si vous voyez à peu près où je veux en venir. Et puis, si vous êtes fans de liturgie chrétienne, vous allez vous régaler.

Jour de marché

Pour ceux qui auraient raté un épisode, je me trouve actuellement au 21° parallèle sud (soit quasiment directement sur le tropique du Capricorne) et au 159° longitude ouest (soit pas très très loin de la ligne de changement de date). Il est bon parfois de rappeler que la Terre est une sphère et que je ne suis pas loin de me retrouver à l’opposé de mon point de départ.

Ce matin, je me lève frais, dispo et bien loin de ces considérations astronomiques dans ma grande chambre temporaire. J’ai la matinée de libre avant que la gérante du Paradise Inn vienne de nouveau me récupérer pour me transporter vers l’hôtel où je resterai définitivement. Enfin, jusqu’à mon nouveau départ en avion, malheureusement.

Aujourd’hui, c’est exceptionnel car c’est le jour du marché à Avarua, la bourgade principale de l’île. En tout cas, c’est ce que me vante Trip Advisor et la gérante du Paradise Inn. Je reprend donc le bus, cette fois ci dans le sens anti-horaire, et descend vingt minutes plus tard en compagnie d’une petite douzaines d’autres touristes à l’arrêt du marché. Cette fois-ci je tombe sur un chauffeur beaucoup plus taciturne.

Le marché d’Avarua, c’est un grand terrain vague entre la route et la mer occupé par des cahutes permanentes en bois. Imaginez un marché de Noël en plein été, tout en longueur, aux cabanes beaucoup plus aérées et vous aurez une bonne idée de la nature du lieu. On y croise en majorité des touristes reconnaissables à leur peau cramoisie bien qu’il attire également des gens du coin pour le côté « fête au village ». En sortant du bus, je parcourt en premier une série d’étals de fruits et légumes, certains m’étant totalement inconnus. Plus loin, un grand nombre de commerçants proposent des paréos ou des babioles pseudo-artisanales. Au centre, une estrade couverte abrite une petite animation musicale autour de jeunes filles dansantes. Autour, quelques autres personnes proposent de quoi manger sous la forme de hot-dogs, fish’n’chips et brochettes de bœuf ou poulet. Je craque pour les derniers. L’ambiance est plutôt souriante et carrément détendu.

Je suis toujours autant estomaqué par la quantité de vendeurs d’habits, ici surtout représentés par des paréos et des t-shirts aux couleurs saturées. J’ai la désagréable sensation d’un marché très orienté vers le touriste de base. C’est bien dommage car je suis à la recherche d’un étal de poissonnerie. La gérante du Paradise Inn m’a vanté le poisson local, frais et peu cher, notamment du thon de la meilleure qualité (manifestement pas en voie d’extinction, ici) et le mahi-mahi, un gros poisson tropical. De ce côté-ci, c’est choux blanc.

Après avoir atteint l’autre extrémité du marché, je retourne aux vendeurs de fruits et légumes. Il est certes sympathique ce marché, mais on ne peut pas dire qu’il soit extrêmement varié. Finalement, j’achète quelques petites oranges mais surtout des patates douces locales, les fameuses kumaras emportées par les premiers colons maoris. Longues et un peu tordues, elles ont la chaire rosée. Ce sera une première expérience culinaire.

DSC_8190_DxOJe repart à pied vers le Paradise Inn en traversant Avarua, le long de la mer. C’est vraiment tout petit et le centre ville se résume à quelques magasins, restaurants ou bars ainsi que deux ou trois bâtiments officiels. L’agglomération est tout en longueur, comme partout sur l’île, les reliefs étant très montagneux et couverts d’une dense végétation.

Je rejoint de nouveau ce qui aurait du être mon hôtel et retrouve la gérante à l’accueil. Elle est marrante car elle est totalement dans le rythme insulaire tout en donnant l’impression d’être stressée. J’attends donc quelques minutes qu’elle finisse ses occupations en cours avant que l’on monte, de nouveau avec son chien, dans sa petite voiture japonaise.

« Ça vous dérange, Oliver, si je passe acheter du poulet pour midi ?

  • Euh, non. Pas du tout.

Décidément, il n’y a pas de formalités ici. On repart donc en direction du centre d’Avarua pour se garer deux ou trois minutes plus tard devant le CITC Shopping Center, le petit supermarché du centre ville. Je l’accompagne à l’intérieur et la suit jusqu’au rayon rôtisserie. Elle finit par me convaincre et je prend également un volaille rôtie. Tant que j’y suis, je fait également quelques autres petites courses pour la semaine, sel, poivre, etc. C’est l’occasion de constater que la majorité des produits proviennent de Nouvelle-Zélande, notamment la viande congelée et même certains fruits et légumes.

Après avoir payé à la caisse, je retrouve la gérante et, alors que nous repartons en voiture, je l’interroge sur le peu de produits locaux. D’après elle, la majorité des fruits, légumes et viandes locales sont produits directement par les familles sur leurs terres. Ils sont donc destinés à la consommation des ménages et non pas à la vente. Seule une petite proportion se retrouve en vente sur le marché. La plupart des familles élèvent des poules et possèdent quelques porcs. Dans la foulée, elle me déconseille le poulet local, à la chaire trop ferme. D’ailleurs, nos poulets rôtis son néo-zélandais.

En continuant de discuter autour de l’argent, elle m’apprend également que les îles Cook bénéficient du niveau de vie le plus élevé des îles polynésienne. Voilà, qui me surprend. En même temps, il est vrai que les locaux que je croise m’ont l’air heureux et sains. Ce n’est pas non plus Dubaï mais j’ai la première impression d’une île paisible et humblement prospère. Nous en venons à parler de Tahiti, la plus grande île polynésienne (après la Nouvelle-Zélande). Une de ses amies tahitienne, installée à Rarotonga depuis quelques années, est repartie dans son île natale, le coût de la vie y ayant sérieusement chuté. J’étais resté sur l’image d’une île hors de prix, notamment à Papeete. Il semblerait que ce ne soit plus le cas. Ça mériterait d’être approfondi.

Enfin, après un nouveau quart de tour de l’île, nous nous arrêtons au Muri Beach Resort. A l’accueil, elle me présente à l’employée qui me confirme que tout est arrangé. Je sert la main à mon ancienne gérante qui s’excuse une nouvelle fois de son erreur. Non, non, ce n’est rien.

C’est vrai. Ce n’est rien, surtout lorsque je vois sur quoi je suis tombé. C’est carrément beaucoup plus sympa.