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Road to Mt. Shasta

Pour vous remettre dans le contexte, je vous rappelle que je viens de proposer à une petite suissesse légèrement baba-cool de l’amener du côté de Mount Shasta pour qu’elle puisse rejoindre sa bande d’ami dans un Rainbow Gathering, une sorte de communauté hippie improvisée. De toute façon, c’est sur mon chemin car, moi, j’y vais à Mount Shasta. Nous nous mettons donc d’accord pour se retrouver au Redwood Lily guesthouse juste après midi. Chacun part vaquer à ses occupations en attendant, notamment moi qui fait le tour du marché et du CoOp d’Arcata pour acheter de quoi manger.

DSC_8495_DxOEn vacance, pas de violence. N’empêche que parfois, on se tape sur les doigts de ne pas s’appliquer une rigueur organisationnelle quasiment indispensable lorsqu’il s’agit de coordonner plus d’une personne. Je reviens donc à la guesthouse peut après midi et part à la recherche de Sabita. Elle n’est pas là mais, pas de panique, l’heure de rendez vous est assez lâche. Je me pose donc dans un des confortables fauteuils pour reprendre les aventures de Dick Bolitho, quelque part en méditerranée en pleine guerre napoléonienne. Une heure plus tard, je commence un peu à trouver le temps long, mais sans m’agacer pour autant.

C’est finalement peu après 14h que la jeune suissesse retourne à la guesthouse. Entre temps, Christine, la new yorkaise croisée au petit-déjeuner, avait parvenu à la joindre sur son portable pour s’enquérir en mon nom de son retard. Malgré cela, je ne parviens pas à être énervé ou en colère. Après tout, on est dans une atmosphère peace & love, ici, sans parler de mon manque de précision dans les consignes : after noon (après midi), c’est un peu vague et peut tout aussi bien dire juste après 12h que quelque part vers 14h-15h. Ça m’apprendra à ne pas être ferme.

J’attends encore un peu que Sabita rassemble ses multiples sacs, ses affaires ayant depuis longtemps débordés de son sac à dos d’origine, puis finalement, nous chargeons la voiture et quittons Arcata. Le temps frais et gris ne fait rien pour nous retenir.

La route pour Mount Shasta fait environ 350km mais c’est sans compter sur les limitations de vitesses américaines. En même temps, nous ne sommes pas vraiment pressé et la seule limite que je me donne est d’arriver à Mount Shasta avant la tombée de la nuit. D’ailleurs, de manière assez comique, ce motel se trouve dans la petite bourgade de Weed, au nord du volcan. On est en plein dans l’esprit flower power. Cette route commence par tracer complètement à l’est par dessus la chaine de montagne côtière pour rejoindre la ville de Redding, avant de repiquer au nord pour le dernier tiers du parcours.

DSC_8493_DxOCette première portion traverse donc la chaine de moyenne montagne qui borde toute la Californie. De manière assez spectaculaire, une fois passé un col, nous quittons les nuages pour plonger dans le soleil. En se retournant, une longue et basse langue nuageuse se déverse mollement du côté Pacifique vers la vallée ensoleillée. La température est à l’avenant, estivale avec un vent chaud surprenant mais bienvenu. On finira le restant de la route jusqu’à Redding les fenêtres entrouvertes profitant de cet air sec et chaud.

Inutile de préciser que tout ce trajet est l’occasion de papoter avec Sabita, rouquine aux cheveux longs dans un accoutrement baba-cool, et de discuter de voyages. A l’origine venant de Zurich elle a déjà pas mal voyagé malgré ses 25 ans, environ, toujours en mode routard mais souvent avec des amis, parfois en faisant du stop. Elle n’est pas totalement inconsciente mais, encore une fois, les angoisses des uns ne sont pas forcément celles des autres. Deux européens aux Etats-Unis, on partage le même sentiment de vide lorsqu’on traverse les petites bourgades sans charme le long de la route.

Autre point commun, il s’avère que Sabita a passé quelques mois à Auroville, la communauté utopique à proximité de Pondichéry, en tant que visiteur extérieur. Contrairement à moi, elle a pu côtoyer la communauté et surtout, pénétrer dans le saint des saints, le Matrimandir (coup de tonnerre). Souvenez-vous, le Matrimandir (tataaaaa!) c’est le gros bâtiment en forme de boule au milieu du village qui contient une salle de méditation. Je m’en étais fait tout un mystère avant que Sabita m’annonce avec nonchalance y avoir effectué une séance de méditation, elle la non-initiée. Finalement, on y rentre comme dans un moulin. Bravo le mystère! Ceci dit, elle avoue que bien que l’ambiance soit très internationale et agréable il y a une légère séparation entre les gens de la communauté et ceux de l’extérieur. Aaaah, c’est quand même un peu mystérieux alors.

DSC_8496_DxOC’est finalement vers les 18h que nous pénétrons dans la ville de Mount Shasta, au pied du volcan. Sabita tente de me guider vers son point de rendez-vous en suivant les indications laissées par ses amis. Nous roulons pendant une demi-heure en s’éloignant de la ville, en longeant un lac bordé d’une forêt de pins. On s’arrête et la suissesse part interroger les rares personnes rencontrés. La Rainbow Gathering est encore plus loin, encore plus isolée au milieu de la forêt. J’avoue être à la fois curieux de connaître ça mais à la fois pressé de me poser au motel après quatre heures de route.

Finalement, nous repérons un bus délabré garé sur le côté au milieu d’un endroit dégagé. Quelques personnes à l’aspect débraillé et dreadlocks sont assises sur le toit. Sabita descend et part à leur rencontre. C’est confirmé, c’est bien ici. Le campement est encore plus loin à pied dans la forêt. Elle me propose de venir boire une bière avec ses amis. J’hésite. Ce n’est pas tout les jours que l’on peut assister à une fête hippie au 21ème siècle. Lâchement et de manière un peu casanière, je décide de décliner en laissant la porte ouverte pour passer une autre fois. Je compte rester deux jours dans les parages pour randonner et aurait donc le temps.

Finalement, je ne reviendrai jamais, faute de motivation. Avec la fête de village en Inde, je suis sur que ce sera quelque chose que je regretterai plus tard.

Redwood Lily Guesthouse

Avertissement préalable pour les personnes malentendantes ou dénuées de hauts-parleurs: ce billet est sonore. Accessoirement, il devrait également avoir l’odeur du chanvre, de la poussière et d’une douce lumière matinale filtrant à travers des vitres ouvragées. Mais ça, c’est beaucoup plus difficile à rendre.

Je dois bien avouer que, pour certains aspects, je commence à apprécier le principe des auberges de jeunesse, notamment l’espace commun et la cuisine, où il est facile de croiser des gens. De plus, les personnes qu’on y trouve sont souvent dans un état d’esprit plus ouvert qu’à l’hôtel où chacun, y compris moi, finalement, reste dans sa bulle.

Pour m’héberger à Arcata, je suis donc parti à la recherche sur booking.com, un de mes sites de base lors de ce demi-tour du monde, pour rapidement me rendre compte que l’offre en la matière d’auberge était inexistant. Seuls quelques motels ou hotels aux tarifs plus conséquents étaient disponibles. Je me replie sur le site de couchsurfing, espérant trouver quelques plans, bien que la destination ne soit pas commune. Rapidement, je tombe sur le billet d’un couchsurfeur parlant d’une sorte d’auberge maison d’hôte écologique venant de se créer, le Redwood Lily guesthouse.

La chose est effectivement récent puisqu’aucun site web n’existe hormis une courte page Facebook où je trouve un numéro de téléphone. Quelques minutes de conversation téléphonique plus tard, je viens de réserver trois nuits en chambre individuelle pour un tarif à mi-chemin entre un hôtel et une auberge de jeunesse.

Le Redwood Lily guesthouse, c’est une maison de style victorien en bois, typique d’Arcata, restaurée depuis quelques mois, transformée en lieu de résidence. Les réservations, l’entretien et les travaux de restauration en cours sont effectués par des bénévoles ainsi que par deux étudiants de l’université d’Humboldt, logés à plein temps ici en contrepartie. L’intérieur est extrêmement chaleureux, meublé en bois, avec un grand et petit salon commun ainsi que la cuisine où chacun peut se préparer un repas. L’ensemble est construit et entretenu dans un esprit de développement durable, servant également de base d’expérimentation pour les étudiants d’Humboldt. Je vous invite à aller voir leur site web (nouvellement créer) pour avoir quelques images.

A mon arrivée, on m’octroie un des trois lits « alcôves » situés sur le palier du premier étage, à côté d’un étudiant chinois et d’une jeune femme mutique. Pour ce qui est de la chambre individuelle, c’est raté. Le prix, du coup, devient un peu excessif, payable uniquement en liquide. Il doit y avoir en tout une petite dizaine de pensionnaires dont quelques uns qui campent dans le jardin. Je discute un peu avec un des deux étudiants résidant qui gère l’endroit, pour le compte de la véritable propriétaire que j’aperçois de loin le lendemain.

Je croise les autres résidents avec un sourire poli et un calme « hi ». Bizarrement, chacun est un peu sur sa réserve, notamment moi, un peu échaudé pour le coup du lit en alcôve à 40$ la nuit, hormis un petit groupe de jeunes que j’écoute d’une oreille distraite discuter dans la cuisine. Tout ce monde semble être à mi-chemin entre un mode hippie et touriste difficile à trancher, surtout que je découvre qu’une partie des gens que je croise sont également des bénévoles travaillant en journée sur le chantier. Ceci dit, la population est encore plus variée qu’en auberge de jeunesse, allant d’une vingtaine d’année à la soixantaine pour deux des pensionnaires.

C’est finalement, le deuxième matin, alors que j’avais décidé de quitter Arcata une journée plus tôt (je crois que le temps gris commençait à me taper sur le système), que j’ai véritablement fait connaissance. Dans la cuisine, alors que je mâchonnait mon sandwich pain fromage tout en profitant du café gracieusement mis à disposition, je fus rejoint par une des jeunes puis par une femme brune plus âgée. Je décide de briser la glace en demandant si l’une d’elle connait le temps nécessaire pour rejoindre en voiture le mont Shasta, un volcan plus à l’intérieur des terre.

Quelques minutes plus tard, nous papotons gentiment. La plus jeune, Sabita, une suissesse alémanique (encore une, c’est fou ça. Les seuls suisses que je croise sont allemands) rousse d’une petite vingtaine d’années est en ballade de plusieurs mois en mode routard en Californie. Christine, la brune d’une trentaine d’année est une new yorkaise pur jus effectuant un road trip en tente et voiture de location entre Portland (Oregon) et le nord de la Californie. Chacune a découvert la Redwood Lily guesthouse un peu comme moi, par hasard. Chacun raconte un peu ses aventures, le tour du monde faisant toujours un peu son petit effet.

Une demi-heure plus tard, une dame plus âgée, autour de la soixantaine, cheveux longs, entre dans la cuisine et se joint à la conversation. Tout doucement, elle dévie du sujet et parfois de manière presque incohérente insère des anecdotes de sa vie passée. A bout d’un certain temps, nul doute n’est permis, elle est un peu perchée, mais gentiment. Mes certitudes se confirment au fur et à mesure : c’est une ancienne hippie avec un passif pour ce qui est des drogues psychédéliques. Ne croyez pas que je sois choqué, pas du tout. Bien qu’un peu dérangeant au début (elle partait vraiment dans tout les sens, sautant du coq à l’âne) je suis rapidement captivé de rencontrer quelqu’un ayant vécu au cœur de la révolution des années 60-70 autour de San Francisco. De manière totalement nonchalante (mais sans doute sans innocence) elle nous glisse avoir vécu à Palo Alto (en plein cœur de l’actuelle Silicon Valley) dans les années soixante où elle avait profité des expériences d’un certain laboratoire de chimie de l’université de Stanford (ce qu’il faut comprendre comme ayant profité de LSD). Toujours aussi nonchalamment, elle nous parle de Jerry Garcia, guitariste décédé des Grateful Deads, croisé à ce moment là.

On a beau savoir qu’on est à deux relations de n’importe qui, rencontrer pour la première fois de ma vie quelqu’un ayant connu une des figures majeures du mouvement rock de San Francisco en pleine flower power, moi, ça me fait tout drôle. Par contre, je ne connais absolument pas leur musique, ce qui est totalement ridicule, je le concède. Rapidement, notre hippie monopolise la conversation. Il faut dire qu’on est tous un peu curieux et mine de rien, subjugués. A l’heure actuelle elle habite Hawaï et j’avoue n’avoir pas bien retenu ce qu’elle venait faire ici.

Pendant ce temps là, nous avons été rejoint par une cinquième personne, un homme émacié cheveux gris et mi-longs d’une bonne soixantaine également. Sans trop de difficulté je devine que c’est un ancien des années psychédéliques, bien qu’il ai beaucoup moins souffert que notre amie, intime de Jerry Garcia. On sent comme une certaine affinité entre eux, d’ailleurs. Notre homme, quand à lui, vient de Santa Barbara, juste au nord de Los Angeles ce qui ne manque pas de lui attirer une remarque de ma part. Je vous avoue que j’ai eu une période de mon adolescence où j’étais totalement accroc au « soap opera » « Santa Barbara », sorte de mélange entre « Dallas » et « Les Feux de l’Amour » totalement débile. Du coup, je ne peux résister à l’envie de lui expliquer qu’en France on ne connait Santa Barbara qu’à travers cette minable série télévisée, ce qui ne donne pas un aperçu très positif de l’endroit. Fort heureusement, il me détrompe. Santa Barbara, d’après lui, était jusque dans les années 80 un havre de la contre-culture, sorte d’Arcata du sud, si j’ai bien compris. Ce n’est que bien plus tard que de riches familles de Los Angeles y envoyèrent leurs riches rejetons y étudier dans l’université locale, pourrissant un peu l’atmosphère. Néanmoins, d’après lui, ça reste un endroit calme et libéral (au sens américain du terme, encore une fois). De la même manière, je ne me souviens plus ce qui l’a poussé à remonter plus au nord pour séjourner à Arcata.

C’est donc pendant une bonne heure autour d’un petit déjeuner presque commun, certains assis à la table et d’autres adossés aux buffets, que je découvre ces personnages étonnants. Pour vous dire à quel point l’ambiance était bonne, je fini par échanger mes coordonnées avec Christine, qui me propose de me sous louer son appartement pendant mon séjour final à New York mais également, je propose à Sabita de l’accompagner à Mount Shasta. Figurez-vous que cette petite suissesse souhaite participer à un « Rainbow Gathering», communauté éphémère, spontanée, baba-cool et alternative, justement en cours de réunion au pied du Mount Shasta. Qui a dit que les hippies et beatniks étaient morts?

Encore un peu plus et l’amie de Jerry Garcia nous proposait de l’herbe qui fait rire ou des pastilles qui font planer. Ce qui est un peu tôt pour le petit déjeuner. Sur ce, je vous laisse avec Jerry Garcia et sa bande. Il n’est jamais mal de replonger dans l’utopie de cet univers.

Arcata

Hey, bro !

Hey, dude !

Hare krishna, my friend.

Aujourd’hui, ce billet ne sera que paix et amour.

Ça fait bien longtemps que les hippies aux cheveux longs ont quitté San Francisco. Quelle tristesse, cette belle époque pleine de rêves et de promesses d’un monde de fraternité, totalement libéré de toutes ces contraintes bourgeoises (et hygiéniques diront quelques mauvaises langues). Non, tout ce joli monde s’est dispersé et je crois bien que je viens d’en retrouver un nid.

Arcata, c’est une petite commune au nord de l’état qui, à mon grand désarroi, n’est pas côtière. Pour le surf, c’est rappé. Elle se situe non loin de l’océan, certes, quelques minutes de voiture à tout casser, mais ce n’est pas pour autant qu’il faudrait la snober. Ce n’est pas un endroit au charme architectural fou (quoique) ni situé dans un environnement naturel exceptionnel (quoique, également).

Arcata, c’est un peu la petite bourgade étudiante et progressiste juste au nord d’Eureka, la ville moyenne du coin. Au sud, l’agglomération est bordée par des terres marécageuses et une petite baie connectée au Pacifique par un étroit passage. A l’est commencent les vastes forêts de redwood pines qui couvrent quasiment toutes les collines de cette partie des Etats-Unis.

DSC_8491_DxOVu de l’extérieur, la seule chose notable à Arcata est l’université d’Humboldt, université d’état qui avec ses huit milles étudiants sur les 17000 habitants que compte la ville peut être considéré comme le cœur de celle-ci. Géographiquement, le campus est légèrement en dehors du centre ville, de l’autre côté de la highway 101, même s’il est facilement accessible à pied. D’ailleurs attendez vous à croiser assez souvent le nom d’Humboldt dans les parages, le comté portant ce nom, ainsi que la baie au sud d’Arcata et le courant marin à l’ouest.

Non, au premier abord Arcata est extrêmement décevante. Mais il suffit de discuter un peu avec les gens et aller marcher dans le centre ville autour de la place centrale pour découvrir l’ambiance particulière du lieu. Mais avant cela, remarquez comme cette petite ville n’est pas totalement dénuée de charme avec ces rues perpendiculaires où sont plantés de jolies maisons DSC_8477_DxOen bois, sortes de « painted ladies » de plein pied, en divers états de conservation. Quelques unes abritent d’ailleurs, sans surprise des étudiants. Ces rues perpendiculaires sont d’ailleurs assez amusantes car ici, le schéma de numérotation à la New Yorkaise a été porté à l’extrême. Les rues courant d’est en ouest sont numérotées de 1 à 18 alors que celles du nord au sud portent des lettres dans l’ordre alphabétique de A à Q. Rien de plus simple pour s’y retrouver même si, lorsqu’on s’éloigne de la place centrale, ce schéma est abandonné au profit de noms de rues plus classiques.

Mais revenons plus particulièrement sur ce qui fait vraiment le charme de l’endroit, les gens et l’atmosphère. En plus d’une nonchalante ambiance étudiante (totalement à l’opposé de l’ambiance oppressante et traditionnelle de Cluny, pour ceux qui connaissent), la ville annonce avec fierté ses valeurs libérales progressistes, ici selon le sens donné par les américains que l’on pourrait traduire très grossièrement en français de manière caricaturale et approximative par « de gauche ». C’est d’ailleurs étonnant de voir comme ce terme « libéral » peut avoir un sens totalement contraire dans l’héxagone et aux Etats-Unis. C’est encore une fois une histoire de poule et d’oeuf que j’ai la fainéantise d’aller creuser sur Wikipédia. Est-ce à cause de nombreux migrants progressistes ou est-ce parce que la ville l’a toujours été qu’elle a attiré des gens de pensée similaire ? Je suppose que la présence de l’université n’est pas totalement étrangère à cet état de fait.

Il est temps que je vous donne des preuves de ce soit-disant état d’esprit libertaire qui règne ici. Déjà, il faut être un peu aveugle pour ne pas remarquer un nombre important de soixantenaires chevelus aux robes multicolores ou aux jeans usagers. Ceux là sont certainement des anciens d’Haight-Ashbury et consort. Parmi les plus jeunes (mais pas que), ont note également une proportion appréciable de porteurs de dreadlocks. Il y a même des joueurs de djembé au milieu de la place centrale, signe irréfutable d’une jeunesse qui fume autre chose que du tabac (oui, car la Californie autorise l’usage de cannabis pour des fins médicinales).

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DSC_8487_DxOJeudi, jour de marché sur la place centrale, vous noterez sans difficulté que la quasi-totalité des marchands arborent une voir plusieurs mentions « organic » (ce qui se traduit par bio, je vous le rappel) ou « locally grown » (ce qui se traduit par produits localement) sur les panneaux vantant leur marchandise. Je sais bien que l’habit ne fait pas le moine, mais ici, point d’habits bourgeois (ou si peu) mais plutôt de pratiques vêtements techniques ou de jeans passe-partout. En plus, pour signifier à quel point cette charmante bourgade est également rock’n’roll, un groupe live est chargé de mettre l’ambiance malgré un ciel bas. Aujourd’hui, le bon vieux blues râpeux de « Lizzy and the Moonbeams ». On est loin du bal musette de « Raymond et son accordéon ».

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En allant faire mes courses le lendemain, je décide d’aller faire un tour au supermarché local. Je sais, c’est mal sans parler que c’est bizarre de faire du tourisme dans un supermarché, mais c’est drôlement instructif. Le « North Coast CoOp » en dit long sur l’atmosphère de la ville. Imaginez un DSC_8492_DxOsupermarché grand comme il faut, sympathique, où on vous fournit des cartons d’emballages usagés pour emporter vos courses, où la quasi-totalité des produits sont estampillés « organic », où un immense rayon propose farines, céréales, huiles et fruits secs au kilo, sans packaging, un autre des produits d’aromathérapie (le soin par les odeurs?), et où surtout les papiers toilettes proposés sont exclusivement en papier recyclé et même vendus au rouleau dans des packaging en papier 100% sans plastique. En sortant de là, j’avais envie de prendre les clients dans mes bras ou d’embrasser les vendeuses, chose qui ne m’arrive jamais en France, peut-être aussi à cause de l’absence de musique débile. Bon, parce que personne n’est parfait, il y a bien quelques pickups et vans sur le parking, mais conduit par de jeunes hommes en bonnet péruvien ou un vieux monsieur en salopette.

DSC_8473_DxOMais ce n’est pas fini. A Arcata (superbe allitération), il y a également un cinéma art et essai ainsi qu’un petit théâtre. Pour finir, je ne sais pas s’ils ont fait ça spécialement pour moi, mais le dernier soir où j’y suis resté, autour de la place centrale, c’était la grande soirée magasins ouverts jusqu’à 21h. Attendez, ne partez pas, si ce n’était que ça, mais non. Déjà je ne vous parle pas de magasins internationaux style Gap ou Zara mais de petites échoppes locales. De plus, non seulement tout le monde était dans la rue en papotant mais chaque magasin avait pour l’occasion embauché un groupe de musique live pour animer. ÇA c’est génial. C’est quand même autre chose que « Nature et Découverte » laissant son magasin ouvert en plein hiver en diffusant un CD de musique hypnotique ! Non ?

Il y avait même une camionette distribuant du thé chaud gratuit. Du coup, on déambule dans la rue, zappant de musique en musique, le tatoueur abritant un DJ et un chanteur de rap, le voisin hébergeant un quatuor à corde ou l’autre un groupe de jazz New Orleans. Du coup, fatalement, il y a également quelques autres groupes dans la rue, invités par la municipalité dont un qui s’est amusé à reprendre quelques bons standards du rock bien énergiques. C’est d’ailleurs en commençant par eux que je me suis dit que c’était drôlement sympa ici. Mais c’était avant de plonger dans l’ambiance festive, malgré une soirée fraiche.

Arcata, je n’y suis pas resté si longtemps que ça (deux jours, à peine), la faute à la météo, à l’envie de bouger et d’autres paramètres plus difficiles à cerner. Mais, Arcata, en partant, je me suis dit, c’est les Etats-Unis qu’on aime aimer.

Côte Pacifique

Je suis invariablement attiré par la côte. Je ne dois pas être le seul, notez. Alors, quand je me suis rendu compte (assez tôt, il faut bien le dire) que le logement à San Francisco allez sérieusement greffer mon budget, j’ai décidé de partir voir ailleurs pendant une petite semaine si l’herbe est moins chère. Parce que j’ai n’ai aucune logique ni cohérence en vacance, je réserve donc une voiture de location (encore, c’est bien dommage) pour le prix de trois jours d’auberge de jeunesse sans compter l’essence, histoire d’avoir un maximum de liberté. Au niveau budget, je ne suis pas sur que la décision était plus sage.

Derrière tout cela, il y a également une autre motivation, autre que financière. C’est surtout que je meurt d’envie de découvrir le nord de la Californie. Lors de ma précédente visite à San Francisco il y a quelques années, au moment de l’approche, j’ai pu apercevoir dans un magnifique soleil déclinant un volcan solitaire au nord, cône magnifique tel la Montagne du Destin du Mordor. Vu mon échec à en apercevoir un en Nouvelle-Zélande, j’étais bien motivé pour aller voir cela de plus près. Mais, figurez-vous, que ce n’est toujours pas ma motivation principale. Non, en réalité, je veux aller voir de mes propres yeux la côté déchiquetée du nord de la Californie, là où se situe l’action du film « Les Goonies », chef d’oeuvre du 7ème art par Steven Spielberg. Je rêve de me poser dans une petite ville côtière adossée à de sombres collines boisées et prendre des leçons de surf pendant quelques jours, en partant pendant mes heures de repos à la recherche de trésors perdus avec les gamins oisifs du coin.

Après quelques recherches sur Google, je note la petite ville d’Arcata. Il semblerait que ce soit une des villes les plus agréables à vivre de la Californie, située sur la côte, plus ou moins aux deux DSC_8375_DxOtiers de la distance qui sépare San Francisco de l’Oregon. A part cela, je n’ai aucune idée des paysages à traverser. Je récupère donc ma voiture de location et traverse San Francisco puis le Golden Gate Bridge. De l’autre côté, on rentre dans le comté de Marin, tout de suite beaucoup plus sauvage et c’est d’ailleurs ça qui est génial avec la ville, sa proximité avec une nature protégée.

Après une petite demi-heure où je tourne en rond dans le Golden Gate National Recreation Area, la zone préservée au nord du pont, à la recherche d’une route côtière qui n’existe pas, je rejoint la highway 1, la route qui parcourt toute la Californie du nord au sud en suivant l’océan. Ce doit d’ailleurs être une des routes les plus spectaculaires à faire des Etats-Unis, notamment pour sa portion au sud de Monterey où, pendant une centaine de kilomètres on emprunte la zone montagneuse et sauvage de Big Sur.

DSC_8378_DxORapidement, je me trouve sur une route tranquille, croisant un nombre relativement réduit d’autres véhicules. La portion de route au nord de San Francisco s’avère être relativement montagneuse et très similaire à Big Sur. C’est sauvage avec de nombreuses petites criques et plages où parfois quelques surfeurs tentent de pratiquer leur art entre les rochers et récifs. Le soleil perce parfois à travers la brume habituelle qui remonte du Pacifique.

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DSC_8390_DxOProgressivement le paysage se transforme légèrement, abandonnant les montagnes plongeant directement dans l’eau pour des collines plus douces couvertes de pins sombres, les fameux redwood californiens. Je croise épisodiquement des petites bourgades tranquilles aux maisons et bâtiments en bois. On est vraiment très loin de la surpopulation. Je m’arrête à une de ces petites villes pour faire des courses dans une épicerie. L’ambiance est assez écolo avec de nombreux produits « organiques » ou locaux, très loin de l’image de bouseux américain tel qu’on pourrait l’imaginer dans l’arrière pays. Cette ambiance écolo-progressiste est renforcée lorsque j’allume la radio. Un rapide balayage du spectre ne révèle qu’une seule station, NPR, National Public Radio, une sorte de France Culture au statut de droit privé, mais à but non DSC_8388_DxOlucratif. L’émission en court a pour thème l’écologie et le développement durable avec des présentateurs à la voie douce et au débit mesuré. Ça tranche avec les radios hurlantes et frénétiques de San Francisco ! Je me laisse porté par le débat en suivant la double marque jaune de la route sinueuse, l’océan à ma gauche et les pins à ma droite.

Ces rares petites lieux que je croise répondent au nom de Bodega Bay, Mendocino, Fort Bragg ou Fort Ross. Je découvre avec étonnement dans ce dernier lieu que ce fut une colonie Russe, abandonnée aux américains au milieu du 19ème siècle. D’ailleurs, je viens de découvrir sur internet qu’il y subsiste une église orthodoxe en bois de cette époque. Qui a dit qu’il n’y avait pas de bâtiments anciens dans cet état?

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Finalement, je dois quitter la côte et rentrer dans les terres. La dernière portion jusqu’à Arcata est entièrement sauvage sur une centaine de kilomètres. En échange, je me plonge dans de sombres collines recouvertes de gigantesques pins. Avant de parler des Goonies, me voici presque dans un épisode d’X-Files. Il faut dire que le soleil commence à décliner, le trajet total faisant près de 400km. Je me résous donc à accélérer le pas et bascule sur l’autoroute 101 (celle là même qui traverse toute la Silicon Valley).

C’est finalement de nuit que je parvient à trouver mon hébergement à Arcata. Mais ça, ce sera pour un autre billet.