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Grampians

 

SILENCE !

Bien. Sur une feuille quadrillée format A4 orientée en paysage, dessinez une carte de l’Australie. Placez un point A ainsi qu’un point B respectivement aux emplacements de la ville d’Adélaïde, capitale de l’Australie Méridionale (et non l’Australie du Sud, comme je l’écrivais précédemment de manière fort naïve), et de Melbourne, capitale de l’état du Victoria (en hommage à la reine du même nom). Puis, tracez une ligne reliant le point A au point B. A l’aide de votre compas, déterminez le point C, milieu du segment AB. Au stylo vert, légendez : « Grampians National Park ». Parfait. Zoom avant.

Les Grampians, c’est fort joli. Voilà. Point. Fin du billet.

Non, non, non, rassurez vous, il y a des choses à dire et d’autres choses à montrer (même que, parfois, c’est les même choses). Les Grampians sont un massif montagneux dont l’origine m’est absolument inconnue. Par contre, d’aspect, cela pourrait évoquer, de loin, le Vercors ou le Dévoluy, c’est à dire des falaises d’un côté et une douce pente de l’autre. Ces montagnes ne sont pas très hautes, le point le plus haut étant juste en dessous de 1200m, mais comme me l’a répété si souvent monsieur Yves R., de Grenoble (anciennement de Chambéry, anciennement de Chalon, anciennement de Paris, anciennement de Peypin en Provence), ce n’est pas la hauteur qui compte, paraphrasant plus ou moins en cela un dicton populaire sur un tout autre sujet. Car, en effet, ce massif est posé, encore une fois, au milieu d’un vaste terrain plat à une altitude proche du niveau de la mer. Ce continent est un vaste terrain vague où les dieux s’amusent, je vous dit.

C’est d’ailleurs assez étonnant de constater que, contrairement à certains massifs de ma connaissance où de petites ondulations de terrain de plus en plus prononcées annoncent les reliefs principaux, ici ce sont de grosses collines, isolées au milieu de la plaine, qui s’en chargent. A l’est, l’une de ces montagnettes porte le nom pompeux de mont Ararat. Dans le futur, j’y monterai un jour d’orage. Sait-on jamais, j’y redescendrai peut être avec un nouveau code des impôts dicté par une déité. En tout cas, on y a une belle vue de la plaine tout autour et, si je n’avais pas ce foutu soleil dans les yeux, des fameux Grampians.

Revenons en, à ces Grampians. Le massif s’étend essentiellement du nord au sud (et vice versa) sur quasiment environ 70km et sur une largeur de 30 en son centre. Je part du principe que je m’adresse potentiellement à des fétichistes de la métrologie. Un petit village du nom de Hall’s Gap concentre la plupart des logements et centres d’informations du parc. Encore une fois, le manque d’ambition de certaines personnes me sidère. J’aurai personnellement appelé ce bled Hell’s Gap afin d’ajouter un peu de mystère et de dramaturgie à un lieu qui n’en a, par ailleurs, ni l’un ni l’autre.

DSC_7277_DxOMais cessons là les critiques car il y a en ce bourg quelque chose de vraiment charmant, où alors je ne m’y connais pas en choses qui sont meugnonnes. Les kangourous y sont foisonnants et fort sociables. C’est bien simple, ils ont pris la place des pigeons et broutent paisiblement l’herbe rase du camping à porté de coup de pied au derrière (ce que je ne tente pas, bien entendu). Il m’est avis qu’ils ne sont plus vraiment sauvages. En tout cas, c’est l’occasion d’observer leur démarche à deux vitesses, ridicule ou bondissante, et leur mignonne petite bouille quand ils veulent bien s’arrêter de bouffer cinq minutes. Voilà. Merci.

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En parlant de ridicule, je découvre dans ce camping de Hall’s Gap une nouvelle limite à l’étendue du glamping en Australie : trois familles en camping avec enfants qui installent la nuit un cinéma d’extérieur avec écran déroulant et lecteur DVD. Bon, certes, ce n’est pas plus ridicule que la télévision dans le camping car. C’est même vachement plus sociable. Mais enfin, c’est bien la première fois que je vois ça. Quand on dit que les voyages ouvrent l’esprit, en voici bien la preuve indéniable.

Détournons donc le regard de la vallée et prenons de la hauteur. De nombreuses randonnées sont facilement accessibles et indiquées. D’ailleurs, je suis toujours étonné de constater à quel point de nombreux pays (pour le moment j’appui cette théorie par quelques expériences en Ecosse, Québec et en Californie) aménagent leurs sentiers de randonnées grand publics. Ce sont quasiment des boulevards avec des escaliers bien ciselées en présence de la moindre difficulté. C’en est presque frustrant. Heureusement, le chemin est assez original, commençant par un chemin montant dans une forêt d’eucalyptus (pour changer), passant ensuite dans d’étroits défilés rocheux, canyons ou bien traversant des dalles de pierre.

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Dans ces défilés, l’eau coule à flot. J’en veux pour preuve, sceptiques, cet enregistrement:

En tout cas, une fois arrivé au point le plus haut, la vue est grandiose et dégagée (ce qui va souvent de pair. Je connais peu de vues grandioses et bouchées), comme vous pouvez le constater. Si, si, j’insiste, constatez par vous même.

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Si vous êtes fainéants (moi même, je le suis assidument) ou bien juste un peu fatigués, quelques points de vues magnifiques, grandioses et dégagés sont également accessibles en voiture et vous épargne un long dénivelé à pied. Je vous le dit parce que je vous apprécie, bien que je ne sois pas partisan d’encourager la médiocrité. Pourtant, il faut bien admettre que tard le soir ou tôt le matin, la vue est de classe mondiale.

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Si ensuite, vous redescendez dans la plaine et décidez de vous en jeter un dans un bar, choisissez au moins un de ceux qui sont ouverts et surtout dont le patron a au moins un niveau minimum en orthographe. Pas comme celui-ci :

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Attention, cette devinette-ci est particulièrement ardue et s’adresse aux anglophones.

Peut-être même, d’ailleurs, est-ce moi qui pinaille.

Nuit au bord d’un chemin

Avec une bagnole et une carte bleue, on est libre (jusqu’à concurrence de votre capacité de crédit). La liberté, c’est la capacité de choisir ce que l’on veut faire. Je suis sans but. Uluru ? Fait. La Great Ocean Road ? Fait. Quoi voir maintenant ? J’ai encore trois jours de location. Au nord du Victoria, j’hésite à aller voir les Snowy Mountains, le massif montagneux le plus haut du continent, enneigé en cette saison. Deux facteurs m’en dissuadent : la distance et cette détestation de la moindre fraicheur attrapé depuis l’Inde. Il fait déjà suffisamment froid par ici, inutile d’aller se geler les miches plus haut.

Je compulse donc mon Lonely Planet pirate acheté au Vietnam (celui fait avec des pages quasiment aussi épaisses que du papier toilette) pour trouver une idée. Fort heureusement, j’avais croisé sur la route un panneau indiquant « Grampian Range » et lis le descriptif. Pourquoi pas, ce sera l’occasion de marcher plutôt que de rouler tout les jours comme un débile.

A ce propos, on est au milieu de l’après midi. Il faut donc que je trace. Je repart donc plein ouest en m’éloignant de Melbourne en essayant de me rapprocher le plus possible avant la nuit. Vers 16h30 je bascule en mode recherche de camping. Je roule, sans apercevoir de panneaux dans les rares petites villes que je croise. A 17h30, je commence à me dire que ce pourrait être amusant de tenter le camping sauvage. Je n’ai pas vraiment réussi à trancher si c’était illégal ou pas dans ce pays mais les deux vieux en 4×4 m’avaient affirmé qu’ils le faisait régulièrement sans que personne n’y trouve rien à redire.

Je prend donc une route à gauche au hasard, quittant la route principale, à la recherche d’un champs ou d’un endroit sympathique. Après deux ou trois changements de cap à l’intuition, je me retrouve dans une longue ligne droite sur un chemin non asphalté. Je planque mon contrat de location sous un tas de vêtements pour qu’il ne le voit pas. D’un côté il y a de vastes champs clôturés et de l’autre une forêt de pinèdes. De toute façon il fait presque nuit et au moins, il y a la place de se garer sans se retrouver dans un fossé. Je m’arrête.

Alors que je fait cuir un steak sur mon réchaud à gaz, un vieux pickup arrive à ma hauteur. Le vieux monsieur au volant me demande si tout va bien. Je le rassure en lui expliquant que mon contrat a peur du noir. Après cela, je ne croiserai personne de race humaine.

Je vais sans doute balancer des vérités vrais estampillées Lapalice mais il y a quelque chose de vraiment dépaysant et d’étrange à se retrouver tout seul au milieu de nul part dans une nuit profonde. C’est quelque chose de totalement étranger pour les citadins que nous sommes et par moment légèrement angoissant. Inutile de dire que le moindre petit mouvement de branche ou de feuille est intensément analysée du coin de l’oeil (où se situent les cellules photoréceptrices les plus sensibles à la lumière, figurez-vous). Ami ? Ennemi ? Psychopathe priapique ?

Le silence est total, uniquement troublé par de petites brises intempestives et ma déglutition. Le ciel est partiellement couvert et m’empêche de contempler un champs étoilé qui doit être magnifique. L’air est encore humide et le froid commence à se faire sentir. Je me repli donc dans la voiture.

A l’intérieur, les sons sont plus sourds et cloisonnés. A la lumière du plafonnier, l’extérieur devient noir total. C’est encore plus angoissant. Quelqu’un peut me voir et moi je ne vois rien. J’éteins donc la lumière et me glisse dans mon duvet.

Le lendemain matin, transi par un froid humide, je m’arrache de mon couchage et m’habille rapidement pour soulager un besoin unanimement qualifié de naturel. Je souffle un petit nuage de vapeur d’eau sous un ciel encore presque noir, avec une unique lueur à un bout du chemin. En contre jour, deux formes lapines, taille XL. Deux kangourous me regardent à vingt mètres en plein milieu du chemin. Je ne bouge pas pendant quelques secondes puis, tout doucement, tente d’attraper mon appareil photo. Instantanément ils partent dans d’impressionnants bonds élastiques et d’un bond exceptionnel, sautent par dessus la clôture et pénètrent dans le champs. Ils me regardent de l’autre côté et alors que je tente une nouvelle fois de m’approcher pour cadrer, ils détalent encore plus loin.

Je patiente alors en attendant que le soleil se lève. Nous, les citadins, on ne se rend plus compte du moment privilégié et unique que représente un levé de soleil. Le moment est encore plus fort lorsqu’on est seul, au milieu de nul part. Rien que pour cela, je ne regrette pas ma nuit frigorifique au bord d’un chemin.

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Animaux Australiens

C’est le diable si dans ces trois jours à travers l’outback je n’avais point croisé une quelconque faune autochtone. Fort heureusement, l’Australie en est fort pourvue et j’ai de quoi écrire un billet sur le sujet. Attention, je vous préviens, ça va finir bizarrement. Il vaudrait mieux que vous vous preniez un petit verre d’alcool au préalable car cela risque de s’achever dans le surréalisme.

Commençons doucement. A Darwin et du coup dans tout ces territoires du nord, le gouvernement Australien, car en bon français je ne peut imaginer qu’une telle initiative ne soit pas du à une grandiose décision ministérielle, les pigeons sont absents. A leur place, on a substitué de mignons cacatoès blancs à crête jaune. C’est autrement plus classe. On ne peut pas dire autant de leur cri, malheureusement. On en vient presque à regretter le doux « prrrou, prrrouuu » du pigeon urbain car cet esthétique animal enroué ne parvient qu’à extraire d’horribles « SQQQWWWAAAAAKK » de son jabot. Ce n’est pas très romantique et Paris aurait été bien différent si la substitution y avait été opéré.

DSC_6439_DxOPuisque je vous parle d’oiseaux, j’ai été abreuvé de milles anecdotes sur divers volatiles que j’ai parfaitement oublié. Lorsque nous flottions mollement sur notre barcasse métallique à fond plat, heureusement motorisée, le long de la rivière entouré de crocodiles, dont je parlerai plus tard, notre guide ne ratait pas une occasion pour nous pointer quoi un aigle, quoi un canard, quoi un autre machin à plume s’envolant plus ou moins gracieusement. Il m’est resté, malgré tout, une tendre anecdote marshmallowesque qui fera fondre DSC_6409_DxOmême les plus bûcherons d’entre vous. Il s’agit d’une race d’oiseaux (dont j’ai oublié le nom, faut il encore que je le précise) qui se mettent en couple pour la vie. L’incroyable et le surprenant dans cette histoire n’est pas l’absence totale de paperasserie administrative en rapport à ce lien indéfectible, mais de la conséquence funeste qui en découle. Si l’un des deux partenaire meurt, l’autre le suit, accablé par le chagrin. On est en plein Goethe et c’est à vous arracher une larme… de crocodile. Non, je parlerai des crocodiles plus tard.

DSC_6360_DxOSans transition, car la seule que j’ai trouvé était particulièrement capillo-tractée et je préfère m’abstenir, j’ai eu la joie de voir des termitières géantes. A vrai dire, j’ai même eu l’embarras du choix car aux environs du parc national de Litchfield, le bush en est rempli. Je vois joint une photo car je suis sur que vous allez me prendre pour un Marseillais, mais ces termitières font plus de 3m de haut pour la plupart. C’est véritablement impressionnant. Autant vous dire qu’à Darwin, quand ils ne sont pas accablés par la chaleur, frappés par un typhon ou torturés par l’ennui, les habitants doivent encore se protéger de ces petites bêtes particulièrement voraces. Pour l’anecdote, la matière constituant ces termitières, que j’imagine être une sorte de sable régurgité (beurk!), est aussi dure que du béton. D’ailleurs, techniquement, ça s’en rapproche.

DSC_6454_DxOJe ne vous parlerai toujours pas des crocodiles car, présentement, j’ai plutôt envie de vous parler de cheval. Je ne vous ferai pas l’affront de vous expliquer en quoi consiste ce quadrupède. Non, ce qui m’intéresse ici, c’est de vous expliquer que dans ces territoires sauvages, on croise des chevaux de même nature, sauvages. Vous ne serez pas surpris si je vous explique que ce sont des descendants des premiers chevaux importés par les occidentaux puis relâchés dans la nature. Comme il n’y a pas beaucoup de prédateurs dans ce continent, la population a plutôt augmentée. D’ailleurs, maintenant que j’y pense, les seuls prédateurs sont les crocodiles. C’est donc le moment d’en parler.

Alors pour faire simple, mais néanmoins précis, il y a deux types de crocodiles dans le nord de l’Australie, et plus particulièrement dans la grande région autour de Darwin, la plus riche dans le domaine. Les plus petits ne se trouvent que dans des eaux douces, c’est à dire les rivières et les billabongs. Au fait, mais qu’est-ce donc qu’un billabong ? C’est bien beau d’avoir ça sur son t-shirt, encore faut-il en comprendre la signification. Un billabong est le terme aborigène pour désigner une poche d’eau douce restant d’une zone inondée par une rivière. A la saison humide, les billabongs se retrouvent de nouveau connectés aux cours d’eau tandis qu’à la saison sèche, ils ressemblent à des lacs, des étangs ou des mares. Ces petits crocodiles d’eau douce ne sont pas très dangereux ni agressifs même si leur morsure peut faire des dégâts.

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DSC_6399_DxOLa deuxième espèce est quand à elle beaucoup plus létale. Il s’agit des crocodiles marins, ou d’eaux salés, affectueusement surnommés « salties » par les australiens, qui en plus de vivre sur la côte (et donc de chasser un peu au large des plages) remontent également les cours d’eaux douce et s’installent dans les billabongs. Ces bestiaux là peuvent atteindre facilement les 3 à 4m de long avec des individus records d’environ 7m. En sachant qu’un animal de cette taille peut sprinter pendant un court moment beaucoup, beaucoup plus vite que vous, vous imaginez l’angoisse. Accessoirement, lorsqu’ils sont motivés, par exemple par un poulet mort tendu au bout d’une perche tenu par un guide retors, ils peuvent également jaillir à la vertical hors de l’eau de toute la hauteur de leur corps. Fort heureusement, ils sont territoriaux, on peut donc facilement les retrouver, s’inquiéter s’ils sont absent, et étant à sang froid, plutôt léthargiques le matin.

Adam nous fait donc un rapide topo sur ces bêtes et les consignes de sécurité à respecter, qui consiste pour l’essentiel à ne pas s’approcher d’un DSC_6427_DxOquelconque plan d’eau. Pour enfoncer le clou, il nous narre quelques anecdotes de touristes allemands emportés par des crocos de 4m ou bien sauvés par la police de Kakadu alors qu’ils avaient noyé leur 4×4 en plein milieu d’un billabong plus profond qu’ils n’imaginaient. Oui, bizarrement, l’Allemagne paye le plus lourd tribut en ce qui concerne les décès par morsure de crocodile. La seule explication un peu sérieuse (excluant donc toute anecdote en rapport à la bière ou un passé fasciste douteux) est uniquement statistique : les allemands ne seraient-ils pas les touristes les plus représentés en Australie ? Mais je préfère vous laissez écouter Adam parler des consignes de sécurité. En prime, vous aurez le droit à une blague, que moi, personnellement, je n’ai pas entièrement saisie.

Maintenant, pour revenir au bizarre et surréaliste, et puisque j’évoque notre guide Adam, j’ai fait quelque chose que je ne suis pas peu fier. Alors que nous étions tous dehors au milieu du bush, à côté d’un billabong pour une pause pipi, Adam nous appelle pour nous montrer quelque chose. J’étais déjà un peu stressé par toutes ces consignes de sécurité en rapport aux crocodiles. Je me suis approché de l’eau pour uriner « Non ! Pas prêt de l’eau », je suis parti dans l’autre sens vers les arbres « Attention, parfois ils remontent jusqu’à 30m à l’intérieur ! », j’ai fait super attention où j’arrosais « Faites attention, ils ressemblent à des troncs d’arbres » et tout ça en gardant en tête que si un de ces gros reptile décidait de me sauter dessus, je n’avais aucune chance au sprint. Surtout avec une main prise et la braguette ouverte. Bref, je m’attendais à un truc hyper-dangereux et je n’aurais pas été surpris s’il nous avait ramené un bestiaux de 4m sur son épaule, occis à l’aide d’un couteau en plastique. Pour entretenir la confusion voilà qu’il nous demande « Vous voulez lécher du cul ? ».

Il nous fait signe de nous approcher de lui en tendant sa main vers nous, tout en étant pris de petit gigotement, comme subissant une démangeaison irrépressible. J’imagine déjà un dangereux dérapage scabreux. « Dépêchez-vous, elles sont en train de me mordre ! », dit-il. Complètement intrigué, je jette un œil à sa main tendu pour y apercevoir de grosses fourmis. Avant qu’on ai pu l’arrêter, ce rustre dégénéré, il se saisit délicatement d’un insecte entre deux doigts et se l’amène à hauteur de bouche pour lui lécher l’arrière train. Je crois bien que la surprise l’a emporté sur le dégoût. Pris d’un grand frisson, il repose la fourmi et arbore un gigantesque sourire. « Vous voulez essayer ? ». De plus prêt, on constate que chaque insecte, hormis celui qui s’est fait lécher le cul, possède une poche verte vif à l’arrière train. Notre guide nous explique qu’il s’agit d’une réserve d’acide ascorbique, autrement dit, de vitamine C. Moi, j’ai pour principe de goûter à tout du moment que quelqu’un y a déjà survécu. Je me saisit donc également d’une fourmi vierge (si on peut dire comme ça) et d’un petit mouvement de langue lui donne un rapide coup de langue sur les fesses, qu’elle a toute verte. Effectivement, c’est puissamment acide, comme un jus de citron hyper-concentré mais c’est loin d’être désagréable. C’est même aussi amusant que de sucer des bonbons acidulés.

Pour finir, on a remis les fourmis sur le sol. Et puis d’abord, si ça se trouve, elles aiment ça aussi qu’on leur lèche le cul.

La faune et la flore de Hampi

Réjouissez-vous amoureux de la nature, voici venu le moment du billet animaux spécial Hampi, spécial Hampo (mais pas Hampa, c’est malsain).

Mon court séjour (mais au combien intense) me permit quelques rencontres intéressantes de ce côté-ci. Bien entendu, j’ai croisé moult vaches, toujours aussi placides et fourrageant dans les ordures à la recherche de restes végétaux. Les restes animaux sont quand à eux plutôt du domaine des chiens errants, toujours aussi présents et également toujours aussi sympathiques qu’à Mumbai. En Afrique, les animaux se retrouvent le matin autour d’un plan d’eau pour boire. En Inde, on se retrouve autour d’un tas d’ordure pour manger. Que bella la nature. Mais assez de ces animaux domestiques, exigeriez-vous. Soit. Parlons donc des animaux sauvages. Ceux qui ont planqué leurs enfants suite à l’épisode « Hampa » peuvent maintenant les ramener. Ça va être très mignon. En tout cas, pas pire qu’un documentaire animalier sur France 5.

DSC_5212_DxOEn premier lieu je vous présente, les seigneurs de Hampi, les maîtres des rochers, les cousins à la face expressive… les singes. Il y en a parait-il deux sortes l’un à face rouge (plutôt rose d’ailleurs) et l’autre à face noir. En ce qui me concerne, j’ai surtout côtoyé ceux à face rouge qui sont également pas très farouches. A vrai dire, la tenancière de ma guest house avait l’air de les considérer comme des nuisibles chapardeurs. J’ai pu sans problème m’approcher à moins d’un mètre de certains, suivant que c’était des femelles avec un petit, ou pas. Mais surtout ils peuvent très facilement passer en bande à côté de soi, à les toucher, juste en levant des yeux curieux vers vous. Ils ne sont pas bien gros (environ 50cm assis) quoique ceux à face noire me semble un poil plus costauds. Généralement, on les trouve sur les gros rochers autour du village, dans les DSC_5164_DxOgrandes tours du temple ou bien dans les arbres avoisinant. Au bout d’un certain temps cependant, j’ai appris à ne pas les regarder trop longuement. Ils me fixent alors de leurs yeux expressifs et j’y lit une profonde et millénaire tristesse. Ce doit être l’équivalent en singe de « 100 roupies, please? ».

Plus joyeux, je vais vous présenter l’extraordinaire acrobate du lieu : l’écureuil. Tout de suite, je sens comme une vague de déception chez vous. Il est où l’exotisme, il est où le dépaysement ? Un vulgaire écureuil, qui ressemble étrangement à ceux que l’on a chez nous, il DSC_5157_DxOfaut bien l’avouer. J’étais comme vous, je ne lui prêtait pas beaucoup d’attention. Mais je crois bien qu’ils cachent leur jeu. Je ne jurerai de rien, mais, pendant un moment d’observation plus attentif, j’en ai vu un effectuer un saut très étrange vers un arbre voisin. Je ne vous cacherai pas que j’ai fait quelques études de physique donc les corps en chute libre, ça me parle. Il est possible que j’ai mal vu, mais suite à ce saut, j’ai poussé un cri d’étonnement (heureusement, j’étais une nouvelle fois seul) : l’écureuil venait de contredire les lois de monsieur Newton (et non, ce n’était pas un saut relativiste. Blague de physicien). En clair, il avait sauté en ligne droite, sans aucune chute. J’ai donc la quasi conviction que ces petites bêtes déguisées en écureuils français sont dotées du pouvoir de vol. Ou alors ils sont drôlement doués pour planer.

En parlant de rochers (si, si, j’en ai parlé plus haut. Faut suivre), l’autre habitant des lieux avec le singe est le lézard. En catalogue, il y a le noir à bande rouge sur le dos, le noir à bande jaune et le gris marron standard. Je n’ai absolument aucune idée de ce que c’était mais j’ai comme dans l’idée que les deux colorés n’ont pas très bien observé leur environnement car leur camouflage est particulièrement raté. Joli, certes, mais peu efficace. Il me semble qu’ils seraient beaucoup plus adaptés à un match de foot.

Enfin, pour l’exotisme, j’ai en stock du serpent. Oui, j’ai vu un serpent de taille respectable que j’évaluerai à plus d’un mètre de long. Fort heureusement, il était très très pris à cet instant donc je n’étais pas son soucis principal (même s’il était le mien). Il essayait de se défendre contre une attaque aérienne menée par deux oiseaux de la taille de gros moineaux complètement fous-dingues qui pratiquaient l’attaque en piqué, façon Stuka. Il est parti à l’abri dans un fourré pendant que les deux volailles complètement remontés à bloc repartaient en direction de l’arbre le plus proche en piaillant comme des hystériques :

« Chef, chef, on l’a bien niqué ce salopard, hein ?

  • Et comment. On lui a bien foutu sa branlée.
  • Chef, chef, vous avez vu comment je lui ai bien défoncé sa tête à coup de bec, là ?
  • C’est bien, c’est bien petit. Tu es enfin prêt. Demain on attaque un crocodile. »

Mais pour les crocodiles je suis navré de vous décevoir. Je crois bien que c’était une blague pour touristes.

Les animaux citadins

Il faut absolument que je vous parle des animaux. Je trouve qu’il est toujours intéressant d’observer la façon dont une société traite les animaux. Ca n’en dis pas plus sur la façon dont les humains se traitent au sein de la société mais c’est souvent un élément de différenciation entre les cultures, ça et la nourriture, le paiement des impôts, le comportement envers les personnes âgées et la conduite en véhicule à moteur.

En tout bien tout honneur, commençons par la vache. Je ne vais pas vous ressortir le tableau mais oui, effectivement, il y beaucoup de vaches citadines à Mumbai (ainsi qu’à Hampi et Pondicherry). Alors bien entendu ce n’est pas à franchement parler des vaches de compétition élevées aux hormones et elles ressemblent plus à des petits buffles efflanqués qu’à des Holsteins pisseuses de lait. Mais néanmoins il y a toujours un côté amusant à voir une vache en ville, chose qui ne risque pas d’arriver en France à moins qu’on soit à la foire ou au salon de l’agriculture. Donc je vous confirme lecteurs impatients que, oui, la vache jouit d’un certain respect de la part de ses compatriotes humains. On peut dire qu’on lui fout royalement la paix à moins bien sur qu’elle vienne brouter les cannes à sucre d’un vendeur de jus de canne. Dans ce cas ledit vendeur(euse) va gentiment mais fermement la repousser (car aussi efflanquée soit elle, elle doit quand même approcher les 300kg), parfois accompagné d’un cri sensé effrayer la bête mais qui souvent a pour effet collatéral d’effrayer le touriste français masculin d’âge moyen passant par là.

Mais la chose la plus étonnante pour moi ne réside pas dans le comportement de l’humain vis à vis de la vache, mais plutôt du comportement de la vache vis à vis de l’humain. Une vache mumbaiki (ou de Hampi ou de Pondicherry) est d’une placidité à toute épreuve. Déjà, elle survit sans crise de nerfs dans un environnement auditif relativement stressant (si, si, moi j’en peux plus) sans que ça ne l’émeuve outre mesure, mais en plus elle se fait frôler en permanence par une meute de rickshaws, motos, mobylettes et voitures au klaxon bloqué et se fait mettre la main à l’arrière train par des centaines de passants inconnus sans que cela ne DSC_5434_DxOtransparaisse sur sa face bovine. C’est tout bonnement stupéfiant. Devant cette nonchalance et cette désinvolture, je me suis parfois imaginé, en croisant une vache à pied, l’entendre me marmonner un « ‘alut » tout droit sorti de l’année 68 sans toutefois qu’elle me brandisse le signe « Peace & love » car c’est tout de même un quadrupède. Il suffit d’aller se promener dans un champs français équipé de son quota de vaches pour se rendre compte que la vache française, elle, devrait être puissamment droguée aux anxiolytiques pour espérer survivre plus de deux minutes à Santa Cruz (East) à 10h du matin sans partir en cacahuètes en meuglant et courant comme une bête terrorisée. Merveille de l’adaptation animale. Pousses z’en l’air pour Darwin.

Notre deuxième compagnon d’étude est le chien. Je parle ici du chien errant, fier, sauvage et indépendant et non pas du bon vieux gentil toutou des familles. J’ai du apercevoir quelques chiens de compagnie mais c’est quand même relativement rare. Non, ici notre sujet de conversation est le chien des rues : lupus domesticus via (si mon inexistant latin est encore bon). Tout d’abord son nombre est important et l’espèce se porte bien merci. Enfin, disons qu’elle n’est pas en extinction. Le bon vieux bâtard est, chose toujours surprenante pour moi, complètement toléré par l’homo erectus. De la même façon que personne ne s’émeut de la présence d’une vache dans la rue (même si elle est sacrément sacrée), de ce que j’ai vu, tout le monde applique le bon vieux « vivre et laisser vivre » aux chiens errants. Il faut néanmoins bien avouer que, comme les vaches, ils sont dotés d’une prodigieuse placidité inculqué dés leur plus jeune âge, j’imagine. Ici pas de chiens errants babines moussantes grognant à l’approche d’un humain mais plutôt le tranquille bâtard à poil ras et rêche, côtes saillantes qui vous croise en vous lançant un « ‘lut » amical quand il n’est pas en train de ronfler sur le flanc sur le trottoir juste au pied d’une aération (oui car il fait toujours autant chaud dans ce pays, nomdedjieu). Après ils sont sans doute plus houspillés car plus intrusifs que des vaches et sans doutes plus abîmés car moins visibles qu’une vache. Oui il m’est arrivé de voir plusieurs chiens à trois pattes mais aucun à cinq. Bref le chien des rues indien vis tout intégré dans la société. Je me demande d’ailleurs si pour lui aussi, la vache est sacrée, tiens.

L’autre animal emblématique de l’Inde que je peux évoquer dans ce billet est l’éléphant, d’asie bien entendu sinon c’est de la contrefaçon. J’en ai vu deux et ils s’appelaient tous les deux Lakshmi. Le premier (Lakshmi) c’était à Hampi dans le temple Sri Virupaksha (que je présenterai une autre fois) où je l’ai aperçu à l’ombre des passages latéraux. Il était accompagné par deux de ces cornacs et visiblement au travail. Je me sentais donc mal à l’aise de le déranger mais il avait l’air de bien aller, merci pour lui. Le second (Lakshmi), je l’ai croisé à Pondicherry à une intersection dans la vieille ville française déserte. Il marchait tranquillement avec un cornac sur le dos et un autre le tenant par la corde, avec un joli motif blanc sur le front. Il avait également trois touristes au cul qui lui mitraillaient le postérieur au téléphone portable (environ trois raisons de les envoyer valdinguer à mon sens). Je sentais bien qu’il était concentré car manifestement en route vers son boulot au temple de Marrakula Vinayakar (tous les noms de temple ne sont absolument pas cités de mémoire). Je me suis donc mis à l’arrêt à dix mètres car il faut bien avouer que je n’ai pas l’habitude de rencontrer un éléphant en pleine rue. J’essayais plutôt de me rappeler la nature et l’heure d’ingestion de mes dernières boissons puis ensuite de profiter du spectacle saisissant d’un éléphant marchant tranquillement de ses grosses pattes plates. Et donc je confirme, l’éléphant d’asie a de plus petites oreilles.

Pour faire encore plus dans l’exotisme et en continuant sur notre lancée des animaux citadins, pas plus tard qu’il y a trois jours, à Pondicherry, dans ma guest house (oui car je ne dors pas à l’hôtel mais dans des guest houses), alors que je descendais ce matin là, j’aperçois sur le mur peint en blanc de l’escalier un magnifique bas relief blanc en forme de lézard, tout à fait charmant. Du coup, esthète, je met mes lorgnons et je m’approche de ce superbe travail, dont l’artisan devait être particulièrement fier, pour me régaler du moindre de ses petits détails : une queue recourbée d’une exquise finesse, des petites écailles magnifiquement rendues par je ne sais quelle technique et des yeux globuleux qui se disent mutuellement merde car chacun fixant une direction propre. Su-perbe.

C’est à se moment là que l’animal a cligné des yeux. Surpris, j’ai laissé échapper un petit cri de chaton (que j’ai vite repris en redescendant ma voix de deux octaves). Il est brusquement parti se planquer derrière un tableau de Parvati, la meuf de Vishnu (je vous parlerai une autre fois de mes connaissances en hindouimse), en marmonnant un discret « fait sssssier ». Ce petit lézard, je mettrai ma main dans du curry extra fort que c’était un caméléon. J’aurai bien aimé qu’il se mette sur une surface d’une autre teinte pour en avoir le cœur net mais il a préféré se planquer DERRIERE le tableau. Ceci dit, c’est tout à fait compréhensible de sa part au vue des dorures et couleurs pétantes composant le sus-mentionné tableau. Moi même j’en ai les yeux qui pleurent.

Notre dernier sujet d’étude animal est bien entendu, le chat. Notez que j’en parle pour éveiller un peu d’empathie chez une potentielle catégorie de lecteur savoyard de ma connaissance car il n’y a malheureusement pas énormément de choses à dire à son sujet. Soit la population de chats en Inde est très faible, soit ils sont particulièrement discrets. Je dois n’en croiser qu’un tout les deux jours, quand je claque la bise aux chiens environ quatre fois par jour. Pour être honnête avec vous (et je souhaite drôlement l’être) quand je dis croiser je dis ça pour l’effet de style car la vérité est que je fais fuir un chat environ tout les deux jours. Comme les chiens, ici je ne parle pas du matou bourgeois et installé mais du chat de gouttière dans toute sa magnifique splendeur racée et fière. Ce qui est encore une fois une belle figure de style car en réalité il s’agit de petits chats maigrelets au regard craintif. Alors eux, la placidité, il faudrait la leur administrer de force. Pourtant je n’ai pas perçu de signes d’agressivité particuliers des indiens vis à vis des quatre chats que j’ai croisé. Il y a peut être une raison religieuse, un dieux à la tête de chat qui se serait bêtement moqué du troisième œil de Vishnu (Vi-shnou il a un troisième oeiiillleux, na na nère), qui expliquerait un rejet du chat dans la culture hindou. Ou bien tout simplement la raison réside dans la nature pathologiquement angoissée du chat qui ne parviens pas à s’adapter aux 90dB et aux véhicules métalliques lancés à vitesse respectable sur les voies goudronnées.

Bref tout ça pour dire que j’ai été particulièrement frappé par la tranquille coexistence entre humain et animaux à Mumbai (et Hampi et Pondicherry). Une autre fois je vous parlerai de singes, écureuils et autres lézards (mais pas des caméléons).