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Les hostels

Cela fait maintenant plus de trois semaines que je suis en Australie et, pendant ce laps de temps, j’ai pu tester trois hostels différents. Pour vous resituer le débat, un hostel, parfois appelé « backpacker’s », est l’équivalent des auberges de jeunesse en France. Enfin, c’est ce que je suppose, n’ayant jamais dormi en auberge de jeunesse dans notre pays. Ma seule autre expérience se limite à Dublin et Londres mais pour des durées plus limitées et sans le statut de voyageur solo.

Sachez déjà, que ces hostels ont en commun de proposer des logements en dortoir, de 2 à 4 lits superposés (soit pour 4 à 8 personnes), suivant l’endroit, mixtes ou pas, parfois des chambres simples ou pour deux, mais surtout des espaces partagés comme les salles de bains, toilettes, douches, buanderie, cuisine et salle de télévision. L’accès internet étant maintenant une denrée de base pour le voyageur, il est fourni soit sous forme d’ordinateurs en libre accès, soit, luxe suprême via un réseau WiFi accessible de partout. Le plus commun, malheureusement, est de proposer un accès internet sans fil payant (de l’ordre de quelques dollars pour 24h), parfois seulement accessible dans les espaces partagés.

Le terme « auberge de jeunesse » est d’ailleurs vraiment très inapproprié pour traduire « hostel », ici en Australie. On y trouve également des gens d’âge « non jeune » (soit plus de 25 ans, suivant la classification SNCF) voir plus vieux (plus de 40 ans), qui sont soit des voyageurs à la recherche d’une compression de budget (Hey ! C’est moi ça!), soit à la recherche de plus de convivialité (ouaih, c’est moi aussi, à un degré moindre), soit des travailleurs saisonniers à la recherche du premier voir du deuxième. Par exemple, à Alice Springs, un ou deux guides de ces fameux trois jours et deux nuits Kakadu – Litchfield (mais pas le mien, Adam, qui dormait dans son 4×4) avaient leur piaule au Haven’s Backpacker où je logeait.

Du fait du succès du visa touriste-travail (ou l’inverse), de nombreuses personnes de moins de 35 ans de tout les coins du globe circulent dans ces hostels. Souvent, l’arrivée dans une nouvelle chambrée s’accompagne d’une rapide présentation des pays d’origine. Encore une fois, l’Allemagne arrive en tête. Pour vous dire, j’ai commencé par un dortoir de trois lits à Darwin que j’ai partagé avec trois types (ça a tourné par mal car de nombreuses personnes ne restent qu’une nuit ou deux) de 45-50 ans que j’ai à peine vu. Ensuite à Alice Springs, j’ai fait un premier séjour dans un grand dortoir de 4 où j’étais seul pour ensuite me retrouver avec deux autres allemands, dont Timo rencontré lors de la visite Uluru – Kata Tjuta – Kings Canyon. Enfin isolé du reste de sa bande de germains, j’ai pu un peu mieux faire connaissance. Ce grand gaillard de 30-35 ans à la queue de cheval et barbichette était en plein voyage de 8 mois. Salopard. J’ai horreur de croiser des gens qui voyagent plus longtemps que moi. Ca me fait passer pour un petit joueur. Ceci dit, lorsqu’il m’a appris que son employeur avait accepté qu’il parte si longtemps car ça faisait cinq ans qu’il n’avait pas pris de vacances de son boulot d’informaticien, ma jalousie s’est brutalement dissipée.

C’est d’ailleurs également au backpackers d’Alice Springs que j’ai commencé réellement à faire des rencontres. A peine mes sacs posés dans mon dortoir vide, une jeune femme blonde est arrivée avec des draps pour préparer les lits. Elle me demande d’où je viens et nous entamons la discussion. C’est grâce à cette jeune hollandaise que je découvre un autre aspect du logement en hostel assez commun, la possibilité de travailler pour payer ses nuitées. La grande majorité des fois, cela consiste à préparer les lits le matin pour l’arrivée des suivants l’après midi. Moi, je ne l’ai pas fait, j’étais trop occupé. Dans le même thème, elle m’apprend que le travail au black est assez commun en Australie ce que l’on m’a infirmé plus tard. C’est sans doute plus facile pour une jolie jeune blonde de faire sa naïve en demandant un travail au black sans se faire dénoncer au service de l’immigration. Un temps intéressé (je rêve de faire barman un jour), j’ai depuis abandonné l’idée.

On peut très facilement passer son temps libre dans son dortoir, sur son lit, mais le plus intéressant et convivial est de se fourrer dans les espaces communs. A l’heure des repas, notamment, prendre son petit déjeuner à la cuisine commune est toujours amusant. On repère assez facilement les gens résidents qui ont des réserves de nourriture étiquetés dans le frigidaire ou les étagères, en train de se préparer des plats compliqués impliquant autre chose que de faire bouillir de l’eau pour les pâtes. A ce petit jeu là, les asiatiques sont les plus forts, notamment les rares indiens que j’ai croisé. Eux, ils ne savent pas se contenter d’un sandwich fromage et tomate. Le matin, chacun prépare ses affaires dans un silence respectueux, quand ce n’est pas l’hostel qui fournit gratuitement café, thé, tartines, beurre, confiture et beurre de cacahuètes. Dans tout les cas, les couverts et la vaisselle étant fournis, un peu de nettoyage et de vaisselle s’impose si l’on souhaite respecter l’étiquette de ce genre de lieu.

C’est en trainant un après midi sur le balcon commun du Haven Backpacker, à Alice Springs, que je fit connaissance avec Judith, une allemande (décidément) en vacance. Comme elle était en train de se plaindre de son guide et que je venais de passer trois jours mitigés autour d’Uluru, j’étais curieux de connaître le nom de l’entreprise qu’elle avait utilisé. Finalement, nous sommes allé passer la soirée accompagnée d’une jeune française, Fanny, au lieu le plus sympa d’Alice Springs, qui plus est recommandé par Bob, Monte’s, une sorte de restaurant bar musical en grande partie à l’extérieur. Comme je m’intéresse toujours à ce que font les gens, je peux vous informer que Judith s’occupait d’organiser des festivals et que Fanny venait de finir sa thèse en biologie avec dans l’idée de quitter le monde de la recherche. On a ensuite passé le reste de la soirée à manger des saucisses et du fromage, à boire des bières et à parler de tout.

Sinon, parlons quand même du Greenhouse Backpacker de Melbourne, car c’est le dernier en date. Situé dans un immeuble de l’hyper CBD (il est quasiment à 200m de la gare de Flinders Street et de Federation Square), il occupe les quatre derniers étages de l’immeuble. Les espaces communs (hors salles de bains, situé à tout les étages) et l’accueil occupent le dernier. Le toit est accessible et on peut s’y prélasser sur des chaises et des tables. Les chambres sont regroupées ensuite à chaque étage au dessous. Bien que je vous sais curieux, je me doute que la configuration de l’auberge de jeunesse ne vous intéresse pas plus que ça. J’essai de planter un décor, voyez vous.

Le côté franchement agréable du Greenhouse et ses activités proposées par l’équipe de l’auberge. Chaque soir de la semaine, une différente activité est proposée et contrairement au Club Med, ne vous est absolument pas imposée. La première journée où j’y étais, c’était la soirée « pasta ». Un grand plat de pâtes bolognaises ou végétarienne nous étaient proposées gratuitement. J’en ai pris. La deuxième soirée, c’était soirée loto avec comme prix des packs de bière. Le jeudi matin on vous propose une visite guidée et légèrement hors des sentiers battus du centre ville, gratuite. La soirée suivante, c’était le Pub Crawl, autrement dit une fois traduit, la tournée des bars. Puis lors de mon dernier soir on avait la possibilité d’assister au stade à un match de football australien à un prix sympathique. Ce genre de démarche, bien que non systématique n’est pas unique et je l’ai retrouvé dans d’autres auberges. Le côté agréable est que ce n’est pas du tout invasif. Si vous souhaitez participer, il suffit de s’inscrire le matin. En plus, j’ai vraiment eu la sensation que chaque personne de l’auberge responsable d’une de ces activités le faisait car il était passionné par sa ville, ce qui ajoute une touche d’authenticité.

Dans tout ce fatras d’activités, j’ai testé pour vous la visite guidée, le pub crawl et le match de foot australien. Je vous parlerai donc prochainement de Molly et de Sanjin.

Deux jours et demi dans le bush

La prochaine étape de mon voyage, rejoindre Melbourne. Le plus dur dans ce trajet et de se faire les 1200 km de route dans l’outback, le long de la Stuart Highway avant de quitter cette immense zone semi-désertique. Cette fois-ci, j’ai décidé de faire cela en voiture histoire de sentir ce que c’est que de se taper des heures de ligne droite dans un paysage monotone, sans l’aide d’aucune drogue.

DSC_6840_DxOJ’ai loué une voiture aménagée en petit camping car, fourni avec le minimum de matériel de camping (réchaud, casseroles, couverts, glacière et chaise pliante) que je dois déposer à Melbourne dans onze jours. Après une journée de repos et de travail (il faut bien de temps en temps) à Alice Springs, je part récupérer le véhicule vers 9h du matin avec en bonus cinq bouteilles de bière laissé par les précédents usagers. On se les partage avec le responsable de la compagnie de location.

Une petite matinée plus tard d’achats de survie de base (nourriture, neuf litres d’eau et recharges de gaz) je fait le plein. A vrai dire, les niveaux des liquides seront l’obsession lors de cette traversée : huile, refroidissement, eau et essence. Le responsable de la compagnie de location me fait un rapide résumé des consignes de sécurité en me regardant bien droit dans les yeux : faire le plein d’essence dés qu’on le peut, vérifier les niveaux tout les deux matins et interdiction de rouler de nuit ou sur des routes non asphaltées. Pour ce qui est de l’interdiction nocturne, il s’agit de limiter les risques de collision avec les animaux, notamment les kangourous, qui ont tendance à sortir la nuit. Ok, chef, c’est noté.

Comme souvent, la conduite à droite est un peu déstabilisante au début, mais je m’y fait assez rapidement grâce à mes fréquents séjours écossais. La voiture est automatique mais, à ma grande tristesse, est dépourvue de blocage de vitesse de croisière. Si c’est bien une option qui prend tout son sens ici, c’est celle là. Plus perturbant, les commandes de clignotant et d’essuie glace sont inversés ce qui me vaut quelques hésitations et balayages intempestifs en ville. Une fois sur route, je ne devrais pas avoir besoin de tourner et vu la géographie, la pluie ne devrait pas être de la fête avant quelques jours. Encore aujourd’hui, comme les cinq derniers jours, le ciel est bleu profond et le soleil éclatant.

Ce n’est donc pas sans une certaine appréhension et d’excitation que je quitte enfin l’agglomération après la traversée des MacDonnel range, empruntant la route menant vers le sud et vers Uluru. Pour me mettre le cœur au ventre j’allume la radio et balaye le spectre FM avant de DSC_6605_DxOme fixer sur une station pop / rock. La route est une simple deux voies mais le trafic ne nécessite guère plus. Après une heure de route, la radio commence à décrocher et je bascule en grandes ondes pour tenter d’attraper encore un peu de musique. Je suis maintenant définitivement dans le bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

La radio commence à balayer les grandes ondes en vain. J’ai atteint le désert radiophonique. Mine de rien, je croise quand mêmes quelques voitures, pick-ups et road trains bien que, par moment, je roule cinq minutes sans apercevoir d’autre véhicule devant ou derrière.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6742_DxOJe fait une pause sur une sorte de terrain vague car je commence à m’assoupir. Bizarrement, cela à beau être monotone, je trouve ça moins ennuyeux que prévu. Surtout, le temps passe étrangement vite. La perception du temps qui passe est très certainement lié aux nombres d’événements remarquables vécus. En l’occurrence, il y en a peu. Le seul témoin de mon mouvement est la lente baisse du niveau d’essence.

DSC_6757_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush mais légèrement différent.

Je roule. Du bush.

Je roule mais m’arrête à la vue d’une station essence. Ce doit être la deuxième que je croise depuis mon départ d’Alice Springs. Pour le moment elles sont éloignées d’une centaine de kilomètres les unes des autres. Comme constaté pendant mon tour à Uluru, les stations d’essence sont situés dans ce qui semble être des relais basé au niveau de cattle ranch. On y trouve également souvent un petit magasin, un bar, un restaurant, un motel et des emplacements de camping. En dehors de cela, rien. J’en profite donc pour manger des sandwichs, me battre contre les mouches et faire le plein de fuel alors que le niveau est à peine à la moitié. Au moment de payer, ma carte bleue ne fonctionne pas. Parfois, ça arrive. Je retire donc du liquide au distributeur du magasin et règle le plein.

DSC_6769_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Bien que la route soit majoritairement rectiligne, parfois de petites courbes viennent rompre la monotonie. De plus, le paysage ondule très légèrement et de légers faux plats agrémentent la conduite. Quand je pense que je croise quelques motards en Goldwing, ils ne doivent pas vraiment se régaler.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6744_DxOJe roule mais le soleil commence à décliner. Il est cinq heures et mon contrat de location stipule que je ne doit plus utiliser le véhicule après 18h. J’ai donc encore une heure de route pour atteindre le prochain cattle ranch.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush et sur le côté un cattle ranch avec des emplacements de camping. Ce sera donc le spot pour la soirée. C’est également l’occasion de se familiariser avec le matériel et notamment le système de couchage complètement bricolé. Le siège arrière a été enlevé et deux planches d’agglomérés posées sur les compartiments abritant le matériel. Un mince matelas recouvre le tout. Malheureusement, les planches en question ne font pas toute la longueur du matelas et je cherche quelques minutes un moyen pour éviter de basculer dans le vide derrière les sièges avant ou dans les compartiments. Tant bien que mal, je parviens à m’endormir.

DSC_6768_DxOTôt le matin, réveillé par le soleil naissant à travers les vitres, je suis rapidement prêt à partir après un rapide petit déjeuner dans la fraîcheur du matin. De nouveau le ciel est limpide, sans un nuage.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush mais qui change encore progressivement de physionomie.

Je roule. Du bush et je fais une pause. Il n’est pas facile de maintenir sa concentration bien, que de nouveau, j’ai la sensation de ne pas voir le temps passer.

DSC_6767_DxOJe repart. Du bush.

Je roule. Du bush. Tiens, je quitte les Territoires du Nord pour pénétrer dans l’état d’Australie du Sud, capitale, Adélaïde.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6780_DxOJe roule. Du bush. Au loin, de curieux monticules coniques de terre ou de sable clair apparaissent. Étrange.

Je roule et je vois de plus en plus de ces petits terrils. Des panneaux sur le bord de la route proposent de visiter des mines d’opal. C’est donc que j’approche de la ville de Coober Pedy, le fief minier de l’opal. Chaque petit monticule et le produit d’une excavation. Des barrières séparent les concessions, parfois abandonnées. Je rallume la radio et arrive à capter quelque chose sur les grandes ondes.

DSC_6781_DxOJe roule. Des terrils.

Je roule. Des terrils.

A panneau indicateur, je quitte la Stuart Highway pour pénétrer dans la ville. J’y reste une heure ou deux, le temps de manger et de visiter. Ce ciel est vraiment incroyable.

Je repart et recroise des terrils.

Je roule. Des terrils.

Je roule. Du bush.

DSC_6809_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush qui change encore un petit peu, pour devenir peut être plus vert. De nouveau la radio verse dans un chuintement continu.

Je m’arrête pour faire le plein. De nouveau, ma carte bleue ne fonctionne pas et suis obligé de payer en liquide. Une légère angoisse commence à monter et je m’imagine bloqué au milieu du bush, contraint à travailler dans un cattle ranch, ma carte bleue ayant atteint le plafond de retrait.

Je roule. Du bush.

DSC_6775_DxOJe roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je fait la sieste sur le bord de la route. Dur, dur de rester concentré.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6812_DxOIl est presque cinq heure, temps de se mettre en recherche du prochain arrêt. En même temps, la recherche n’est pas compliqué, il suffit d’avancer jusqu’au prochain relais, dans quarante kilomètres. Une demi heure plus tard, je gare la voiture au milieu d’un espace de camping derrière un petit motel et prépare à manger. Les couché de soleils sont vraiment magnifiques mais la température rafraîchie rapidement. Cette fois-ci, je trouve des rideaux pour les vitres de la voiture.

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Le lendemain matin, nouveau réveil frisquet dans une pâle lueur. Il est aux alentours de 6h30. Encore une fois, je met peu de temps pour être prêt à partir et reprend de nouveau la route.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

DSC_6822_DxOJe passe au dessus d’une ligne de chemin de fer, la Ghan Railway, nommé ainsi en hommage aux chameliers afghans. Un luxueux train permet de descendre de Darwin jusqu’à Adélaïde en empruntant cette voie mais je n’y aperçoit qu’un immense train de marchandise.

Je roule. Du bush.

Je roule. Du bush.

Je roule et tout doucement le paysage devient légèrement plus vert et vallonné. Au loin, des espaces scintillant trahissent la présence de lacs. Puis de plus en plus rapidement, la végétation DSC_6839_DxOse transforme en vaste prairies et des reliefs montagneux apparaissent au sud-est, les monts Flinders. Un vent puissant souffle et la température est nettement plus fraîche malgré un franc soleil.

Je roule. La route descend tout doucement et je fini par apercevoir l’océan. Le trafic devient normal. J’aperçois de plus en plus de petites fermes au loin et un panneau indique la prochaine ville, Port Augusta.

Le relief se fait plus plaisant et le paysage nettement plus verdoyant. Ça y est, je suis sorti du bush. Il m’aura fallu deux jours et demi de conduite solitaire.

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Alice Springs

Aaaah, Alice Springs, Alice Springs. J’imaginais ça comme une ville miteuse du far west avec des buissons roulant dans la rue au gré du vent, des tornades de sables recouvrant des bâtiments préfabriqués usés d’une poussière rouge, habité par des rustauds portant stetsons constellés de bouchons en liège et des femmes aux biceps de catcheuses tatouées jusqu’à l’os. Ici, c’est le cœur de l’outback. Le peu de gens avec qui j’en ai parlé me l’avait décrite comme dangereuse la nuit, hanté par des aborigènes sous crack prêts à te crever la peau à coup de didgeridoos non stérilisés pour un coup à boire. En plus, on ne comprend pas ce qu’ils disent vu qu’ils sont toujours en train de rêver. Celle-ci, c’est pour tester votre culture. Surtout, je voyais ça perdu au milieu d’une extrême platitude.

DSC_6562_DxOLa vérité, c’est que ce n’est pas ça du tout. Démolissons ces moches préjugés un par un. Premièrement (eeet merdeuh, encore une énumération. Ce tic de comptable refoulé devient pesant), elle n’est absolument pas miteuse cette ville. Elle est même extrêmement propre sur elle. De pimpantes avenues de bitume lisse quadrillent l’espace à angle droit. C’est bien simple, on se croirait à Darwin, avec une température légèrement plus fraîche la nuit. Les gens sont tout à fait dans la norme d’une société occidentale à tendance américaine même si la proportion de pickups et de 4×4 est peut-être, mais du bout des lèvres, supérieur à Darwin. Certes, on croise des aborigènes aux habits dépareillés, mais à peine plus que dans le nord. La nuit, je n’ai pas peur contrairement à Chalon où j’étais parfois à la limite d’une crise d’agoraphopie. Finalement, ce n’est absolument pas plat autour. Il y a même de jolis escarpements que l’on a nommé MacDonnell (à ne pas confondre avec l’enseigne de quasi-restauration) range d’un côté et des collines de l’autre. C’est assez pratique pour repérer la ville de loin.

DSC_6584_DxOD’ailleurs, contrairement à ce qu’on pourrait penser à lire le nom de la ville, il n’y a pas de source d’eau ici. Juste une rivière qui se remplit ou pas en fonction des précipitations. Parfois elle se remplit d’ailleurs trop et les gens montent placidement sur leurs toits en attendant que ça passe. Pourquoi a t’on eu l’idée saugrenue de placer une ville ici ? Surtout quand on sait que la grande attraction touristique du coin est à 400 km de là. Déjà, à l’époque, l’occidental n’avait pas encore découvert Uluru (si vous ne savez pas ce que c’est, suspens). La raison est simple et si vous êtes un tantinet attentif à se que vous lisez similaire à l’origine de la ville de Darwin : le télégraphe. Alice Springs était à l’origine un simple lieu relais pour le télégraphe liant les grandes villes du sud, Adélaïde et Melbourne, à Londres. On imagine l’affectation punitive que cela a du être pour les employés du télégraphe de l’époque. Néanmoins, et c’est également une bonne surprise, pendant l’hiver, l’endroit est relativement vert.

DSC_6573_DxOQu’est-ce qu’on peut dire sur cette ville, à part ces menus faits historiques ? Je trouve, soit dit en passant, que je pose beaucoup de questions alors que c’est vous qui devriez être curieux. Mais assez maugréé. Non, soyons honnêtes, la ville passerait totalement inaperçu des guides touristiques si elle était située quelques 1200 km plus au sud. Malgré tout, elle reste agréable et de manière assez surprenante relativement dynamique d’un point de vue culturel. Diable, il y a même plusieurs festivaux, poil aux dos ! Ou « als », poil au galbe. Je ne sais plus à force d’être dans des pays étrangers. Mais en tout cas, il y en a dans ce trou perdu down under.

DSC_6570_DxOPour rassurer les plus dubitatifs, on trouve ici les grandes enseignes du fast food mais également une panoplie de restaurants des quatre coins de l’Asie. Après, il ne faut pas s’attendre à une architecture foisonnante et inspirée mais il y a néanmoins quelques sympathiques espaces verts. Vous pouvez visiter un musée dédié au « Royal Flying Doctor Service », un service bénévole de sauvetage médical en avion, où que vous soyez dans l’outback, pour peu que vous ayez une radio ou un téléphone satellitaire pour que vous puissiez narrer votre situation. Une fois sauvé, on vous envoi la facture.

Du côté historique, ce n’est pas non plus l’orgie. Hormis le télégraphe, vous pouvez peut-être dénicher une ou deux histoires à base de mineurs saouls et d’incendie accidentel. Quoique. DSC_6560_DxOMaintenant que j’y pense, il y a bien cet épisode fort amusant à propos de chameliers afghans. Figurez-vous que certaines personnes à l’esprit affûté, se sont rendu compte que les chevaux n’étaient pas particulièrement adaptés à ce climat semi-désertique. Ils avaient tendance à mourir de déshydratation, ces pauvres bêtes, alors qu’ils n’avaient pas demandé à être ici. Les mêmes esprits affûtés on donc eu l’idée d’importer des chameaux. Manque de pot, les bestiaux n’étaient pas livrés avec des modes d’emploi et on eu un moment de ridicule lorsqu’on tenta de les monter comme des chevaux. Toujours aussi affûtés, les personnes en question partirent à la recherche de personnes capables de manipuler ces engins à bosse et on proposa le job à une bande d’afghans. Le plus fou, c’est qu’ils acceptèrent. Ainsi furent introduit des chameaux en Australie. C’est bien décevant, mais on en croise plus beaucoup dans Alice Springs.

Note pour plus tard: c’est par cette brèche pour rejoindre Uluru.DSC_6575_DxO

 

Une nuit infiniment droite

Avertissement préalable pour les personnes malentendantes ou dénuées de hauts-parleurs: ce billet est sonore. Ne vous inquiétez donc pas si une musique parvient jusqu’à votre cortex cérébral.

Pour rejoindre Alice Springs, au centre du Red Center, l’immensité rouge au cœur de l’Australie, je suis dans un bus de la compagnie Greyhound. Je suis parti de Darwin en début d’après midi et l’arrivée est prévu au matin. Seules deux autres destinations sont desservies, Katherine et Tenant Creek, deux villes au parfum de far west. Heureusement, régulièrement nous faisons des pauses dans des relais, souvent attenant aux bâtiments d’immenses cattle ranches.

Mes compagnons de voyage sont rares, une grosse poignée. Quelques blancs mais surtout des aborigènes trimbalant leurs affaires dans une armée de grands cabas de supermarché. Tout le monde se met à distance les uns des autres, peut être pour reproduire la distance du pays à l’intérieur de la cabine. Le chauffeur, un vieux monsieur de soixante ans, nous annonce les arrêts d’une voix douce. Tout est feutré.

Le paysage défile. Le bush.

Encore du bush.

Je dort.

Toujours du bush.

Je lit.

Du bush mais d’une couleur légèrement différente.

C’est fou ce que ce pays est monotone. Ces chauffeurs sont des surhommes ou sont défoncés aux amphétamines pour pouvoir tenir des heures sur ces longues lignes droites de décor répétitif. Progressivement le ciel décline, puis se retire dans un fondu de dégradés tous aussi pures et magnifiques les uns que les autres. La magnificence du ciel compense la phénoménale insipidité du paysage. Comment ne pas éviter de développer une spiritualité dans ce genre d’endroit où le seul espace changeant est au delà ?

Du bush.

Il fait nuit et un vague défilement flou de bush témoigne encore de notre mouvement. Le ciel étoilé est extraordinaire de pureté mais les timides éclairages de l’intérieur du bus se reflétant sur les vitres suffisent à nous en isoler. Toujours des lignes droites. Des images de « Lost Highway » de David Lynch me viennent à l’esprit alors que je vous écrit. Bande son :

De nuit, cette route, infini quasi-parfait de rectitude, est le territoire des uniques road trains et quelques fous sous stimulants. Les stations services deviennent surréalistes, uniques puits de lumière et de modernité dans une étendue millénaire sous immensité cosmique, de minuscules relais le long de cette mince ligne de perfusion entre Darwin et la civilisation.

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Sens engourdis. Je rêve.