Lorsqu’on voyage au Vietnam on ne tarde pas à remarquer que les touristes se divisent en deux catégories. J’aurai adoré trouver un moyen pour placer la très belle réplique d’un film célèbre de Sergio Leone « Ceux qui creusent et ceux qui ont une arme. Toi tu creuses » mais j’ai beau me torturer le cerveau, ça ne fonctionne pas. Donc les deux catégories de touristes au Vietnam : les premiers arrivent à Hanoi pour descendre vers le sud (les nordistes) et les deuxièmes arrivent à Ho Chi Minh Ville pour remonter vers le nord (les sudistes). En de rares occasions on en rencontre qui arrivent et repartent de la même ville mais ce sont la plupart du temps des touristes pressés qui ne restent qu’au maximum deux semaines et ceux là, on ne leur parle pas.
Généralement, lorsqu’ils se croisent au milieu, aux alentours du triangle Hué – Da Nang – Hoi An, les premiers ne jurent que par Hanoi alors que les deuxièmes n’ont que Saigon à leur bouche (notamment parce que Ho Chi Minh Ville c’est trop long et que c’est trop nul comme nom. C’est vrai quoi, vous imaginez si un fou amoureux de Molière décidait de renommer Paris en Jean-Baptiste Poquelin Ville ? Je donnerai pas cher de la fréquentation touristique).
Le bon côté des choses, c’est que si vous croisez quelqu’un qui parcourt le pays dans l’autre sens que vous, vous pouvez facilement vous échanger des tuyaux et vous rencarder sur les endroits à ne pas rater. Si vous avez un peu tout réservé à l’avance (un petit peu comme moi pour la plupart des grandes étapes) ça ne servira pas à grand chose hormis vous enfoncer dans une profonde dépression si on vous annonce que non Nha Trang c’est complètement nul, il n’y a que des Russes avinés alors que vous y restez trois nuits. Si vous avez plus de chance et que l’endroit est juste sublime et incontournable (« Tu vas a-do-rer ! ») vous pouvez éventuellement frimer un peu en affirmant de manière arrogante « T’inquiètes, j’avais prévu le coup. La preuve, j’ai booké mes trois nuits depuis six mois tellement ça va être le point d’orgue de ce foutu pays de bouffeurs de soupes aux nouilles ». Il n’est pas interdit de travestir grossièrement la vérité d’une bonne couche de mauvaise foi dans ces moments là. Après tout, il vous reste encore à prouver à votre interlocuteur que commencer par le sud, c’est complètement has been, et que dans l’autre sens, ça a tellement plus de sens, justement.
Si par contre vous croisez quelqu’un qui effectue le voyage dans la même direction, vous êtes potentiellement bon pour le recroiser à d’autres étapes. A vous de voir comment négocier la chose. Vous pouvez soit lui demander ce qu’il a prévu de visiter et dans quel ordre pour soigneusement chambouler vos plans si ce sont des gros lourds insupportables ou bien plus sympathiquement vous donner un point de rendez-vous. En ce qui me concerne, je crois que j’ai surtout croisé des gens qui remontaient vers le nord alors que je ralliait le sud. Les rares personnes qui faisaient comme moi passaient un peu plus de temps au nord de Hanoi, dans les montagnes autour de Sapa, me permettant ainsi de prendre de l’avance. La seule exception fut la bande de canadziens anglophones de Montréal que je crois avoir aperçu de loin à Hoi An pour ensuite les recroiser pour de bon à Nha Trang alors qu’ils revenaient de la plage.