Musique par John William.
Je suis seul. Je suis entouré de millions de gens mais je suis seul. Je suis… le touriste occidental à Mumbai.
Fin du générique et par conséquence, fin de la musique.
C’est complètement fou. Le Lonely Planet m’avait prévenu dans l’avion « Je te préviens, pendant la saison des pluie, c’est la saison touristique basse » mais je n’imaginai pas à se point. Pensez qu’il m’a fallu plus de vingt quatre heures pour apercevoir un touriste en short manifestement européen dans Mumbai, alors que j’avais pourtant déjà arpenté un des coins les plus touristique de la ville. Et non ce n’était pas moi car je porte des pantalons pour faire couleur locale. Il m’en cuit d’ailleurs. Vivement un pays plus déluré pour que je puisse me ballader à poil et en tongs sous la chaleur tropicale (ce devrait être Darwin en Australie où il y a manifestement une plage de nudistes). Mais je m’égare.
Oui, je suis incroyablement surpris par le peu de touristes occidentaux en Inde en juin. C’est à la fois super mais à la fois surprenant. Il peut même parfois m’arriver de passer une journée entière sans apercevoir la moindre tête blonde. C’est particulièrement dépaysant. J’en suis au point de me demander si les expatriés occidents mettent les pieds dehors. On se sent tellement seul dans ce pays étranger qu’à chaque fois que j’aperçois une personne visiblement occidentale (ou même japonais, pour vous dire), j’affiche un petit sourire complice histoire d’établir un lien. A Mumbai on me retourne le sourire car on doit être dans le même état d’esprit : perdus, subjugués, assommés par la chaleur et sensoriellement abrutis (je crois que je viens d’inventer un mot, là). Sans mentir je pense avoir croisé pas plus d’une trentaine de touristes occidentaux depuis mon arrivée.
A Hampi, j’étais quasiment une proie ambulante pour les mendiants, chauffeurs de rickshaws et vendeurs de marchandises. J’ai tout de même croisé un couple âgé français au détour d’un temple dédié à Ganesh (mais si, Ganesh, le petit gros ventripotent à la tête d’éléphant) avec qui j’ai engagé la conversation. Enfin, c’est plus particulièrement le monsieur qui a engagé la conversation avec moi. Je m’étais contenté d’afficher un sourire complice (que j’alterne avec mon regard de Delta Force. Je peux vous dire que mon visage est particulièrement expressif ces temps-ci) en me préparant un petit « Hello ! » universel dans le coin de la bouche. Mais il m’a pris de vitesse en me balançant un « Bonjour », sauce Ménilmontant. Un peu vexé, je l’amène à l’écart en lui chuchotant : « Comment avais vous su que j’étais français ? »
- Ah non je savais pas, je dis bonjour à tout le monde par principe.
Ouf, j’étais rassuré. Pendant un moment j’ai cru qu’un élément vestimentaire autre que mon sac à dos bourré de matériel photo, mes lunettes de soleil et ma casquette (mais toujours en pantalon et chemise, ça, c’est pour la rubrique mode) m’avait trahi. Bref, le monsieur, visiblement heureux d’échapper aux explications du guide sur la signification de la conche portée dans la main droite de Vishnu sur la troisième statue à droite en partant du bas (explication au demeurant fort intéressante mais que j’ai oublié entre-temps), m’apprend que lui et sa femme, agent de voyage à Paris, sont des amoureux fous de l’Inde et qu’ils y reviennent régulièrement. Bref on a papoté gentiment pendant quelques minutes le temps que je retrouve mon guide qui s’était planqué sous un arbre (pas fou).
Encore plus étonnant, je partageai la guest house avec deux jeunes américaines blondes (limites jumelles) se baladant en T-shirts, shorts et tongs (je me demande si je ne vais pas arrêter avec les pantalons, moi), comme à la plage, au mépris des conseils de décence de mon Lonely Planet, et à moto en plus (c’est des folles rebelles ici en Inde) avec qui j’ai vaguement tenté d’échanger des conseils de restaurants sympa sur Hampi. Ca a du durer trente secondes le temps que tout le monde se rende compte, premièrement, qu’on venait chacun d’arriver depuis moins de trois heures en ville et deuxièmement, qu’à défaut d’appeler ça une ville, Hampi mériterait plutôt le qualificatif de village. Sinon de loin en loin j’ai du apercevoir une poignée de touriste en scooter mais je peux vous dire qu’il y avait beaucoup plus de singes que de touristes occidentaux. Hampi, patrimoine mondial de l’UNESCO, tout de même.
Par contre à Pondicherry, je m’attendait à en voir des pelletées de mes congénères et bien pas vraiment. Alors pour être honnête il est vrai que je vois des touristes une fois pas jour sans problème, souvent en banc de deux, voir de six (mais c’est exceptionnel) ce qui est trèèès largement au dessus de ce que j’ai vu à Mumbai. La ville est plus petite ? C’est vrai. Sauf qu’ici, même avec un sourire complice, les gens détournent la tête et font mines de m’ignorer. Je vois deux explications : soit depuis deux semaines ici, j’ai une tête d’indien, soit chacun est dans son trip « seul en Inde, wah, l’aventure ! » et ne veux surtout pas se faire voir en compagnie d’un autre touriste. Ce serait un aveux de faiblesse. Sauf que Pondicherry, côté « Inde profonde », c’est pas l’endroit le plus approprié. Qu’est ce que ça doit être à Goa (blague de baroudeur connaissant l’Inde de fond en comble. Vous pouvez pas comprendre) ! Surtout que ces touristes j’ai plutôt tendance à les croiser du côté de la vieille ville française (ah ça, pour croiser un touriste marchant comme un con pendant une demi-heure à travers la partie tamoule jusqu’à la station centrale de bus, il y en a qu’un, hein ! C’est bibi!), ou du côté d’Auroville, LE endroit spirituo-new age à proximité de la ville (j’en parlerai dans un autre billet dédicacé à Emmanuel, de Chalon-sur-Saône).
Donc si vous souhaitez avoir des nouvelles de votre ami Robert, que j’ai du croiser en Inde parce qu’il est parti en même temps que moi, comptez pas trop là dessus. Nous sommes seuls, très seuls.
Générique de fin avec crédits et marque de la pellicule.
Lumière.