L’aéroport international de Chennai est à l’image de l’Inde : moderne de l’extérieur mais vétuste de l’intérieur. Le ton est d’ailleurs donné lorsqu’on arrive par le train local. Vous descendez après un voyage dans des wagons similaires aux slow trains de Mumbai, à la gare de Tirusulam, postée en face de l’aéroport (sans indications qu’il s’agit de la gare qui dessert l’aéroport donc il vaut mieux se renseigner au préalable. Fort heureusement, j’avais fait la queue à un guichet pour arracher cette information à une préposée peu souriante et grâce l’aide d’un aimable jeune homme derrière moi, un tantinet plus anglophone). Il faut ensuite traverser une route à pied, heureusement, relativement peu empruntée, puis un petit talus herbeux, une voie de circulation routière interne à l’aéroport puis enfin traverser les parkings avant de rejoindre l’entrée des halls, le tout sans passage piéton, bien entendu. Tout ça est encore une fois un peu vétuste et sommaire, mais bon, ça fonctionne. Dites vous bien que la phrase « l’aéroport international est desservi du centre ville par taxi, bus ou train rapide » peut révéler deux réalités totalement différentes suivant qu’on est à Stockholm ou Chennai, du moins qualitativement.
Une fois dans le hall départ, après le contrôle de sécurité, on se retrouve plutôt dans une ambiance années quatre-vingts avec un unique afficheur rotatif qui fait un très joli bruit froufroutant lorsque il se met à jour. Je comptais sur les heures d’attentes à l’aéroport (j’avais prévu une grosse marge, méfiant que j’étais) pour me bouffer un burger dégoulinant de fromage fondu au McDonald’s ou Burger King de la zone marchande et, si la chance était avec moi, profiter d’un accès WiFi pour régler quelques derniers détails pour mon arrivée à Hanoi. Je me suis donc contenté d’un rapide sandwich au curry (ce sera mon tout dernier plat indien) acheté dans un des deux stands du minuscule hall départ. On se croirait à l’aéroport de Marignane. Finalement après quelques heures d’attente dans un brouhaha de hall de gare, mon vol est annoncé au panneau (ffffrrrrrrtt, que c’est joli) et j’entame le long périple à travers la douane et la sécurité pour rejoindre la zone d’embarquement. Un écran affiche les vols et leur porte d’embarquement mais le miens n’y ai pas. Mais après tout, il y a encore une heure avant le décollage.
Cinquante minutes plus tard, la porte d’embarquement n’est toujours pas annoncée et je commence à me dire qu’il va y avoir un couac. Une annonce sonore attire mon attention et je parvient péniblement à reconnaître le numéro de mon vol suivi d’un autre numéro inconnu. Dans le doute je me dirige vers la porte du numéro inconnu, sait on jamais. Une queue est en train de se former mais aucune traces d’indications. Quelqu’un d’autre dans la queue me confirme que c’est bien ici pour le vol Singapore Airlines vers Hanoi. C’est bien discret je trouve et surtout, faire embarquer tous les passagers d’un avion en dix minutes, ça me paraît être une manœuvre pour le moins ambitieuse. Finalement, cinq minutes avant le décollage prévu, l’afficheur se met à jour et l’embarquement commence.
Une petite demi-heure plus tard, les portes de l’avion se referment et le capitaine nous fait les annonces de bienvenu avec une petite conclusion joliment ironique : « et merci pour votre embarquement ponctuel ». Message personnel pour le chef d’escale Singapore Airlines à Chennai ou pour le responsable de l’embarquement de l’aéroport, voir les deux. Nous décollons donc avec trente minutes de retard mais déjà, dans l’avion, je me sens transporté cinquante années en avant.
Après un rapide vol de quelques heures ou je revis avec émotions mes premiers souvenirs à bord d’un avion de Singapore Airlines quand j’étais enfant (les hôtesses sont toujours aussi jolies et souriantes et il y a toujours une petite serviette chaude servie peu après le décollage), nous atterrissons pour une escale à Singapour. Et là, c’est le choc. Comment dire. Ce devrait être interdit ça de faire direct Chennai-Singapour. On a l’impression de voyager un siècle dans le futur. On est tout déboussolé par la propreté quasiment maniaque, par la redécouverte de l’aspirateur, par le WiFi gratuit tous les cinquante mètres, par les tapis roulants, par la taille des lieux et par le silence feutré. Certes tous les grands aéroports internationaux se ressemblent, mais j’en avais oublié la saveur. C’est effectivement comme mordre dans un sushi après un mois de plats épicés. C’est peut être fade, mais qu’est-ce que c’est reposant.
Aaaah, que ça fait du bien de revenir au 21ème siècle !