Le temps file, finalement. J’arrive dans un pays et j’ai un mois devant moi. Je peine à trouver des idées pour occuper ces jours, hésitant entre maximiser les choses à découvrir et prendre son temps, et puis tout à coup, un matin on se retrouve avec plus qu’une petite semaine de jours dans le pays. C’est assez écoeurant de dire ça lorsque la plupart des gens n’ont, justement, qu’une seule petite semaine de vacances en un endroit mais je suis dans un autre rythme.
Pour ma dernière étape australienne, j’ai gardé quelque chose de spécial pour la fin. Je retourne à Sydney, plus de trente ans après. Oui, car pour ceux qui ne connaissent pas mon background, j’ai eu la chance d’habiter deux ans et demi, petit enfant, dans la capitale de la Nouvelle Galle du Sud au tout début des années 80. Autant dire que je vais redécouvrir la ville, re-parcourir des lieux déjà vu mais dont je ne me souviendrai pas ou bien retrouver (ou pas) des sensations oubliées.
Autre particularité de mon séjour à Sydney, je vais également revoir l’ami Romain, un ancien étudiant que j’ai eu à Chalon-sur-Saône, immigré ici depuis quelques années. Ce sera parfait pour faire un point comparatif avec lui de ce que j’ai ressenti dans le pays.
Je quitte donc Melbourne un samedi matin très tôt et, par voie aérienne parce que, parfois, il y en a marre d’être terrien, atterri de nouveau à Sydney. Pour le moment, aucun déjà vu. Un aéroport est un aéroport. Après avoir récupéré mon gros sac à dos, je prend le train pour le centre ville. A travers la vitre, rien de spécial ne déclenche un souvenir. Heureusement, il fait beau et doux.
Je descend à la gare centrale et me met en route le long d’Elizabeth street à la recherche de mon auberge de jeunesse. Je suis devenu complètement accroc à ce mode d’hébergement. Enfin, disons que moi et mon portefeuille on s’est mis d’accord pour trouver ça chouette. Au loin, à quelques centaines de mètres, de grands immeubles en verre signalent le CBD. Toujours rien de familier. Je récupère les clés de la chambre, pénètre dans un dortoir sombre de trois lits superposés où un type est encore en train de dormir en fin de matinée.
Je prend cinq minutes pour appeler Romain au téléphone et on se met d’accord pour se rappeler plus tard afin de se synchroniser pour se retrouver ce soir en ville boire un coup et manger. Depuis le téléphone portable, on note un pic de procrastination en ce qui concerne la prise de rendez vous. Je repart aussitôt à la recherche d’un coiffeur recommandé par la fille de l’accueil. Quelques rues plus loin je repère la petite échoppe de barbier tenu par deux types d’origine moyen oriental. Je suis le seul client et l’un d’eux pose son magasine pour s’occuper de moi. En dix minutes, il règle mon affaire et pour 15$, je repart avec la nuque fraiche. Ca tombe bien, le temps est printanier. Ceci dit, je n’ai toujours pas reconnu quelque chose de familier.
Je part ensuite faire quelques courses de base (brosse à dent et dentifrice, preuve que je me soucis encore de mon hygiène) et après avoir passé sous les voies de chemin de fer, me retrouve aux portes de Chinatown. L’endroit est vivant et riche en magasins mais je n’ai toujours aucun souvenir de l’endroit. Pourtant, Chinatown, ça devrait marquer. Le truc c’est que j’ai des images précises de choses mais tant que je ne tomberai pas dessus, il n’y a aucune chance que je sache où elles sont.
Je revient à l’auberge déposer mes achats puis repart faire une première véritable ballade touristique en direction du CBD. En remontant Elizabeth street, assez rapidement les immeubles deviennent plus imposant et je me retrouve soudain au pied de grands bâtiments en verre.
Je longe un parc avec un monument en son centre. Je m’approche pour voir si ça ne déclencherai pas un flash. Rien. Par contre, j’aperçois plus loin, longeant le parc, un grand bâtiment à l’allure néo-classique. Première émotion. Ce pourrait-il que ce soit ce musée où, enfant, j’avais effectué une sortie scolaire pour y voir une exposition géologique et surtout un gigantesque squelette de baleine suspendu en l’air ? C’est bien lui, l’Australian Museum, sauf qu’il a sérieusement rapetissé par rapport à mes souvenirs. Me voilà rassuré. Je ne me suis pas trompé de ville.
Je poursuit mon chemin jusqu’à la cathédrale qui ne m’inspire rien. C’est une cathédrale vaguement gothique comme il en existe de nombreuses. Deux ou trois couples en habits de mariés et à la face bienheureuse se font mitrailler par des photographes accompagnés de leur assistants luttant contre l’ennui en tenant d’un air détaché un réflecteur dans la main. Les gens n’ont donc aucune imagination. C’est d’un triste de faire un demi tour de la planète pour constater les mêmes clichés.
Sur le parvis, j’aperçois de l’autre côté du parc deux immeubles qui me disent vaguement quelque chose. L’un d’eux ressemble à une tour radio gigantesque et l’autre possède une forme octogonale. J’ai un souvenir de diner pris dans un restaurant panoramique rotatif, au sommet d’une tour comme celle-ci. Rassurez-vous, ce n’est pas moi qui payait.
Je continu en passant derrière la cathédrale et rejoint le coin d’un nouveau parc. Un bâtiment à l’aspect curieux titille quelque chose en moi. C’est le conservatoire de musique. Allez savoir, peut être y suis-je déjà aller. Par contre, si je ne suis pas complètement abruti, je ne devrai pas être loin de Botany Park, le parc jouxtant le CBD et l’Opéra (avec un « o » majuscule car il s’agit de l’Opéra de Sydney, pas n’importe quelle vulgaire salle d’opérette) et abritant un jardin botanique. Ça, je m’en souviens car il faisait parti du circuit touristique classique lors de la venue de membres de la famille venu d’Europe. Aucune chance que je me souvienne du nom des arbres et des essences qui s’y trouvent, par contre.
J’emprunte les sentiers du parc et observe les nombreuses personnes posées sur les pelouses, profitant de ce chaud et agréable soleil de fin d’hiver. La température doit avoisiner les 22°C. Irrésistiblement, je suis attiré vers l’eau. S’il y a bien quelque chose qui m’a marqué à Sydney, c’est l’omniprésence de la baie. Elle était partout, à chaque coin de rue, pleine de recoins et d’activité, de ferrys et de voiliers, obstacle coupant la ville en deux mais également voie de transport. Je m’approche du muret et profite quelques instants de ces retrouvailles. Moi, l’eau, je crois que ça m’apaise.
Je suis le chemin qui longe la rive, sachant pertinemment que chaque pas me rapproche de la reine des lieux, le co-emblème de la ville et un des monuments mondiaux les plus reconnaissables entre tous. De l’Opéra et du Pont, je garde un souvenir très vif. Et puis d’abord, c’est simple, tout le monde s’y dirige.