Finalement dans le voyage, le plus intéressant, en ce qui me concerne, ne consiste pas forcément a faire de grandes visites majestueuses. Parfois, il s’agit simplement de se poser à un endroit et de progressivement se laisser gagner par une routine (à ne pas confondre avec la poutine, que je détaillerai longuement dans un futur billet et qui n’a absolument aucun lien avec un dirigeant politique) ou une atmosphère. Dans ce cas, le cadre revêt un aspect primordial dans ce ressenti. Vous l’aurez deviner, voici le moment de parler de la maison d’hôte où je suis hébergé à La Malbaie.
« La Maison des Rives », car telle est son nom (ce qui vous permet de le taper sur votre internet), c’est une jolie maison en bois blanc dans le secteur Pointe-à-Pic de La Malbaie. Arrivé à pied avec mon sac à dos une fin d’après-midi, je fut accueilli par un jeune adolescent rouquin qui, non sans compétence, me mena jusqu’à ma chambre, « La Vendéenne », à l’étage, donnant sur le balcon supérieur de la maison. Je passerai rapidement sur la décoration intérieure, peu à mon goût puisque directement issu d’un catalogue Laura Ashley ou la quantité de froufroutement, petits nœuds inutiles et coussins décoratifs semblent être le critère majeur de bon goût. Accessoirement, cela semble également être devenu une norme esthétique occidentale pour la majorité des maisons d’hôtes ou de gites. Non, moi, mon truc c’est plus le design épuré du grand nord scandinave ou du Japon zen. La perfection est atteinte quand on ne peut plus rien enlever donc je vous assure qu’il y avait matière à grandement perfectionner de mon point de vue dans « La Vendéenne ». Ceci dit, la chambre est confortable, le lit idem et il y a un accès facile sur le balcon où l’on peut s’asseoir à une petite table pour faire semblant de travailler sur son ordinateur portable (ce qui ne manquera pas d’attirer quelques regards admiratifs du propriétaire).
La maison se situe entre la route (peu passagère, rassurez-vous) qui longe le Saint-Laurent et mène vers la Pointe-à-Pic où se trouve le casino et une rue qui concentre la grande majorité (environ une dizaine) des maisons d’hôtes et restaurants (environ une poignée). J’ai bien tenté d’échantillonner ces établissements le soir, mais sans vraiment qu’un ne ressorte du lot. Ah si, maintenant que j’y réfléchit, il y en a bien eu un qui a bénéficié par deux fois de mon auguste présence pour la très rationnelle raison qu’il servait de la « Vache Folle », une excellente bière d’une micro-brasserie de Charlevoix. A part ça, c’est essentiellement des plats de viandes d’une qualité honorable. Mais je réserve pour plus tard la dissertation sur la nourriture. Pour un autre soir, j’ai orienté mes critères de sélection de restaurant selon sa capacité à retransmettre le derby entre les Canadiens de Montréal et les feuilles d’érables de Toronto (Maple Leaf en version originale). C’est du hockey sur glace, bien entendu, et la foule (enfin, ceux qui suivaient) était majoritairement pour les Canadziens de Monréeul. Moi, je comprend toujours rien à ce sport. Ça va beaucoup trop vite lorsqu’on suit attentivement, alors imaginez lorsqu’il faut manger en plus.
Mais revenons à la « Maison des Rives ». Son grand attrait réside en son copieux petit-déjeuner servi dans la salle à manger. Au programme, salade de fruits, cake, pain, œufs durs, café, thé, jus de fruit, le tout à volonté. Comme tout ceci est à l’échelle familiale, c’est surtout le moment privilégié pour papoter avec les propriétaires et les quelques hôtes de passage qui remontent le Saint-Laurent. Sans surprise j’y croise quelques couples de retraités français et des québécois. Je vous ai déjà dit que les propriétaires sont sympathiques et bien figurez-vous qu’ils sont également français. Pour l’immersion c’est raté. Je ne dois pas être doué pour reconnaître les accents.
Chaque matin est l’occasion d’en apprendre un peu plus sur cette famille de rouquins (dans la famille rouquin je veux le père, la mère, le grand frère, le petit frère et la minuscule fille) qui s’avèrent être originaires de Vendée côté La Roche-sur-Yon. Le mari, un grand gars costaud entre 40 et 50 ans, après des années comme transporteur routier à travers l’Europe pour diverses ONG telles que la Croix-Rouge, décide de tenter l’aventure au Québec avec sa femme. Huit années plus tard, ils y sont toujours et depuis deux ans ont décidé de se lancer dans l’hôtellerie. Fatalement, c’est l’occasion de discuter avec eux (et elles lors de mes deux transports gratuits) de leur installation et de leurs rapports avec les québecois. Si ça vous intéresse, j’ai inondé la propriétaire de questions concernant la gestion d’une maison d’hôte. J’ai également posé LA question que tout méridional (même si Montréal est à la même hauteur que Paris) se pose: peut-on survivre au rude hiver canadien sans perdre de phalanges? Leur réponse, que je concise (nouveau verbe du premier groupe que je viens d’inventer) est: « oui, avec un bon 4×4 et un skidoo ». Tout est une question de bête logistique dans la vie, c’est déprimant.
Côté immersion dans la vie locale, je conclurai par cette petite aventure chez le coiffeur. Oui, ça fait des années que je ne vais plus chez le coiffeur en France mais depuis que je voyage, parce que je n’ai pas de tondeuse, certes, mais également car je trouve ça intéressant de se faire couper les tifs à la mode locale, je n’arrête pas (enfin, trois fois en quatre mois, moi, je trouve ça super fréquent). Coupons court à tout suspense, je suis ressorti les cheveux proprement coupés. L’aventure, je vous l’ai un peu sur-vendu puisqu’il s’agissait essentiellement d’écouter à la dérobé la conversation entre mon coiffeur et un retraité, tout les deux québecois (et par la même occasion, me soulageant du pénible poids de tenir une conversation avec mon coiffeur). J’ai été outré, trahi, choqué en apprenant que ce vieux retraité vivait la moitié de l’année en Floride pour échapper à l’hiver canadien. Manifestement, ce n’était pas le seul. Ouaih, ouaih, ouaih. Après, qu’on ne vienne pas chercher à me convaincre que les hivers ne sont pas rudes au Québec.