Ce que j’ai retenu de les guerres du Vietnam

Allez, hop. Que chacun prenne un cahier et un crayon. Tracez une ligne verticale 3 cm à droite de la marge de gauche et inscrivez votre nom, prénom ainsi que la date d’aujourd’hui. Notez le sujet de la leçon du jour : « Les guerres de le Vietnam ». Soulignez au stylo vert.

Nous sommes en 1940 et la France est en train de se faire botter les fesses par son voisin germanique. Cinq années plus tard, après une lutte acharnée mais finalement brève à l’échelle des guerres, les forces de l’Axe (rien à voir avec le déodorant) sont défaites et les grandes puissances vainqueuses (c’est bizarre, ça sonne pas bien) que sont le Royaume-Unie, les Etats-Unis et l’URSS, après avoir libéré la France, lui rétrocèdent ses anciennes colonies parce que franchement l’oppression c’est moche, l’occupation c’est vraiment méchant et que le droit d’autodétermination des peuples c’est presque nous qu’on l’a inventé (même si je crois que ce sont les américains) et que, ouaih, pfff, c’est vachement pas super d’être gouverné par des gens qui parlent même pas la même langue que nous. Bref, la France avait pris une leçon et en avait encore les fesses toutes rouges de s’être fait défaites aussi vites et les joues de la même couleur d’avoir eu un gouvernement de collaboration relativement zélé pendant cette triste période. Heureusement, les fiers idéaux de la / les résistances furent brandis bien hauts et on se réconforta en affirmant que ah mais oui en fait la vrai France c’était ça et pas les autres du gouvernement au nom de pastille.

Pendant ce temps là, quasiment de l’autre côté de la terre, dans les colonies que l’on appelle encore Indochine gentiment rendues par nos amis après que les Japonais nous les ai piqué, certaines personnes à la naïveté parfaitement écœurante et qui frise la bêtise, décidèrent que, puisque c’était le camps des gentils qui avait gagné et que résonnait partout des cris de « liberté, liberté », ils avaient le droit de se déclarer indépendant. C’était en 1948, la France était encore sous tickets de rationnement, et les gens de l’hexagone n’étaient vraiment pas d’humeur à rire. Non mais, ha ha, liberté, j’entends bien, ha ha, ils sont mignons, mais c’est à dire qu’en fait, comment vous dire… non ?

En plus, et là franchement faut vraiment chercher la merde, il se trouve que la majorité des gens souhaitant cette indépendance étaient d’obédience légèrement communisante, ce qui était drôlement la mode à cette époque, il faut bien le dire. Malheureusement, les pays occidentaux s’étaient légèrement crispés avec le camarade Staline qui n’avait pas vraiment joué le jeu en ne rendant pas leur autonomie et indépendance aux pays européens « libérés » pendant la reconquête. Du coup tout ce qui avait un vague lien avec le socialisme et le communisme était encore plus mal vu. C’est bien connu, le rouge, ça énerve. Demandez aux taureaux.

La France décide donc de reprendre les choses en main en Indochine pour bien signaler que, hé, la fête est fini et de toute façon, à la libération on était tous bourrés tellement on avait picolé pour fêter ça et c’est bien connu, les amis de beuveries, ce sont des amis d’une nuit. Et pis on s’en souvient pas qu’on avait vraiment dit « liberté, liberté ». On était bourré on vous dit. Accessoirement, une de ces personnes un peu trop candide qui souhaitait l’indépendance de son pays, un certain monsieur Hô Chi Minh, avait été supérieurement éduqué en France quelques années plus tôt. Oui, non, mais on vous dit des trucs à l’université mais faut pas prendre ça au pied de la lettre. Il est con lui, ha ha ha.

On décida donc d’envoyer des soldats au Vietnam pour calmer tout le monde. En plus les militaires français étaient encore chauds vu que la seconde guerre mondiale venait à peine de se finir. C’était donc un bon moyen de les occuper. Le seul problème, et il était de taille maintenant qu’on y pense, c’est qu’on avait pas vraiment les moyens de la faire, cette guerre, vu qu’on venait juste d’en finir une bien velue. Bon euh, comment dire, vous auriez pas deux, trois avions et un peu de bouffe pour qu’on puisse aller botter les fesses de ces p’tits jaunes, demanda-t-on aux américains ? Euh pardon, en fait on s’est trompé. Ils ne sont pas jaunes. Ils sont drôlement rouges, oulala, qu’est-ce qu’ils sont rouges.

Entendant cela – quoi, rouges vous dites ? Vous êtes sur ? Pas fuschia ou mauve ou orange, hein ? – les américains nous firent cadeau d’un support logistique et financèrent notre guerre de reconquête de l’Indochine. Ce fut donc la première guerre du Vietnam, autrement appelée la guerre Française par les vietnamiens.

Ça dura quelques années pendant lesquels les choses n’avancèrent guère. On s’entraîna à torturer dans les prisons de Hanoi ce qui fut drôlement pratique quelques années plus tard en Algérie. Puis un beau jour, on décida d’aller confronter directement l’armée de libération Vietnamienne dans une grande bataille dans les montagnes à l’ouest de Hanoi, histoire d’en finir une bonne fois pour toute. Alors là, je ne sais pas ce qui s’est passé, mais on a sérieusement cafouillé du ciboulot. Je ne suis pas un expert dans l’art de la guerre et je n’ai pas lu Sun Tsu mais je me dis qu’il y a quand même des choses qui sont un peu évidentes, toute de même. Le grand général français (dont je ne me souviens pas du nom, pour changer) commandant les troupes expéditionnaires, décida d’établir son camps dans une vallée entourée de hautes montagnes de toutes part, formant une cuvette naturelle, reliée à Hanoi par une unique route serpentant à travers un relief difficile. Bon. Moi je veut bien que ce soit superbe et que la proximité de l’eau courante présente certains avantages indéniable mais n’est ce pas un peu bébête d’un point de vue défensif ? Je veux dire, sans avoir beaucoup d’imagination, je vois bien des gens nous jetant des pierres par au-dessus.

Le général vietnamien, apprenant cela, dégrada son officier de renseignement sous prétexte qu’il fallait qu’il arrête de raconter des conneries car aucun général adverse digne de ce nom ne se mettrait dans une situation aussi débile. Bien entendu, il du bien admettre que si, il y en avait au moins un qui l’avait fait et sans trop se casser la tête sur de vastes réflexions stratégiques plaça de l’artillerie sur les crêtes surplombant la vallée. Ce général, du nom de Vô Nguyen Giap, était historien d’origine donc totalement autodidacte pour ce qui touchait à la stratégie militaire. Mais là, il faut bien avouer que c’était un peu facile.

Wah l’autre, ils tricheuh. Ils nous tirent par au-dessus ! firent, les français. Au bout d’un certain temps, ils se rendirent compte qu’il était également très facile pour l’adversaire de bloquer toute progression le long de la seule route d’approvisionnement et on se retrouva rapidement bloqué dans notre camps, bientôt à court de saucisson et de pastis.

« Allo, monsieur Oncle Sam ? Oui, euh, bonjour. Comment dire ? On est bloqué et on est bientôt à court de munitions pour l’apéro. Comment qu’on fait ? ». Notre gentil sponsor mis alors en place un pont aérien qui permit, pendant un certain temps, au camps français de tenir, malgré les bombardements quotidiens.

Ça ne dura qu’un temps car, de leur côté, les forces vietnamiennes allèrent demander à leurs amis Chinois (rouges également, avec une jolie étoile jaune) s’ils n’auraient pas quelques canons antiaériens dont ils n’auraient pas l’usage présentement. Donc assez rapidement, les avions américains furent incapables de soutenir l’armée française et le généralissime responsable du corps expéditionnaire fut bien obligé de se rendre, l’année 1952. Cela sonna donc la fin de l’intervention française au Vietnam, la signature d’un cessé le feu et la séparation du Vietnam en deux pays indépendants, le nord et le sud (c’est sur que si on avait voulu le découper dans le sens de la longueur, ça aurait été beaucoup plus pénible) approximativement au milieu. Pour les plus lettrés d’entre vous, la vallée, ou cuvette, en question où on alla s’enterrer s’appelle Dien Bien Phu. Je me demande ce qui est advenu du général français, tiens ?

Pour la partie sud, sous influence franco-américaine, on décida quelques temps plus tard de favoriser le coup d’état d’un président malléable histoire d’éviter que cette partie du pays ne bascule également sous régime communiste. Malgré le cessé le feu, des mouvements de libération du sud Vietnam (affectueusement appelés Viet Congs) commencèrent à effectuer des actions de déstabilisation. Le président Ngo Dinh Diem pris donc le pouvoir avec la bénédiction de Washington. Wikipédia me précise que son nom complet est d’ailleurs Jean-Baptiste Ngo Dinh Diem ce qui est parfaitement ridicule. « Jean-Baptiste, range ta chambre ! »

  • Je peux pas maman, je suis occupé à opprimer le sud Vietnam !

Car Jean-Bap’ s’avéra être un parfait salaud zélé et réussi à se rendre totalement impopulaire auprès de sa population. D’ailleurs, quelques années plus tard il fut assassiné au cour d’un autre coup d’état pendant que Kennedy regardait ostensiblement de l’autre côté, en poussant un grand « ouf » de soulagement lorsqu’il apprit la nouvelle.

Tout ça pour dire que les américains débarquèrent au Vietnam pendant que les français le quittait. Ça devait drôlement charrier côté US :« Vous avez refermé la cuvette avant de partir, j’espère ? Hahaha ». Ce fut donc le début de la deuxième guerre du Vietnam, appelé guerre Américaine. Il y a d’ailleurs une anecdote assez amusante concernant l’intervention US au Vietnam. Tout déploiement de troupes américaines en territoire étranger doit être approuvé par le congrès, à Washington. La bataille allait être rude pour convaincre la chambre, mais le gouvernement de Lyndon Johnson profita d’un coup de chance pour l’emporter. Suivant la source, il s’agit d’ailleurs soit d’un coup de chance, soit d’un coup machiavélique organisé par les USA pour trouver un prétexte à l’intervention. En 1964 un navire américain fut attaqué dans le golfe du Tonkin. Le gouvernement US accusa le Nord Vietnam, ce que celui-ci dénonça instantanément. L’anecdote amusante, que vous pourrez toujours ressortir à votre prochaine soirée raclette, est que l’amiral en charge de cette petite flotte du Tonkin et qui rapporta donc cette attaque fut l’amiral George Morrisson, père du chanteur / compositeur décédé au Père Lachaise, Jim Morrisson. Le fils haïssait son père, il suffit d’écouter « The End » des Doors pour s’en rendre compte.

Pendant quelques années ce fut uniquement une guerre de guérilla visant à tenter d’étouffer les mouvements communistes sud-vietnamiens et qui n’avait lieu que dans la partie sud, sous la ligne de démarcation. Rapidement, il devint néanmoins clair, malgré ses dénégations, que le Nord Vietnam soutenait ces mouvements via des lignes d’approvisionnement passant par le Laos (rappellez-vous Phong Nha et la route 12). La tension était à son comble sans parler que ça commençait à chouiner dans les chaumières yankee parce que des soldats mourraient. Genre.

On m’a d’ailleurs appris une anecdote fort intéressante sur cette période (par Hannah, en l’occurence), qui reste à valider bien entendu, mais qui en dit long sur la fourberie d’une certaine personne. A cette époque Richard Nixon (futur président des USA) était vice-président d’Eisenhower. Eisenhower était proche de la fin de son second mandat et Nixon était sur les starting blocks pour être le futur candidat républicain face au jeune sénateur démocrate, John F. Kennedy. A cette époque, Eisenhower souhaitait retirer les troupes du Vietnam et arrêter cette guerre mais Nixon ne l’entendait pas de cette oreille. D’après mes sources, il souhaitait maintenir la guerre pour favoriser ses desseins électoraux. Au cours d’une réunion entre Eisenhower et les dirigeants vietnamiens, il aurait tout fait pour écarter Eisenhower des ses interlocuteurs provoquant l’échec des négociations et la poursuite pour quinze années supplémentaires du conflit. Sympathique garçon, si cela est vrai.

Pour soutenir leur effort de tarissement (pas peu fier d’avoir utilisé ce verbe) des sources d’approvisionnement sud-vietnamiens, le général Westmoreland, commandant suprême des forces d’interventions US au Vietnam, décida de créer une base de Marines au plus prêt du Laos. Donc là, pareil, on se demande ce qui a bien pu lui passer par la tête à ce moment là mais je me dis que l’on n’apprend rien de l’histoire. On décida de placer cette base en hauteur, parce que Dien Bien Phu, ça va bien, mais les meilleurs blagues sont les plus courtes. On choisi donc un magnifique plateau entouré de profondes vallées situé à environ 600m d’altitude, à Khe San. C’était grand et plat ce qui était vraiment très pratique pour faire atterrir les B-52 et surtout les C-130 bourrés de burgers et de frites. En plus il y avait une route pour atteindre le plateau qu’on s’était embêté à construire.

« Aaaaah, on est bien là. Hein ?

  • Euh, chef ?
  • Oui ?
  • C’est quoi toutes ces montagnes autour qui ont l’air d’être plus hautes que la base ?<silence>
  • Et merdeuuuuh.

Pendant quelques temps, il ne se passa rien de spécial. Les B-52 effectuaient leurs ballets quotidiens pendant que les radios de la base beuglaient une bande son rock’n’roll, soul et folk encore inégalée aujourd’hui. Il faisait bon être un marine à Khe San.

Plus au nord, le généralissime Vo Nguyen Giap, en accord avec son gouvernement, préparait un vaste plan d’attaque qui allait officiellement amener le Nord Vietnam en conflit avec les américains. Le point de l’offensive avait été validé. Il restait maintenant à effectuer une diversion pour fixer les troupes adverses le plus longtemps possible éloigné du front principal.

Au Vietnam, tout les ans a lieu la fête la plus importante du pays, le Têt. D’après ce qu’on m’a dit, c’est un peu comme un Noël / Jour de l’An / anniversaire mélangé. C’est grand. C’est très grand. Et c’est le moment de l’année ou le Vietnam s’arrête pour fêter ça. Tout les ans, c’est également l’occasion d’une trêve guerrière et on en profite pour envoyer les soldats épuisés se reposer quelques jours à Da Nang, Saigon ou Sydney pour revenir plus tard avec toute la panoplie des MST de l’époque.

Quelques mois avant la fête du Têt, en 1968 (et là on se dit que franchement, c’est pas possible, mais qu’est ce qu’il s’est passé comme trucs dingues et historiques dans tout les domaines cette année là, sans doute une des années les plus denses de la civilisation occidentale au 20ème siècle), les troupes Nord Vietnamiennes attaquèrent la base de Khe San, située à quelques kilomètres de la frontière Laotienne. Coup de tonnerre. L’état major américain lève le sourcil gauche. Une forte concentration d’artillerie positionnée sur les montagnes avoisinantes (soupir et yeux au ciel) se met à pilonner le plateau, pistes d’atterrissage, avions et terrains de baskets compris. Pendant plusieurs semaines, la base va subir ce régime et le général Westmoreland avec l’accord de son gouvernement décide d’envoyer de plus en plus de marines en soutien, prévoyant une grande offensive dans la région. De base tranquille, Khe San devient un enfer. Au passage voici une photo du plateau tel qu’il est maintenant histoire que vous ne puissiez pas pouvoir imaginer comment c’était. Notez au passage la très jolie montagne en arrière plan à gauche.

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Puis, soudainement, au mépris de toutes les règles du jeu, le premier jour de la fête du Têt, alors que la moitié de la garnison américaine est en train de tranquillement siroter des mau taï et autres mojitos sous les cocotiers (sauf à Khe San où on est toujours en train de déféquer dans son pantalon sous la pluie d’obus qui tombe en permanence), le nord Vietnam déclenche une deuxième et féroce offensive terrestre 100 km plus loin, le long de la côte en direction de la ville de Hué, avec artillerie, char, infanterie et tout le bazar. En catastrophe, les USA sonnent le rappel et des milliers de verres de mau taï et mojitos sont lâchement abandonnés au même moment. On imagine également des hordes de marines arrivant en courant à Hué, la chemise à moitié rentré dans leur pantalon et la braguette ouverte.

Pendant plusieurs semaines, la ville est le théâtre d’une sanglante bataille urbaine et sera grandement endommagée. Néanmoins la soudaineté de l’offensive et l’effet de surprise fera basculer la guerre. Cette campagne sera dorénavant appelée « L’Offensive du Têt » et fut un des grands chefs d’œuvres militaires de Vô Nguyen Giap. Pendant encore sept années, les américains enverrons de plus en plus de troupes pour tenter de renverser le court de l’histoire mais finalement fuiront en catastrophe en 1975, abandonnant leur matériel, quand Saigon sera prise par les forces nord Vietnamiennes. On a tous vu ces photos de bottes, de fusils et de chars abandonnés en parfait état ainsi que d’hélicoptères AH-1 décollant en catastrophe pour évacuer des populations terrorisées. Le rouge, ça fait peur à tout le monde.

On signa donc la paix et le temps passa pendant que le Vietnam de nouveau unifié se remettait tout doucement en place à coup de petits règlements de compte. De l’autre côté de la frontière, le camarade Pol Pot virait tranquillement au despote sanguinaire et le Cambodge sombrait dans l’autodestruction. Purges sur purges la population civile du Cambodge disparaissaient, assassinées dans des camps. Personne n’osait intervenir, ressassant avec angoisse ce terrible conseil prodigué par les français et les américains : ne jamais s’engager dans une guerre terrestre en Asie du sud-est.

Au bout d’un certain temps, le gouvernement Vietnamien, lui même écœuré (c’est pour vous dire à quel point ce devait être particulièrement atroce) décida qu’il était temps que quelqu’un aille retenir le bras de ce fou sanguinaire. Le Vietnam parti donc en guerre contre le Cambodge et Vô Nguyen Giap pris les commandes des forces d’interventions. Une grande armée Vietnamienne pénétra sur le territoire voisin.

Peu de temps après, voyant que ses deux voisins du sud était occupés à se taper dessus, la Chine décida qu’il y avait une sympathique petite opportunité dont elle aurait tort de ne pas en profiter. Elle attaqua donc le Vietnam au nord et déclencha la troisième guerre du Vietnam, autrement appelée guerre Chinoise. Rhaaa, soupir, fit Vo Nguyen Giap quand son gouvernement hurla de rappliquer fissa au secour. Ils commencent à me faire braire tout ces cons qui se sentent permis de venir chez nous sans prévenir.

L’armée de Giap, commença donc sa lente remontée vers le nord. Mais, car ce n’était pas la moitié d’un con (même s’il profita pas mal de la connerie des autres, il faut bien l’avouer), il décida de remonter discrètement par le Laos, avec qui ils étaient resté en bon terme, pour obliquer tout aussi discrètement vers la droite arrivé à hauteur de la Chine. Le mouvement fut opéré à la perfection et les Chinois se retrouvèrent avec une horde de vietnamiens en pyjama noir et chapeaux pointus dans leur dos. Après deux claques et un coup de genou dans les gonades, ils rentrèrent chez eux la larme à l’œil. Bon, bon, ça va. C’était juste pour voir si vous ne dormiez pas. Fin de la guerre, pour de bon, et jusqu’à nouvel ordre.

Il se trouve que le général Vo Nguyen Giap, et je ne sais plus si je vous l’ai déjà dit, avec toutes ces péripéties, est le seul général à avoir vaincu trois super puissances. Ce qui en fait une figure guerrière parmi les plus grandes. Quand au Vietnam, après trois guerres sur une durée totale de vingt ans, il était temps de souffler un peu.

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Vous pouvez poser vos stylos et rendre vos copies.

Premières expériences en Xe Om

Parce qu’il faut toujours tenter de repousser ses limites et essayer (j’ai bien dit essayer) de se confronter à ses angoisses, je me suis dit qu’il était temps de tenter le transport en xe om. Petit rappel pour les moins assidus, un xe om, prononcé certainement pas comme cela s’écrit, est un moto taxi. La plupart du temps ce sont d’ailleurs des mobylettes taxis ou plus précisément des 125cm3 à embrayage automatique, pour les puristes. Et j’imagine que ceux qui aiment faire mal aux mouches par derrière sont nombreux. Si vous tapez « xe om » sur internet, ce que j’ai fait donc épargnez vous cette peine, c’était uniquement un effet de style, vous découvrirez que cela se traduit littéralement par « embrasser le conducteur » ou plutôt « faire un câlin au conducteur ». Le terme vient sans doute de la position qu’on est tenté d’adopter une fois assis à l’arrière consistant à agripper la personne de devant.

Maintenant il est temps de vous avouer que je vous ai menti sans trembler, tout ça pour une phrase d’introduction que je voulais accrocheuse. En vérité je ne me suis absolument pas de moi même confronté à ma peur du xe om. On m’a traîtreusement et sans me prévenir mit devant le fait accompli. Je vous explique.

Pour pouvoir aller visiter les fameux tombeaux hyper-classieux des empereurs Nguyen, je me suis inscrit à un tour guidé à mon hôtel. C’est d’ailleurs drôlement pratique et les indiens devraient en prendre de la graine plutôt que de dépenser des millions dans des publicités télévisées bourrées de mensonges par omission, diffusées dans les chambres d’hôtels d’Heathrow à des touristes candides. Et avec toute cette digression je ne vous ai toujours pas dit ce qui était pratique, en l’occurrence le fait que chaque hôtel vous propose un choix d’excursions que l’on peut réserver et payer directement à l’accueil. Certes c’est un peu un truc de fainéant et on ne maîtrise pas forcément la qualité du tour. Mais peu importe, dans ce cas présent ce qui m’intéressait était un moyen de transport (fluvial et routier) pour visiter les principales tombes dans la journée. Je demande donc à la fille (souriante) de l’accueil où se situe le point de départ de l’excursion, ce à quoi elle me répond quelque chose de l’ordre de : « non, ne vous inquiétez pas, le bus vient vous chercher ». Parfait, un soucis et de la marche en moins.

Le matin de l’excursion, j’attends donc l’arrivée du bus dans la petite ruelle abritant l’hôtel (je vous avoue qu’il me tardait de voir un bus se frayer un chemin dans ce passage étroit mais je savais les vietnamiens plein de ressources pour ce qui est de conduire des véhicules), tout en digérant ma délicieuse pancake à la banane qui constituait l’essentiel de mon petit déjeuner. A l’heure prévue un motard s’arrête devant l’hôtel et l’hôtesse d’accueil me sort de ma torpeur matinale pour m’indiquer que le transport prévu est arrivé. Comment, euh ? Faut que je monte là dessus ? Oui, oui. Ah bon.

Telle une vache menée à l’abattoir et sous le regard de l’hôtesse qui me fait au-revoir et bonne journée avec un grand sourire, je me dirige en déglutissant vers le motard qui fait redémarrer son véhicule. Je m’assoies derrière le conducteur et pose mes schlappes / slache / gougoune / claquettes / tongs sur deux excroissances métalliques que je prie ne faisant pas parti du circuit d’échappement. Mon pilote a un casque mais il ne songe pas une milliseconde à m’en proposer un. Comme nous ne sommes pas encore très intimes je décide que c’est un peu tôt pour lui agripper ses poignées d’amour et saisi donc plutôt la métallique située derrière moi.

« Ok ? », me demande-t-il ?

  • Euh… yes, yes. Glups.

Brrrrraaaaaawwww. Rha le salaud. Il aurait pu compter jusqu’à trois avant de démarrer. Fort heureusement, j’avais déjà eu l’expérience d’être passager sur une moto donc très rapidement j’ai déconnecté la zone du cerveau généralement associé à l’instinct de survie. Il valait vraiment mieux car mon pilote avait décidé de prendre mon sac à dos et de le mettre sur ses genoux tout en parlant dans son téléphone portable, le tout en roulant.

Nous remontons donc la ruelle sur 200m à un petit 40km/h largement suffisant pour se faire quelques émotions sur la moindre bosse et irrégularité du bitume. Arrivée à l’intersection sur la rue principale, je serre la poignée à m’en faire blanchir les jointures et me repositionne un peu mieux en profitant de l’arrêt.

« Ok, you go down, me dit alors mon chauffeur.

  • What, here ?
  • Yes, bus comes over there, me réponds-t-il en me montrant le trottoir opposé.

Ah ben d’accord. C’était donc la course en xe om la plus courte de l’histoire. C’était bien la peine. Je reprends donc mon sac à dos et remercie mon chauffeur.

Le lendemain, je récidive en décidant de faire une excursion sur des sites associés à la guerre du Vietnam (je vous en parlerai bientôt d’ailleurs). Pareil, l’hôtesse me précise que l’on viendra me chercher mais cette fois-ci, je suis préparé psychologiquement. C’est donc sans surprise que je vois arriver à l’heure dite un nouveau motard qui se dirige vers moi et m’invite à le suivre.

Je prends mon sac à dos, et légèrement plus assuré, le lui tends. Cette fois-ci il extrait un deuxième casque de sous la selle et me le donne. Il ne s’agit bien entendu pas d’un casque intégrale mais bon, c’est toujours mieux que hier. Il enfourche sa bécane et je fais de même derrière lui en tentant de bien me positionner.

« Ok ? »

  • Ye….

Braaawwwwwww. Salaud. Nous remontons une nouvelle fois la ruelle, toujours avec mon sac à dos sur ses genoux mais lui, au moins, ne téléphone pas. Par contre, arrivé à l’intersection, il s’engage à droite dans la rue principale et nous plongeons dans le trafic matinal. Sa conduite et vive mais globalement assez dosée pour éviter les gros freinages et brutales accélérations. J’arrive donc à me tenir mais je dois dire qu’il y a parfois quelques petites décharges d’adrénalines aux intersections quand nous nous faufilons entre le trafic venant de la voie opposée ou quand il zigzag pour essayer de doubler les autres deux roues. Le trajet dure bien cinq minutes et je crois que c’est largement suffisant pour une deuxième session. Il s’arrête sur un quai de la rivière des Parfums, je descends et il m’ordonne avec fermeté d’attendre là. Pendant la demi-heure qui suit, j’assiste à un va et vient matinal de xe-oms déposant des touristes tétanisés ou le sourire aux lèvres à côté de moi.

C’est sur que ça réveille.

Voyager en buvant une bière en terrasse

Au cours de ce voyage il me vient parfois des éclairs de lucidité. En un court instant je crois entrapercevoir des vérités universelles et intemporelles. En voilà une par exemple qui m’est venu alors que je sirotai une bière assis sur une petite chaise en bois devant une mini table de la même matière, comme il se doit au Vietnam, et tout ceci dans la bonne ville de Hué. L’histoire retiendra que je consommais une Huda, la bière locale. Pour les fans de bière je précise que c’est une bière légère et blonde sans goût particulièrement prononcé mais, servie fraîche, elle fait son office.

J’adore me mettre en terrasse et, l’alibi de la bière en main (ou toute autre boisson d’ailleurs), pouvoir observer en toute impunité mes congénères passer devant moi et vaquer à leurs occupations. On a l’impression de regarder un gigantesque soap ou un roman chorale aux multiples protagonistes dont on ne saisit pas, la plupart du temps, les intentions et les motivations. Je ne sais pas si c’est ce côté « rien faire en regardant les autres bosser » ou bien le recul que l’on prend lorsqu’on fixe son regard quelques instants sur une petite portion de notre monde et y constater tout ce qui s’y passe, mais en tout cas, je pourrais y passer des heures. Un peu comme pour remplir ce paragraphe.

Et bien figurez-vous qu’à cet instant là, j’ai constaté que l’état dans lequel je suis dans cette situation est similaire à celui du touriste en pays étranger. Ça paraît un peu capillotracté. Je vais donc développer et parler de mon expérience personnelle. Lorsque je suis dans un pays autre que mon cher pays natal, douce France, coûteux pays de mon enfance, j’ai énormément de recul sur tout ce que je vois et notamment sur le comportement des autres. Je me mets tout naturellement dans la position du spectateur, de l’observateur neutre, sans jugement de valeur aucun (en tout cas pas dans l’immédiat). Je me coupe de toute source d’information pouvant me perturber (par exemple, en arrêtant de suivre l’actualité) et je me concentre sur le moment présent (sauf s’il faut organiser la suite du voyage, bien entendu). Et bien entendu, j’active ma zone cérébrale de la curiosité.

Tout ceci est à peu près l’état dans lequel je suis lorsque je suis attablé en terrasse à un café, un verre de bière à la main, plus particulièrement après une ou deux gorgées. De là à dire que je ferai des économies si je passais trois mois attablé place Saint Georges à siroter des cervoises à longueur de journée plutôt que d’accroître l’effet de serre en faisant un tour du monde, je ne franchirai pas ce cap.

La quintessence de ce plaisir de voyeur attablé consiste justement à mélanger les deux : boire une bière en terrasse dans un pays étranger. Là, par exemple, présentement à Hué, j’ai pu assister à une petite scène charmante et étonnamment universelle : dans la rue, une mère en chemise de nuit essayant d’enfourner les dernières cuillerées de riz du repas dans la bouche de sa fille de 9 ans alors que cette dernière a déjà l’esprit ailleurs, occupé par ses tentatives de garder son équilibre en marchant sur une ligne de funambule imaginaire qui suivrait les craquelures du trottoir. Faites pas semblant, on l’a tous fait quand on était enfant.

Soirée à Hué

Richard Bohringer l’a si bien dit de nombreuses fois : « c’est beau une ville la nuit ». Souvent les ambiances sont carrément différentes du jour. A Hué, c’est pareil. A la nuit tombée, les bords sud de la rivière des Parfums, côté ville « nouvelle », s’animent et se peuplent de marchands et de passants. L’ambiance est festive et tout le monde déambule ou reprend vie après la chaleur de la journée.

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En me balladant, je tombe sur un attroupement. Un groupe de jeunes gens chantent accompagnés par trois guitareux autour de quelques bougies posées à même le sol. Trois épaisseurs de DSC_5841_DxOspectateurs les regardent, les écoutent et les accompagnent. J’ai beau ne pas connaître les chansons, je suis quand même impressionné par l’ambiance sereine, paisible et presque innocente de la scène. Belle jeunesse, tiens. C’était donc comme ça les années hippies ? La seule différence c’est que tout le monde a une coiffure propre sur lui et possède un téléphone portable. Sans doute aussi qu’ils rêvent d’avoir un smartphone et un plus gros scooter. Il faut croire qu’on ne peut pas tout avoir de nos jours, l’innocence et les idéaux. Mais en tout cas, en cet instant, je trouve ça chouette et j’ai encore cette sensation que les vietnamiens ont l’espoir d’un lendemain qui chante.

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Ambiances Hué

Parce que je suis incroyablement distrait, voici quelques autres ambiances de Hué dont j’ai oublié de vous faire profiter. Enfin, si quelqu’un me lit… Ça se trouve ça fait deux mois que j’écrit dans le vide. Allo? C’est toi, Postérité?

Pour commencer, imaginez vous au milieu de la Cité Impériale de Hué, au sein de l’enceinte interdite de la résidence de l’empereur. Vous êtes quasiment seul dans un petit coin sous une petite pagode.

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Ensuite, transportez vous dans un des tombeaux d’un quelconque empereur Nguyen (je ne suis pas difficile, vous pouvez choisir le 1 ou le 2) et dirigez vous vers le temple dédié à son souvenir.

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Bonne nuit.