Ah Nha Trang (Tchang) ! Que dire dessus qui n’a pas déjà été dis. Que puis-je décrire que des milliers de poètes et artistes n’aient déjà évoqués dans leurs œuvres désormais classiques. Sa beauté romanesque ? Le charme intemporel de son architecture? Ses matins embrumés que ne viennent troubler que les clapotis des canots le long… Ah, pardon. Je crois que je confond avec Venise.
Non, parce qu’en ce qui concerne Nha Trang, il faut bien avouer qu’elle n’a d’autre intérêt que la plage, qu’elle a fort belle. Décrivant un très joli arc de cercle entourant la baie, elle se fini au sud par un relief montagneux rejoint par le biais d’un téléphérique, une île. Pourquoi donc, se demande-t-on ? Tout simplement car sur cette île, également légèrement montagneuse comme tout les alentours maintenant que je m’y penche sérieusement, se trouve le parc d’attraction « Vineland ». Nha Trang, c’est la station balnéaire vue par les Vietnamiens : tout est fait pour divertir le touriste. J’aurais pu aller voir ce fameux parc d’attraction, mais des circonstances en ont décidés autrement, notamment mon peu de goût pour les choses estampillées « spécialement pour TOI, touriste ».
Mais revenons à cette foutue plage, car telle est le centre d’attraction de cette ville, soit disant. Une grande avenue la parcourt de haut en bas, d’une manière qui ne manque pas d’évoquer la Promenade des Anglais à Nice. Puis derrière, sur une à deux rues parallèles, se rangent une panoplie d’hôtels, restaurants, bars, karaokés et salons de massages. Le plus fou, c’est que ça continue à construire.
On retrouve cette hiérarchie naturelle entre les grands hôtels grand luxe (type Sheraton, Hilton, Sofitel) donnant sur le front de mer (avec leurs chaises pliantes et leurs bars en plein air derrière la plage) et les hôtels un peu moins réputés deux à trois rues plus loin. Il n’y a aucune surprise de ce côté là et je peux vous annoncer que je suis logé deux rues parallèles mais dans un hôtel tout en hauteur avec piscine et bar au sommet. Je peux quasiment agresser les hôtes du Sheraton au lance-pierre avec un peu de détermination et quelques calculs de ballistique. Pis d’abord, la plage, j’m’en fout.
L’autre particularité de cette ville, et je la trouve de taille, c’est l’incroyable présence russe qu’on y trouve. Ça fait longtemps que je n’ai pas mis les pieds sur la véritable Promenade des Anglais et il est fort possible qu’on y trouve de nos jours la même proportion de sujets de monsieur Poutine. Néanmoins, j’ai comme l’impression que la catégorie socioprofessionnelle de ces touristes n’est pas la même. A Nha Trang, point de milliardaires oligarques gavés de pétro ou gazo-dollars mais de simples touristes de classe moyenne se déplaçant sobrement en classe économique.
C’est dans ces moments là qu’on est bien content d’avoir pris russe seconde langue au lycée (avant de se faire prier d’arrêter, deux ans plus tard, pour mieux me concentrer sur mon allemand. Peine perdue) car je peux, avec un peu de concentration, lire les panneaux écris en cyrillique qui peuplent les échoppes de la ville. J’avoue que je trouve ça extrêmement amusant et parfois ai même l’impression de me trouver dans un monde parallèle où l’Union Soviétique aurait remporté la guerre froide.
Là où je suis moins amusé, c’est quand je croise ces fameux touristes russes dans la rue ou au détour du lobby de mon hôtel. Je vais encore me mettre à généraliser, et dieu (s’il existe, mais je crois que ce n’est pas le moment d’entamer une digression théologique) sait que je n’aime pas ça. Je suis révulsé à l’avance de ce que je vais écrire. Pouah. Je suis donc pas très rassuré car je dois bien l’avouer, j’ai l’impression de croiser soit de gros gaillards massifs à la voix de baryton et à la mine rougeâtre que j’assimile automatiquement à une surconsommation d’alcool frelaté (et non pas à leur non adaptation à cet ensoleillement peu usuel dans leur contrées), soit à des sous-officiers des forces spéciales en permission après une intervention en force dans un théâtre tchétchène au physique sec et dur que mon esprit apeuré imagine partageant le même goût pour l’humour froid et sophistiqué que leur compatriote premier ministre Vladimir P. Je ne m’aventure pas à leur lancer un grand sourire innocent comme je le fait avec ces sympathiques vietnamiens. J’ai peur. Il faut dire qu’ils sont aussi grands que des américains. Mais je généralise, bien entendu. C’est juste que je trouve ça toujours un peu flippant de croiser un jeune blond à la coupe réglementaire arborant un t-shirt aux couleurs du drapeau russe. Le fait qu’ils portent t-shirt, marcels, shorts et tongues / schlappe / slache / gougoune / claquettes ne fait rien pour atténuer cette sensation. Au contraire. Imaginez Vladimir P, de Moscou, habillé de cette manière, tiens. Même dans les toilettes, il vient vous chercher, je vous le rappelle.
L’autre grand groupe de touristes qu’on y croise semble être la bande d’étudiants américains / australiens / anglais, brefs anglo-saxons, venus ici pour faire de la plongée le jour et la fête le soir. Ce n’est pas forcément plus fin, mais au moins, ils me font moins peur. Malgré tout, je dois dire que certains américains ou australiens élevés aux hormones et à la fonte détonnent parmi la population locale par leur carrure. J’avais perdu l’habitude avec tous ces frêles indiens et vietnamiens, un peu moins frêles.
Quand le soleil se couche, les néons s’allument. En partant de cette phrase d’introduction, écrivez un roman de mille pages. Vous ferez ça plus tard car il faut que je vous parle de l’ambiance pittoresque et légèrement sulfureuse du Nha Trang by night. Comme souvent, au crépuscule, on a l’impression que les vietnamiens prennent possession du front de mer. On peut avoir la chance d’assister à un concert gratuit de musique traditionnelle (avec le fameux dan bau dont je ne vous ferez pas l’injure de re-décrire) mais la plupart des activités se borne au classique jeunes en rollers, vendeurs ambulants de jouets inutiles mais amusants, vendeurs de glaces, pique-nique sur la plage ou tout simplement la bonne vieille promenade.
En parlant de pique-nique, au crépuscule, la plage, notamment au nord, c’est à dire un peu plus loin des grands hôtels, se peuple de grandes nappes où viennent s’asseoir des familles et leurs amis pour partager un repas. Contrairement aux habitudes occidentales, ici point de glacières remplies de salades et sandwichs. La plupart des groupes sont munis d’un petit réchaud pour faire cuire le riz et les différents plats et, à la mode asiatique, chacun vient partager les différents mets posés au centre de la nappe. Je ne voudrais pas être la personne organisant le pique-nique mais je crois qu’un certain Christophe M., de Lyon, s’y sentirai parfaitement à son aise. Oui, parfois je lance des petits messages personnels.
Si vous êtes un peu isolé (et sans aucun doute mâle) entre deux groupes de promeneurs, justement, vous pouvez avoir l’occasion de vous faire proposer des drogues illicites ou des jolies filles, dans cet ordre. D’ailleurs si nous nous déplaçons maintenant dans une des rues parallèles à ce front de mer, là où l’on trouve le plus de restaurants et bars, on note à plusieurs endroits une petite atmosphère de fête à base d’alcool et de jolies filles. Ce n’est généralement pas très classe (même si on est loin du bar PMU ou du routier) mais ce n’est pas sans m’évoquer l’atmosphère que j’imagine régner dans des grandes villes de permissionnaires, comme le Da Nang des années 60-70. Il fait chaud, c’est criard, c’est lumineux et, en l’occurrence, ça parle slave ou anglais.
Dasvidagna.