Côté nuit, Melbourne s’illumine. Je vous épargne toute allusion à Richard Borhinger mais indéniablement, le soir, le centre de la ville prend un nouvel aspect. Je n’ai pas poussé ma curiosité jusqu’à aller inspecter les quartiers résidentiels à la tombée de la nuit. J’ai beaucoup trop peur de me faire molester physiquement par des voisins regroupés en commandos paramilitaires, les fameux « neighbourhood watch ».
Le soir, c’est le moment où les habitants, telle des insectes photophiles, se ruent vers les lieux de lumières que sont les théâtres, salles de spectacles, restaurants et bars. Le CBD étant finalement vraiment minuscule, à peine sept blocs sur quatre, ont peu aisément naviguer à pied. On partage alors le trafic avec les tramways, les quelques cyclistes et les rares voitures.
C’est également le moment où l’on peut admirer les différentes architectures gothiques, mises en valeur par de flatteurs éclairages. Le lieu le plus agréable reste sans aucun doute, en ce qui me concerne, personnellement, et d’après moi, les abords de la rivière Yarra qui, malgré sa faible largeur, reflète avec classe les immeubles de verres piquetés de lumières jaunes. Signe d’une municipalité moderne préoccupée par la qualité de vie, de nombreuses promenades et passerelles piétonnes permettent de déambuler mollement (comme il se doit souvent le soir) autour du cour d’eau. On profite alors de la fascinante agitation de ses semblables au dessus d’un miroitement hypnotisant entretenu par un petit vent nocturne.
Finalement, la nuit, les villes deviennent dorées. Les éclairages au sodium ou tungstène nimbent les bâtiments de lueurs jaunes ou oranges. Au ras du sol, les néons et lumières fluorescentes baignent les piétons dans une blafarde teinte verte. Les bleus et rouges sont uniquement réservés pour souligner certains lieux exceptionnels ou logos gigantesques. La nuit, c’est un long instant de poésie multicolore.
Parmi leurs pendants modernes, des bâtiments plus anciens, témoins de la période de gloire de Melbourne ou humbles lieux de savoir ou de culte, attirent le regard par leur incongruité. Le contraste est un moyen terriblement efficace pour marquer les esprits.
Je me suis rendu compte il y a quelque années que j’aime les villes qui permettent qu’on les admire, qui vous offre un lieu où l’on peut prendre le recul physique des les contempler, de les appréhender dans leur ensemble. Les villes qui ont des collines, ou les villes qui sont tout en hauteur sont de celles-là. Celles qui sont plates, ramassées me frustrent. On est enthousiaste à voir New York d’en face. On est heureux de contempler Lyon d’en haut. A Lisbonne, on est ému à chaque point de vue d’une de ses collines. Bizarrement, à Melbourne je retrouve cette sensation en marchant autour de la Yarra River, sans doute car on peut s’arrêter en son centre, au milieu d’une passerelle et contempler les murs d’immeubles illuminés sur chaque rive. Non loin de là, un des plus haut gratte-ciel propose une vue panoramique.
Je n’y suis pas allé, sinon j’aurai carrément écrit ce billet en alexandrins.