Avant de partir, un ami à moi que je ne nommerai pas parce que sinon il va avoir une tête comme un melon, m’a demandé si j’avais prévu un thème pour mon voyage. Malheureusement, je n’avais effectivement pas vraiment réfléchi au problème et cela m’a torturé l’esprit pendant des semaines. Non, c’est faux. En vérité j’avais complètement oublié cette histoire de thème. Fort heureusement, je crois avoir trouvé ma marotte, mon moteur, ma motivation, ma thèse, bref ma raison de voyager. Malheureusement, ça ne me permettra pas d’aller plus loin que Chennaï, car je peux vous le dévoiler maintenant, je suis tombé raide dingue des affiches en tamoul placardées partout à Pondichéry. Je les trouvent d’autant plus fascinantes que je ne lis ni ne parle la langue. Elles resteront à toujours pour moi un mystère et c’est parfait ainsi. Si vous parlez le tamoul, ne me crevez pas ma bulle. Pas tout de suite.
Il faut que vous compreniez que malgré tout mes efforts, je ne parviens pas à distinguer les affiches politiques, des affiches de spectacles ou des affiches que je subodore porter des messages à motifs personnels. Toutes arborent plus ou moins la même charte graphique et les mêmes mise en page. Nous allons donc jouer à un petit jeu avec cette sélection d’affiches glanées à travers Pondy. Pour chacune nous essaierons de déterminer le message associé. Ce sera également l’occasion pour vous d’admirer l’admirable travail graphique de chacune de ces œuvres. Car j’affirme qu’elles ne dépareilleraient pas dans votre living à côté de vos photos N&B en tirage limité ou des croûtes achetées les matins de fièvre acheteuse au marché d’art de votre localité. Je les classerai dans cette catégorie d’œuvres « à deux doigts du mauvais goût » que j’affectionne tant. Mais assez parler histoire de l’art. Place aux affiches et que l’esthétisme parle de lui même.
Commençons par une facile. Qu’est ce que raconte cette affiche?
Bien évidemment, on devine qu’il s’agit d’un film avec un héros plutôt moustachu et doté d’une belle et dense chevelure. Accessoirement il tentera à un moment du film d’étrangler une femme en sari jaune et il passera par un instant de grosse colère un peu plus tard. Notez au passage la ressemblance assez sidérante d’avec José Garcia, période Nulle Part Ailleurs.
Toujours pour s’échauffer en voici une sympathique:
Vous ne trouvez pas? Bon ce n’est qu’une théorie mais je pense qu’il s’agit d’un parti politique qui souhaite un anniversaire. Oui je suis d’accord le « King Maker of Parliament » est un peu troublant.
On attaque maintenant l’ambigu. Tous ceux qui trouvent la bonne réponse gagnent mon estime (j’en ai pas beaucoup donc elle vaut cher).
Oui celle-ci est particulièrement dérangeante. J’hésite entre une affiche politique et l’annonce d’une fête familiale. On est particulièrement déstabilisé par la présence de la vieille en sari à gauche (vous notez comme elle ne sourit pas?), du bonhomme jovial complètement à droite et du psychopathe tout droit sorti d’un film de James Bond en plein centre. Et je ne parle même pas du portrait en N&B en médaillon en haut à droite. Les signaux sont contradictoires.
Hop, on enchaîne.
Ha la la, celle là c’est du niveau professionnel. J’ai envie de dire que sans la pierre de Rosette elle est difficile à déchiffrer. Ma dernière théorie que je vous livre (avec votre permission), est qu’il s’agit d’une bande de malfaiteurs aux égos surdimensionnés qui revendiquent le kidnapping d’une petite fillette déguisée en plumeau ramasse poussière (ce qui est plus flippant pour les parents qu’une phalange). On note que le chef manifeste de la bande arbore une large masse capillaire à la mâchoire, signe évident de sa virilité, et des lunettes de soleil pour rester discret malgré tout. En dessous se trouvent les trois frêles indiens qui ne sont que des sous fifres et en arrière plan, le second du chef, véritable cerveau machiavélique de l’affaire qui s’est fait piégé dans ce plan foireux.
Paf, pas le temps de s’arrêter. C’est qu’il y en a d’autres:
Facile me diriez vous? Et bien oui moi aussi je penche pour une annonce de premier anniversaire d’un (ou deux?) charmants bambins. On devine aux coins, les quatre grands parents, les parents et les tueurs professionnels qui se chargeront de vous démolir les ligaments croisés si vous empêchez le gamin d’atteindre son deuxième anniversaire. Admettez que c’est quand même plus classe qu’annoncer ça sur Facebook ou en envoyant des faire parts?
Une autre, en deux parties cette fois-ci (le client est roi, après tout):
Quel beau spécimen que celle-ci. On est troublé par l’apparente jovialité voir hilarité du personnage principal (on note également que son dentiste est une quiche) alors que les deux autres sont très manifestement en train de subir une purge: « Venez passer une grande fête à l’anniversaire de Ravesh avec ses deux frères hypers motivés, hein les frangins? ooooooooouuuuuuuuuaaaaaaiiih. » Bande de crevards. Quand on pense qu’ils vont bouffer gratis ils pourraient quand même se démonter la gueule pour sourire!
Aller et pour finir je vous balance en vrac une belle sélection pour les gourmets que vous êtes devenus, j’en suis certain (au passage on constate qu’il vaut mieux être costaud, barbu et / ou moustachu pour être quelqu’un d’important dans le Tamil Nadu).
Au fait, si vous avez des explications ou des histoires à raconter sur celles-ci, faites m’en part. Je ne m’en lasse pas.