Le musée des horreurs

Il y a à HCMV un musée particulièrement particulier. Je note d’ailleurs que je n’ai pas beaucoup parlé des musées visités en général dans ce longiligne pays. Ce n’est pas bien grave. Il faut bien que j’en garde pour les longues conversations hivernales à mon retour. Mais, même s’il faut que je me répète, celui-ci de musée est vraiment particulier. Il s’agit du musée de la Guerre avec un grand G majuscule, celle qui pue, qui suinte, qui gicle, éviscère, lacère et carbonise. C’est drôle, maintenant que je me relie, cela pourrait décrire une émission de télévision culinaire campagnarde. Vous notez, d’ailleurs, comme j’évite précautionneusement d’utiliser le terme « émission de Maïté » ? C’est pour orgueilleusement toucher un public plus large et ajouter cette touche d’intemporalité à mon billet qu’une évocation d’une émission de télévision forcément contextuelle rendrait désuète pour les générations futures. J’écris pour la postérité, cette ingrate, et elle est exigeante. J’écris aussi pour brader mon stock d’adverbe, manifestement.

Avec toutes ces digressions, vous voilà complètement sortis du sujet qui est terrible aujourd’hui : La Guerre, The War, Das Krieg, bouh que c’est laid (ça, c’est pour la touche Achille Talonesque qui fera plaisir à un certain public de grimpeur). Ne vous inquiétez pas. On va bien finir par en parler de ce foutu musée de la Guerre d’Ho Chi Minh Ville.

A l’extérieur de ce musée, on trouve une habituelle collection de véhicules de l’époque guerre Américaine. Je dis « habituelle » car vu la débâcle et la fuite précipitée « femmes et enfants d’abord » de l’armée US, un grand nombre d’échantillons de chaque char, avion, hélicoptère ou canon fut laissé à la disposition des Vietnamiens. Il est donc très facile pour un quelconque musée du pays de s’en trouver muni. C’était notamment le cas à Hué. Moi, je trouve ça toujours amusant de se trouver à côté d’un avion Phantom F-4 pour de vrai, celui qu’on a vu dans les films, et constater sa relative petite taille. Rassurez-vous, je ne suis pas assez innocent pour imaginer que ce sont là les premières remarques qui venaient à l’esprit d’un paysan vietnamien lorsqu’il voyait arriver ces engins supersoniques en rase motte : « oh, qu’il est petit ! ». Boum.

Mais ça, j’ai envie de dire, c’est pour l’apéritif. Le véritable met principal de ce musée se trouve à l’intérieur du bâtiment parfaitement cubique et bétonné de trois étages. Une exposition permanente et quelques expositions temporaires se partagent le rez-de-chaussée et les deux galeries supérieures. Je ne me souviens pas en détail de la partie permanente qui devait sans doute traiter de la guerre Américaine. Il y avait un cortège de photos et coupures de journaux montrant le soutient à la cause Vietnamienne à travers le monde. Je n’était pas encore né (quoique, finalement, je dois être contemporain de deux ans de la guerre) donc il m’est difficile d’être objectif mais j’ai quand même fortement l’impression que, sur les documents de chaque pays démontrant ce soutien, la très grande majorité proviennent de pays tel que la Tchécoslovaquie, Cuba, la Russie ou signé des partis communistes de pays européens. Ça me laisse un certain sentiment de partialité. Fort heureusement, il y a les habituelles affiches et photos des manifestations américaines, françaises ou suédoises que je ressent, sans doute à tort, comme plus « spontanées ».

Non, le véritable intérêt que j’ai trouvé dans ce musée portait sur les deux expositions temporaires. La première, je vous en ai déjà parlé, évoquait l’hideux impact des agents défoliants, notamment orange, sur la population civile. Quand j’emploie le terme « hideux », ce n’est pas pour faire un effet de style et dépoussiérer un adjectif que j’use peu. Les sujets des photos sont véritablement parfois… indicibles et je ne vous parle pas de certains fœtus conservés dans du formol. Comme on est au Vietnam, ici, on ne prend pas de gants et tant pis si vous y amenez des enfants. Si mes souvenirs sont bons, néanmoins, il doit malgré tout y avoir un ou deux petits panneaux indiquant que le sujet est potentiellement choquant. Moi, je mange du boudin noir et des andouillettes alors plus rien ne me dégoûte. Ou presque.

La deuxième exposition, nettement plus supportable pour l’estomac, portait sur les photographes de cette guerre avec notamment une vaste panoplie de leur photo, la plupart du temps en noir et blanc. A ce propos, j’aimerai tout de suite crever un début de bulle de romantisme. Non, ils n’utilisaient pas le N&B pour faire style. C’est juste que c’était à l’époque parfois le seul film disponible, mais surtout le seul film disponible à haute sensibilité permettant de prendre des photos avec des temps d’expositions courts, indispensable pour saisir l’action. Je vous prie de croire que la pression commerciale des grands magazines de presse auront tôt fait d’imposer la couleur dés que cela deviendra possible techniquement. Rhaaa, voilà que je m’énerve tout seul, dites donc. En tout cas, l’exposition était superbe et on est marqué par le nombre d’entre eux morts pendant cette période. C’est bien simple, toute une génération de grands reporters ont laissé leur peau au Vietnam, Cambodge et Laos notamment des géants comme Robert Capra, l’homme qui avait photographié la guerre civile espagnole et la seconde guerre mondiale, excusez du peu.

A l’époque, ils partaient embarqués dans des unités combattantes, sans pouvoir communiquer avec leurs éditeurs, une poignée de rouleaux de film et deux appareils dans une sacoche armé d’un unique pistolet, pour ceux qui acceptait. Chose incroyable maintenant, ils avaient une quasi totale liberté de mouvement et de sujet. L’armée américaine en tirera une vive leçon en ne reproduisant plus jamais ce mode de fonctionnement. On peu sans aucun doute affirmer que ce sont ces grands photo-reporters qui, en alimentant les grands magazines de l’époque de leurs photos et reportages « neutres », ont alimenté la contestation. Eux et la télévision. D’ailleurs à la fin de l’exposition, un tableau récapitulatif par nation liste les noms des reporters décédés pendant ces événements. La France est dans le top 4 avec les américains. De manière surprenante pour moi, et cela montre sans doute l’intérêt que portait l’opinion publique de chaque pays pour ces faits, les journalistes japonais ont également payé un important tribut.

Après cela, vous pouvez toujours vous réfugier dans un bar-karaoké pour vous changer les idées.

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