Jeudi matin à 10h, c’est la visite guidée gratuite du CBD de Melbourne et il me semble bien vous en avoir parlé alors, s’il vous plait, ne faites pas les surpris. J’ai coché mon nom sur ma liste et à l’heure dite, on se retrouve une bonne dizaine autour de notre guide, un jeune sympathique joufflu à la barbe rase, employé du Greenhouse Backpackers. Pour ne rien changer à mes habitudes, je ne me souviens absolument pas de son nom. Parfois je prend des notes, mais souvent, j’oubli.
Pour que ce soit encore plus sympathique et coller à l’éthique écolo de l’hostel, ce petit tour se fait à pied. Nous partons donc en bande et plutôt que de vous narrer la chose chronologiquement, ce qui serait extrêmement difficile car tout ceci est un peu flou, nous allons aborder ça de manière thématique.
Pour commencer, plantons le décor culturel. Melbourne et l’état du Victoria encouragent beaucoup les arts. On croise donc en ville quelques statues ou « oeuvres » posées sur les trottoirs, directement accessibles par les passants. Au nombre de celles-ci, non loin de l’auberge de jeunesse, se trouve trois statues de bronzes d’hommes aux yeux exorbités tenant des valises, façon voyageur de commerce, posées au coin d’un des trottoirs les plus passants. Preuve que l’art n’est absolument pas guindé dans cette ville, de nombreux passants prennent un malin plaisir à insérer des cigarettes allumées dans la bouche notablement ronde des statues. Pour vous éviter une recherche pénible, j’ai déniché le nom de l’oeuvre, « Three Businessmen Who Brought Their Own Lunch », et d’après ce que j’ai compris ils représentent les trois fondateurs de la ville, revenus au temps présent, figés dans une posture de surprise alors qu’ils la redécouvrent dans son état actuel. L’un des fondateurs s’appelle d’ailleurs John Batman, aucun lien de parenté avec Bruce Wayne.
Une autre œuvre que nous a montré notre guide est une fontaine d’un aspect original. En vérité il s’agit plus d’un mur sur lequel un film d’eau coule. Le mur étant creusé de petites rigoles horizontales et irrégulières, ce film d’eau coule en créant de petites vaguelettes. Mais le plus fascinant dans cette fontaine est qu’encore une fois, les gens se la sont appropriée, peut être d’une façon non prévue par l’artiste. Si l’on place une feuille morte sur le mur, du fait de ce film d’eau et de la surface du mur irrégulière, celle-ci reste collée tout bloquant l’eau qui coule autour, dégageant une forme en dessous. En plaçant plusieurs feuilles à divers endroits, on parvient a créer des formes plus complexes. C’est complètement indescriptible mais c’est extrêmement amusant. Ne me demandez pas ce que cela doit représenter.
Mais une des œuvres d’art les plus connus de Melbourne, et soit disant la plus photographiée (autant dire que de nombreuses personnes de mon groupe se sont senties obligé de le faire), est un gros portefeuille de femme en granite et acier poli de la taille d’un petit canapé, posé par terre sur le flanc, fermé. Du nom de « The Purse », cette œuvre sert également de banc public. Si vous cherchez à faire une photo « cliché » de Melbourne, faites vous photographier en train d’essayer de l’ouvrir. Sinon, contentez vous d’observer les autres le faire, un sourire narquois aux lèvres.
Toujours dans le domaine de l’art, la ville encourage les grafitis. Enfin, disons qu’elle le fait, à condition que l’artiste fasse une demande de permission, ce qui trahi quelque peu la démarche d’origine de la discipline. Plutôt situées dans les allées obscures et ruelles cradingues, la plupart sont vraiment magnifiques voir grandioses. On en trouve également pas mal du côté de Fitzroy, à ce propos. Fait cocasse (vous allez voir, vous allez vous tordre), alors que notre groupe se baladait au font d’une ruelle obscure aux odeurs d’urines, nous vîmes arriver un groupe de collégiens en uniforme accompagné d’un grand barbu hirsutes aux avant bras tatoués coiffé d’un bonnet. Ils eurent droit à un cours particulier de graffiti avec explication de texte de leur guide, celui-ci s’attardant particulièrement sur l’oeuvre d’un graffeur français (cocorico), dont j’ai oublié le nom, à la finesse d’exécution totalement « mind blowing ». Je le cite. Le graf est totalement rentré dans la norme.
Puisque nous sommes dans les allées obscures et odorantes, parlons de boisson et de bars. De l’avis même de notre guide, citoyen de cette ville depuis dix ans, connaître les lieux sympathiques demande un peu d’effort de bouche à oreille. La plupart n’ont pas pignon sur les rues les plus passantes mais dans des allées ou ruelles glauques. C’est parfait, nous y sommes. On trouve notamment dans celle où nous sommes présentement le Croft Institute. Ce bar de nuit accessible par une porte anodine en métal au fond d’une longue allée biscornue, après les poubelles, situé dans un ancien labo pharmaceutique, en a conservé son décor. Je ne vous en dis pas plus, car il se trouve que j’y suis passé lors du pub crawl.
Dans une autre ruelle au nom tout indiqué se trouve le Cherry Rock Bar, institution à Melbourne pour tout ce qui touche à la scène rock. L’anecdote voudrait, d’après notre guide, que Lady Gaga (cette sorte de Madonna version 2), après son concert et lors de sa tournée australienne, aurait téléphoné au propriétaire pour réserver sa soirée privée. Celui-ci, puriste ayant dédié son lieu au lancement de jeunes groupes locaux, aurait tout simplement refusé. A ce propos, la ruelle où se trouve ce bar se nomme AC/DC Lane, comme de bien entendu.
Pour finir sur le chapitre des bars, un autre exemple de concept original concerne le Section 8 Bar. Il a été construit en 24h sur l’emplacement d’un parking à l’aide de palettes de bois. Un container abrite le bar alors que les palettes entassées servent à s’assoir. Ce bar d’extérieur se spécialise, d’après notre guide, dans la musique hip hop. A l’heure où nous y étions, il était désert.
L’alcool c’est bien, mais le café c’est pas mal non plus. Melbourne se targue d’avoir une certaine culture du café. Notre guide, par exemple, en est particulièrement fier et nous a demandé de poser devant l’unique Starbucks croisé afin de nous prendre en photo en train de pointer le pouce vers le bas. D’ailleurs, si vous êtes motivés, cette photo est visible sur la page Facebook du Greenhouse Backpacker autour du 15 aout. Vous pourrez m’y voir avec mon chapeau, depuis disparu. En contrepoint, il nous a amené au plus petit café de la ville, à peine plus grand qu’un gros placard. Il se situe dans un couloir donnant sur le hall d’un très joli immeuble art déco. A l’origine, l’endroit contenait le central téléphonique de l’immeuble, d’ou son nom, le Switchboard Café. Le comble, c’est que leur expresso est également très bon et peu cher, un dollar (mais sans doute est-ce parce que nous y sommes allé avec un groupe). Encore une fois, vous pourrez nous y voir en photo (un peu plus serrés) en train de lever le pouce en l’air.
Maintenant que l’on a bu, il est temps de manger. Fort heureusement, le tour gratuit comprend un repas à prix réduit dans un restaurant chinois de Chinatown. De manière assez surprenante, notre guide nous affirme que celui de Melbourne est le plus grand du monde, y compris devant celui de San Francisco. J’avoue être encore dubitatif. Nous montant donc à l’étage et piochons dans des plats amenés au fur et à mesure. C’est effectivement très peu cher (il me semble bien que c’état quelque chose comme 7$) même si cela était peu copieux.
Le reste du trajet se passe à explorer des galeries marchandes couvertes de l’époque victorienne aux superbes vitraux. De petits magasins originaux s’y pressent, aussi bien que des artisans de toutes sortes, y compris la plus célèbre chocolaterie de Melbourne, Haigh’s. Nous y attaquons la parade des magasins, où chacun à la possibilité d’acheter des biens. Le tour est gratuit, c’est donc de bonne guerre, j’imagine. Heureusement, on sent malgré tout que notre guide a plaisir à nous montrer certains artisans particuliers notamment un fabricant de bonbons qui nous offre à chacun de gouter gratuitement ou bien des diseuses de bonne aventure qui, chacun notre tour, nous font tirer un billet prémonitoire d’une machine. Je peux vous dire qu’il avait complètement faux puisqu’il m’annonçait de grandes choses pour ce jour là. Ou alors je suis difficile.
Nous finissons ensuite par une galerie d’art spécialisé dans le pop art et l’art populaire, extrêmement sympathique. Si je croisais plus d’art de ce type, je crois que j’en achèterai régulièrement. Notre guide m’annonce que c’est sa galerie préférée car ils sont légèrement anti-conformistes et un peu outranciers. Je lève la tête à la devanture pour noter le nom de la galerie et suis surpris d’y lire un mot en français : « outré ». Le plus amusant, c’est que notre guide ne connaissais pas sa signification.
Ainsi s’achève ce tour gratuit hyper intéressant, agréable et sympathique. Fort heureusement, en plus des lieux visités et des anecdotes notés, c’est également l’occasion de papoter avec les autres guidés. Comme je collectionne toutes les nationalités, je discute avec un italien de Bologne, encore une canadienne, deux anglais ainsi qu’un pauvre indien démoralisé. Après avoir immigré de Bangalore, il a trouvé du travail en informatique à Adélaïde. Malheureusement pour lui, les villes australiennes sont loin d’avoir le tumulte indien, Adélaïde n’étant pas la plus tumultueuse des villes australiennes. Résultat, il déprime totalement, seul, loin de la foule grouillante dont il est habitué. Quelque part, je le comprend.
Sur ce, je vais me reposer un peu car ce soir, c’est Pub Crawl.