Hampi, de jour

Pour ceux qui ont perdu le fil de l’histoire à cause de mon précédent billet, je suis à Hampi, site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO, situé dans l’état du Karnataka (plus ou moins au sud-est de Mumbai).

Le site classé englobe Hampi Bazaar (le village) ainsi que plusieurs autres villages dont les noms m’échappent comme la plupart des noms de villes indiennes de plus de deux syllabes. J’en suis navré mais je n’ai absolument pas la mémoire des noms. Je pourrai regarder sur une carte, mais, à l’instant où je vous écrit, vous avez sans doute plus d’internet que moi. DSC_5185_DxOCar ce qui est réellement important, c’est que le site englobe dans une vaste surface de 26km2 un nombre élevé de temples, en divers états de conservation, ainsi que des ruines d’un palais royal. Plus important encore, cette ancienne cité (maintenant réduit à quelques villages) est cité dans le Ramayana. Ce qui est d’au… Hein ? Comment ça vous ne connaissez pas le Ramayana ? Ramayana, enfin ? The Story of Rama, quoi ! Je disais donc que c’est d’autant plus incr… Quoi en-core ? Vous connaissez pas Rama ? Dis donc lecteur ignare va falloir songer à se renseigner un peu ! Sans rentrer dans les détails car j’ai prévu d’écrire un billet tout en profondeur abyssal là dessus, Rama c’est une des incarnations de Vishnu sur terre. Voilà. Ok ? C’est bon ? On peut continuer ?

DSC_5111_DxODonc, Hampi est, d’après les spécialistes, l’antique cité de Vijayanâgara où habitait Hanuaman, le dieu singe, que Rama est venu rencontrer pour demander son aide afin de pouvoir récupérer sa femme, Sita, lâchement kidnappée par Ravana. Un incroyable imbroglio vaudevillesque avec un dieu à la tête de singe dedans. En clair Hampi, ça doit résonner comme Bethléem pour les Juifs ou les Chrétiens, un truc qu’on a lu dans un vieux bouquin et qui remonte à des millénaires. Fort heureusement, il n’y a pas à Hampi de ferveur religieuse particulière. Ni plus, ni moins. Ah si. L’alcool y est interdit.

DSC_5155_DxOMais Hampi, c’était aussi la capitale d’une dynastie de rois dravidiens (attention, mot nouveau tout à fait apte à impressionner le quidam à ta prochaine soirée. Note, note) dont le grand Krishnadeva Raya. Si tu ne le connais pas c’est que ton inculture est au moins aussi grande que la méconnaissance du sujet par l’auteur de ces lignes. Et il n’y a vraiment pas de quoi être fier.

En clair, Hampi c’est du concentré de grands H : Histoire et Hindouisme.

Et pour faire bonne mesure, le cadre géographique est assez sympathique aussi. Au milieu coule une rivière, classique, et tout autour se trouve des petites collines de gros blocs granitiques rose beige. Entre tout cela, on trouve des plantations de bananiers et une végétation relativement importante. DSC_5217_DxOQuelques un des temples sont posés DSC_5226_DxOsur de grandes dalles de granite et des petites tours d’observations sont posées de temps en temps au sommet d’un gros bloc. Le site est donc un curieux mélange de minéral et de végétal. Pour les géologues, je précise que la région fut le siège d’une intense activité en la présence d’un gigantesque volcan. D’où les blocs granitiques.

Après ce rappel factuel, il doit vous cuire de savoir ce que j’en ai pensé de ce site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO (au même titre que le Vieux Lyon, pour situer ce classement un peu bizarre). En tant que français ayant le compliment mesuré, je dirai : « ouaih, c’est pas mal. C’est même pas mal du tout ». Mais laissez moi vous narrer les deux étapes de ma découverte de Hampi, patrimoine de l’humanité tout entière tel que l’a frappé l’UNESCO de son auguste sceau.

DSC_5113_DxOPremière phase, une première journée découverte patrimoniale en compagnie d’un guide officiel permettant d’avoir un aperçu des principaux sites avec le « background » historique et théologique adéquat. Accessoirement pour se la péter en société à mon retour à condition d’avoir pris des notes. Ce que je n’ai pas fait. Mais qu’ai-je vu, qu’ai-je entendu, qu’ai-je senti lors de cette journée ? J’ai pas mal senti le genou droit de mon guide, Veeresh, dans l’auto-rickshaw qui nous trimbalait de site en site. J’ai pas mal entendu le doux vent dans les arbres à côté des écuries d’éléphants (ça fait rêver ça, hein?). DSC_5140_DxOJ’ai pas mal vu de temples aux colonnes sculptées représentant des passages du Ramayana, le petit palais de la reine ou encore sa baignoire de la taille d’une piscine. Côté site archéologique c’était assez plaisant et varié, d’autant plus qu’ils étaient agrémentés des commentaires et explications de Veeresh, malheureusement dans un anglais légèrement approximatif. C’est d’ailleurs grâce à lui que j’ai appris que l’Inde allait rencontrer le Pakistan dans un match de cricket décisif lors de l’International Cricket Competition le 15 juin. On était en plein dans la thématique Ramayana.

DSC_5143_DxOLe moment le plus plaisant de la journée fut l’ascension d’une immense plate-forme surplombant les ruines du palais du roi. Quelques instants auparavant, le guide m’expliquait qu’ici le roi recevez la visite et les doléances de ses sujets sous une immense toile tendue. Il ne m’en fallait pas plus pour, une fois arriver en haut, laissez mon imagination s’envoler. J’imaginai une vaste foule de sujets à mes pieds, aux drapés blancs, safrans ou à moitié nus et, les dominant, assis sur un fauteuil en rotin aux motifs intriqués direct de chez Pier-Import, un maharadja à l’allure noble et altière, à la fine barbe ciselée, vêtu d’un habit couleur perle souligné d’or se reposant à l’ombre tamisée d’une vaste toile de lin qu’une chaude brise des terres viendrait faire onduler. C’est beau et c’est long comme du Le Clezio. Et c’est pas fini. Des serviteurs pieds nus aux torses musclés et aux moustaches en guidon de Harley viendraient éventer leur seigneur et maître avec d’amples feuilles de bananiers achetés 30 roupies à la vieille en sari sale (et donc non souriante) au coin du bazaar, au son hypnotisant de ragas envoûtants joués par un ensemble tablas, sitars et flûtes pendant qu’une troupe de vingt danseuses à la divine souplesse et aux articulations non-contraintes s’emploieraient à distraire leur roi de ses tracas du boulot.DSC_5145_DxO Autour du royal personnage, des éléphants, lascivement assis sur leurs vastes popotins et répondant aux noms de Lakshmi, Lakshmi et Lakshmi viendraient parfaire ce somptueux tableau exotique pendant que les reines en saris multicolores et aux délicates chevilles parées de bijoux d’or sertis de pierres précieuses de lointaines contrées du nord, tenteraient vainement d’apercevoir la scène au travers des corpulents corps sacrés des pachydermes en effectuant de curieux mouvements oscillants de tête d’avec leur cou gracile. Et ensuite j’ai eu trop chaud donc je suis redescendu de la plate-forme. Comme quoi quelques Indiana Jones et films de Bollywood suffisent à se construire un imaginaire. Le voyage est sublime quand la réalité se mélange à la fiction, voilà ce que je dis.

DSC_5218_DxODonc, la deuxième phase de ma découverte de Hampi a eu lieu le lendemain. Je décide de ne pas prendre de guide et surtout pas d’auto-rickshaw mais plutôt de partir à pied randonner autour de Hampi Bazaar. Je supporte pas trop mal la chaleur maintenant (c’est à dire que j’arrive à marcher plus d’une heure sans que cela ne provoque une abrasion de l’intérieur des cuisses). C’est donc parfaitement jouable avec trois litres d’eau. Magnifique idée que j’ai eu. J’ai commencé la ballade par une montée sur Mathunga Hill, une des collines de blocs granitiques surplombant le village. Arrivé là haut je découvre un temple en ruine isolé, un petit vent frais et délicieux ainsi qu’une vue panoramique sur tout le site de Hampi. Il n’y a rien de mieux pour appréhender un endroit. En contrebas j’aperçois le vieux bazaar tout en ligne menant au temple encore en activité qui est le cœur du village de Hampi Bazaar. De l’autre côté je vois DSC_5223_DxOle temple de Vitthalya, en ruine mais dont la structure est pleinement visible de cette hauteur. J’en profite pour rester quelque temps à profiter de l’air frais, du calme et de la splendide vue. Je ne suis interrompu que par deux femmes en sari qui viennent de grimper la colline en claquettes. Encore plus amusant, je les voie redescendre les marches de l’autre côté les fesses par terre. Ça n’a pas l’air d’être très pratique le sari pour ce genre d’activité. Je fini la journée par un circuit longeant la rivière et revenant vers le village, le tout en croisant quelques autres temples en ruine et en lâchant quelques litrons de sueur.

DSC_5200_DxOVoilà, c’est tout pour aujourd’hui. Hari Krishna. Même si je ne sais pas ce que ça veut dire.

En prime, un frêle indien sympathique devant une grosse statue du gros Ganesh (dont je vous narrerai l’histoire bientôt). Le contraste est saisissant, comme le veut le cliché.

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