Deux femmes à Hanoi

Jusqu’ici je ne vous ai point parlé des différentes rencontres, nombreuses, z’effectuées z’au Vietnam. Pour ne point déflorer le suspens, cantonnons nous déjà à Hanoi (je crois qu’il y a beaucoup de trop de N et de A dans cette phrase). Vous aviez le décor (en partie), place aux acteurs. Ou plutôt, place aux actrices.

A Hanoi (n’oubliez pas d’aspirer votre H sinon ça n’a aucun sens), il y a quelques musées. Nous parlerons une autre fois des numéros 2 & 3 mais je me dois d’évoquer le numéro 1 : le musée d’Ethnographie, avec un E majuscule. Une fin de matinée, de retour à l’hôtel de la sérénité (de son nom officiel Hanoi Serenity Hotel, là où tout le monde sourit), j’interroge la charmante demoiselle souriante derrière le bureau de l’accueil à quelle heure le musée 2 (d’Histoire) ouvre l’après midi. Mon guide Lonely Planet indiquait 14h00 mais pour avoir constaté quelques changements depuis l’édition du guide, je souhaitai m’en assurer. Je n’allais pas marcher jusque de l’autre côté du lac et me faire agresser par des xe oms, cyclos, marchands et guides handicapés pour me retrouver devant une grille fermée. Manifestement, le livre était bien à la rue car la fille de l’accueil m’assura que le musée étaient ouvert entre midi et quatorze heures. Ou bien elle n’avait pas compris ma question.

A cet instant, une jeune femme assise devant un des ordinateurs en libre service du hall d’entrée se retourne et me demande, en anglais : « Vous voulez aller au musée d’Ethnographie ? Ça tombe bien j’y vais cet après midi. On peut partager le taxi ! ». Euh, oui, enfin c’est à dire que je voulais voir le musée d’Histoire, moi, cette après midi. Le musée d’Ethnographie il est à l’autre bout de la ville et je voulais y aller demain. Bon et puis finalement, après réflexion, aujourd’hui ou demain, j’accepte sa proposition. L’hôtesse d’accueil nous regarde alors en souriant, limite en tapant des mains comme une petite fille excitée, « Super, vous vous êtes fait une amie! ». Elle est bien émotive, dites moi.

Nous nous retrouvons donc une demi-heure plus tard devant l’hôtel où un taxi nous attends. Pendant le trajet, j’ai le temps de faire connaissance avec Jin Ling (si j’ai l’audition bien en place), chinoise du nord, thésarde en ethnologie. Alors que moi, touriste, je visite les musées pour le plaisir (et pour m’entraîner à rester debout pendant des heures sans tétaniser), elle y va pour travailler sur sa thèse dont le thème est les minorités ethniques du nord du Vietnam, frontalière du sud de la Chine (Si, si. La géographie est formelle sur ce point. Le nord du Vietnam est attenant au sud de la Chine). Comme elle parle un excellent anglais, elle m’apprend qu’elle a passé quelques années à Ithaca dans l’état de New York travaillant pour un laboratoire d’ethnologie avec qui elle collabore encore. Du coup, je lui apprend que moi aussi, j’ai vécu dans l’état de New York étant petit et on discute de New York, New York, la grosse pomme. A ce propos, je reste dubitatif quand elle m’avoue préférer Shanghai à New York car elle trouve la seconde plus sale. Tout cela mérite investigation. Bref, finalement, arrivé au musée nous réglons la note, que Jin Ling tente de négocier à la baisse. Oui car physionomiste qu’elle est, elle n’a pas manqué de remarquer que le chauffeur de taxi était le même que celui qui l’avait amené au musée hier. Sauf que le prix de la course avait pris 20 kilo-dongs entre temps.

Je la laisse donc retrouver ses collègues de travail et j’attaque la visite du musée. Mais ceci est une autre histoire. Sachez juste, car le thème du transport me passionne, que ma course de retour par taxi m’a coûté environ 30% plus cher qu’à l’aller. Une histoire d’heure de pointe, parait-il.

Quelques jours plus tard, je me retrouve devant l’entrée du petit pont rouge menant au temple du lac Hoan Kiem, balayant les vendeurs de babioles tel des mouches. J’attends l’arrivée d’une certaine Thuy, vietnamienne contactée via le site CouchSurfing. J’avais envie de rencontrer un véritable habitant de Hanoi et il se trouve que Thuy venait de rentrer d’un mois enthousiaste à Paris. Nous avions donc chacun de quoi répondre aux questions de l’autre. Nos premiers échanges en anglais par mail me laisse présager d’une conversation fluide dans la langue de David Beckham (Shakespeare c’est un peu cliché aussi, comme Molière). Avec un peu de retard, je vois arriver une vietnamienne trentenaire plutôt grande habillée en tailleur blanc, un smart phone et un sac à main, juchée sur des chaussures à talon. Une sorte d’executive woman classe à la sauce Hanoi.

Elle commence par s’excuser de son quart d’heure de retard. Ce n’est point grave, je viens de Toulouse vous savez, le retard des autres, ça me connaît. Ensuite nous décidons d’aller boire un café vietnamien pour se mettre au frais. Chic, il paraît que c’est une spécialité. Je vais donc pouvoir tester cela. Rapidement au cours de ces premiers échanges, je me rends compte que son anglais oral n’est absolument pas à la hauteur de son anglais écrit. Ça ne va pas être si fluide que ça, et même plutôt heurté comme conversation. Nous nous installons finalement au premier étage d’un établissement un peu classouille surplombant le lac Hoan Kiem et je commande un milk shake au café, à défaut de café vietnamien. Le lieu en question est plus un café à l’occidental servant des boissons à l’occidental qu’un repère de spécialités locales. Mais peu importe.

Nous entamons donc la discussion et je parle de mes premières impressions de Hanoi et du périple que j’ai prévu jusqu’au sud du pays. J’évite de poser des questions trop compliquées car son français est quasiment inexistant et son anglais, très perfectible. Je découvre rapidement la source de son excellent niveau d’anglais à l’écrit en la regardant sortir son smartphone et tapoter dessus pour trouver la traduction d’un mot. Forcément, ça ne rend pas la discussion plus fluide. Malgré tout, tout cela est assez intéressant car elle m’apprend qu’elle est partie un mois à Paris dans le cadre d’une formation de marketing à Science Po (rien que ça, même si on se demande se que vient faire le marketing à Science Po). Après avoir vécu quelques jours à Anthony chez des amis (aaah, la diaspora vietnamienne) elle est parti habiter dans un petit appartement dans Paris même, du côté de République. Manifestement, financièrement elle était drôlement aidée, mais je n’ai pas réussi à comprendre si c’était grâce à une bourse, sa société ou via ses propres deniers.

Finalement, je dois interrompre la conversation car j’ai un train à prendre dans une heure pour quitter Hanoi. Très gentiment elle me propose de m’amener à la gare avec sa moto. Waouuh ! C’est complètement sexy ça de se faire amener en moto à la gare piloté par une jeune et jolie vietnamienne ! Ceci dit, j’avais beau me triturer le cerveau, je ne voyais pas trop comme on pouvait tenir à deux avec un gros sac à dos de 40 litres bourré à craquer et un deuxième plus petit pesant 10kg sur un scooter. Mais à l’époque je découvrais à peine le Vietnam. Depuis j’ai vu des vietnamiens transporter six carcasses de cochons adultes sur une mobylette hors d’âge ou carrément un congélateur. Du coup, j’ai décliner l’offre malgré son insistance en lui expliquant que j’étais vraiment chargé et que c’était beaucoup beaucoup trop dangereux. Non, mademoiselle, soyez raisonnable, enfin.

Manifestement, elle ne voyait pas trop où il était, le danger. Et elle a du me prendre pour une poule mouillée.

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