Darwin

Darwin n’est pas une ville typique d’Australie bien que Darwin soit une ville typiquement Australienne. Je manie la contradiction comme Zidane un ballon de foot. Je me permet d’affirmer tout et son contraire car Darwin est les deux à la fois, mais également pour trouver encore et toujours une façon originale de commencer un billet, ce qui est toujours le plus dur. Petite astuce d’ailleurs, si vous vous retrouvez en face d’une page blanche sans inspiration, écrivez n’importe quoi genre « prout, caca boudin, pouet » et enchaînez. Grâce aux outils modernes de l’informatique, il sera toujours temps d’y revenir et de trouver un début adéquat et seyant. Là, par exemple, vous n’en savez rien mais j’ai commencé par « foutus ricains de merde », ce qui a un sens pour moi présentement mais aucun dans le contexte de ce billet. Fin de la digression.

Darwin est un peu à part en Australie pour plusieurs raison. Tout d’abord, géographiquement, c’est la ville la plus isolée du pays, et c’est beaucoup dire. En vérité, l’agglomération la plus proche doit se trouver quelque part dans l’île du Timor, au nord, de l’autre côté du détroit, c’est à dire en pays étranger. Ensuite, c’est la seule agglomération Australienne ayant subit des bombardements lors de la seconde guerre mondiale. Voilà ce que c’est que d’aller s’isoler tout seul dans un coin. On se fait taper dessus par des plus forts que soit. Troisièmement, c’est la seule ville Australienne à avoir été frappé par un typhon et quasiment entièrement détruite dans le processus. Pour votre culture générale, cela a eu lieu en 1974. Quatrièmement, c’est la seule capitale d’un des états australien qui n’en ai pas vraiment une. Mais là, je tire un peu sur vos cheveux car en réalité, bien qu’hébergeant le parlement des Territoires du Nord, elle n’est pas techniquement une capitale d’état dans la mesure ou les Territoires du Nord ne sont pas un état. Si vous étiez attentifs vous comprendrez que ce sont des territoires. C’est marqué dessus, bon sang. Ils dépendent administrativement de l’état fédéral à Canberra. Autant dire que, là haut, c’est le far west.

Avec tout ces malheurs et contre-indications on se demande ce qui a bien pu pousser les anglais à créer une ville là haut, toute seule au milieu de nulle part. La raison en est fort pragmatique car il s’agit du point d’arrivé de la ligne de télégraphe reliant l’Australie à la Grande-Bretagne. Oui, à un moment donné de l’histoire, le gouvernement britannique en a eu assez d’attendre six mois pour avoir des nouvelles de là bas. Déjà qu’on trouve cela pénible d’avoir des discussions sur internet avec un retard de plus d’une seconde, imaginez quand il faut attendre six mois après chaque question :

« Salut Robert, comment ça se passe là bas depuis la dernière fois ?

  • Salut Victoria, ici ça se passe plutôt bien mais pourriez-vous nous envoyer du boeuf, STP ?
  • Salut Robert, désolé mais Victoria vient de nous quitter. Maintenant c’est George qui te parle.
  • Ah bonjour George, ici c’est James. Robert a été bouffé par un requin. C’est gentil d’avoir pensé au bœuf mais on s’est mis à bouffer du kangourou entre-temps.

Depuis, malgré les deux destructions successives du vingtième siècle, la ville a légèrement grossi. On ne peut pas vraiment dire que ce soit une cité car la population est certainement de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de personnes, légèrement plus pendant la saison touristique. Par contre, les australiens étant un peu comme tout le monde, ils se sont un peu étalés. Faut dire qu’ils ont de la place, là bas, et le relief inexistant réduit considérablement les prises de têtes pour ce qui est de l’aménagement du territoire. C’est donc essentiellement un joli quadrillage de grandes rues avec un centre dédié à la restauration, au divertissement et au tertiaire. Tout autour se trouve des quartiers résidentiels de maisons individuelles. Bien entendu, il y a quelques exceptions et on peut tomber de temps en temps sur des immeubles d’habitations luxueux en dehors du CBD ainsi que quelques magasins. Néanmoins, ne comptez pas trop sur une quelconque vie de quartier.

La ville vit essentiellement du tourisme du fait de sa situation très au nord du pays qui lui octroi une météo tropicale quasiment toute l’année. En réalité, l’année se divise en deux saisons, une sèche et une humide. La sèche, pendant l’hiver australe, bénéficie de températures clémentes autour de 30°C la journée et 22°C le soir ainsi qu’une absence totale d’humidité. C’est la pleine saison touristique. Pendant la saison humide, les températures montent à 40°C le jour et 30°C la nuit avec une humidité et des précipitations extrêmes. C’est la saison morte.

L’autre activité économique de la ville provient de son port, point d’exportation des produits miniers de l’intérieur du pays. Tout ce petit monde est relié au reste du pays par un va et vient de road-trains, les fameux camions tirant plusieurs remorques.

Trois facteurs expliquent un niveau de prix relativement élevé à Darwin. Tout d’abord, j’y suis pendant la haute saison touristique. Ensuite, elle est isolé donc la majorité des biens sont « importés » par road-train. Et finalement, de nombreux habitants travaillent pour les industries minières, très généreuses en salaire. Voilà, avec tout ça, vous en savez autant que moi sur cette ville, et ça me permet de cesser ce désagréable ton doctoral.

Fatalement, vous devez vous demander quel est l’intérêt d’y foutre les pieds. Tout d’abord, moi je ne vois pas pourquoi lorsqu’on visite un pays on devrait forcément se cantonner aux belles architectures et au musée. Si la majorité du pays est moche, il faut s’y plonger. En plus, moi je trouve ça amusant de débarquer dans une petite ville plutôt que d’aller vers la facilité en atterrissant à Sydney, comme n’importe quel lambda. Troisièmement, c’est le point d’accès aux parcs nationaux de Litchfield, au sud, et Kakadu (nom ridicule, je le concède), à l’est. Finalement (ce billet sera décidément truffé d’énumérations), si vous n’êtes toujours pas convaincu, c’est aussi l’occasion de prendre un peu le soleil et la chaleur en plein hiver australe et profiter de la plage. Car plage il y a, chers amis, cocotiers et eucalyptus compris.

DSC_6330_DxOA Darwin, une fois avoir déambulé dans le CBD, pris un café à 3€ en terrasse et profité du petit parc surplombant une mer turquoise, qu’est ce qu’on peut bien voir ? Vous pouvez visiter l’unique bâtiment administratif survivant du typhon, un magnifique petit bâtiment du 19ème siècle de plein pied aux briquettes peintes en blanc. Pardon, je m’emballe : un petit bâtiment de plein pied aux briquettes peintes en blanc. Il semble chéri ici comme si c’était le château de Chambord.

DSC_6345_DxOBon, ensuite, qu’est ce que je peux vous proposer de bien ? Ah oui, vous pouvez aller faire un tour au musée de la ville, fort sympathique (et je suis sincère). Au passage, y aller suppose une longue marche à pied le long de la baie extrêmement agréable (quand je vous dit qu’ils se sont étalés, ces cochons). Le musée propose des expositions sur la faune locale, notamment un crocodile de 4m de long empaillé, une collection de bateaux, y compris un véritable vaisseau emprunté par des boat-peoples (le lien avec le Vietnam) et aussi une section aborigène.

DSC_6348_DxOEnsuite, ensuite. Qu’est-ce qu’on va bien pouvoir faire ? On peut se baigner. Oui, oui, oui. Voilà. C’est sur, il y a la mer. Ensuite. Bennnn, on peut regarder un ponton de la deuxième guerre mondiale. Ça, c’est fait. Après, euh, on peut se jeter une bière à 6€ (¾ de pinte). Si on est vraiment hyperactif, on peut aller admirer le bâtiment moderne abritant le parlement. Oooh, c’est bô. Okaaaay. Comme on est des fous de culture locale, on peut également aller faire un petit tour aux supermarchés Coles ou Woolworth admirer les prix. Accessoirement, ça permet de profiter d’une petite climatisation fort agréable. Si le cœur vous en dit, vous pouvez aller faire une petite marche dans les quartiers résidentiels pour faire semblant d’être dans un épisode des « Desperate Housewives », version Aussie. Ensuite, bon, ben, ensuite, j’veux dire, heuu, on peut aller se manger un petit steak frite à 20€, ma foi. Pfffiouu, belle journée, dites donc.

Ouaih, ouaih, ouaih.

DSC_6337_DxOLa journée commence à décliner (sous les tropiques, la nuit tombe sans prévenir) et un sourire de joie se dresse sur nos visages. Maintenant, enfin, il y a un truc vraiment différent à faire. Le petit bijoux de Darwin, cette petite bulle de culture grand public parmi un océan de consumérisme, se trouve au bord de la baie, au pied des falaises bordant le CBD. Je vais être franc, j’y suis allé deux fois de suite. Tous les soirs à 19h, le Deckchair Cinema, cinéma en plein air, vous propose une séance à un prix raisonnable (12€, c’est donné) dans un environnement original avec une programmation à l’éclectisme digne de l’Utopia (référence Toulousaine).

Parmi les eucalyptus et quelques cocotiers, vous vous asseyez dans une chaise longue face à l’écran. Des coussins sont disponibles gratuitement pour vous ajuster au mieux et si vous avez faim, un plat du jour peut même être consommé sur place. Lors de ce début de soirée fraîchissant (se munir à ce propos d’une petite laine et d’un répulsif anti-moustique), en attendant la projection et pendant que les chaises se remplissent tranquillement, observez l’écran se détachant sur un ciel crépusculaire. Une petite brise fait onduler les feuilles au-dessus et de temps en temps, une chauve souris traverse votre champs de vision. Dans les arbres, quelques cacatoès blancs à crêtes jaunes attestent votre présence hors d’Europe. Puis soudainement, un possum entame la périlleuse traversée de l’écran en s’agrippant au sommet. Les insectes grésillent. Lorsque la nuit est parfaitement tombée et que la Croix du Sud apparaît au dessus de vous, la séance peut commencer.

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