Après quasiment quatre jours pleins à Hanoi, j’ai commencé à détecter un schéma assez particulier au niveau vestimentaire. Je vous rappel tout d’abord, qu’étant un adepte du camouflage culturel, mon accoutrement s’adapte habilement en fonction de l’endroit où je suis. En Inde, dress code très strict: pantalon plus chemise avec chaussure de marche de peur de me faire violer. Au Vietnam, après vingt quatre heures, tel le caméléon, je déduis que pour me fondre dans la masse grouillante d’homo sapiens sapiens locaux, il faut que j’adopte un tout autre code vestimentaire (notez comment, habillement, j’évite une répétition en passant d’une langue à une autre).
Le vietnamien moyen dans la rue s’habille en été (je ne peux conclure quand à l’hiver) comme s’il était sur le front de mer de la Grande Motte autour du 15 août. Au menu, tongue / schlappe / slache / claquette / gougoune, T-shirt voir débardeur et short. C’est autrement plus décontracté qu’à Pondichéry. N’ayant pas ça en stock, j’ai du faire le plein.
J’ai donc pris les devants et ai décider d’acheter des T-Shirts à Hanoi. Je vous épargne ma lamentable négociation tarifaire où j’ai réussi à arracher avec force habilité trois T-Shirts à 600 kDongs le tout (soit tout de même prêt de 10$ chacun ce qui n’est pas vraiment un exploit. Je me rassure en disant que ce sont 10$ qui n’iront pas dans la poche de Nike mais directement dans celles d’un vietnamien). La vendeuse m’a assuré avec beaucoup de passion en me montrant l’étiquette que c’était du « Made in Vietnam » et non pas de la merde « Made in China ». Je n’étais personnellement pas du tout au courant que le « Made in Vietnam » était signe de qualité à la manière d’un « Made in Germany ». J’avais donc maintenant trois éléments essentiels pour mon camouflage : un T-shirt gris clair arborant la marque locale « Tiger Beer », un autre noir avec un joli motif chinois blanc et un kaki dont je n’ai aucun souvenir car je l’ai paumé entre temps. Ça fait donc les deux T-shirts à 15$ maintenant. C’est pour vous dire comme je suis fin négociateur.
Pour ce qui est des chaussures, je suis allé me balader du côté du marché couvert et après avoir longuement arpenté les allées à la recherche de la meilleure affaire pendant environ deux minutes, j’ai acheté une paire de tongues / schlappe / slache / gougoune / claquettes de la très bonne marque « Eagle » pour un prix défiant toute concurrence chinoise avant de me rappeler dix minutes plus tard que mon cerveau quasiment bilingue gavé de publicités et de marques avait confondu avec « Aigle ». Mais au moins, j’avais les doigts de pieds à l’air et je faisais couleur locale. Accessoirement, j’ai eu atrocement mal au sommet des pieds pendant deux jours du fait de l’abrasion répété sur ma peau non habituée. C’est le prix à payer pour une bonne infiltration en territoire ennemi comme vous le confirmera n’importe quel S.A.S. en mission. Depuis ça va beaucoup mieux merci, et je les porte encore à l’heure où je vous écrit.
Autant vous dire que le deuxième jour à Hanoi, bien que soufrant atrocement au bout d’un kilomètre de marche, je me sentais particulièrement discret. Ce qui n’était absolument pas le cas après une deuxième analyse plus subtile. Premièrement, regardons le touriste de base, camouflé en vietnamien du même acabit. Il porte un T-shirt arborant une marque de bière locale, un joli dessin de Tintin marqué « Tintin au Vietnam » sorti de nul part (non, Tintin n’est jamais allé au Vietnam) ou encore portant le slogan « Hanoi Traffic » (ce qui est parfaitement ridicule et surfait, encore une fois). Si maintenant nous comparons avec un vietnamien du cru, lui porte un T-shirt avec l’inscription « Channel » en corps 240 hurlant d’authenticité, un polo de marque Ralph Lauren avec un joueur de polo en bas relief qui lui couvre tout le poumon gauche ou bien encore un logo « Abercrombie » sans le « Fitch » car il n’y a plus de place disponible ou alors sur un deuxième T-shirt.
Avoir le T-shirt c’est bien mais il ne faut surtout pas négliger la façon de le porter. De nombreux touristes caméléons un peu distraits se contente de le glisser par dessus la tête en insérant leurs deux bras de chaque côté dans les deux derniers trous restants, en gardant l’étiquette côté nuque, le tout recouvrant leur corps du bas du cou jusqu’en dessous de la taille. Ils constateraient avec un peu plus d’attention que le vietnamien moyen, s’il est en mode stationnaire pendant une longue période exposé à une température élevée roule le bas de son T-shirt jusqu’en dessous de ses tétons pour exposer ainsi son abdomen et son dos nu à l’air ambiant. Ne point faire cela trahi instantanément sa provenance outre-asie.
Deuxièmement, et là c’est vraiment un faute d’attention majeure de la part du touriste, là où celui ci sort couvert d’une casquette ou éventuellement d’un chapeau conique, le vrai vietnamien ne porte rien ou alors un casque de mobylette (éventuellement un chapeau conique si c’est une vieille dame portant des fruits mais dans ce cas elle n’a pas de T-shirt). C’est quand même pas difficile de le voir ça, enfin ! Certes, ce n’est pas très pratique d’avoir pendant une longue période un casque sur le crâne mais premièrement, personne ne vous oblige à porter le casque intégrale. Une bête réplique de casque allemand de 39-45 fera l’affaire. Deuxièmement, si vous avez pensé à l’habit j’espère pour vous que vous avez également pensé à vous munir des accessoires adéquate à votre camouflage. Dans ce cas, la présence d’un deux roues motorisé non loin de vous semble indispensable. Le casque devient alors un élément de cohérence.
Pour ce qui est des femmes, n’hésitez pas, pour faire couleur locale (notamment à Hanoi ou Saigon) à porter le short très très court, au ras des fesses comme on dit. C’est effectivement un virage à 180° par rapport à l’Inde. Si cela vous semble trop extrême vous pouvez opter pour le très charmant costume traditionnel constitué d’un pantalon de soie blanche et de la célèbre tunique de soie coloré, longue et coupée sur le côté jusqu’aux reins, laissant un carré de peau à nu de chaque côté des hanches. Trèèèèès joli. Il ne vous reste plus qu’à prier de trouver un costume à votre taille et à votre corpulence notamment si vous êtes une nageuse hollandaise ou une caissière américaine.
La troisième voie, pour vous mesdames, surtout si vous êtes dans des villes ou villages de moindre importance, consiste à s’acheter des chaussettes en forme de mittens permettant de porter des tongues / slache / gougoune / claquettes / schlappe, à glisser vos mains dans des gants, de couvrir vos bras et votre tête d’un haut de survêtement à capuche, porter un pantalon et surtout, de trouver un de ces fameux masques en tissus anti-pollution que vous attacherez derrière vos oreilles. Accessoirement, vous ne bronzerez absolument pas. Dans ce cas, hormis votre taille et votre corpulence, rien ne pourra trahir votre origine géographique à condition que vous ne fassiez aucun effort particulier pour harmoniser ces éléments. Pantalon rose sur haut à capuche jaune à fleur bleu fait encore plus couleur local.
Voilà, je vous laisse faire vos courses. Vous avez amplement de quoi vous occuper.